Nintendo Switch

Persona 5 Royal

Test Switch

Persona 5 Royal

Par Miki-Daisuki - Le 21/10/2022 à 08:00

Aucune console ne semble échapper à la magie ensorcelante des voleurs d’une des plus célèbres franchises de JRPG ayant jamais franchis les frontières du Japon. Maintes fois plébiscité et acclamé par la critique, Persona 5 Royal est désormais disponible sur Nintendo Switch et dans la langue de Molière de surcroît. Pour la première fois, Joker et sa bande s’exportent sur nos consoles hybrides pour le plus grand bonheur des aficionados de la licence et celui des curieux qui n’avaient pas encore sauté le pas. Petite précision concernant le test réalisé : il ne s’agira pas de comparer les ajouts de cette édition Royale par rapport au jeu de 2017, mais bien de vous proposer un test « découverte » de cette version "ultime". 

Nom de code : Joker

Qu’il semble loin ce temps où notre étudiant sillonnait les rues de Tokyo avec pour simple objectif de rejoindre son lycée, bercé malgré lui par le brouhaha ambiant des chuchotements des élèves et l’insidieuse rumeur qui se répand sur son compte. Il avait fallu bien peu pour que son quotidien bascule. Une mystérieuse application mobile, un prof de sport tyrannique, quelques esprits récalcitrants, et un chat qui parle. Dans la lugubre salle d’interrogatoire du commissariat, l’officier de police qui écoute son histoire est dubitative. Ce garçon si discret est-il vraiment impliqué dans les étranges événements qui secouent la ville depuis quelques mois ? Est-ce vraiment lui, le chef des Voleurs Fantômes ? Revenons six mois plus tôt, alors que le personnage principal à qui vous donnez le nom que vous souhaitez, est sommé de changer d’établissement après un accident qui lui coûtera une mention dans son casier judiciaire. Mais la Shujin Academy ne le laissera pas longtemps dans l’ombre, quelqu’un ayant déjà fait circuler la véritable raison de son transfert. Le responsable : Kamoshida, le professeur de volley du lycée, auteur de graves sévices sur ses élèves et que personne n’ose dénoncer. Mais derrière cette apparente indifférence collective, Ryuji et Ann fulminent. Mais que peuvent-ils faire face à des adultes qui ne les écoutent que d’une oreille distraite ? La réponse à ce silence sera cette mystérieuse application, apparue un beau jour sur leur téléphone portable. Elle sera, pour nos héros la clé pour se rendre dans le mystérieux « monde psychique », là où les désirs ne trouvent comme limites que celles que vous leur donnerez.

Résolument juste dans son ton et moderne par les thèmes qu’il aborde, Persona 5 se fait l’écho d’une jeunesse avide de liberté qui se dresse contre les codes d’une société qui rejette ceux qui s’écartent du rang. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’allégorie du masque joue un rôle si central dans Persona. Là où l’esprit de rébellion de nos héros donne naissance aux Personae, créatures dotées d’incommensurables pouvoirs. Les adultes, eux, trouvent refuge dans un monde délesté du fardeau de ce masque social où le moindre de leur fantasme peut être assouvi. Ainsi le lieu plein de vie qu’est le lycée Shujin devient-il, du point de vue de Kamoshida dans le monde psychique, un immense château où il règne en maître absolu. Loin de chercher à dresser des heures durant une liste exhaustive des tous les vices dont la nature humaine est capable, Persona 5 dépeint toute la complexité des Hommes et des liens qui les unissent entre eux. Portés par des valeurs aussi fortes que la conviction qui les anime, les personnages de Persona sont avant tout des êtres humains qui cherchent comme tout un chacun leur place dans le monde. Un scénario dense et ambitieux qui donne le ton dès les premières minutes, et qui se révèle à la hauteur de ses promesses jusqu’à son épilogue. Atlus sait prendre le temps qu’il faut pour installer ses personnages et ses enjeux, pour nous offrir un univers mystérieux et (très) verbeux, à qui l’on ne pourra certainement pas reprocher d’être avare en détails.



L’union fait les voleurs fantômes

Les lycéens jonglant en permanence entre leur vie scolaire et leurs activités de voleurs fantômes, il n’est pas étonnant que l’on retrouve cette dualité au cœur du jeu, avec un pied dans le monde psychique, l’autre dans le monde réel. Commençons par le gameplay affilié au premier, qui allie mécaniques de RPG classiques et quelques originalités propres à la série. Bien connu des fans du genre, les « donjons » prennent une conception nouvelle sous le regard de Persona 5. Appelés « Palais », en référence au fait que le créateur de cette réalité alternative s’en considère comme le maître, les donjons doivent être considérés classiquement comme l’objectif ultime à atteindre pour avancer dans l’histoire. Pour faire disparaître les désirs malveillants de vos cibles, vous devrez explorer leur Palais jusqu’à en trouver le « Trésor », personnification des désirs du maître des lieux, et le voler. Mais avant d’y parvenir, encore faut-il venir à bout des « Ombres », les ennemis principaux du jeu. Pour ce faire, vous pourrez compter sur les compétences de chacun des membres de votre équipe, intervenant chacun leur tour. Et autant dire que vous n’aurez que l’embarras du choix pour mener les affrontements comme vous l’entendez. Et toujours avec une classe et un dynamisme inégalable, rendu possible grâce à une fluidité irréprochable et une absence totale de ralentissement sur cette version switch, ce qui a le mérite d’être souligné. Au fur et à mesure de notre avancée, on découvre toutes les subtilités d’un gameplay qui va au-delà de l’enchaînement d’attaques sans fondements. Soumettez, éliminez, négociez avec vos ennemis sont autant de manières de mettre un terme aux combats, et autant de possibilités de renouveler nos approches de ceux-ci.

Si l’incroyable diversité que l’on retrouvera dans les armes de mêlée et à distance a de quoi enthousiasmer, c'est dans l'usage des Personae que le studio démontre toute l’étendue de son imagination. L’on pourrait presque ne consacrer ce test qu’à ceux-ci tant il y aurait à dire sur ces mystérieuses créatures nées de cet esprit rebelle qui caractérise les héros du titre. Des plus grotesques aux plus élégants, des plus discrets aux plus extravagants, chaque Persona est aussi unique que les capacités qui lui sont propres. Joker ayant la capacité de contrôler plusieurs Personae à la fois, vous pourrez choisir de faire de vos ennemis d’hier vos Persona de demain en les soumettant à vous, et les faire évoluer. Dotés de capacités spéciales, ils peuvent renverser la situation à votre avantage, pour peu que vous surveilliez avec attention les PC dépensés pour y avoir accès. La gestion de votre arsenal de Personae a donc un rôle central dans le gameplay du jeu, gestion possible notamment via l’énigmatique « Chambre de Velours », occupée par trois personnages qui le sont tout autant. Au sein de cet espace parallèle, vous pourrez notamment invoquer des Personae ou encore en fusionner plusieurs pour en créer de nouveaux. Une mécanique subtile à comprendre au départ, mais qui révélera bien vite toute son importance.

Si les combats restent le meilleur moyen de gagner de l’expérience et améliorer vos statistiques, l’exploration n’est pas à négliger, Persona 5 Royal ayant dissimulé dans ses Palais quantité non-négligeable de coffres au trésor et autres surprises que votre « troisième œil » vous permettra de découvrir si vous savez vous montrer curieux. Il vous sera utile également pour venir à bout des énigmes et autres puzzles qui doivent être résolus pour avancer. Dans ce dédale de pièces qui s’enchaînent, des « abris » permettront de vous reposer, vous soigner et marquer un nouveau voyage rapide au cas où vous décideriez de retourner dans le monde réel pour reprendre le Palais plus tard. Une décision qui n’est pas à négliger, car le nombre de jours pour terminer un Palais est compté. Entendez par là que la partie se terminera prématurément si vous ne terminez pas le Palais avant le temps indiqué. Une deadline qui peut s’avérer stressante d’autant plus qu’elle est indiquée en rouge constamment sur l’écran, mais qui s’avère suffisamment large pour permettre une exploration à son propre rythme.

Après l'effort....

Les jours défilant sous la forme d’un calendrier où les jours s’écoulent lorsque vous allez vous coucher, à vous d’organiser vos journées comme il vous plaira, pourvu que le Maître du Palais soit avant que le délai ne soit écoulé. Pour autant, rien ne sert de se précipiter à l’assaut d’un Palais sans prendre de pauses, et il peut être utile de revenir dans le monde réel pour recharger vos batteries et votre stock d’objets. Et autant dire qu’il est difficile de s’ennuyer dans ce Tokyo plein de vie et ce cercle d’amis enthousiastes qui capteront une grande partie de votre temps. Si, dans le monde psychique les combats se gagnent à la force des armes, dans le monde réel, ce sont les liens que vous tisserez avec les autres qui feront la différence. Profitez de la fin des cours pour découvrir les innombrables activités qu’offre la plus vaste ville du monde, de son centre jusqu’aux plus discrets des quartiers qui la compose. Aller au cinéma, au restaurant, trouver un petit boulot, aider au café où vous logez, ou tout simplement étudier, sont autant d'activités à mettre à profit pour faire évoluer vos relations et vos propres compétences. On essayera de ne pas en dire plus, afin de ne pas gâcher la satisfaction de la découverte.

A priori bien moins aventureux et percutant que son pendant psychique, le monde réel s’avère au moins aussi riche que celui-ci, si l’on considère l’importance des liens sociaux soulignés par Persona. Comme un contre-pied à toute la vilitude que les Palais inspirent, la vie réelle offre ses instants de quiétude. L’empathie, l’écoute, l’amitié, les bonheurs simples de la vie, font aussi partie du quotidien. C’est peut-être bien là que les très nombreux dialogues du jeu sont les plus percutants. Avec le passage en français, l’on peut désormais profiter de cette écriture très dense, parfois un peu lassante, mais jamais inutile. Après tout, l’anodin ne fait-il pas aussi partie du quotidien ?

Takeover ! It's time to put you down

Le point faible de ce portage d’envergure sur Nintendo Switch ne surprendra pas la foule. Là où Persona 5 Royal ne mise pas forcément sur sa 3D, cette version interpelle par ses textures pas toujours très abouties notamment sur les murs ou les éléments d’arrière-plan. Quant à savoir si le passage sur TV possède une quelconque plus-value visuelle, il n’en est pas grand-chose par rapport à la version portable. Néanmoins, et pour un jeu de cette ampleur, on saura pardonner ces sacrifices de résolution, d’autant plus que cela ne vient nullement gâcher l’expérience de jeu. Il aurait également été intéressant de voir les choses en moins grand vis-à-vis d’un ATH intrusif qui a misé sur des caractères XL auxquels se sur-ajoutent des indications qui viennent plus gêner qu’autre chose. C'est un choix pris par Atlus pour sa licence, on aime ou on déteste.

Enfin, comment clôturer ce test sans parler du deutéragoniste de l’œuvre : la musique. Tantôt entrainantes avec ses airs jazzy, tantôt entêtantes, touchantes, mystérieuses, les OST de Persona 5 Royal sont au moins inoubliables, au plus un enchantement pour les adeptes des mélodies percutantes. Côté direction artistique, largement inspirée des animés pour les cinématiques 2D, Persona 5 Royal jouit d’une qualité digne d’un studio d’animation, avec ses beaux effets de lumières et son imparable élégance. Les Palais, de même que les ombres, fourmillent d’idées aussi loufoques que surprenantes, car intimement lié aux délires de leurs créateurs. Et la symbolique est exactement la même pour les boss finaux, lesquels deviennent, sous le coup de cet égocentrisme hypertrophié, des monstres grotesques et difformes né de l’agglutinement de tous ces désirs inavouables. Un travail d'envergure, pour un résultat d'une qualité globale à la limite de l'irréprochable. 



9
Toujours plus haut, toujours plus fort, Persona 5 Royal transcende son genre pour nous offrir un jeu intelligent et sublime doté d’une richesse de contenu rarement égalée. Des personnages les plus attachants aux plus détestables, de l’animation à la direction artistique, des thèmes abordés aux réflexions qu’il suscite, le jeu resplendit partout où il passe. Une réussite absolue pour un JRPG définitivement pas comme les autres, appuyée par une version Nintendo Switch qui s’en sort avec les honneurs.

  • Le Français enfin disponible
  • Un contenu colossal
  • Un excellent doublage japonais
  • Des personnages aussi charismatiques que mystérieux
  • Un scénario fouillé et dense
  • Une Direction Artistique splendide
  • Des musiques enivrantes
  • Un ATH intrusif
  • Des textures pas toujours très abouties