La chance n'appartient qu'aux cieux

Théorisation du JV, le problème de l'open-world

Bien le Bonjour !

Aujourd’hui, je me permet un article qui aurait déjà pu paraître il y a de ça des mois, des années, vu qu’il concerne une grande question du Jeu vidéo qui ne date pas d’hier.

Toutefois, cet article est loin d’être hors-sujet ! Il se prête particulièrement bien à l’actualité vidéoludique du moment, à savoir la (deuxième) révélation de Zelda : Breath of the Wild !

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Vous l’aurez compris, ou pas d’ailleurs, à travers une formalisation du Jeu vidéo, nous allons parler de l’open-world !

Tout d’abord, j’ignore si le Jeu vidéo a déjà été théorisé. Je ne sais pas si un savant s’est un jour penché sur le Jeu vidéo afin de l’étudier, d’en déceler toutes les mécaniques, de classifier les expériences de jeu, pour au final publier un gros bouquin sur le sujet.

En tout cas, c’est ce qu’on va faire semblant de tenter d’essayer de faire aujourd’hui !

Si le Jeu vidéo offre une expérience si unique, c’est parce qu’à la différence du cinéma par exemple, il permet de réaliser des choix dans l’œuvre elle-même afin d’influencer sa propre expérience.

Je distinguerai ici trois types de libertés vidéoludiques bien distinctes :

  • La liberté spatiale, qui constitue la possibilité de se déplacer à sa guise dans un environnement donné.
  • La liberté temporelle, qui s’exprime lorsque l’écoulement du temps n’a pas d’impact sur la continuité du jeu.
  • La liberté évènementielle, caractérisée par les choix des joueurs lorsque ceux-ci peuvent orienter un scénario par exemple.

Un jeu dans lequel ces trois libertés sont totales, ne contraindrait en aucun cas le joueur à faire une chose dans un lieu précis, à un moment précis, et pour faire avancer une potentielle intrigue.

Pour illustrer mon propos, j’aimerais parler d’un des jeux les plus libres que je connaisse.

Minecraft, de son petit nom, permet de faire évoluer le joueur dans un environnement infini, sans aucune contrainte temporelle, et avec un scénario totalement annexe.

Les conditions auxquelles se plie le joueur de Minecraft sont totalement délibérées pour le coup. Le joueur fera le choix de se fabriquer des armes pour survivre, mais il n’est absolument pas contraint de le faire.

Si Minecraft tire son succès de cet aspect très libre, ce n’est pas pour autant un bijou de Game Design (ou de Level Design). En effet, certains joueurs ne verront pas l’intérêt d’un tel jeu, le considérant vide, sans surprises, sans objectifs.

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Minecraft - un jeu très libre

Et c’est là qu’on se rend compte que le boulot du Game Designer consiste à diminuer et faire varier les trois libertés laissées au joueur.

Un jeu réfléchi, pensé, design-é, est un jeu plein de contraintes.

Ce ne sont pas des contraintes désagréables, au contraire, car c’est ce que le joueur vient chercher dans son expérience. Limiter la liberté du joueur n’est donc pas une mauvaise chose. C’est sur ces conditions que l’on créé l’Univers, le scénario, les obstacles, la difficulté d’un jeu.

La liberté spatiale peut être très variable d’un jeu à l’autre.

Certains jeux font le choix d’un environnement limité, mais défini et pensé en tous points. Le seul moyen de créer un Univers détaillé et attrayant est de le concevoir avec des frontières, pour la simple raison que le développeur ne peut programmer un lieu infini qui se pensent tout seul.

L’algorithme de Minecraft, qui permet de générer un milieu naturel infini, ne peut rendre celui-ci attrayant. L’environnement généré sera infini mais vide de sens (tant qu’il n’est pas pensé par une intelligence artificielle forte, du moins.. :cafe:). Vous ne verrez jamais une machine penser un monde aussi merveilleux qu’Hyrule.

Brider la liberté spatiale est donc un moyen de composition. C’est ainsi qu’on contraint le joueur dans un environnement propre au jeu.

La plupart des jeux font le choix d’un monde limité mais détaillé, comme les Zelda contemporains.

Mais depuis plusieurs années, les capacités techniques des supports de jeux font émerger des jeux open-world dans lesquels la grande majorité de la map (vaste mais finie) peut être parcourue dès le début de l’aventure. C’est le cas de la série The Elders Scrolls ou dernièrement The Witcher.

On trouve également certains jeux à la frontière entre ces deux conceptions, tels que Xenoblade Chronicles (la version Wii, du moins), qui proposent de voyager de grandes zones en grandes zones sans qu’elles soient toutes accessibles dès le départ.

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Skyrim - un jeu très vaste

La liberté temporelle est, la plupart du temps, laissée au joueur.

Effectivement, dans une majorité de J-RPG, même lorsque le gros méchant s’apprête à détruire le monde, vous pouvez laisser tourner votre console pendant 5 ans, que la Fin du monde n’arrivera pas (sauf si Valentinxvr l’annonce, bien entendu :roll: ). Le temps est bel et bien dépendant de l’action du joueur, et non de son inaction.

C’est dans les jeux à Timer (ou à scrolling) que l’on touche le plus souvent à la liberté temporelle. Le joueur est alors contraint de se dépêcher pour atteindre son objectif. On comprend bien que diminuer cette liberté permet d’enrichir l’expérience de jeu, comme peut nous le confirmer les fuites haletantes des jeux Metroid.

Néanmoins, rares sont les jeux à malmener autant la liberté temporelle que le fameux Zelda : Majora’s Mask. L’Univers de ce jeu n’évolue que sur 3 Jours (soit 72 minutes de jeu, en temps normal), et non sur une durée infinie. Les développeurs ont donc eu la possibilité de penser cette temporalité dans sa totalité. Les évènements prédéfinis, surviennent alors spontanément et agrémentent le jeu de contraintes temporelles sans précédents. Pour réaliser une quête, il ne suffit plus de se rendre aux bons endroits, il faut y être au bon moment ; et c’est précisément ce qui fait le génie de Game Design de ce Zelda absolument unique.

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Zelda : Majora's Mask - un jeu minuté

La liberté évènementielle est souvent liée à l’importance du scénario.

Les évènements du jeu n’étant que rarement dépendants du temps (in game ou IRL), il s’agit bien là d’une liberté dissociable de la liberté temporelle.

La liberté évènementielle permet au joueur d’influer sur le déroulement ou le non-déroulement de l’intrigue. Cela peut se manifester sous la forme de décisions internes au jeu, comme dans Mass Effect ou BioShock, ou d’actions annexes qui permettent parfois d’enrichir le scénario d’éléments facultatifs.

Bien entendu, plus le joueur est amené à orienter le scénario, moins le développeur risque d’être impliqué dans la signification des évènements. Encore une fois, l’absence de liberté évènementielle permet de fournir une expérience unique, à savoir, un scénario immuable avec une potentielle éthique morale à transmettre au joueur.

Par ailleurs, les jeux offrant une expérience open-world ont également tendance à introduire une open-storyline (un mot de ma composition :noel: ). Le déroulement de l’intrigue est souvent fonction du lieu visité, et si on fait le choix de visiter d’autres lieux, on ne fera pas le choix du scénario et celui-ci devient donc annexe. Nombreux sont les joueurs de GTA à ne pas se soucier de l’intrigue, pour se contenter de tout exploser voire de tout explorer !

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GTA V, un jeu qui pète.. hum..

Bref, ce qu’on peut retenir de cette conception du Jeu vidéo, c’est que l’identité propre du jeu est fonction des contraintes données au joueur, des libertés qu’on lui retire.

Un jeu détaillé, minuté, pensé, laissera moins de liberté au joueur.

Un jeu ouvert, long, flexible, lui en laissera plus, mais risque d’être moins attrayant.

Et c’est précisément ce que beaucoup redoutent avec l’annonce de Zelda : Breath of the Wild.

Nintendo a ici fait le choix d’accorder une grande liberté spatiale au joueur, à l’image de ce qui a pu être fait au début de la saga sur NES.

Le rendu est absolument merveilleux. L’environnement est vaste et le style graphique convient parfaitement ! Il y a de quoi être excité par une telle annonce !

Ce jeu s’annonce comme un véritable tournant dans cette saga mémorable. Encore faut-il qu’il s’agisse d’un bon tournant.

En effet, Breath of the Wild pourrait très bien être affecté par le syndrome de l’open-world. Il est particulièrement difficile d’adapter un Univers sibyllin aussi détaillé et surprenant à un monde ouvert sans autres frontières que l’horizon.

Imaginez deux secondes, le Royaume d’Hyrule d’Ocarina of Time.

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Maintenant, imaginez ce même jeu, avec le même contenu, adapté en open-world.

Ça y est ?

...

Bon, je m’en charge ! :hap:

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Voyez, la pratique de l’open-world amène très rapidement à du remplissage, à la création de lieux-fonctions dont la seule utilité est de faire le lien entre deux zones réellement intéressantes et enrichissantes.

La vérité, c’est que dans les Zelda traditionnels, le joueur ne visite que ces lieux, nécessaires au scénario. Une fois la géographie de ces zones définies, le reste est inaccessible car inintéressant.

L’idéal, serait que chaque point de la map d’un jeu open-world soit une nouvelle expérience, à la fois cohérent avec l’environnement proche, mais aussi inédit du point de vue du joueur en quête d’exploration.

Cependant, la pratique de l’open-world étant une conséquence directe du désir de réalisme éprouvé par les joueurs, la présence de lieux redondants et vides de sens semblent devoir s’imposer pour persévérer dans cette logique.

Avec sa franchise, Nintendo a généré un degré d’admiration rarement atteint par la communauté des joueurs.

Dans l’imaginaire collectif, Zelda, c’est beau, sombre, léger, mystérieux, magique, fascinant.

Espérons que Breath of the Wild trouve le bon équilibre et n’affecte pas l’intérêt inébranlable que nous-autres accordons à cette immense saga.

En attendant, je reste confiant car je fixe un horizon prometteur :yes:

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À la prochaine ! :hap: