Nintendo Switch

No More Heroes 3

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No More Heroes 3

Par rifraff - Le 27/08/2021 à 17:20

Si lorsque l’on achète une console Nintendo, on sait d’avance que l’on va y trouver les prochains jeux Zelda et Mario, on sait aussi que l’on a de grandes chances d’y découvrir des exclusivités moins prévisibles, et même plutôt « trash » comme les Bayonetta, MadWorld ou encore No More Heroes. Sorti initialement en 2008, sur la Wii, No More Heroes premier du nom, est un titre mêlant ultra-violence, références diverses à la culture geek et humour graveleux voire scato dans le plus pur style des jeux de Goichi Suda alias Suda51. Si à l’époque, le jeu n’a pas vraiment crevé le plafond des charts, il a réussi malgré tout à s’imposer dans l’imaginaire des gamers grâce à son style et à sa réalisation déjantés, ses 10 combats de boss mémorables et surtout son (anti) héros, Travis Touchdown, un otaku glandeur nature, pour ne pas dire branleur mâture (parfait miroir de Suda 51) qui devient un tueur impitoyable simplement pour pouvoir coucher avec l’énigmatique Sylvia… Après une première suite en 2010 (toujours sur Wii) « Desperate Struggles » et un spin-off sorti en 2019 (sur Nintendo Switch) Travis Strikes Again, la licence revient donc enfin aujourd’hui en exclusivité sur Nintendo Switch avec un opus encore plus fou que les deux autres réunis. Cette fois-ci, il ne s’agit pas simplement de devenir le meilleur assassin de la planète, mais celui de l’univers tout entier !

 

No More Zero

Autant dire que Suda51 s’est surpassé dans le délire en poussant tous les curseurs au maximum et en se permettant toutes les outrances. De ce côté-là, le jeu est d‘ailleurs très jouissif avec des séquences totalement folles et plus gores et atroces les unes que les autres, des morts inattendues; mais aussi des ruptures de ton et de style… C’est de la folie pure et simple. Si vous avez aimé les jeux précédents, vous ne pourrez qu'adorer. C'est le même délire puissance 10 000 ! Un vrai patchwork de séquences tantôt WTF, tantôt cauchemardesques et sanglantes. Si on ne gardait du jeu que ses cinématiques et ses séquences de combats, le titre vous scotcherait littéralement à votre manette. Mais un jeu vidéo c'est un tout, et si l'histoire du jeu et les confrontations avec les principaux ennemis sont une réussite indéniable, le titre peine malheureusement à relier le tout de façon satisfaisante, cassant le rythme de la progression et obligeant le joueur à répéter des séquences de jeu pas toujours très passionnantes.

Un titre pour joueurs avertis

Techniquement, le jeu n'est pas à la hauteur de ce que l'on est en droit d'attendre sur Switch et oscille entre le bon et le moins bon. Il se rattrape par sa direction artistique même si là encore, entre le bon et le mauvais goût, chacun aura un avis sur la question.  No More Heroes 3 est clairement un jeu qui ne plaira pas à tout le monde. Certains n'y verront que des défauts et considéreront le jeu comme un navet abject rempli de bugs tandis que les autres se bidonneront face à l'outrance des situations et auront plaisir à repérer tous les détails cachés dans le jeu. Le jeu est quoiqu'on en pense assez choquant avec des scènes vraiment horribles, façon grand-guignol. Certaines scènes sont d'ailleurs limite déplaisantes et le jeu est vraiment réservé à un public averti.

Des cinématiques de folie

No More Heroes 3 est un jeu créé par un passionné fou furieux et ça se ressent manette en main. Comme avec les jeux précédents, No More Heroes est avant tout un véritable hommage aux jeux vidéo (des années 80, 90, 2000...), à la culture geek, mais aussi au septième art. Le jeu déborde en effet de cinématiques extrêmement bien réalisées dans des styles graphiques très différents et débordant de références qui font partie intégrante du délire dans lequel nous entraîne Suda 51 dès la première seconde du jeu (avec un logo et un jeu style 8 Bit.) Le pitch du jeu nous est d'ailleurs raconté avec un film d’animation sorti tout droit des années 80 et renvoyant à E.T. L’Extraterrestre de Spielberg. Vous avez d’ailleurs probablement déjà vu cette séquence qui est l’un des trailers du jeu. Un petit garçon nommé Damon se lie d’amitié avec FU une petite boule de poils extraterrestre dont le vaisseau s’est écrasé sur Terre. L’enfant cache et soigne l’alien avant de l’aider à repartir « dans sa maison ». Les deux amis se séparent alors avec la promesse de s’aimer toujours et de se revoir… Une histoire lénifiante qui tourne au cauchemar lorsque 20 ans plus tard, FU (qui se prononce « Fou ») revient transformé en prince de l’espace psychédélique et dérangé. Entre temps, il est devenu un vrai psychopathe décapitant à tour de bras et rayant des villes de la carte simplement pour le fun. Echappé d’une prison de l’espace (à moins que ce ne soit d'un asile) avec quelques-uns des pires criminels de la galaxie, FU lance alors un ultimatum aux Terriens en leur laissant la possibilité de l’affronter ou de mourir… Mais avant cela, il faudra gravir les échelons du crime intergalactique en éliminant méthodiquement les 10 plus puissants criminels de l’espace ! C'est ainsi que Travis sort de sa procrastination et entre en jeu avec son Beam Katana…

Une construction répétitive

Si l’histoire est totalement farfelue, on retrouve finalement la même base que celle des jeux précédents. Pour progresser dans l'aventure, Travis va devoir tuer dans un ordre défini des criminels de plus en plus puissants lui permettant de monter dans le classement des meilleurs assassins (de la galaxie). Une construction classique qui en même temps fait partie de l’ADN de la licence et nous permet une fois encore de découvrir dix portraits d’aliens mémorables, mais aussi de participer à dix combats de boss totalement délirants et souvent surprenants. Pour autant, c'est incompréhensible que Suda 51 n’ait pas cherché à faire évoluer la formule du jeu qui reste très (trop) proche de celle des jeux précédents. Par exemple, pour avoir le droit de participer à chaque nouveau combat, il faut une fois encore s'acquitter de frais d'inscription et donc récolter à chaque fois pas mal d’argent. Ce n'est pas très logique, et c'est surtout très contraignant. Pour réunir la somme nécessaire, il faut accepter de faire des petits jobs comme tondre la pelouse ou déboucher les toilettes (ce qui permet ensuite d’avoir un point de sauvegarde) ou encore faire des combats contre des vagues d'ennemis basiques ou contre des mini-boss. Cela pourrait être amusant, mais c'est trop répétitif. Bien souvent, il faut refaire encore et encore la même séquence. Cela aurait été vraiment salutaire de corriger cette partie du jeu, peut-être en laissant plus de liberté au joueur, mais aussi en faisant en sorte qu'il y ait plus d'activités différentes. Evidemment, plus on joue, plus la diversité est de mise, mais c'est tout de même un point qu'il aurait fallu retravailler surtout qu'à chaque nouveau "grand" combat, il faut tout recommencer !

Une ville ouverte décevante

Même réflexion en ce qui concerne la ville ouverte abandonnée dans le numéro 2 et qui fait donc son retour ici. Cette ville devrait être comme un bac à sable géant avec plein de choses à faire, malheureusement elle a plutôt tendance à nous faire tourner en rond pour rien. Pourtant, il y a plein de quartiers qui donnent envie de se balader mais malheureusement il n'y a rien à y faire ni à y trouver. Si vous trouviez que les rues de Santa Destroy étaient vides dans le premier jeu, sachez que c’est encore pire dans celui-ci. Il y a bien quelques passants, mais on dirait des robots et ils ne servent à rien. Idem pour les quelques voitures qui vont et viennent sans qu’on ne puisse jamais en prendre le contrôle. Il aurait mieux fallu d’ailleurs que les rues soient vraiment désertes, ce qui aurait été logique vu l'invasion des aliens. De toute façon, il est inutile de se balader dans l’espoir de dénicher un secret ou quelques pièces, car tout ce qu’il y a à faire est indiqué sur la carte et Travis n’a quasiment aucune interaction avec le décor. Sa palette de mouvement a même été réduite dans la ville puisqu’il ne peut même plus fouiller dans les poubelles ! Et n’espérez pas grimper sur les toits en utilisant une échelle, ou pénétrer dans un magasin ou même simplement sauter par-dessus une rambarde… Manifestement, Suda51 ne s’est pas intéressé (par manque de temps ou de budget) à cet aspect qui aurait pourtant pu devenir un jeu dans le jeu préférant se focaliser sur la narration, les personnages et la réalisation des cinématiques. Alors pourquoi avoir réintroduit la ville, me direz vous ? Probablement pour plaire aux fans (en tout cas à certains fans). 

Un gameplay amélioré

Alors certes, au fur et à mesure que les quartiers se débloquent, la ville permet de donner une sorte de cohérence à l'ensemble et sert aussi de carte pour aller d'un endroit à l'autre, mais globalement ce n'est qu'un décor et une façade vide. Elle permet cependant à Travis de récupérer une nouvelle bécane ultra futuriste (style Akira- super référence) dont l'utilisation n'est pas toujours très utile et ne devient grisante que lors de trop rares passages dédiés. Par rapport au premier titre, il faut d'ailleurs noter que la conduite s'est fortement améliorée même si cela n'empêche pas de se faire éjecter par un brin d 'herbe (ce qui est toujours très agaçant !) D'une manière générale, c'est tout le gameplay du jeu qui a été amélioré. Il faut se souvenir que les titres originaux ont été conçus pour utiliser la Wiimote avec de nombreux gestes à exécuter en combat comme si on tenait le Beam Katana et cela se sent lorsque l'on joue aujourd'hui aux portages des jeux sur Switch ou Steam. Avec No More Heroes 3, le gameplay a été conçu pour pouvoir être joué aussi bien avec les Joy-Con séparés et la détection de mouvements qu'avec une manette classique sachant que la détection de mouvements se limite à un simple geste à sortir à la fin des combats façon « finish move » ou encore pour effectuer une prise de catch. Evidemment comme on le faisait avec la Wiimote, on peut aussi agiter (le poignet et) son Joy-Con pour recharger le Beam Katana !

Ce sont quoiqu'il en soit des petits mouvements très simples à sortir mais qui surtout peuvent être facilement remplacés en utilisant les sticks (à la façon de The Legend of Zelda : Skyward Sword.)  Un très bon point pour le jeu qui reste très agréable à jouer, que l'on joue avec ou sans la détection de mouvement.

Des combats réussis

A part ça, Travis peut utiliser son Beam Katana avec deux attaques de base. Il peut aussi cibler ses ennemis et en esquivant au bon moment, il peut prendre l’avantage en figeant la séquence. Travis peut aussi parfois se transformer en revêtant une super armure de style Gundam pour affliger un maximum de dégâts ; un délire de plus qui n’apporte à vrai dire pas grand-chose lors des combats, mais qui reste dans le trip WTF de la licence.  Au rayon des nouveautés, il est possibilité de bricoler son Death Glove pour lui apporter de nouveaux pouvoirs et Travis peut aussi améliorer ses capacités et apprendre de nouvelles techniques à la manière d’un RPG. Ainsi petit à petit, Travis devient plus fort et plus agile et plus on progresse, plus les combats deviennent riches et intéressants. Les combats sont parfois difficiles d'autant qu'ils ont chacun leurs propres règles à assimiler mais en cas d'échec, une petite roulette vous permet d'obtenir un bonus permettant notamment de continuer le combat ou d'obtenir un boost. De plus, plus on perd, plus la roulette va lentement nous permettant de choisir son boost et donc d'éviter qu'on bloque trop longtemps sur un même combat.  Il n'y a pas à discuter, les combats sont très réussis... Un bémol peut-être avec les combats impliquant l'armure Mecha qui sont trop simples ou trop fouillis (à moins que votre serviteur ne soit trop nul- et ça, "ça se pourrait, ça se pourrait bien" comme disait si bien l'inénarrable Hong-Kong Fou Fou, le roi du kung-fu.)

Quelques soucis techniques

Visuellement, le titre reprend le style graphique qui avait permis aux jeux originaux de transcender les limites techniques de la Wii et propose toute sorte d'environnements plus ou moins réussis. Il est clair qu'on est loin des standards actuels, même sur Switch. Globalement, que ce soit en mode télé ou en mode portable, le jeu assure le spectacle grâce à sa mise en scène et à ses effets à condition de ne pas être trop regardant sur les baisses de framerate. On peut d'ailleurs sûrement s'attendre à des mises à jour pour corriger certains soucis. 

Finalement, No More Heroes 3 est un jeu dans la droite ligne de ses prédécesseurs qui joue la carte de la surenchère en mélangeant les genres et en hésitant pas à pulvériser plusieurs fois le quatrième mur. C'est un jeu qui cultive les paradoxes avec des séquences superbement réalisées et d'autres qui tombent à plat. Des passages obligés expédiés en moins de deux, et d'autres qui s'éternisent pendant de très longues minutes. Le titre est tellement déglingué que ses défauts peuvent être pris pour des qualités, et vice-versa. NMH3 est une sorte de visual-novel éclaté multipliant les séquences énormes et les rebondissements incroyables. C'est le genre de titre qui peut vous emballer et vous décevoir à la fois.

Une histoire prenante

Contrairement à tant d’autres jeux, les dix « méchants » aliens ont d’ailleurs fait l’objet d’un véritable soin dans l’écriture. Ce ne sont pas forcément des brutes sanguinaires et ils ont chacun une histoire "amusante" à raconter. Il y a ainsi des scènes intimistes tout à fait surprenantes dans le jeu qui viennent contrebalancer la fureur, et même l’horreur de certaines séquences. L’interprétation et le doublage voix participent d’ailleurs grandement au plaisir que l’on a de suivre cette improbable aventure et à faire vivre les personnages du jeu, que ce soit Travis, Fu, Damon, mais aussi Sylvia, Charlotte, Shinobu et tous les aliens…

Comment tuer son ses boss

Le jeu tout entier est construit autour des dix combats principaux qui sont de très grands moments d’autant plus qu’ils sont tous différents avec des règles surprenantes sortant des sentiers battus. C'est un vrai plaisir de découvrir chaque nouvel alien que ce soit son histoire ou son combat. Il est juste regrettable que les boss n'aient pas à proprement parler de niveau à eux. Une fois qu'on a réuni l'argent, on paye et le combat commence (après une cinématique). C'est un peu court et décevant. Suda51 rêvait d'un jeu incluant une succession de 100 boss différents. Il y a renoncé mais finalement, c'est quand même un peu ça puisqu'à côté des boss principaux, le titre propose  aussi des dizaines de mini boss qui ont eux aussi chacun leur histoire, leurs points forts et leurs points faibles. C'est un vrai festival de boss ! Si vous foncez dans l'aventure, comptez entre 12 et 15 heures pour terminer le jeu une première fois, mais bien plus si vous galérez ou décidez de tout explorer. Il y a de toute façon un Game+ et même des petites histoires parallèles

D'une certaine façon, No More Heroes 3 fait la synthèse des deux autres opus, mais peut aussi faire office de conclusion (surtout qu'à priori, il faudra attendre 10 ans pour retrouver Travis dans NMH 4) Certes, le jeu a parfois des allures d'exercice de style ampoulé et vain et il est évident que Suda 51 aurait pu (dû) améliorer la formule en supprimant certains passages "obligés" mais il s'est concentré sur son histoire et a développé de super personnages notamment des méchants inoubliables. Il a en outre soigné les détails avec une foule de références ( Mad Max, Rocky, Akira...) et d'idées. A ce titre, les mails que Travis reçoit sont très drôles et très instructifs avec des films conseillés à voir sur Notflix ! C'est un jeu "punk" conçu par un vrai passionné de jeux vidéo qui ne plaira pas à tout le monde (mais quel jeu plait réellement à tout le monde ?) et qui demandera sans doute des efforts pour être découvert. Si vous aimez simplement l’action, le jeu pourra vous sembler répétitif et manquant de rythme, et il faudra de toute façon forcément trimer et se faire ch*** pour progresser, mais si vous entrez dans le trip, cela en vaudra la peine et vous ne serez pas déçu du voyage.

 

NB : si vous avez aimé les deux premiers, vous pouvez acquérir ce jeu les yeux fermés, vous adorerez forcément ! Ses défauts ne pèseront pas grand chose face au déluge de délire et de référence qui vous submergera. Il est de toute façon génial de constater qu'il y a encore des créateurs dans le jeu vidéo, chacun avec sa personnalité, ses obsessions et ses délires. Et incontestablement, Suda51 est un créateur. Perso, je lui décerne mon coup de cœur. car c'est le genre de jeu et d'initiative qu'il faut soutenir si on ne veut pas se retrouver un jour avec une production aseptisée.

Retrouvez le barème des notes des tests de Nintendo-Master 

 

7.5
No More Heroes 3 est un jeu aussi déglingué que son héros Travis. Partant dans tous les sens, le titre est une déclaration d'amour à la culture geek, un patchwork de séquences tantôt délirantes tantôt monstrueuses qui tient parfois plus d'un visual novel sous acide que d'un jeu d'action pur et dur. Quel dommage que la construction du titre impose des phases de jeu peu passionnantes et très répétitives qui cassent le rythme. Pour autant, si vous avait aimé les deux premiers, vous allez adorer : c'est monstrueusement atroce et complètement allumé. Rien de bien nouveau sous le soleil de Santa Destroy si ce n'est que c'est encore plus fou et plus trash!

  • Travis, ce zéro
  • Une histoire pleine de rebondissements
  • Des cinématiques délirantes
  • Un gameplay amélioré
  • Une maniabilité parfaite aux Joy-Con comme à la manette
  • Des super combats de boss
  • Une histoire et des personnages bien écrits
  • Une bande son efficace
  • Beaucoup d'humour
  • La ville ouverte décevante
  • Des défauts de rythme
  • Une technique parfois défaillante
  • Des bugs
  • Répétitif