Jeune société fondée en 2020, le développeur brésilien Wondernaut Studio nous présente en cette mi-décembre sa première création : Apire : Ina’s tale. Mêlant plateforme, puzzles et aventure à défilement horizontal, le jeu nous invite au rêve et à la contemplation au sein d’un étrange édifice où tous les songes sont permis, pour peu que vous ne souhaitiez pas en sortir. Saurez-vous échapper à la Tour ?
Dans la plus haute salle de la plus haute tour
Quelque part, en quelques lieux, se dresse un édifice mystérieux. Dans cette Tour dont nul ne connaît la provenance, un cœur bat au rythme des songes de la jeune fille qui y sommeille. Un jour, pourtant, le rêve s’arrête. Sans aucun autre souvenir que quelques bribes de son ancienne vie, la jeune fille se réveille. Elle se souvient de son nom, Ina, se connaît une famille, un foyer, aussi. Mais que s’est-il passé depuis ? Pourquoi est-elle ici, perdue au beau milieu de cet édifice où semblent se côtoyer l’obscurité et la lumière ? Peut-être, la réponse se trouve-t-elle plus haut. Peut-être, la sortie se trouve-t-elle au bout du chemin. Dans sa quête de liberté, Ina fera la connaissance de singuliers personnages, avec l’aide desquels elle se rendra dans les plus secrets recoins de la Tour. Ne vous fiez pas au calme apparent qui plane en ces lieux, cependant. Vous êtes indispensable à la Tour. Et la Tour ne vous laissera pas partir si facilement.
Invitant davantage le joueur au voyage et à la rêverie, Ina’s Tale est doté d’un scénario et de personnages simples au premier abord, mais dont les subtilités sont réservées à ceux qui n’hésiteront pas à poser quelques questions supplémentaires à ces interlocuteurs ou qui exploreront un peu plus que les autres. En effet, les interactions avec vos camarades d’infortunes n’en seront que plus intéressantes si vous parvenez à mettre la main sur les fragments de passé éparpillés dans les recoins de la Tour. Sorte de collectibles secrets, ceux-ci vous gratifieront de quelques informations supplémentaires sur l’univers, en vous faisant par exemple découvrir le véritable prénom des personnages que vous avez déjà croisé, eux qui sont normalement désignés par la fonction qu’ils occupent dans la Tour. Et ces secrets sont nombreux. Sans doute sur ce point les développeurs ont-ils posés trop de questions, car elles ne trouveront malheureusement pas toutes leurs réponses au terme des quelques heure qui nous occuperont sur ce titre (4h30 dans notre cas).
Agir ou réfléchir, pourquoi choisir ?
Au sein des différents étages qui composent la tour, vous aurez à faire avec des phases de plateforme qui vous permettront d’interagir avec divers éléments du décor. Il est ainsi possible de grimper aux échelles, de se balancer d’une corde à l’autre, ou encore d'actionner des leviers. Vous n’aurez, pour se faire, qu’un seul et unique allié : votre maîtrise parfaite du saut. Une mauvaise appréciation des distances peut s’avérer fatale et ce, même si Ina peut se rattraper aux parois en cas d’erreur, pourvu qu’elle soit minime.
Plutôt classiques, ces phases à la mécanique limitée au bouton « saut » restent en retrait comparé aux phases de puzzles, largement plus intéressantes de par leur gameplay plus fourni. Ces derniers, véritables casse-têtes par moment, demandent au joueur de jongler entre rapidité, ingéniosité et maitrise intelligente des pouvoirs d’Ina. En effet, la jeune fille peut compter sur d’autres moyens que ses capacités physiques pour venir à bout des énigmes qui lui barrent la route. Cette aide, ce sont les esprits qui peuplent la Tour qui vous l’apporteront. Représentés sous différentes formes et couleurs, ils permettront à Ina d’évoluer au sein de la Tour en lui conférant des capacités uniques telles que la manipulation de la gravité ou encore de la grandeur. Afin de parvenir jusqu'à ces plateformes hors de portée et/ou d'ouvrir ces portes closes, il s’agira de manipuler convenablement plateformes mouvantes et autres blocs de métal, qui jouent le rôle de « récepteur » de vos pouvoirs et réagissent en conséquence. Et si l'on résout assez facilement les premières énigmes, les choses se corsent rapidement, car certaines salles ne vont pas hésiter à vous imposer des difficultés supplémentaires, telles que la gestion de plusieurs pouvoir à la fois, ou encore une certaine rapidité d'exécution de vos mouvements. Néanmoins, cela n'en rend pas les puzzles pour autant insurmontables, d’autant plus que le douloureux passage par la case « retour au checkpoint précédent » en cas d’ordre d’action erroné nous a été épargné. Et ce, bien que l’option soit tout de même disponible dans le menu pause. Ainsi, si l'on peut se retrouver assez régulièrement bloqué, le jeu laisse toujours la possibilité de se rattraper en cas d’erreur dans notre réflexion.
Fuyez, pauvres fous !
Si nous avons abordé les deux principales phases du jeu, il en reste une qui retiendra notre attention malgré son caractère secondaire : les temps de confrontations. Pour ceux-ci, l’affirmation finale du paragraphe précédent passerait pour un éhonté mensonge. Car au plus profond de la Tour, là où ni la lumière ni les rayons du soleil ne percent, se cachent de sombres créatures prêtes à tout pour vous empêcher d’aller plus loin. Au cours de son périple, Ina verra ainsi son avancée contrariée par des monstres qu’il lui est impossible de vaincre, faute de quelconque capacité offensive. La meilleure défense, c’est la fuite, et il faut fuir vite. Un simple contact avec l’ennemi, et c’est la mort assurée. Une erreur de timing, et il faudra tout recommencer. Mais cette tension, si elle est bien présente, doit cependant être relativisée. En effet, ces échanges sont finalement bien trop courts et trop peu nombreux pour que l’on retienne durablement ces temps particuliers du jeu, ce qui est ô combien dommage vu l’aspect plus qu’intéressant qu’ils revêtent au sein du jeu. Car c'est bien à ces instants précis que la réalité de la Tour nous saute au visage : nous sommes seuls, sans défense, bousculés par le temps et des ennemis invincibles programmés pour nous éliminer. C'est précisément dans ces moments, où les âmes abandonnées du soleil deviennent les maîtres des lieux, que l'espoir d'atteindre la sortie semble inatteignable.
Silence, on écoute
Des les premières notes de son introduction aux dernières de son générique de fin, Ina’s Tale se fait défenseur de l’élégance. Alors que l’on arpente les décors tantôt baignés de lumières, tantôt engloutis par les ténèbres, on est forcément tenté de s’arrêter, ne serait-ce que pour profiter encore un peu du rythme lent d’un piano, des notes saccadées d’une boite à musique, de la douceur des notes du violon ou d’une mélodie à l'accent asiatique alors que l’on aperçoit derrière nous les pétales d'un cerisier qui se perdent dans le vent. Le tout, renforcé par la présence d’effets sonores qui rendent encore un peu plus vivant Ina et les autres habitants. Chaque personnage se voit ainsi doté de sa propre voix, sous forme de petit bruitage se déclenchant lors des actions et des dialogues, qui suffisent à capter l’essence de chaque personnalité. Un petit ajout qui a l’air de rien, mais qui participe fortement à la cohérence d’ensemble d’un titre poétique qui en met plein les oreilles et la vue.
Suivez la lumière
Si Ina’s Tale brille par son ambiance sonore, elle resplendit dans son esthétique. Des geôles sombres et froides du Donjon au plus radieux des jardins de la cour des Effigies, le sens du détail de Wondernaut Studio ne cesse jamais de surprendre. La lumière, par exemple, joue un rôle crucial dans le petit monde de Ina’s Tale, au point qu’elle peut être considérée comme un personnage à part entière de l’aventure. Parmi les décombres mécaniques d'un monde qui s'effondre, la vie n’a jamais cessé de prospérer et c’est à cette lumière qu’incombe la tâche de nous le démontrer. A ce titre, on finit toujours par la retrouver, d’une façon ou d’une autre, aux côtés d'Ina. Directement d’abord, en perçant les fenêtres des arrière-plans et baignant les lieux de ses rayons bienveillants, ou plus indirectement, se cachant derrière des couleurs qu’elle se charge de faire resplendir ou ternir. Les étages les plus radieux de la Tour se voient dotés de jolies couleurs pastelles là où ses plus sombres recoins sont renforcés par un trio de couleur rouge, violette et noir à l'aspect inquiétants. Chaque étage de la Tour possède ainsi sa propre personnalité visuelle, où les chaudes couleurs peuvent soudainement laisser place à une palette plus sombre ou plus claire au fur et à mesure que le joueur avance dans la pièce, révélant un monde à la fois complexe et changeant. Plus que de simples lieux de passage, les différentes salles que l’on parcoure sont avant tout des lieux de vie où s'écoule l’eau, où virevoltent les pétales de fleurs emportées par le vent, où pousse d’immenses arbres autour desquels prospèrent la végétation et les fleurs.
Véritable ode à la nature où la beauté de tous les instants est portée par des paysages resplendissants, la faune se mêle aux débris mécaniques d'une Tour dont la fin est proche. Les restes d’un robot, des épées gigantesques plantées dans le sol, des montagnes de pièces détaché, des poutres de métal brisées etc.. Qui étaient ces êtres qui peuplaient jadis ce monde ? Sans doute étaient-ils bien plus grands que nous, comme aiment nous le rappeler les mouvements de caméra, oscillant entre plans rapprochés et plans d’ensemble permettant de nous rendre compte de l'immensité de Tour qui nous surplombe sur tous les plans. Et pour immerger encore un peu plus le joueur, les développeurs ont parcimonieusement intégré des éléments de décors au premier plan, comme pour nous perdre un peu plus dans le monde ce qui nous entoure. Il en résulte une direction artistique de grande qualité, dont le travail s'apprécie jusqu’aux petits détails allant du mouvement dynamique des cheveux d’Ina au reflet de celle-ci dans les cristaux ou les miroirs.