Parmi les légendes du monde des jeux vidéo, Yu Suzuki occupe une place singulière. Un développeur qui porte ses 40 années d'expérience comme une médaille d'honneur, et qui a gravé son nom à la pointe de l'épée dans le panthéon du jeu vidéo avec des titres comme Hang On, Virtua Fighter ou Shenmue. Cependant, les récentes années, fourmillant de projets semi avortés venant de certains géants du jeu-vidéo, nous ont rappelé que la renommée d'un créateur ne garantit pas la qualité d'un jeu. Après l'accueil mitigé réservé à Shenmue III, qui a suscité des réactions variées de la part du public (et pas toujours pour les bonnes raisons), le nouveau projet d'YS NET, intitulé Air Twister, sorti il y a un an sur le service Apple Arcade, renoue avec les racines du style arcade, une approche que Yu Suzuki n'a jamais vraiment abandonnée. La sortie Switch est l’occasion de nous pencher sur ce jeu atypique, qui parviendra peut-être à dépoussiérer tout un genre.
Test réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur.
Classicisme sans twist
Air Twister, au premier coup d'œil, vous balance un bon coup de rétro avec des vibes de Space Harrier. Malgré la similitude apparente avec le titre mythique de SEGA, caractérisée par un personnage qui flotte à l'écran et tirant sur diverses créatures fantastiques sorties tout droit d’un délirium, il est important de noter qu’il s’en éloigne rapidement. Il s'agit d'un jeu de tir sur rail avec des commandes simples, un bouton de tir et le stick pour se déplacer. En plus du tir de base, une visée automatique est présente comme dans After Burner où il fallait locker les cibles avant de tirer. Cette mécanique fonctionne très bien, et contrairement à After Burner, ou le ciblage demande un temps d’adaptation pour viser les cibles voulues, celui d’Air Twister est très intuitif. Adieu le balayage de l'écran en quête d'un "Fire!" qui restera gravé dans le crâne de nombreux gamin, ici, c'est plus permissif.
Le concept du rail shooter, qui a connu son apogée dans les salles d'arcade d'une époque révolue, demeure efficace même de nos jours. La diversité dans le jeu provient principalement des ennemis que vous affrontez et de la manière dont vous devez aborder ces créatures au design original. Le défi réside dans votre capacité à en éliminer le plus grand nombre possible, de préférence en groupes, pour maximiser votre score. Chacun de ces ennemis présente des schémas de mouvement et des modèles d'attaque variables, vous amenant à vous méfier particulièrement de certains d'entre eux. Ainsi, certains ennemis peuvent être invincibles pendant un certain laps de temps, d'autres sont très mobiles et attaquent de manière sporadique, tandis que d'autres attaquent en groupe, créant des séquences qui évoquent davantage un ballet aérien qu'un simple jeu de tir sur rail.
Une bonne expérience arcade
Le jeu maintient un rythme soutenu, sans temps morts, et bien que les niveaux soient relativement courts, ils arrivent à tous se distinguer par leur design et des types d'ennemis que vous y affronterez. À certains moments, des obstacles comme des piliers ou des murets apparaissent pour ajouter un peu de piment aux parties. Cependant, ce n'est pas l'élément central du jeu, qui met plutôt l'accent sur l'élimination des groupes d'ennemis en vue de marquer des points. En y réfléchissant bien, l’expérience ressemble bien plus à un Panzer Dragoon qu’à un Space Harrier, tant en terme de rythme qu'en terme de gameplay. Air Twister est composé de seulement 12 niveaux, ce qui peut sembler court, mais différents modes de jeu et un arbre de progression incitent à y revenir régulièrement. Les étoiles collectées au fil des niveaux servent à débloquer des bonus, allant de l'augmentation des points de vie à des éléments cosmétiques, en passant par de nouvelles armes.
Il est même possible de débloquer une fonction de ralenti (slow motion) qui réduit la vitesse du jeu, sauf celle de votre personnage, facilitant ainsi les combats contre les boss les plus coriaces. Grâce à cet arbre de compétences, on ne se sent jamais coincé, ce qui permet même aux joueurs occasionnels de compléter le jeu sans se sentir impuissants. C'est une excellente manière d'adapter l'expérience arcade classique aux plateformes de jeu modernes, offrant un défi aux joueurs vétérans tout en rendant le jeu accessible et attrayant pour les joueurs plus occasionnels. Car outre certains modes de jeu vraiment sympa, le contenu bonus est plutôt anecdotique.
Welcome to the fantasy zone
Si le gameplay joue la carte de la nostalgie et de la simplicité, côté graphismes, c'est la fête foraine. Des éléphants ailés, des cygnes énormes, des champignons volant, on s’attend à un trip sous acide, mais au final, ça reste dans les clous, et ça ne verse pas trop dans la surenchère. Surtout, la sobriété des décors permet au jeu de garder un framerate constant et de ne pas passer en mode diaporama. Car techniquement, mis à part certains retards d’affichages pour certaines textures et une modélisation 3D parfois grossière, dans l'ensemble, c'est plutôt joli et coloré, mais surtout très fluide. La direction artistique, même si elle jongle entre les créatures bizarres à l'écran et des décors tout aussi fantaisistes, tient la route. En clair, ça paraît bien déconnant, mais ça reste très gentillet sur toute la partie graphique.
Un scénario est également présent, histoire de donner un peu de consistance au jeu, mais hormis les cinématiques de début et de fin, il est complètement optionnel. Cela dit, si vous souhaitez vous immerger davantage dans l'univers d'Air Twister, des pages de texte dans les menus sont prêtes à vous initier à son histoire. Ca ne vaudra pas certains classiques du genre, et ça peut donner l’impression d’avoir été ajouté à l’arrache. Sans demander des cinématiques de 3 heures, on pouvait s’attendre à un peu plus de narration environnementale pour établir un lien entre les niveaux, comme savent si bien le faire les classiques de l’arcade de SEGA.
Air Twister marque également le retour de l'artiste néerlandais Valensia, qui a créé d'excellentes pièces de rock progressif se mariant parfaitement avec les niveaux du jeu. Tout comme les graphismes, les premières minutes peuvent sembler déconcertantes, mais cela s'accorde très bien avec l'esthétique fantaisiste du jeu. Dans l'ensemble, cela rappelle le passé du genre, qui fusionnait le lyrisme folklorique (narré à travers les paroles et la pochette de l'album) avec le rock. Cependant, on peut regretter que, contrairement aux boss, l’ensemble des niveaux ne dispose que d'un seul thème musical. Même si cela ne semble jamais inapproprié par rapport aux décors, la qualité des compositions nous incite à souhaiter la présence de quelques morceaux musicaux supplémentaires pour offrir une meilleure adéquation avec chaque niveau.
