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EXCLUSIF - Interview de Thomas Olsson, le créateur d'Olija

Par babidu - Le 07/03/2021 à 11:53

Après mon test du jeu Olija j'ai voulu aller plus loin et j'ai proposé au créateur et développeur du jeu une interview pour le site. Coup de bol, il a accepté directement et sans concession, second coup de bol, il est français, ce que j'ignorais complètement avant de l'approcher.
Petit rappel, Olija, est un jeu développé par le Skeleton Crew Studio, il est sorti sur Nintendo Switch le 28 janvier 2021 et il est édité par Devolver Digital.

Thomas Olsson

Partie I : Thomas Olsson, développeur

« Mon parcours n'est pas typique de l'industrie du jeux vidéo »

Image de Frank & Stein

Thomas a 28 ans, il habite à Kyôto depuis environ 5 ans. Il est français, originaire de Normandie et est parti vivre au Japon pour rejoindre sa femme, elle-même japonaise. Thomas a un parcours plutôt atypique puisqu'il n'a pas fait d'études dans le jeux vidéo et il est devenu développeur presque par hasard lorsque après une Game Jam, il fait la rencontre de Masahiko Murakami, le fondateur et PDG du Skeleton Crew Studio pour lequel Thomas travaille actuellement. C'est avec ce studio qu'il a développé Olija. Thomas m'a confié avoir toujours aimé faire des Game Jam et en a même hébergé lui-même. Il a d'ailleurs gagné la 34ème édition de Ludum Dare en décembre 2015 avec son jeu Frank & Stein.  

C'est en faisant des Game Jam qu'il a décidé qu'il souhaitait faire du jeux vidéo son métier à plein temps. Depuis petit il s'intéressait au développement de jeux vidéo et a finit par vivre de sa passion. « Je fais des jeux vidéos depuis que je suis assez jeune, depuis que je suis enfant, j'étais déjà sur RPG Maker […] J'ai jamais arrêté de faire des jeux et de la musique, beaucoup de musique»
Issu d'une famille de musiciens, il signe d'ailleurs la quasi-intégralité des musiques du jeu, ses deux frères participent à la bande-son du jeu puisqu'ils ont chacun composé une musique. Dans sa jeunesse, il met la main sur une Super Nes et découvre alors le grand classique Another World d'Éric Chahi, l'un des développeurs qui lui a le plus donné envie de créer du jeux vidéo. Thomas m'a parlé d'un documentaire sur le créateur d'Another World qui l'a beaucoup marqué. 

Sur Éric Chahi il ne tarit pas d'éloges : « J'ai été impressionné par sa pure aura créative et son humilité. On sent qu'il est passionné […] il fait ce qu'il aime, il creuse dans son petit coin et ça fait une bombe comme Another World. C'est vraiment une de mes grosses inspirations.»

Évidemment il a aussi été très inspiré par différentes personnes qu'il a « pu rencontrer à ici à Kyoto et au travers de quelques voyages aussi».
Il m'a aussi cité d'autres grands développeurs parmi ses inspirations, des personnages inspirants autant par leurs personnalités que pour leurs jeux. Rencontrer les créateurs de jeux comme Thumper et Sword and Sworcery a été très inspirant. C’est une chance de pouvoir écouter la façon dont ce genre de développeurs approche la création de jeux.»

Image du jeu Thumper sur Nintendo Switch

Le fait que Thomas mentionne Thumper le jeu de rythme infernal et son développeur comme inspiration se comprend parfaitement, Thumper utilise sa bande-son pour dicter son gameplay et distiller son ambiance. Dans une certaine mesure Olija fait la même chose. En ayant réalisé lui-même la bande-son du jeu, Thomas garde un grand contrôle sur son jeu en décidant à la fois des tonalités de son jeu mais aussi de l'importance de la musique dans l'aventure. C'est de cette envie d'intégrer pleinement sa musique dans son jeu qu'est naît un des personnage que vous rencontrerez au cours de votre aventure. Pendant votre partie d'Olija vous serez amenés à rencontrer un PNJ jouant de la flûte, celui-ci est à trouver au son de son instrument dans les différents niveaux, une fois arrivés jusqu'à lui, il vous racontera l'histoire et les légendes du monde du jeu. Ce personnage du joueur de flûte est à mon sens une personnification du développeur lui-même dans son jeu, c'est lui qui nous raconte son histoire.
Pour ce qui est de l'autre développeur cité, Kris Piotrovsky, le fondateur du studio Capy Bara Games, c'est sa rencontre avec lui qui a marqué Thomas. Olija et Superbrothers : Sword and Sorcery EP ont en commun le fait d'être de vibrants hommages au jeu d'Éric Chahi cité plus haut, Another World.
Enfin Thomas cite également Hidetaka Suehiro alias « Swery65 », à qui l'on doit notamment Deadly Premonition qu'il décrit comme « un personnage très cocasse qui possède une forme de chaleur et une énergie très motivantes». Mais c'est aussi ses différentes rencontres avec des développeurs indépendants au fil des années qui ont su l'inspirer et lui donner envie de persévérer dans la voie des développeurs. « Je me suis vraiment senti bien en rencontrant des développeurs indés du Japon et ça m'a motivé à essayer de faire quelque chose de plus sérieux. […] Je n'avais aucune connexion dans le milieu, mais il y avait un événement mensuel qui s'appelait le Kyoto Indie Meetup* ou j’allais souvent, et j'ai beaucoup observé les développeurs qui s’y réunissaient. J'ai beaucoup écouté leurs conversations. […] J'ai passé beaucoup de temps à les observer et je me suis dit « moi aussi je veux faire ça. »


*Ndlr : le Kyoto Indie Meetup permet notamment aux amateurs de jeux vidéo de se réunir gratuitement tous les mois afin de discuter de leurs passions, c'est un événement prisé des développeurs qui aiment s'y retrouver pour discuter et échanger des conseils.
En matière de ses goûts vidéoludiques, Thomas m'a confié avoir des goûts assez imprévisibles, allant du gros AAA aux ovnis indépendant, en général il se laisse porter par ses goûts et choisit ses jeux par passion.
« J'ai toujours aimé le sentiment de partir à l'aventure, je pense que c'est pour ça que je jouais aux jeux vidéo.»
Parmi les grands jeux qui ont marqué son parcours vidéoludique, il m'a cité de grands noms comme encore une fois Another World ou encore le tout premier Prince of Persia dont Olija s'inspire énormément. En plus de ces deux titres il m'a aussi cité Double Dragon comme l'un de ses jeux de cœur. Dans sa liste des jeux l'ayant le plus marqué on retrouve aussi l'évident The Legend of Zelda : Ocarina of Time sur Nintendo 64. C'est via une console Nintendo qu'a pu débuter sa passion pour le jeux vidéo avant qu'il élargisse ses horizons vers d'autres plateformes et tout naturellement vers le PC.
«J'ai beaucoup joué à Diablo II et à Half Life qui font partie de mes classiques. »


Partie II : La création d'Olija

« Bizarrement ce n'était pas la fin du développement le plus difficile mais c'était le milieu. »

Je trouvais intéressant de faire décrire son jeu au développeur lui-même afin de voir quels systèmes de jeu allait ressortir en premier dans sa description et sans surprise c'est le gameplay qui a d'abord primé sur l'histoire, sans pour autant que celle-ci ne soit négligée.
«Olija, c'est un jeu d'action et d'aventure, un platformer cinématique, comme certains appellent ce genre, qui raconte l'histoire d'un aventurier dont le bateau coule et qui se retrouve perdu dans un pays inconnu. L'univers est très empreint de fantastique. Le marin va essayer de rentrer chez lui, de s'échapper de ce pays avec ses compagnons. Sur son chemin, il rencontrera des personnages locaux et d'autres voyageurs, certains perdus comme lui, d'autres non. Il va se faire des amis, des ennemis, vivre des aventures et enfin rentrer chez lui. »


Au tout début du développement Olija était un personnage qui était toujours avec Faraday. « Ils étaient coincés ensembles et ils devaient se débrouiller tous les deux, coopérer. Mais ça n'a pas marché parce que j'ai rencontré des problèmes de design, de pathfinding. C'était trop difficile de faire une IA à Olija, et les résultats étaient peu concluants. Je me suis aussi rendu compte que c'était plus intéressant de faire des rencontres un peu plus ponctuelles, ça leur donnait plus de valeur. »
Avant Olija, Thomas travaillait sur BackSlash,le précédant jeu du Skeleton Crew Studio, c'est un spell casting brawler d'action sorti sur Pc en août 2017.

Selon Thomas, le développement ne s'est pas aussi bien passé qu'il ne l'espérait, surtout au début.
« Ça a été long et laborieux. Ça a commencé il y a à peu près 3 ans et demi. Après avoir fini Backslash, je voulais tout de suite faire un jeu beaucoup plus solo et immersif parce que Backslash c'était un jeu de baston pur et dur. Et j'avais envie depuis longtemps de faire un truc solo avec de l'exploration, ou le jeu te laisse te promener à ton rythme dans un univers vivant. J'avais tout de suite en tête Faraday et Olija comme personnages principaux mais je ne savais pas du tout comment ça allait se faire. Alors j'ai essayé pas mal de choses. »
Olija était à la base un projet mené en solo pour Thomas. C'est son jeu et pendant une longue période au début du développement il était le seul à travailler dessus, ou du moins à réfléchir au concept et la trame du jeu.
« Ça a été un développement très difficile. Trois ans seul ou presque, ça fait long. C'était difficile notamment parce que je ne savais pas trop où j'allais. Et puis ça m'a pris du temps avant de décider de ce que serait le Loop du jeu. » Le Loop du jeu, aussi appelé cheminement de gameplay ou encore boucle de jeu est le schéma par lequel les joueurs d'un jeu vont passer la majeure partie du jeu. Ce schéma doit être bien défini car il est voué à se répéter sans cesse durant tout le jeu. Un exemple de Loop basique serait : Objectif → Challenges → Récompenses → Objectif... etc. Mais ceci n'est qu'un exemple de Loop parmi d'autres. Pour la saga The Legend of Zelda en résumant grossièrement le Loop des épisodes pré-Breath of the Wild serait : Exploration → Donjon → Item du donjon → Boss → Exploration... C'est en définissant le Loop d'un jeu qu'on peut ensuite lui donner sa structure finale et trouver dans quelle direction avancer.
« La structure d'Olija serait de rentrer en ville → repartir → trouver des petites clés → ouvrir des petites portes → trouver des grosses clés → ouvrir des grosses portes... Ça m'a pris du temps à trouver ce Loop et de comprendre l’importance de le définir dès le début. Et puis j'ai aussi été dans des périodes beaucoup plus sombres. C'est difficile quand t'es tout seul de rester objectif. Tu peux pas discuter avec des gens, pas échanger avec ton équipe donc il n'y a pas de débats, de stimulations humaines, ça ne rebondit pas. C'est très dur quand t'es coincé au fond d'un trou d'en sortir. Et puis quand tu te couches le soir, tu sais que le jeu n'avancera pas dans ton sommeil. Personne ne fait avancer le jeu sans toi. C'est à toi de faire tout, tout seul, et ca peut être assez autodestructeur comme processus. »
Dans cette période, on en vient même à ne plus trop se reposer parce qu'on a l'impression de gâcher du temps selon Thomas.
« Il y a finalement eu un petit déblocage au bout de 2 ans. J'ai décidé que j'avais essayé assez de choses avec le design, que j'avais défini assez de mécaniques. Je trouve toujours le design d’Olija assez superficiel, mais je me suis dit qu'il était temps d'accepter les problèmes du jeu. Il faudrait désormais l'habiller aussi bien que possible, et c'était tout. À partir du moment où j'ai décidé que je n’allais plus rien ajouter, que c'était fini, que j'avais recollé tous les petits morceaux ensemble, que j'avais une histoire plus ou moins complète, c'était juste du polish, et c'était beaucoup plus relaxant. »


Au sujet du crunch, étant une problématique dont on parle énormément en ce moment avec notamment les récentes sorties de Cyberpunk 2077 et de The Last of Us Part II je lui ai posé la question.
« Il y a eu un petit peu de crunch, mais ce n'était jamais trop violent ou inévitable. »
Dans les premiers prototypes du jeu, le harpon n'avait qu'un rôle assez anodin, c'était tout simplement une arme secondaire. Il a fini par devenir l'arme fétiche de Faraday et de faire s'articuler tout le jeu autour de lui seulement après quelques prototypes.
« Pour le harpon, je n'avais pas une idée forte, c'était seulement une arme secondaire mais j'ai trouvé que c'était marrant alors j'ai continué à travailler dessus et c'est devenu l'arme principale du jeu. J'ai juste continué à suivre cette piste parce que je trouvais que ça rendait le jeu dynamique. Et puis j'ai fini par construire l'histoire autour de ça, du harpon et de Olija. »
Nous avons alors abordé le sujet des différent Pnj du jeu, notamment du fameux joueur de flûte mais aussi d'un autre personnage rencontrable en niveau qui tient un stand de loterie sur lequel les joueurs peuvent dépenser l'argent du jeu.
« Je cherchais à réduire le trop plein de gemmes que la plupart des joueurs avaient. J’avais déjà intégré la loterie mais c'était beaucoup moins cher. J'ai augmenté le prix de la loterie, je me suis dit qu'avec un peu de chance, un ou deux joueurs se feraient duper, rendant la chasse aux gemmes et l’exploration plus stimulantes.»
Personnellement, j'ai perdu tout mon argent à chaque fois que je croisais le Pnj qui tenait la loterie, je fais donc partie des « un ou deux » dupes. Thomas m'a confié que le rituel de la loterie avec la petite animation rigolote accompagnée de son jingle dédiée que déclenche ce Pnj en échange d'argent était très inspiré des vieux Wyveriens de la licence Monster Hunter. Ces Pnj font office de marchands dans les différents épisodes de la saga et vous permettent d'acquérir des objets via le troc ou contre de la monnaie du jeu. Par ailleurs Thomas confesse qu'au-delà de cinq ou six tentatives à la loterie vous ne pourrez plus rien gagner du tout.
Par ailleurs le très cryptique joueur de flute qui vous contera l'histoire du jeu au son de ses mélodies est quant à lui inspiré de Dark Souls
« Avec le flûtiste, je voulais créer un certain malaise, plus ça va et plus il joue a des endroits inattendus. J’ai essayé de lui donner un côté cryptique, un peu Darksoulien, jeu auquel j'ai pensé quand je travaillais sur lui. » Nous avons ensuite parlé de quelques passages emblématiques du jeu, notamment la scène de l'ascenseur, très cinématographique et qui est un des grands moments du jeu. Nous avons aussi abordé le fameux duel avec Olija elle-même, un autre moment incroyable du jeu.
« Ces deux passages-là ont été faits assez tard dans le développement, et je pense qu'ils sont plus aboutis que d'autres parce que ma vision du jeu était plus claire. Pour d’autres passages, a l’inverse, j'étais souvent incertain de la chronologie du jeu, et parfois dans un espèce d'état d'hésitation paralysant. C'était un cercle vicieux : ne sachant pas ce qu'était le jeu, il était difficile de créer quoi que ce soit. Mais il m'était également impossible de visualiser ce qu'était le jeu sans essayer quoi que ce soit.
Une fois que j'ai décidé que
c'était assez d'hésitation et qu’il faudrait se débrouiller avec ce que j’avais, j'ai pu commencer à peaufiner, à faire des trucs un peu plus contextuels et plus précis. »
Une fois que le Loop du jeu était trouvé, que les grandes lignes étaient tracées, Thomas s'est permis plus de liberté narrative, plus de tentatives de gameplay afin de varier le rythme de l'aventure et pour créer des moments emblématiques.
« Le passage de l’ascenseur et le passage des mille perdus c'était ça. »
Les mille perdus sont les fameux prisonniers que l'on trouve au cours du jeu, ce sont eux qui nous poursuivent au travers des couloirs après que nous nous soyons emparés d'une clé. « J'aurais bien aimé pouvoir creuser sur ces personnages-là, sur les mille perdus »
Ces Mille perdus
sont eux aussi très inspiré de Dark Souls, grande influence de Thomas dans sa vision du développement mais aussi de la narration.
« Le non-dit narratif m'a toujours paru être une évidence pour Olija. Réduire l'information au plus basique laisse place à l'imagination, et la retenue aide à garder l'expérience aussi pure que possible.»
 

Malgré ses doutes, Thomas a conservé tous les passages plus narratifs et contextuels qu'il avait créés pour le jeu.
« Pour le passage de la fleur, je n'étais pas sûr de moi. Je le trouvais assez nian-nian, je ne savais pas si le ton était trop décalé, ou si c'était justifié. J'ai beaucoup hésité. Il y avait un grand manque de confiance de mon côté, et j'avais assez peur de ce passage-là, mais finalement ça ne rend pas si mal. »
Pour le style graphique du jeu, Thomas décide d'utiliser le Pixel Art car c'est celui lui « un excellent outil ».
« Le pixel art a aussi pour avantage d’offrir des contraintes artistiques. Si on a moins de possibilités graphique, cela donne un certain cadre et c'est donc plus facile de faire des choix et de les exécuter. »

Tous ces doutes, ces influences et cette volonté de transmettre montrent à quel point Olija est un jeu sincère, personnel et le fruit d'un long travail de réflexions et de tâtonnement.
Olija est un jeu de Thomas Olsson, du Skeleton Crew Studio mais c'est aussi un jeu édité par Devolver Digital.

Partie III : Trouver un éditeur

« Le jeu n'aurait pas pu trouver un meilleur parti »

C'est après deux ans de développement du jeu que Thomas et son équipe ont décidé d'approcher Devolver Digital.
« Je me suis dit « de toute façon on n'a rien à perdre, autant viser le plus haut possible », on va envoyer notre jeu au meilleur éditeur possible et le premier qui était sur notre liste c'était Devolver, on leur a écrit et ça a marché.[...] Ça nous donné une nouvelle motivation, ça m'a vraiment libéré. Pour la première fois, je me suis dit que le projet aurait sa chance. »

Devolver Digital ont laissé aux équipes de Skeleton Crew Studio une totale liberté créative.
« Ils sont rentrés sur le projet assez tard par rapport à ce qu'ils font d'habitude, il y avait assez peu de production. Ils ont quand même fait des suggestions par-ci par-là, mais ils n'ont jamais mis les pieds sur un terrain qui n'était pas le leur. »
La relation entre les développeurs et leur éditeur s'est très bien passé et a même été très bénéfique pour le jeu, même si celui-ci était quasiment terminé.
«Moi après trois ans, je ne voyais que les problèmes du jeu. Et ce qui m'a surpris d'ailleurs avec [Devolver Digital], c’est qu’ils nous ont encouragé à améliorer ce qui était déjà bien plutôt que de corriger ce qui était moyen.
Typiquement, avec le
harpon. Ils ont fait des suggestions, des petites choses justes et bien placées. Ça m'a vraiment surpris qu'ils m'encouragent à améliorer ce qui était déjà bien. »
Plus que d'accompagner simplement la sortie du jeu, Devolver Digital a accompagné aussi son développement, ou tout du moins la fin de celui-ci. Sans Devolver Digital Olija serait probablement sorti quand même mais peut-être pas sous la même forme.
« Ils sont connus pour être une équipe très accessible en général [...] le dialogue est d'une simplicité rare, ils sont à la fois pros et très avenants. Travailler avec eux, c'est un plaisir. »
Le développement suit son cours tranquillement, Thomas ayant d'ores et déjà l'habitude de travailler de chez lui, la pandémie mondiale n'a eu que peu si ce n'est aucun effet sur la fin de la période de développement du titre.
Olija est présenté pour la première fois lors de la conférence de Devolver Digital qui remplaçait l'E3 de cette année, le 11 juillet 2020. Une démo est disponible peu après sur Steam et le jeu finit par sortir sur PC, Nintendo Switch, Xbox One et Playstation 4 le 28 janvier 2021. Les critiques à sa sortie sont très positives, il obtient en moyenne un Metacritic entre 75/100 et 80/100 pour ses différentes versions, ce qui est une très bonne note, surtout pour un premier jeu.

Partie IV : Les retours après la sortie du jeu

« Je suis content de la sortie. J'aime beaucoup les critiques plus mitigées, j'ai pris beaucoup de temps à les lire, je trouve que c'est souvent des trucs très justifiés et ça m'intéresse de voir à quel point il y à pleins de points de vue différents sur un seul jeu. »

Après une longue période de développement, pleine de doute et de questionnement, le jeu sort, les retours sont bons et les joueurs répondent présents. Véritable fruit de la coopération entre Thomas, ses collègues du Skeleton Crew Studio et d'un éditeur bienveillant Devolver Digital, le jeu tient ses promesses et les efforts de Thomas sont récompensés.
« Il y a un moment dans le développement où je ne savais pas si le jeu allait atteindre qui que ce soit. Ça m'a fait plaisir que ça ait touché certaines personnes.
Ravi de ce succès, Thomas m'a aussi confié avoir été beaucoup touché par l'accueil que les joueurs ont fait au jeu. Il tenait à remercier tous les joueurs qui ont accordé de leur temps à Olija.
« «Je m'attendais à beaucoup moins, je ne pensais pas que les gens seraient si tolérants ou compréhensifs ou même réceptifs. »
Pour l'instant il n'y a pas d'extension de prévue ou de suite directe mais Thomas m'a confié en exclusivité que son prochain jeu se déroulerait probablement dans le même univers qu'Olija.
« Ça fait longtemps que je veux faire plusieurs jeux situés dans le même univers. À mon avis ce que je vais faire par la suite, ça va être plus ou moins lié à Olija. Continuer à travailler sur cet univers et faire des petites connexions entre les jeux. […] Quand tu joues à un jeu [situé dans le même univers que le précédent] tu peux aller plus en profondeur. Tu peux créer un langage avec les joueurs, ou lancer des petits clins d'œil. Ça permet peut-être aussi d'éviter quelques lourdeurs. Il y a vraiment des avantages créatifs à faire ça. »

Nous avons parlé notamment de ces fameux développeurs qui font du jeux vidéos d'auteurs, tel évidemment encore une fois Hidetaka Miyazaki, le créateur des Dark Souls, mais nous avons aussi parlé de Fumito Ueda, connu pour sa trilogie Ico, composée d'Ico, de Shadow of the Colossus et de The Last Guardian. Si Thomas n'a pas eu la prétention de me laisser le comparer à ces deux développeurs de renom il m'a tout de même accordé le fait que fameuse trilogie Ico se compose bien du même genre d'univers partagé entre des jeux différents que Thomas souhaiterais mettre en place. Il nous faudra malheureusement patienter encore quelques années avant de pouvoir jouer à la suite spirituelle d'Olija.


Nous avons ensuite abordé la version Nintendo Switch du jeu, de sa création à sa sortie.
« On a toujours voulu sortir le jeu sur Switch. De toute façon en tant qu'indé ce n’est pas vraiment une option
Je me devais de demander à Thomas si la version Nintendo Switch, en ayant en tête les capacités un peu limitées de la console qu'on lui connaît, a été un portage fait un peu au rabais par rapport aux autres versions.
« Je ne me suis pas occupé du portage Switch en lui-même. J'ai aidé mais je ne m'en suis pas chargé moi-même. Il y a un moment où on a vraiment hésité à faire une version un petit peu plus light mais en fait il s'est avéré que le problème ce n'était pas la console mais que c'était nous. Après avoir travaillé sur le portage un peu plus en profondeur, ça a fini par bien se passer. De toute façon pour moi il était hors de question de faire des concessions. »
Malgré les difficultés rencontrées par l'équipe qui s'est chargé du portage sur la console hybride, cette version n'est en rien inférieur aux autres versions du jeu.
« À un moment j'ai vraiment hésité parce qu'on était désespérés mais je n'ai pas lâché prise, notamment sur les sons, parce qu'il y avait des sons dans le portage qui étaient un peu décalés, d'une seconde ou deux, ou qui parfois ne se jouaient pas. Des trucs qui à moi semblaient aberrants mais qui n'étaient pas forcément audibles pour les autres qui ne connaissaient pas le jeu. Donc on a dû pas mal travailler là-dessus parce qu'il y avait des petits problèmes qui me rendaient fou. »
Ce succès dans le portage sur une console moins puissante que les autres tient à l'acharnement des équipes qui ont travaillé dessus mais aussi au bon fonctionnement de leur système maison.
« Notre petit système permet de mettre les jeux partout donc je ne crois pas que la version Switch ait demandé plus de travail que les autres versions.»
Étant donné que la version Nintendo Switch était l'une des plus visées par Thomas, il garde un souvenir ému de la première fois qu'il a vu le jeu tourner sur la console.
« Je me rappelle que ça m'a fait quelque chose la première fois que j'y ai joué sur Switch. Je me suis dit c'est cool, ça passe bien, ça marche bien le format, la taille des personnages était niquel, c'était pas trop petit... J'étais content.»

Partie V : Nintendo, le Willy Wonka du jeux vidéo

« Je me souviens quand je marchais dans les rues de Kyôto quand je suis arrivé au Japon je me disais parfois en regardant la foule de gens qui marchaient que parmi eux certains pouvaient travailler chez Nintendo. »

Pas nécessairement le plus grand fan de Nintendo sur terre, Thomas apprécie les consoles Nintendo et la façon de travailler de la firme japonaise. Je lui ai demandé, en guise de conclusion à notre entrevue, de me parler de son rapport avec Nintendo et de son opinion sur la Nintendo Switch.
« J'ai une Switch depuis très peu de temps, ce n'est pas une console avec laquelle j'avais une affinité particulière. Mais ça m'a toujours semblé être un bon parti, le format [d'Olija] se prête pas mal à la console. »
En tant que développeur ayant toujours eu l'ambition de sortir des jeux sur Nintendo Switch depuis sa sortie, je lui ai demandé pourquoi avoir attendu si longtemps avant de craquer.
« Je pense que c'est une super console, qui reflète très bien le jeux vidéo indépendant à mon avis. Ça m'a complètement bluffé que ça devienne la console des jeux indés du monde entier alors que ça vient du Japon.


C'est donc l'aspect paradis des indés de la Nintendo Switch qui a fini par séduire Thomas. Il est actuellement en train de faire The Legend of Zelda : Breath of the Wild et nous avons longuement digressé sur ce jeu incroyable. Son avis sur la console en elle-même reste plus nuancé mais néanmoins positif.
« Il y a quelques trucs maladroits mais ça me rappelle de super bons souvenirs. J'imagine que ça a été super bien étudié mais l'ergonomie en mode portable c'est pas idéal, le problème c'est le placement du Joystick droit. La Switch à aussi un petit côté gadget, un peu cheap mais ça ne manque pas de charme.
À la base je suis très PC, je suis passé sur Ps4 depuis que je passe mes journées à travailler derrière des écrans d'ordi mais j'ai une certaine affection pour la Switch. J'ai redécouvert ce plaisir et ce besoin d'allumer une machine qui est faite que pour jouer.
Elle occupe une bonne place dans le salon et dans le lit. C'est un peu l’héritière spirituelle de la Psp sauf que sur Switch il y a des bons jeux. »

Je me devais de lui demander, mais non, Thomas n'a aucune rumeur ou pensée particulière sur l'avenir de la Nintendo Switch ou sur la sortie prochaine d'un modèle amélioré. Nous avons conclu notre interview en partageant sur Nintendo en lui-même, entre deux discussions sur Monster Hunter et notamment sur la sortie imminente de Monster Hunter Rise que nous attendons tous les deux impatiemment.
« Je n'ai pas de relation directe avec Nintendo, juste quelques relations amicales avec une ou deux personnes.
Pour ceux qui s'intéressent au jeux vidéo, je pense que Nintendo dégage une sorte d’aura constante sur Kyoto. Ce n'est peut-être pas pour rien qu'il y a beaucoup de développeurs indés qui sont venus s'installer ici.»

Je tenais à remercier chaleureusement Thomas Olsson, pour sa disponibilité, pour sa patience et pour Olija