Quand on parle de longues séries de RPG, ce sont un peu toujours les mêmes qui reviennent : Dragon Quest et Final Fantasy sont sur toutes les langues, avec des séries comme Persona ou Tales of venant à l'esprit des initiés. Mais la série des Atelier existe depuis presque aussi longtemps, et si elle a toujours été discrète jusqu'à l'arrivée de Atelier Ryza, elle a également toujours fait preuve de qualité. Il est temps de revenir jusqu'à l'origine, inédite en Europe, de cette longue saga.
Bon, vous êtes toute nulle, mais on vous aime bien
Le jeu commence en étant très honnête avec ses joueurs : il nous prévient que même si le monde dans lequel nous allons jouer est rempli de héros, nous n'en faisons pas partie. En effet, nous ne serons qu'un petit rouage dans un grand tout, une personne cherchant avant tout à vivre sa vie, et non à sauver celle des autres. Voilà qui change de d'habitude ! Et comme pour illustrer cela, on nous présente notre personnage, Marlone, ou Marie pour les intimes, historiquement la plus nulle de tous les étudiants à l'école d'alchimie de Salburg. Ouch. Heureusement pour nous, Marie se voit donner une dernière chance de devenir officiellement une alchimiste : dotée d'une petite échoppe en ville, elle aura 5 ans pour prouver sa maîtrise du sujet en créant un objet exceptionnel. C'est donc parti pour une aventure très contenue, en temps limité également. Mais pas d'inquiétude si le bruit d'une horloge qui décompte les secondes vous inquiète, ce remake intelligent propose également un mode illimité, ainsi que pas mal d'ajouts en termes de qualité de vie par rapport à son original. Pas de traduction en Français, mais bon, de la part du studio Gust, on ne sera pas surpris, c'est dans leur habitude.
Vous incarnez donc Marie, jeune femme fort aimable, mais tête en l'air, visiblement bien plus apte à apprendre par la pratique que dans une salle de classe. A la tête de votre petit atelier, votre façon de faire afin d'arriver à votre objectif dépendra de vous, sachant que pas mal d'options et d'activités s'offrent à vous. Atelier Marie est un RPG très ouvert, et si vous y jouez en mode limité, tout voir est pratiquement impossible, ce qui encourage de rejouer en faisant d'autres choix, en rencontrant d'autres PNJs. Si on pourrait penser que c'est frustrant, cette limitation donne du caractère au titre et rend votre première traversée unique et très personnelle, chose importante pour un titre qui se veut si intimiste. En effet, vous allez fréquenter Salburg un bon moment et voir votre influence sur cette petite ville, participer à ses activités, connaître quelques-uns de ses habitants, élucider ses mystères dans une sorte de simulation de vie qui n'est pas sans rappeler la série Persona par certains aspects, le tout avant de débloquer une des nombreuses fins du titre.
Petite alchimiste deviendra grande
Vous allez donc devoir gérer votre atelier au jour le jour : collecte d' ingrédients, finances, fabrications, commandes et quelques autres surprises. Chaque activité vous coûtera des jours entiers, et le temps vous est compté, alors il va falloir planifier en conséquence. Par exemple, sortir chercher des ingrédients dans des petites zones de collecte peut prendre plusieurs jours aller, et retour, ce qu'on comprendra. Mais dans ces zones, interagir avec un point de collecte coûte un jour, ainsi qu'affronter un monstre, chose un peu choquante au début. Pas question, vous le comprendrez, d'aller farmer des heures durant où de faire du level-up, vous n'en avez pas le luxe. Mais alors comment garder vos réserves pleines ? C'est bien là un des principaux défis du jeu au début, un défi auquel une réponse vous sera fournie assez tôt, quand vous pourrez recruter des fées faisant des tâches à votre place, moyennant finances. Mais alors il va falloir des sous !
Votre principale source de revenus sera les différentes requêtes de la taverne : une fois acceptées, vous aurez un temps limité (encore) pour fournir des ingrédients ou des produits de votre alchimie. Des livraisons à temps vous garantiront votre salaire et un gain de réputation, tandis que du retard vous coûtera un peu de votre renommée. Une bonne réputation vous débloquera des requêtes mieux payées, et pourra même attirer des nouveaux venus en ville, alors vous n'avez rien à perdre, mais certaines requêtes sont carrément impossibles, alors sachez modérer votre ardeur : livrer des produits mettant 20 jours à synthétiser alors que vous n'avez que 25 jours pour le faire est risqué si vous n'avez pas tous les ingrédients sous la main, par exemple.
Car oui, la synthèse et l'alchimie prennent pas mal de temps : chaque objet demande au moins un jour pour être préparé, allant jusqu'à un mois pour les plus complexes, où vous ne pourrez rien faire d'autre. Et beaucoup de produits demandent d'autres produits en tant qu'ingrédients, provoquant une cascade de besoins en ingrédients et en temps. Si les fées peuvent vous aider, elles coûtent cher en entretien, alors vous devrez faire attention à tout bien équilibrer. Et bien sûr, un malheur n'arrivant jamais seul, l'alchimie vide peu à peu les MP de Marie, tout en augmentant sa Fatigue, vous forçant à prendre du repos de temps en temps si vous ne voulez pas rater une recette et gâcher tous vos ingrédients. Mais n'ayez pas peur, malgré que tout cela ait l'air très complexe, Atelier Marie reste un jeu très relaxant où vous trouverez rapidement vos marques, car tous ces systèmes sont bien ficelés et marchent à merveille, créant un « flow » addictif et agréable où on ne se cesse de se dire qu'après cette recette-ci, on arrête, promis. Mais c'est typiquement là qu'un événement spécial pointe le bout de son nez.
A l'aventure, compagnon, je suis parti vers l'horizon
Chaque année du jeu possède des événements à date fixe, comme le marché, les promotions de l'académie, une éclipse ou même un tournoi, mais, si vous allez chercher dans vos menus, vous trouvez un drôle de menu vous donnant des conditions à remplir pour voir certaines scènes, comme être après une certaine date, avoir certains objets, avoir parlé à Untel ou être assez proche d'un PNJ. Une fois les conditions réunies, vous pourrez alors assister à des petites saynètes développant parfois une mini-histoire à suivre, et apportant presque toujours des récompenses : un nouveau magasin, de l'argent, des matériaux, ou même de nouveaux compagnons potentiels, qui eux-même auront leurs propres scènes. C'est ce système également qui vous guidera vers des objectifs importants pour la réussite de votre diplôme, comme d'atteindre le niveau 50, de guérir votre amie Schea du mal qui la ronge, ou de découvrir la pierre philosophale. Mais ce ne sont que des vagues indices, et des fois, il faudra enclencher certains événements pour en voir d'autres. Et cela inclut le plus souvent votre amitié avec vos compagnons.
Atelier Marie n'est pas un RPG classique : vous n'avez pas une équipe fixe, mais vous devrez engager des mercenaires pour vous escorter lors de vos collectes. Si certains compagnons ne coûtent pas cher, voir sont même gratuits à emmener avec vous, comme Schea, la plupart des combattants professionnels vous demanderont d'allonger la monnaie. Heureusement, plus vous irez en expédition avec eux, plus votre amitié se développera, et ils baisseront alors leurs prix. Vous pourrez aussi, en passant assez de temps avec eux, déclencher leurs événements et en apprendre plus sur eux. Des fois, les ragots entendus en ville sont fiables et vous pourrez vous douter de quelque chose, mais des fois non, et connaître le fin mot de l'histoire est toujours plutôt satisfaisant, d'autant plus que vos compagnons, s'ils ne sont pas très complexes, sont quand même attachants, comme Mu la guerrière venue du Sud lointain, ou Schwalbe le bandit humilié. Voir un nouveau mercenaire apparaître est toujours synonyme de curiosité, et ils possèdent tous leur propre histoire, leur coup spécial et leurs requêtes. Certains pourront même se montrer caractériels, au début, refusant de travailler pour Marie, mais cela rend le fait de lier des liens encore plus satisfaisant. Atelier Marie est un jeu qui a de la personnalité !
Un élixir de jouvence qui reste faillible
Une fois lancé dans l'aventure, Atelier Marie est un jeu qui se joue avec plaisir, mais malgré tout, ses origines modestes restent apparentes : n'oublions pas que c'est tout premier épisode de la série Atelier, sorti en 1997, et que forcément, la formule se devait d'être perfectionnée au fur et à mesure. Par exemple, Salburg est une toute petite ville, comptant une dizaine de PNJs seulement, et très peu à voir. Les zones de collectes sont peu nombreuses, toutes petites, et le bestiaire franchement famélique. Et si le jeu ne se concentre pas sur le combat, les systèmes en place sont on ne peut plus simplistes, loin derrière ce qui se faisait à l'époque en termes de RPG. Jolie couche de polish ou non, nous sommes face à un jeu qui aurait pu sortir sans soucis sur Super Nintendo, et ne nous poussera pas à la réflexion. D'ailleurs, jouer avec la limite de temps activée sauve carrément les meubles, car ainsi, il est ainsi impossible d'exploiter toutes les faiblesses du jeu, y compris sa facilité déconcertante. Mais même en sachant tout cela, Atelier Marie Remake est un jeu possédant un charme fou et un « gameplay loop » efficace malgré ses fautes. D'ailleurs, si vous êtes curieux de voir l'original, il sera disponible en DLC, avec ses graphismes en pixel art tout mignons et ses systèmes de jeu d'origine.
Les musiques du jeu d'origine, par contre, sont disponibles dans le remake, où vous pourrez non seulement choisir entre la BO remastérisée ou originale en qualité MIDI, mais aussi quelle musique se joue quand. D'ailleurs, la bande son est superbe et se laisse écouter sans aucun souci, et beaucoup de dialogues sont doublés en Japonais, contribuant à l'immersion du joueur dans le quotidien peu commun de Marie. Niveau graphismes, le jeu exploite les capacités de la Switch à merveille, se contentant de modèles 3D « chibis » très mignons et attachants, et ne souffrant d'aucun ralentissement ou chargement même dans les zones de collecte les plus peuplées, ou les attaques les plus impressionnantes. En fait, le jeu possède un cachet graphique indéniable qui est une des ses forces. Lors des dialogues importants, de très belles illustrations légèrement animées illustrent les personnages dans des proportions réalistes et nous permettent de les voir sous un autre jour. Mais le plus étonnant est de comparer le remake à l'original : vous constaterez à quel point les similarités entre les deux sont prenantes, et le soin apporté au remake d'un titre qui méritait vraiment de sortir de l'obscurité.