Nintendo Switch

Urban Myth Dissolution Center

Test Switch

Urban Myth Dissolution Center

Par Thatgunman - Le 13/02 à 08:00

À l’ère des réseaux sociaux et de l’information instantanée, les légendes urbaines continuent de pulluler sur internet. Bien qu’elles s’inspirent souvent d’événements réels, elles sont déformées et amplifiées au point de devenir des mythes où la frontière entre réalité et fiction s’efface. Heureusement, un gang bien original se consacre à démêler le vrai du faux, perçant les mystères de ces récits pour nous permettre, à nous autres parfois crédules (et parfois froussards), de dormir sur nos deux oreilles. Urban Myth Dissolution Center nous raconte leur histoire.

Test réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur.

Aux frontières du réel

Shueisha ne se résume pas uniquement au Weekly Shonen Jump ni à ses autres magazines de prépublication de mangas. Cela fait déjà un certain temps que l’entreprise a élargi son champ d’action, mais c’est en 2022 qu’elle a marqué un tournant décisif en créant sa propre maison d’édition de jeux vidéo : Shueisha Games. Depuis des années, Shueisha entretient des liens étroits avec l’industrie du jeu vidéo, que ce soit à travers les adaptations de ses licences emblématiques comme One Piece ou Dragon Ball, ou via son magazine légendaire V-Jump, entièrement dédié à ce média. Cependant, avec Shueisha Games, c’est la première fois que l’éditeur japonais s’implique directement dans la production et l’édition de jeux vidéo.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, Shueisha ne s’est pas lancé dans cette aventure pour exploiter ses franchises les plus populaires, mais plutôt pour soutenir des projets indépendants prometteurs. Cette initiative a d’abord pris forme avec la plateforme communautaire Shueisha Game Creators Camp, lancée un an auparavant, qui vise à découvrir et à promouvoir des jeux indépendants. Parmi ces talents mis en lumière, le développeur Hakababunko s’est distingué en 2021 en remportant une récompense lors du Google Play Indie Festival pour son jeu Makoto Wakaido’s Case Files qui partage d’ailleurs de nombreuses similitudes avec son nouveau projet, Urban Myth Dissolution Center.

Annoncé l’année dernière, Urban Myth Dissolution Center a bénéficié d’une exposition médiatique notable : apparition lors d'un Nintendo Indie World, présence au Tokyo Game Show, à la Gamescom ainsi qu’à la PAX West qui ont progressivement alimenté la hype autour de ce jeu, malgré un développeur encore méconnu du grand public.

Une entrée en matière fracassante

Urban Myth Dissolution Center nous plonge dans l’histoire d’Azami, une jeune étudiante troublée par ce qui semble être des hallucinations. Voir des silhouettes fantomatiques gambader un peu partout, alors que personne d’autre ne semble les remarquer, on peut comprendre sa gêne. Lorsqu’elle tombe sur une affiche mentionnant qu’un mystérieux bureau recherche des personnes comme elle, il est alors tout à fait compréhensible qu’elle décide de s’y rendre pour obtenir des réponses. Pourtant, à son arrivée, c’est un lunatique, se présentant comme le directeur du Centre de Dissolution des Légendes Urbaines, qui l’accueille. Ce qui devait être une entrevue décisive tourne rapidement au cauchemar lorsqu’Azami s’assoit, par inadvertance, sur une chaise réputée maudite — une malédiction mortelle qui enverrait ad patres quiconque ose s’y poser. Désormais piégée par ce sort funeste, elle doit impérativement trouver un moyen de le briser avant qu’il ne soit trop tard. Cette situation sert d’introduction à une enquête tutorielle, permettant au joueur de découvrir les mécaniques de jeu. Azami apprend ainsi que ce qu’elle voyait n’était autre que des résidus du passé. Équipée de lunettes spéciales lui permettant de percevoir ces traces à volonté, elle se lance dans une quête pour trouver un moyen de briser la malédiction qui pèse sur elle.

Le jeu se présente sous la forme d’un Point’n Click légèrement simplifié. Tous les personnages avec lesquels on peut interagir, ainsi que les éléments interactifs, sont clairement indiqués à l’écran. Comme dans la plupart des jeux du genre, il faudra explorer toutes les options de dialogue et d’interaction pour progresser dans l’histoire. Cependant, une particularité mérite d’être soulignée : Azami dispose d’une paire de lunettes spéciales lui permettant de percevoir des résidus du passé. En appuyant sur le bouton X pendant les phases d’enquête, on active ce mode "lunettes", révélant de nouveaux éléments à examiner. Ces résidus prennent la forme de silhouettes rouges, correspondant à la position qu’occupait une personne dans le passé. Cet outil complète notre panoplie de petit détective, mais ne bouleverse pas le gameplay. Il permet surtout d’enrichir les phases d’investigation en ajoutant quelques éléments supplémentaires à inspecter. 

L’enquête suit un chemin plutôt linéaire : on épuise chaque dialogue avec les PNJ, on examine chaque objet interactif dans les moindres recoins, et les informations se mettent (presque) automatiquement à jour dans notre carnet de notes. C’est d’autant plus vrai qu’une liste des éléments d’enquête à éclaircir nous oriente déjà dans notre investigation. Reste quelques séquences de déduction où il faudra réellement utiliser ses méninges. Dans ces moments, Azami tente de répondre à une question clef qui bloque sa progression. Pour avancer, il faudra compléter un texte à trous en choisissant les éléments prédéfinis qui s’enchaînent de manière logique. Et voilà grosso-modo comment vont se passer les futures enquêtes. 

Revenons à notre enquête sur la chaise maudite. Son caractère maudit s’explique par quelque chose de moins fantastique qu’il n’y paraît : une seringue empoisonnée est dissimulée sous l’assise, ce qui explique pourquoi ceux qui s’y assoient finissent par mourir. Comme l’explique le directeur du Centre de Dissolution des Légendes Urbaines, les théories du complot et autres rumeurs contiennent souvent une part de vérité, mais sont déformées jusqu’à devenir des récits fantastiques. Coup de bol pour Azami : la seringue dans la chaise ne contenait plus de poison. Néanmoins, la voilà embauchée par le Centre et plongée dans une aventure qui l’amènera à démêler les légendes urbaines du coin.

L'Horreur avec un grand « H »

Le jeu se structure en chapitres, chacun centré sur une légende urbaine spécifique et l’enquête qui l’accompagne. Aidée de son acolyte Jasmine, Azami devra résoudre ces mystères tout en cherchant à percer les secrets de son propre pouvoir. Au fil de son aventure, elle croisera d’autres individus dotés de capacités similaires, à commencer par le directeur du Centre de Dissolution des Légendes Urbaines, qui a la particularité de pouvoir surveiller ses moindres faits et gestes et qui a le chic de passer un coup de fil au moment où on s’y attend le moins.

La structure des chapitres suit une trame récurrente : on commence par une enquête préliminaire sur les rumeurs circulant sur Internet, puis on se rend sur les lieux pour approfondir les recherches. Ensuite, on tente d’identifier la légende urbaine liée aux événements, avant de déduire ce qui s’est réellement passé. Bien que cette approche soit procédurière, les chapitres sont habilement construits, de manière à renverser la table une fois qu’on pense être sur la bonne piste. Si les phases d’investigation sur le terrain restent assez simples, l’intérêt réside surtout dans les interactions avec des personnages au caractère bien trempé et les nombreux rebondissements qui ponctuent chaque histoire. 

Mais là où le jeu cartonne vraiment, c’est dans l’ambiance. Urban Myth Dissolution Center, ce n’est pas un déluge d’effets visuels en tout genre, c’est plutôt de l’horreur toute en finesse. Avec son look pixelisé et ses deux couleurs qui se battent en duel, le jeu ne mise pas sur les grands effets visuels. Même s’il inclut quelques jump scares, il reste globalement mesuré. C’est plutôt à travers ses dialogues, ses visuels épurés et son ambiance sonore que le jeu excelle. Les histoires d’horreur les plus efficaces puisent souvent leur force dans le réel, et même si l’on sait qu’elles relèvent du fantasme, elles parviennent à nous glacer le sang. Urban Myth Dissolution Center joue parfaitement sur cette corde : l’objectif est de démêler des récits abracadabrantesques qui pourrait relever d’une de ces creepypasta rincée comme on en trouve un peu partout sur internet, mais dès les premières minutes, lorsqu’un fou armé d’une hache surgit sous un lit, l’angoisse s’installe. Bon, façon de parler, on est bien au chaud derrière son écran (à moins de jouer dehors, ce qui ruinerait les efforts faits sur l'atmosphère du jeu), mais certaines scènes ont de quoi foutre les pétoches.

Les enquêtes en elle-même sont plutôt courtes, et hormis les phases de recherche sur les réseaux sociaux, l'interactivité est très limitée. Au total, on en a pour un peu moins d’une quinzaine d’heure de jeu, qui passe relativement rapidement si on accroche au fil rouge, à base de grande réinitialisation et autres joyeusetés qui résonneront chez les plus vétérans des complotistes. Cependant, certaines ficelles narratives se devinent assez facilement, notamment lorsque Azami croit avoir résolu un mystère, pour voir un autre émerger aussitôt, façon X-Files, semant la confusion. Ce tour de passe-passe fonctionne une fois, mais après deux ou trois répétitions, l’effet de surprise s’émousse. Rassurez-vous, le dénouement reste rarement prévisible, mais il arrive que les ficelles de l’intrigue se voient un peu trop.

Pour un jeu en pixel-art, le résultat est plutôt réussi. Même si la résolution pourrait faire passer les graphismes d’une SNES pour du Michel-Ange, le style en deux couleurs (repris de Makoto Wakaido’s Case File) fonctionne bien. Les visages lors des scènes de dialogue sont particulièrement expressifs et bien animés, ajoutant une touche de vie aux interactions, qui peuvent sembler un peu longues vu la quantité de texte à débiter. Azami, en particulier, arbore une palette variée d’expressions faciales, et son design simple mais efficace la distingue clairement du reste du casting où certains ont une tronche à faire fuir un croque-mort, avec des expressions faciales à la hauteur de leur dégaine. Et comme souvent dans ce genre d’histoires, si un personnage semble trop normal au premier abord, c’est qu’on n’a pas encore vu son vrai visage… 

8
Sorti presque de nulle part, Urban Myth Dissolution Center s’impose comme une excellente surprise en ce début d’année. Si le pedigree du développeur laissait présager un bon potentiel, ce jeu marque un véritable bond en avant en termes de réalisation. Thriller bien ficelé, gameplay simpliste mais efficace lorsqu’il est mis en avant, Urban Myth Dissolution Center tient la route et a tout pour séduire un large public. Le thriller est un genre délicat à maîtriser, souvent piégé par les clichés et les facilités, mais Urban Myth Dissolution Center s’en sort brillamment.

  • Les enquêtes et le fil rouge sont captivants
  • Le gameplay fonctionne bien dans les (rares) moments où il est mis en avant
  • L'ambiance graphique et sonore sert parfaitement le climat angoissant du jeu
  • Toute une panoplie d'expressions faciales et d'animations
  • Le déroulement des enquêtes est parfois un peu trop procédurier
  • Certaines ficelles de la narration se font remarquer
  • Les phases d'enquête sont un peu trop simplistes