Nintendo Switch

Road 96

Test Switch

Road 96

Par babidu - Le 16/08/2021 à 12:52

Road 96 est un jeu de road-trip narratif généré de manière procédurale, chaque événements, chaque personnages ou situations rencontrées par les joueurs ne sont pas prédéfinis par avance mais par nos décisions et par l'aléatoire. Est-ce suffisant pour être révolutionnaire ? Est-ce que ce caractère aléatoire nuit à la qualité globale du jeu ? C'est ce que nous allons voir ici et maintenant dans ce test du jeu des français de DigixArt.

Un voyage procédural ?

L'expérience Road 96 est assez complexe à décrire, vous incarnez un ado autostoppeur qui cherche à fuir par tous les moyens possibles et imaginables d'une dictature dystopique comme beaucoup de jeunes de votre âge. Au niveau du gameplay, le jeu se joue à la première personne à la manière d'un point & click, vous pourrez choisir vos dialogues parmi les réponses proposées, interagir avec les objets et les personnages ou encore prendre part à la floppée de mini-jeux et d'activités diverses que le jeu propose, ces activités restent très simples dans leurs fonctionnements et à prendre en main, en un mot Road 96 est intuitif. Vous passerez la plupart de votre partie à vous balader et dans les dialogues du jeu. Le jeu est découpé en épisodes, chaque autostoppeur que vous allez incarner, en effet, après chaque tentative réussie ou non d'atteindre la frontière du pays et de la traverser, vous changerez d'adolescent autostoppeur et recommencerez votre périple. Ainsi vous n'allez pas incarner un seul et même personnage durant l'intégralité du jeu mais toute une poignée, c'est très bien fait et après chaque épisode (c'est le terme utilisé par le jeu pour chaque tentative) vous n'aurez qu'une envie, celle de vous relancer dans le jeu pour recommencer la traversée, tenter de nouvelles choses et surtout faire toujours plus de rencontres sur la route. Vous serez en mesure d'atteindre plusieurs types de fins à ces épisodes, une fin heureuse ou plus triste, vous pourrez par exemple finir arrêtés ou même morts... Durant notre partie d'une dizaine d'heures nous avons réussi à traverser la frontière avec 6 autostoppeurs différents, deux de plus sont morts durant le périple et un dernier s'est vu arrêté par la police en cours de route.

On ne s'ennuie jamais dans Road 96, le rythme de l'aventure est très soutenu et chaque voyage est différent. Il y a des détails et des secrets partout, le voyage est vraiment continu, les découvertes régulières et donnent envie de tout voir dans ce monde si riche et surtout de rencontrer tous les personnages qui peuplent Pétria. En effet, le jeu entier tourne autour des différents personnages à rencontrer (plusieurs fois) dans le monde et autour de leurs intrigues, respectives et qui s'entrecroisent, à faire avancer. Au nombre de 7 (dont un duo) ces personnages importants à rencontrer sont ceux qui permettent de mesurer votre avancée dans le jeu, impossible de passer à côté d'eux puisque l'aléatoire du jeu vous dirigera naturellement vers eux et guidera ainsi vos rencontres. Le jeu n'est en aucun cas entièrement procédural, ce sont les rencontres, leur ordre d'apparition et les différents dialogues durant celles-ci, qui seront déterminées par vos choix et par une dose d'aléatoire. Toutes les rencontres peuvent se faire dans n'importe quel ordre, évidemment ce n'est pas vous qui déciderez qui rencontrer mais vous pourrez quelque peu les orienter en faisant certaines actions, tentez par exemple de vous déplacer en taxi si vous souhaiter rencontrer l'un des personnages les plus marquant et le plus terrifiant du jeu, faites du stop pour augmenter vos chances d'en rencontrer un autre et ainsi de suite. Cependant c'est toujours le jeu qui décide et c'est très bien fait, de cette diversité et du caractère aléatoire du jeu naissent le rythme effréné du jeu et empêche à celui-ci de tourner en rond. Ne cherchez pas à rencontrer toujours le même personnage pour faire avancer l'intrigue, ce n'est simplement pas possible, soyons clairs vous ne pourrez pas décider de votre prochaine rencontre. En quelque sorte, ce caractère procédural sans l'être permet une grande flexibilité dans le jeu et ainsi une rejouabilité, sans pour autant faire baisser la qualité globale du jeu puisqu'en fait, rien n'est aléatoire si ce n'est l'ordre des événements et certaines situations, à notre sens c'est le meilleur des deux mondes et cela donne au jeu ses moments d'anthologie. Chaque partie sera donc belle et bien différente mais seulement dans sa composition pas dans ses fondations. 

Un Road-Trip Narratif

Si votre partie contient son lot d'aléatoire comme nous venons de le voir, rien n'a été laissé au hasard. Road 96 possède son propre univers savamment construit, sa propre histoire très riche et ses personnages si profonds, touchant et humains. Du routier qui vous viendra toujours en aide, à la policière en proie à une crise existentielle sur la vraie nature de son travail en passant par la star de télévision complètement délurée, la galerie de personnages que vous allez rencontrer est haute en couleur ! Vous aurez plaisir à les fréquenter, à les aider dans leurs problèmes et surtout à voir leurs évolutions au gré de vos voyages. Leurs intrigues sont bien ficelées, cachent de nombreux secrets notamment sur le passé de Pétria qu'un événement 10 ans plus tôt a bouleversé. Chacun ont leurs motivations, leurs raisons de se battre pour ou contre ce gouvernement totalitaire. En effet, l'intrigue du jeu tourne complètement autour de ce régime dictatorial, vous aurez le choix entre simplement quitter le pays ou tenter de changer les choses de l'intérieur en encourageant les révoltes ou bien en incitant les gens à voter pour une candidate opposée au régime. Au fil de vos parties vous verrez les quelques changements, notamment au sein des dialogues, que vos actions passées ont déclenchés, cela rend le monde extrêmement vivant et cohérent et vous donnera envie de changer les choses plutôt que de simplement passer la frontière, vous aurez véritablement envie d'aider les habitants de Pétria. 

Le pays est le personnage principal du jeu, vous saurez tout de lui, son passé, sa situation actuelle désastreuse et enfin son avenir lorsque vous attendrez la fin du jeu. Il y a une conclusion à l'histoire, celle-ci est même datée dès vos premières minutes de jeu via une date, le 9 septembre 1996, jour de l'élection opposant Tyrak le dictateur actuel à Flores, une candidate prêchant pour une nouvelle voie pour le pays. À mesure que vous avancerez dans le jeu, cette date fatidique se rapprochera de plus en plus, changeant la donne, rendant la situation plus tendue et surtout en faisant avancer considérablement les différentes intrigues. Vous n'aurez probablement pas tout vu lors de votre premier run mais une fois la fin du jeu atteinte vous aurez la possibilité de déclencher un "New Game +" spécial vous permettant de boucler à 100% toutes les intrigues de personnages, nul besoin de vous presser donc pour faire les choses, de plus le délai de trois mois ingame donné par les développeurs pour atteindre la fin est très raisonnable, il semble d'ailleurs que le jeu ajuste celui-ci en fonction de votre vitesse. L'aventure est donc bien rythmée, bien dosée, bien ficelée et surtout bien écrite. Les dialogues sont très efficaces et se lisent/s'écoutent très facilement, on n'a jamais l'envie de les passer, attention cependant le jeu est bavard et laisse moins place à la contemplation de paysages qu'aux longues discussions sur la vie à Pétria dans les années 90. La narration est au centre du jeu et toutes ses qualités d'écriture et de construction de son univers donnent au jeu sa place aux panthéons des plus grands jeux narratifs, une prouesse quand on voit la taille de l'équipe de développement. 

Au niveau des inspirations cinématographiques et de l'envie première de faire du jeu un excellent road trip, nous pouvons vous affirmer que DigixArt a bien fait les choses. Le jeu est une ode au voyage, les paysages et les rencontres défilent à la vitesse de l'éclair, si quelques fois vous revisiterez deux lieux se ressemblant étrangement ou plusieurs fois le même lieu (au hasard, la frontière) le sentiment de dépaysement et de voyage en pays étranger est bien présent. Vous visiterez des motels, des stations-service habitées ou non, des fêtes sauvages, une limousine, un poste de frontière....etc... de quoi en avoir pour quelques heures de visites ! Avoir la possibilité de partir de chaque lieu en stop, en bus, à pied ou même en volant une voiture, renforce l'impression de vivre une vraie épopée, la variété de choix et la possibilité de toujours suivre notre propre voie renforcent cette sensation de liberté que le jeu nous donne. C'est notre voyage en Pétria et pas celui tracé par le jeu, en tout cas nous en avons l'illusion. C'est aussi une expérience visuelle que de voyager en Pétria, atteindre la frontière, symbolisée par une montagne visible la plupart du temps matérialise notre but et nous pousse à toujours avancer dans sa direction, même si graphiquement et techniquement le jeu n'est pas du tout révolutionnaire...

Une aventure plus poétique que technique

Visuellement, le jeu ne vous mettra pas une claque. C'est graphiquement correct mais certaines textures viennent souvent nous rappeler la taille de l'équipe de développement pour un jeu si vaste. La direction artistique du jeu fonctionne mais n'est pas non plus son point fort, les personnages sont aussi expressifs que la simplicité de leurs traits leurs permettent, cela fissure quelque peu l'immersion sans la briser. Au niveau de sa technique le jeu souffre d'un framerate assez douteux, de chargements plutôt longs qui semblent montrer à quel point la version Nintendo Switch n'est pas des plus stables. À notre que nous n'avons eu aucun problème de sauvegarde, de crashs ou autres malgré la sensation que la console avait du mal à charger le jeu. Enfin au niveau du système du jeu vous permettant de vivre les événements et les rencontres dans un ordre aléatoire tout en faisant faire référence les personnages à vos actions précédentes, cela fonctionne parfaitement bien, jamais nous n'avons eu un personnage ayant oublié notre existence ou celle d'un ancien autostoppeur ou bien encore faire référence à des choses qui ne se sont pas produites encore. L'équipe de DigixArt va jusqu'à pousser son système au bout en mettant des clins d'œil à nos anciens passages partout afin d'en montrer sa perfection, en aidant le jeune développeur Alex à créer son jeu vous pourrez par exemple jouer à la version du jeu que vous avez choisie sur certaines bornes d'arcade.

Au niveau sonore c'est un sans-faute malgré un doublage uniquement en anglais, le jeu est évidemment entièrement sous-titré en français, les acteurs sont bons et la quantité de dialogues déclamés est colossale, nous parlons d'heures entières de conversation audio. Passé le problème des voix uniquement en anglais, il nous reste à parler de la musique du jeu, et quelle musique ! DigixArt a mis les petits plats dans les grands en proposant une bande-son totalement originale et composée pour le jeu par de grands artistes tels The Toxic Avengers, Cocoon, Volkor X ou encore Robert Parker. L'univers sonore qui vous accompagne tout au long de vos voyages vous fera probablement tomber amoureux du jeu et vous donnera envie de vous relancer constamment dans l'aventure. Certains thèmes de personnages sont marquants et reconnaissables immédiatement. Vous pourrez d'ailleurs collectionner les cassettes audio afin de pouvoir emporter cette superbe OST partout avec vous et l'écouter en continu, encore faudra-t-il trouver lesdites cassettes ! En quelques mots, les points que le jeu ne marque pas avec sa technique sont rattrapés par les points marqués par sa bande-son et par sa richesse visuelle au niveau de ses paysages.

Si vous souhaitez en apprendre plus sur le jeu, nous pouvons vous conseiller notre entretien avec le créateur de DigixArt, Yoan Fanise réalisé quelques mois avant la sortie du jeu, cliquez ici pour y accéder.

 

8.5
Road 96 est à la manière d'un vrai voyage, irrésumable si vous ne l'avez pas vous-même vécu. Ce jeu est une aventure perpétuelle sur fond de road trip dans une dictature, au gré de vos voyages pour quitter ce pays vous en apprendrez plus sur son histoire, son passé mais aussi et surtout ses habitants au travers de rencontres marquantes avec les personnages qui composent le jeu. Ce sont eux les véritables héros du jeu, vous n'incarnerez que l'étincelle qui permettra aux feux de la révolution de prendre dans leurs cœurs. En les aidant, en discutant avec eux vous réussirez ou non... à quitter le pays ou à le faire changer de l'intérieur. Si la technique et les graphismes pas révolutionnaires du jeu ne vous font pas peur, faites votre sac à dos, la route 96 vous appelle !

  • Un vrai voyage
  • La sensation de vivre un road trip dépaysant
  • La narration bien écrite et bien ficelée
  • Le système de rencontres aléatoires
  • Une galerie de personnages très touchants
  • Un univers bien construit et vivant
  • Énormément de diversité dans les événements et les activités proposées en jeu
  • Une vraie bande-son composée pour renforcer l'impression de vivre un road-trip
  • Techniquement pas très beau
  • Pas stable
  • Pas si procédural que ça
  • L'histoire et le développement facilement devinable malgré quelques surprises