Nintendo Switch

Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes

Test Switch

Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes

Par Kosmo56 - Le 18/05 à 14:00

Cela fait maintenant deux fois que Konami, grand absent du marché du jeu vidéo ces dernières années, se voit abandonné par une partie de ses équipes créatrices. Après les équipes de Castlevania, ce sont celles de Suikoden qui sont parties sur Kickstarter afin de créer leur propre jeu, avec du blackjack et des... fonds de développement corrects. Ce jeu est-il encore une success-story dont Konami ne pourra récolter les lauriers ? Spoilers : oui !

Test de Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes sur Nintendo Switch réalisé d'après une version envoyée par l'éditeur

 

Il était une fois une tripotée de héros
 

Le jeu commence en nous présentant Nowa, une jeune recrue chez la Garde, un corps d'armée de la Ligue des Nations. Envoyé de manière exceptionnelle pour une mission jointe avec l'Empire, Nowa se lie rapidement d'amitié avec son équipe ainsi que les Impériaux présents. Mais quelques mois plus tard, rien ne va plus : l'Empire attaque sous un faux prétexte, et tandis que la Ligue ne fait rien pour sauver la région, préférant s'écraser pour apaiser les tensions, Nowa et la Garde sont mis à mal par leurs anciens alliés. Déterminés à reprendre le territoire, c'est votre responsabilité de monter une armée révolutionnaire et d'aller au cœur du conflit.




Si ce résumé semble bien complet, sachez qu'il n'en est rien. Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes est un jeu à l'intrigue complexe, aux personnages intrigants, et surtout, assez verbeux et porté sur son histoire. Après tout, il faut presque une dizaine d'heures pour arriver à la portion « armée révolutionnaire » de l'histoire, et environ 80 pour le terminer, alors vous vous doutez qu'il y a beaucoup de choses à raconter. Et la plupart du temps, on se prend au jeu. Malgré ses très nombreux personnages (on en compte 120 en tout),  Eiyuden sait séparer le grain de l'ivraie, et nous prendre par la main pour nous faire vivre un conflit qui dépasse ses protagonistes. Oubliez les dialogues désespérants de jeux comme Forspoken, ici, on est là pour vivre un récit à l'ancienne.

Malgré son dirigisme, le jeu nous permet quand même de nous émanciper quelque peu en nous laissant composer notre équipe, et faire quelques choix qui caractériseront Nowa. L'ordre des quêtes secondaires nous est également laissé afin qu'on ne se sente pas étouffé dans un carcan. Le world design nous pousse à ne pas aller nous perdre en refusant un monde trop ouvert, le tout pour une impression d'un jeu au design décidément rétro, mais maîtrisé de bout en bout, et ça fait du bien. Seule l'écriture pourra peut-être énerver certains, avec quelques moments très clichés, ou quelques personnages insupportables comme Lian, dont il est étonnant qu'elle se comporte comme une fillette de 6 ans d'âge mental dans une intrigue aussi sérieuse. A l'opposé, les personnages secondaires ont souvent assez peu à apporter au récit, mais on se réjouira qu'ils aient quelques lignes de dialogue supplémentaires si vous les prenez avec vous.

 

I can't believe it's not Suikoden ! (tm)

 

RPG classique oblige, Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes nous propose un système de bataille dynamique au tour par tour, avec six héros répartis sur deux files. Chaque héros dispose de capacités propres, ou de magie et coups que vous pouvez changer, appelés runes, système qui se complexifie au fil de votre avancée dans le scénario. Vous pouvez utiliser une fonction automatique pour les combats aléatoires classiques, et même régler les actions à l'avance afin de rendre les phases de level-up plus rapide, mais les combats de boss, eux, vous demanderont toute votre attention, chacun possédant un « gimmick » propre dont il faudra profiter pour gagner. Un système sympathique en théorie et rendant les boss uniques, mais les gimmicks sont parfois une vraie gêne, ou reposent sur la chance. Durant les combats, vous verrez l'ordre de vos personnages en haut de l'écran, et pourrez le changer par certaines actions, ou au contraire vous adapter ainsi au flot du combat et choisir les cibles prioritaires. Rien de transcendant, mais le tout est très bien fichu et on s'ennuie rarement dans ces combats tant ils sont rapides, avec des animations travaillées. Quelques attaques en groupe se permettent même d'être carrément impressionnantes.

En tant qu'héritier de la grande série de Konami (Suikoden), le jeu contient également quelques batailles rangées entre armées, où vous nombreux héros auront leur utilité, et basées sur le placement de vos troupes sur une grilles, mais aussi des phases de duel dont l'issue est déterminée grâce à votre capacité à anticiper les mouvements de votre adversaire dans une sorte de pierre-papier-ciseaux truqué, le plus souvent en votre faveur. Des systèmes qui changent un peu, et permettent à moments dramatiques de briller encore plus par leur mise en scène. Comme sur certains jeux Playstation, quoi...

Héritier de Suikoden oblige, vous allez pouvoir construire votre ville, et la peupler de tous les héros recrutés. C'est un système qui se nourrit de ses succès : recruter des héros permet de construire plus de choses différentes, ce qui permet de recruter plus facilement, etc... Vous aurez besoin de ressources à récolter vous-mêmes, mais le procédé peut-être facilité par certains bâtiments, et les traders dans l'âme ont même toute une économie de matériaux dont l'équilibre de la demande et de l'offre pourra remplir les poches des plus malins. Cette portion de gestion est bien fichue et non-intrusive, et même les réfractaires au genre y trouveront leur compte, tandis que les aficionados pourront tout optimiser à leur aise.

Pour tout le reste, nous sommes sur un RPG à l'esprit décidément rétro : vous allez visiter des villes, effectuer des quêtes, améliorer votre équipement, faire du level up, recruter des alliés qui vont avoir chacun leur petite histoire... Rien de bien neuf, mais tout est maîtrisé, et partir à la chasse aux personnages recrutables est très fun. Si ce n'était pour l'habillage et l'échelle du jeu, il passerait très bien sur Playstation. En fait, si vous êtes venus pour un Suikoden, oui, vous allez être servi, et si vous êtes nostalgique des jeux à l'ancienne, vous êtes certain de trouver votre bonheur.
 

Une présentation au top... mais pas que.



Même la Nintendo Switch se met en quatre pour nous faire vivre l'ambiance Playstation. Avec son framerate constamment à moins de 30 FPS, ses temps de chargement et ses menus qui laguent, on se croirait vraiment sur une console rétro. Bien que les équipes du jeu promettent un patch, il est douloureux de regarder les autres versions tourner en comparaison. Mais est-ce que cela suffit à justifier les notes désastreuses que la version Switch de Eiyuden Chronicle se paye ? Non, pas vraiment. Le downgrade technique est certes embêtant, mais les qualités du jeu valent carrément le coup, et si la Switch est votre seule option, il est loin, très loin d'être injouable, ou même moche. Contrairement à  Bloodstained qui se payait la honte sur la petite portable.

Il faut dire, Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes est un jeu qui présente une 3D rudimentaire pour ses décors, fouillés mais loin d'être exceptionnels, avec des sprites 2D superbement animés pour ses personnages. Un léger downgrade garde tout ça relativement intact, et pour une fois, on a pas l'impression de jouer sans ses lunettes. Le jeu est très joli à regarder, et rien que le travail 2D est très impressionnant, avec tout ce qu'il faut d'effets de lumière en HD lors des attaques spéciales. Si on reste assez loin de la dinguerie visuelle d'un Octopath Traveler,  Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes n'a pas du tout à rougir, et se permet même des décors parfois plus ambitieux, plus variés, ainsi que des sprites 2D parfois plus expressifs. On pourra juste déplorer quelques détails étranges, comme le portrait de certains "backers" du jeu sur Kickstarter qui font vraiment tâche. Pas assez pour ruiner l'immersion, mais trop mal intégrés pour ne pas être remarqués.

Niveau sonore, la bande-son est superbe, sans une seule fausse note, et accompagne parfaitement l'action. Le thème de combat, que vous entendrez pourtant beaucoup, est toujours le bienvenu tant il est agréable à écouter, et encore une fois, on est dans un esprit rétro où chaque endroit a son thème, mais s'insère dans une cohérence globale, à l'image des vieux RPG tenant sur plusieurs CD. Pratiquement tous les dialogues sont doublés en anglais ou en japonais, et à part quelques choix de casting un peu étrange de temps en temps, tout est très réussi. La traduction française est de très bonne qualité également malgré une ou deux erreurs récurrentes, et le fait que certains textes, trop longs, se chevauchent. Des détails qui, on espère, pourront être réglés dans un patch, mais qui ne sont pas assez importants pour diminuer l'expérience globale du titre.
 

 

Retrouvez le barème des notes des tests de Nintendo-Master 

 

8.5
Eiyuden Chronicles est sans conteste un des meilleurs RPG récents, à une époque où ceux-ci sont aussi nombreux que qualitatifs. Bien que son esprit très classique puisse rebuter quelques joueurs modernes, et que l'état de la version Switch puisse être améliorée, Eiyuden Chronicles est un jeu à conseiller absolument à tous ceux qui seraient un tant soit peu curieux. Riche, long, superbement réalisé et prenant, il nous prouve encore une fois qu'une série perdue peut tout à fait renaître de ses cendres.

  • Une grande histoire à vivre intensément
  • Des personnages principaux forts
  • Des personnages secondaires marquants
  • Beaucoup de contenu, mais rien de forcé
  • De très beaux graphismes 2D/3D
  • Une bande-son au top
  • Une traduction FR de qualité
  • Plus de modes de combat (même si le tour par tour par équipe reste le plus répandu)
  • Les combats de boss tous particuliers
  • Une vraie suite spirituelle de qualité à Suikoden
  • Un côté technique en demi-teinte... pour le moment
  • Verbeux et dirigiste, comparé à des RPG modernes
  • Certains "gimmicks" de combat de boss