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Life is Strange : True Colors

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Life is Strange : True Colors

Par Miki-Daisuki - Le 23/12/2021 à 13:15

Après plusieurs années d’exclusivité sur consoles de salon et PC, l’E3 2021 fut l’occasion pour Square Enix d’annoncer l’arrivée de sa célèbre franchise d’aventure narrative sur Switch, Life is Strange. Une bonne nouvelle pour les possesseurs de la portable de Nintendo qui pourront notamment découvrir dès le 25 février prochain la version « boite » du dernier opus, actuellement proposé uniquement en dématérialisé. Pour le dernier-né de la franchise, on retrouve donc aux commandes le studio américain Deck Nine Games, développeur de Life Is Strange : Before the Storm, préquelle du premier épisode de la saga imaginée par Dontnod. Alors, en attendant la sortie de LIS : Resmastered collection ainsi que la version physique de cet épisode l’année prochaine, plongez dans les méandres des émotions humaines avec nous, dans une quête de vérité qui ne laissera personne indemne. Pas même vous.  

Welcome to Haven Springs 

Alors qu’elle vient de passer huit longues années dans un foyer pour jeunes, Alex Chen  pose ses valises à Haven Springs, petite bourgade animée du Colorado où elle retrouve son grand frère, Gabe. Malheureusement pour notre héroïne, la particularité qui lui a valu les nombreuses visites de ses psychiatres rejaillit rapidement. Dotée d’un pouvoir d’empathie, Alex est capable de ressentir toutes les plus fortes émotions de son entourage, sans pour autant être capable d’en maitriser les conséquences. Les événements tragiques qui la toucheront bientôt, cependant, vont la forcer à tout mettre en œuvre pour y parvenir. Dans cette ville où tout se sait mais où tout s’ignore, qui détient réellement la vérité ? Ça, c’est à vous de le découvrir.

Avec les émotions au centre de l’intrigue, le studio a naturellement placé l’introspection d’Alex et ses relations avec les autres personnages au cœur du scénario. L’héroïne, très apte à attirer la sympathie, aura d’abord à faire avec ses propres démons intérieurs si elle veut aider les autres à surmonter les leurs. C’est ce qui rend chaque être d'Haven Springs sensiblement unique et incroyablement humain, avec leurs tracas et leurs instants de joie, qui fait sans nul doute de cet opus l’un des plus aboutis sur ce point. L’enquête principale, consistant à rechercher les responsables des évènements dramatiques qui secouent la petite ville, n’est finalement qu’un prétexte pour creuser les tréfonds de l’esprit des protagonistes de cet opus, ce qui amène un rythme général plutôt lent qui aurait pu se passer de quelques longueurs du long de la dizaine d’heures de jeu qui ponctuent cette aventure davantage humaine que policière. Sur ce point, l’investissement du joueur auprès d’Alex est d’autant plus renforcé qu’il se sent proche d’elle, car il saura apprendre à la connaitre et à la comprendre grâce aux éléments disséminés ça et là tels que les SMS contenus dans son smartphone ou encore son journal intime, qui reviennent régulièrement sur son passé et son présent. Tout ce que vous ne comprendrez pas dans ses actes, vous les comprendrez dans ses mots, et c’est de cette proximité qui lie le joueur à son avatar que nait l’irrésistible envie de connaitre la suite de cette histoire dont on ne peut qu’espérer une fin heureuse. Si tant est que vos choix vous en donne le droit.

Faites vos jeux !

Fidèle à ce qui a fait le succès de la série mère, LIS : True colors vous proposera de nombreuses séquences de dialogues à choix multiples qui auront plus ou moins de conséquences sur la suite des évènements. Certains signes ne trompent pas : la scission de l’écran en deux, par exemple, signifie que le choix que vous vous apprêtez à faire aura un fort impact sur l’histoire. Et pour cause : il s’agit souvent de dilemmes vous mettant dans une position délicate, et dont on ne saurait précisément prédire les conséquences. Il sera ensuite difficile voire impossible de contrer le destin que vous aurez alors invariablement enclenché. Mais en dehors de ces moments particuliers du jeu, il faut avouer que l’on se met souvent à douter de l’impact réel de nos décisions, la faute à leur absence quasi-systématique de répercussion immédiate sur l’histoire. La plupart de nos choix, en effet, n’auront finalement de conséquences que dans les chapitres qui suivent voire à la toute fin du jeu, laissant le joueur dans une expectative qui peut donner l’impression de ne pas véritablement jouir de la maitrise du scénario.  

Empathiquement vôtre

Si la série est incontestablement ancrée dans le réel, elle y intègre toujours une touche de fantastique, faisant de ses personnages des sortes de super-héros qu’ils se garderaient bien d’être. Cette fois, c’est le pouvoir de l’empathie qui a été choisi. Vu comme une malédiction par sa porteuse, cette capacité difficile à gérer pour un personnage déjà très émotif constitue une part importante du gameplay qu’elle renouvelle par ses utilisations multiples. En premier lieu, cette capacité surnaturelle permet à Alex de « voir » les émotions de ses interlocuteurs grâce à la couleur de l’aura qui les entoure. Rouge pour la colère, bleu pour la tristesse, jaune pour la joie et mauve pour la peur, constitue un code couleur classique mais efficace qui saura révéler quels personnages ne réagissent pas tout à fait en raccord avec ce qu’ils ressentent réellement. Une aptitude « passive » de vos pouvoirs qui ne sauraient constituer un atout utilisable contre ceux dont vous découvrez les discordances de pensées et d’actes si elle n’était pas complétée par un volet « actif ». Car Alex n’est pas seulement capable de ressentir les émotions, elle peut aussi les vivre comme s’il s’agissait des siennes. Cette capacité de résonance avec les sentiments des autres permet à la jeune femme d’accéder aux pensées des personnages, un atout qui peut vite s’avérer stratégiquement intéressant car vous permettant de mieux réagir aux évènements mettant en scène ceux dont vous avez préalablement perçu les émotions, ou encore parce que des options de dialogues supplémentaires peuvent en découler.

Mais l’esprit humain est complexe, et il faut parfois aller plus loin pour comprendre réellement les enjeux qui se cachent derrière les mensonges et les non-dits de vos interlocuteurs. Et quoi de mieux, pour se faire, que de voir le monde à travers les yeux de cette personne elle-même ? Ce sont dans ces dernières phases que le plein potentiel du pouvoir d’empathie se dévoile. Dans cette sorte de monde parallèle qui s’offre à vous alors que votre don frappe sa cible, interagissez avec les objets pour accéder aux souvenirs qu’ils recèlent et parlez à ceux que vous croisez pour découvrir les liens qui les unissent ou les désunissent avec celui qui fait l’objet de votre immixtion mentale. Qu’allez-vous faire de ces informations ? A vous de choisir votre approche. Pour autant, et malgré son intérêt indiscutable, l’on ne peut s’empêcher de penser que ce pouvoir aurait pu être exploité davantage, notamment lors de son utilisation en dehors du scénario principal. Par exemple, vous remarquerez rapidement qu’Alex n’a pas forcément besoin de toucher une personne pour percevoir les sentiments qui l’animent, mais qu’elle peut aussi y parvenir en se concentrant sur des objets qui lui ont appartenu. Un parapluie, une lettre…  constituent autant de « fragments de souvenirs » sur la vie de leur propriétaire qui auraient pu trouver davantage d’intérêt en tant que compléments d’enquête qu’en tant que simple collectible.

La curiosité est un défaut à développer  

En tant que jeu narratif, LIS : True Colors s’inscrit dans une tendance dirigiste inhérente au genre. Ainsi, s’il est possible de se promener en ville, les embrassades fortuites avec les murs invisibles ou l’impossibilité de rentrer dans des bâtiments autres que ceux où vous êtes censé vous rendre peut être légèrement frustrant surtout face à tout cet espace qui nous entoure. Heureusement, le joueur peut compter sur quelques mécaniques propres à la série pour revivifier l’intérêt qu’il trouvera à explorer où il le peut. Où que vous soyez, il sera ainsi toujours possible d’interagir avec les éléments du décor pour entendre une réflexion d’Alex voire déclencher certaines actions qui pourront impacter les réactions des personnages du jeu selon que vous les avez effectué ou non. Ces éléments poussent alors le joueur à une curiosité qui se trouvera récompensée d’une manière ou d’une autre, notamment en menant directement à des quêtes annexes. Obéissant à notre bon vouloir la plupart du temps, celles-ci ne sont jamais dénuées d’intérêt car apportant de vrais éclaircissements dans l’histoire et développant utilement les interactions d’Alex avec ses proches. En outre, sachez que quelques petites surprises attendent également le joueur qui s’investi comme les bornes d’arcade qui permettent de jouer à des mini-jeux rétro le temps d’une petite pause dans vos recherches.

Un havre de paix...

Naturellement enclavé par une immense chaine de montagne, abreuvé par un lac entouré d’une forêt verdoyante qui s’étend à perte de vue, Haven Springs est un petit coin de paradis du bout du monde qui semble tout droit sorti d’une brochure touristique. Sorte d’image fantasmée de la campagne américaine, Haven Springs offre au joueur un dépaysement total dans un cadre bucolique que le jeu ne se prive pas de faire admirer au joueur par le biais des « instant zen ». Ces moments de pure contemplation nous proposent un focus sur différents recoins naturels du site, avec la simple compagnie d’une chanson en fond sonore. Colorée et vivante, la ville resplendie par ses couleurs chatoyantes et de beaux effets de lumière qui feraient presque oublier l’ombre qui plane au-dessus de ses habitants. Au bord d’un ponton, accoudés à un pont, l’immersion aurait presque pu être là sur cette version switch, si seulement le downgrade graphique n’avait pas quelque peu gâché le tableau.

...Pas assez beau pour être vrai

Avec une machine moins performante que ses grandes sœurs sédentaires, l’on pardonnera à la portable d’être visuellement en deçà, sans pour autant passer sous silence la certaine déception qui se profile à l’horizon. En effet, passées les premières heures de tolérance, le constat est malheureusement là : à de trop nombreuses reprises, la console affiche des graphismes relativement moyens voire tout justes passables en extérieur. L’exemple le plus criant reste la faune et la flore locale, où feuilles, rochers et autres fleurs sont compactés au possible pour donner un résultat peu naturel et accusant au moins quelques années de retard. Ajoutez à cela l’aliasing fréquent sur les textures de premiers plans (y compris les sols) qui sautent très vite aux yeux même à ceux du joueur d’ordinaire peu attentif, et vous obtenez un mélange relativement incohérent où les textures ratées côtoient des éléments bien plus réussis comme les montagnes enneigées ou une grande partie des bâtiments.  L’on ne saurait que trop vous conseiller de rester en mode portable, le passage à l’écran du téléviseur rendant les sacrifices de résolutions encore plus flagrantes, notamment dans les intérieurs qui ne s’en sortaient pas si mal. On pense par exemple à la désagréable présence de flous qui peinturent les visages des personnages ainsi que la plupart des éléments décoratifs, à moins que vous ne vous en approchiez suffisamment pour le faire disparaitre. Et même si l’on ne joue pas à un jeu narratif en premier lieu pour ses graphismes, force est de constater que ce sont ces genres de détails qui ont la fâcheuse tendance à rappeler aux joueurs Switch….qu’ils jouent sur Switch.  

L’antre des mélomanes

Amoureux de la musique, vous serez servi. A l’instar des autres opus de la série, True colors est un régal pour les oreilles avec son ambiance folk/rock et ses nombreuses références musicales instillées par des personnages vouant un amour sans borne à cet art culturel universel. Le jeu jouit ainsi d’une bande-son empruntée à divers artistes comme Phoebe Bridgers ou encore Julia Stone, lorsque ce n’est pas Alex qui nous offre le joli timbre de sa voix en guise de fond sonore. Et parmi ces très belles compositions, l’on décidera également de s’arrêter, pour le simple plaisir de l’écoute, sur le thème principal du jeu interprété par Novo Amor. L’instrumentaliste gallois nous offre dès le menu principal une sonorité teintée de mélancholie et de douceur qui résume à elle seule, peut-être bien plus qu’avec des mots, un titre qui invite à s’arrêter un instant pour mieux contempler d’abord ce que l’on a sous les yeux avant de regarder ailleurs.

Une VF pour les gouverner toutes

Les émotions étant au cœur de l’intrigue, il convient de faire en sorte que le joueur sache ressentir ce qui tourmente ou anime le cœur de ses personnages. Sur ce point, les expressions faciales jouent leur rôle convenablement sans transcender ce que l’on connait déjà dans les jeux du genre. Ainsi, si les protagonistes réagissent suffisamment pour permettre la retranscription des émotions qui les habitent, ceux-ci seraient incomplets sans une voix qui les feraient complètement exister. Votre narratrice n’aurait ainsi pu passer à côté de cette grande première pour la série : la présence d’un doublage français, dans lequel quelques noms familiers se sont glissés. Dans la peau d’Alex, l’on retrouve Geneviève Doang, que l’on a déjà pu entendre sous les traits de Sherry Birkin de RE : 6 ou encore D.VA d’Overwatch pour ne citer qu’eux ; ou encore Adeline Chetail dans la peau de Steph (Ellie de TLOU, Zelda dans Breath of the Wild). S’il n’est pas possible de tous les citer, le compliment quant à la qualité remarquable du travail accompli est bien évidement collectif. Les performances de chaque comédien, justes et passionnées, ont su capter l’essence même des personnages qu’ils incarnent, créant des êtres emplis de vivacité que tout oppose mais que tout réunis autour d’échanges naturels et spontanés que l’on se plait à suivre comme s’il s’agissaient des nôtres.

7.5
Avec cette volonté d’élargir son public, le portage de la licence sur nos Switch était un passage quasi obligé. L’initiative visant à offrir des titres aussi ambitieux sur des machines moins performantes est louable, à condition d’éviter de rappeler constamment ce détail au joueur. On reprochera donc surtout à cette version Switch de nous fournir un jeu graphiquement perfectible, où les trop nombreuses concessions sont le coup de pinceau qui gâche la toile. Pour contrebalancer ce constat mitigé, le jeu peut toutefois compter sur une recette qui fonctionne et qui s’avère toujours aussi efficace. Poétique, coloré, vivifiant et doté d’un scénario axé sur une aventure humaine intelligente et maitrisée, le studio livre avec Life is Strange : True colors un épisode qui s’inscrit dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Les fans retrouveront avec plaisir tous les ingrédients qui font le charme de la saga et se délecteront des nouveautés intéressantes du titre, notamment la présence de la VF et le pouvoir d’empathie qui apportent un vrai plus à la narration. Quant aux nouveaux venus, ils sont les bienvenus, le titre s’adressant à tous ceux qui souhaitent percer les secrets bien gardés de la petite ville pas si tranquille de Haven Springs.

  • Une belle aventure humaine
  • Une héroïne attachante
  • Une bande-son à la qualité indéniable
  • Un casting vocal de choix
  • Haven Springs, une ville colorée et vivante...
  • ... mais graphiquement moyenne
  • Des temps de chargement très longs lorsque l'on entre ou sort d'un bâtiment
  • Des expressions faciales qui manquent parfois de naturel