Au départ réservé à la Xbox, Pentiment, un jeu d'enquête à l'esthétique particulière, fait une sortie surprise sur Switch. Reconnu sur sa console d'origine comme un chef d’œuvre, pourra t-il subir sans broncher la concurrence musclée des jeux Switch ?

Test réalisé à partir d'une clé fournie par l'éditeur

Au nom de la rose ?

Pentiment est un jeu d'enquête vous plaçant dans la peau de Andreas Maler, artiste en passe de devenir maître. Hébergé dans un petit village de Bavière durant 15ème siècle, il travaille au scriptorium de l'abbaye locale pour se faire un peu d'argent avant de revenir en ville pour se marier, et passer maître dans sa profession. Mais, vous vous en douterez, tout ne va pas bien dans le petit patelin paumé de Tassing. Le jour où un mort est retrouvé et qu'un frère innocent est accusé du meutre, Andreas décide de réunir des preuves et de trouver le véritable coupable. Mais Tassing possède une réserve importante de secrets, et fouiner partout attire sur Andreas les foudres de mystérieux conspirateurs. Et ce n'est que l'acte 1 d'une histoire plus grande encore qui s'étale sur plusieurs années, et qui va révéler un complot presque inextricable.

Pentiment est un jeu d'enquête organisé comme un huis clos, où votre seul espace de jeu est la ville de Tassing, le monastère de Kiersau, et leurs environs immédiats, soit une dizaine d'écrans parcourus de long en large en deux minutes. Ce qui est important, c'est que ces lieux sont habités par une ribambelle de personnages complexes, aux sentiments et aux motivations diverses, et que leur tirer les vers du nez sera une chose bien difficile. Le jeu repose sur deux choses : un système d'objectifs, dont chacun vous donnera une preuve de plus à présenter, et des choix de dialogues qui affecteront les relations entre vous et les différents habitants. Montrez-vous un bon chrétien, et les moines devraient vous aider, mais les habitants de la ville, accablés par les impôts, risquent de mal le voir. Sauf que les choses ne sont pas aussi noires et blanches.
Chaque personnage a ses propres buts, et certains pourraient vous échapper totalement, car vous n'avez pas tout le temps du monde pour enquêter, mais seulement quelques jours en jeu. Il sera donc impossible de couvrir toutes vos bases, et vous devrez faire de votre mieux avec ce que vous avez, sans compter que les fausses pistes sont nombreuses, et tout aussi chronophages. Et si en surface quelqu'un apporte son soutien à son voisin, les commérages pourraient révéler qu'il n'en est rien. Comment pourrez-vous fouiner dans les affaires des habitants sans ruiner votre propre réputation et vous faire jeter dehors ? Vous êtes dans un vrai panier de crabes, un véritable roman d'enquête impossible à fermer, où chaque nouveau rebondissement remet les choses en perspective... et sur la durée !

Une pièce en trois actes

Le fait que vos choix aient de véritables conséquences ne pèse jamais aussi lourd que sur la durée. En effet, si vous décidez de réprimander un enfant, il pourrait bien vous le rendre une dizaine d'années plus tard. Car oui, une fois le meurtre élucidé, Pentiment s'ouvre sur un deuxième acte se passant des années après les faits, où vos actions auront laissé des traces sur Tassing. Avez-vous écouté la vieille veuve qui crache sur l'église ? Elle pourrait bien vous le rendre. Mais si vous l'avez ignorée, que lui est-il arrivé ? Et les frères bénédictins ? Certains auraient pu rompre leurs vœux par votre faute. Même la personne que vous accusez du meurtre peut s'en tirer, ou pas, selon votre travail, et le choix de l'accusé pèsera lourd. Le fait d'assumer le poids de vos choix est souvent mal rendu dans les jeux vidéos, et se résume à un système binaire de « bien » et de « mal » mais Pentiment, tout comme Baldur's Gate 3, réussi à vous mettre au cœur d'une expérience narrative complexe et totalement personnalisée. C'est simple, vous n'aurez qu'une envie : recommencer une partie à peine le jeu terminé.

Tout comme Baldur's Gate 3, vous pourrez personnaliser le parcours de Andreas, en décidant ce qu'il a fait de son passé : si vous avez passé du temps en Italie, il sera à même de la culture artistique, et si vous décidez qu'il a fait des études de médecine, il pourra, sans aide, établir la cause d'un meutre. Sinon, vous devrez aller chercher de l'aide des autres personnages, quand c'est possible, et quand ils ne vous en veulent pas trop pour avoir fouiné dans leurs affaires. Le jeu possède donc une très bonne rejouabilité entre les parcours à choisir, et les multiples embranchements que vous prendrez lors de vos enquêtes. En terme de durée de vie, si une première exploration peut se révéler longue (plus de 10 heures), refaire une partie vous en prendra la moitié, car vous saurez éviter les personnes et dialogues inutiles. Par contre, si vous êtes allergiques à la lecture, vous risquez de souffrir un peu : il n'y a que ça au programme. Pas de doublage, presque pas de musique, même si les quelques compositions sont excellentes, le tout se veut baigné dans son ambiance si particulière, à laquelle tout fan d'Histoire devrait accrocher.

Pentiment est un jeu ancré dans l'Histoire avec un grand H, et la culture. L'époque et les grands noms cités sont réels, le contexte est réaliste, et un grand soin a été apporté au titre afin de ne pas vous noyer sous toutes les références historiques. En effet, vous aurez accès à un glossaire pendant les dialogues qui vous expliquera ce que les personnages devraient savoir sur des lieux comme Nuremberg, le pape actuel, etc... Très pratique, et avec le mérite d'être éducatif, surtout dans le contexte où le jeu se déroule : l'avènement du Luthéranisme sur ce qui deviendra l’Allemagne bien des siècles plus tard. Ça ne plaira pas à tous, mais les nerds d'Histoire comme moi-même seront comblés !

Parfaitement enluminé

Enfin, il convient de parler de la présentation de Pentiment, un aspect bien particulier qui contribue à son ambiance et est tellement criblé de détails et d'amour qu'il serait criminel de l'ignorer. Tout le jeu est présenté dans un style graphique rappelant les enluminures présentes dans les livres moyenâgeux, et animés de manière délicieuse, ce qui ne sera pas sans rappeler les interludes des Monty Pythons à certains. Ainsi, chaque capture d'écran est une jolie scène très fouillée, l'ambiance est très particulière et immersive, et des détails, comme les personnes âgées dont les couleurs sont abîmées par le temps viennent rajouter au charme du titre.

Les dialogues sont eux aussi mis avant graphiquement, avec différents types d'écriture représentant différents niveaux d'éducation, ou de milieux. Par exemple, les personnes religieuses ont des dialogues écrits dans une police gothique tandis que les paysans utilisent une simple plume, et que les personnes à l'esprit moderne profitent de caractères d'imprimerie. Des fautes d'orthographe corrigées en cours d'écriture et des bruits de plumes viennent apporter un de vie dans les nombreux dialogues, ainsi que des tâches d'encre quand un personnage est énervé, ou une autre couleur quand une référence religieuse est faite.

De ce fait, Pentiment est un délice à regarder, un bonheur à jouer, et se prête magnifiquement à l'usage du mode portable de la Switch et ne démérite pas sur une télévision. Pas de chargements, pas de ralentissements, tout se déroule à merveille. Le jeu peut également se targuer d'une superbe accessibilité, accommodant les joueurs qui auraient des problèmes de vision et de lecture afin que le plus grand nombre puisse profiter de ce petit bijou.