Nintendo Switch

Another Code: Recollection

Test Switch

Another Code: Recollection

Par rifraff - Le 18/01 à 12:00

Si pour le grand public, la Nintendo DS évoque des jeux comme le Professeur Kawashima, les NintenDogs ou encore New Super Mario Bros., pour les gamers (ou plutôt les « gamophiles ») la petite console portable aux deux écrans de Nintendo c’est aussi et avant tout, un catalogue riche en jeux uniques et originaux frisant parfois l’expérimentation comme Soul Bubbles, Pac-Pix, Kirby : le Pinceau du Pouvoir, Phoenix Wright ou encore... Another Code.

Double peine

Another Code : Mémoires Doubles est un roman visuel mêlant énigmes et point and click qui a fait forte impression à sa sortie en 2005 tant il faisait une utilisation originale des spécificités de la Nintendo DS, au point de faire de la console un élément à part entière du jeu.

Développé par le studio japonais Cing, Another Code : Mémoires Doubles se distinguait en effet par ses énigmes immersives qui demandaient au joueur de manipuler la console comme l’héroïne dans le jeu.  Ainsi, une énigme exigeait que l’on ferme la console pour créer un effet miroir tandis qu’une autre demandait qu’on souffle dans le micro pour faire de la buée sur une vitre, et révéler ainsi un message.  Par ailleurs, le style graphique du jeu, à la façon d’un manga crayonné, était tout simplement irrésistible et en parfaite symbiose avec la réalisation percutante et élégante du titre. Un style raffiné et singulier qui deviendra d’ailleurs une marque de fabrique du studio Cing,sur NDS qui sortira plus tard, Hotel Dusk et Last Window, deux autres perles du genre. Le jeu était assez court mais prenant et suffisamment percutant pour qu’une suite débarque quelques années plus tard sur Wii, Another Code : les Portes de la mémoire…

Dans cette suite, la NDS de l’héroïne était remplacée par une Wiimote, la même que celle tenue par le joueur. On farfouillait dans tous les coins en utilisant le pointeur de la Wiimote et, régulièrement, il fallait reproduire des gestes ou des mouvements pour progresser... C'était déjà moins pertinent et "avant-gardiste" que l'utilisation de la DS dans le jeu précédent mais cela perpétuait le côté immersif du gameplay.  Il fallait souvent pointer l'écran et agiter le poignet mais pas seulement. A un moment, par exemple, le joueur devait débrancher le Nunchuck pour résoudre une énigme ou encore écouter des sons sortant du haut-parleur de sa Wiimote… A l'arrivée, les deux jeux proposaient une expérience unique, impossible à envisager sur une autre console. Autant dire que nous étions curieux de voir comment les développeurs allaient réussir à transposer ces deux titres sur Nintendo Switch sans les trahir et sans perdre tout ce qui faisait leur singularité. 

Deux titres en un

Another Code : Recollection réunit donc les deux jeux originaux précédemment sortis. Cependant, il ne s’agit pas vraiment d’une « compilation » puisque les deux jeux ont été « recollés » de façon à n’en faire plus qu’un. Impossible, donc, de choisir son titre en début de partie comme on aurait pu le croire.  Les développeurs ont réadapté les deux titres pour la Nintendo Switch en s’efforçant de gommer leur différence et en adaptant leur gameplay de façon à former une grande histoire. Et pour tout dire, c'est assez logique puisque les deux titres se suivent, reprenant certains personnages et de nombreux éléments avec quelques années d'écart.

Pour autant ne croyez pas que la Switch remplace la NDS et la Wiimote des jeux précédents. Certes, la console est encore un élément du jeu (le DAS) qui permet à l’héroïne d’interagir avec son environnement mais la console, en tant que telle, n’est plus un élément de gameplay à manipuler par le joueur. Le côté interactif et immersif qui mettait le même élément dans les mains du joueur et celles de l’héroïne a été volontairement supprimé. L’écran tactile n’est d’ailleurs même pas pris en charge ni la détection de mouvement même si le gyroscope est sollicité à deux ou trois reprises. Et n'espérez pas une utilisation des vibrations HD ou de la caméra Infra-rouge du Joy-Con gauche dans de nouvelles énigmes. Désormais, le titre lorgne du côté de jeux d'aventure graphique façon Life is Strange ou encore OXENFREE auxquels on pense à certains moments.

C’est forcément décevant et cela rend Another Code : Recollection beaucoup plus quelconque. Tout l’intérêt du (des) jeu(x) est désormais centré sur l’intrigue et les personnages, bien plus plus que sur les énigmes. De toute façon, désormais les énigmes sont très basiques pour ne pas dire simplistes. Il y en a d’ailleurs très peu. Enormément de passages des deux jeux ont été transformés et leurs énigmes tout simplement supprimées aussi bien dans la première partie du jeu (l’épisode DS) que dans la seconde (l’épisode Wii).

C'est un beau roman

D’une certaine façon tout ce qui faisait l’originalité des deux jeux n’existe plus dans cette « recollection » .Another Code : Recollection s’apparente désormais à un simple « visual novel » dans lequel il y a de temps en temps quelques énigmes. L’épisode DS en a tout de même un peu plus et c’est surtout l’épisode Wii qui s’en retrouve pratiquement dépourvu (sans que la bise ne soit venue);  la majorité exigeant de farfouiller dans les environnements pour trouver une clé ou autre, ou d’appuyer sur une série de bouton à la suite (sachant qu'au bout de plusieurs erreurs, le jeu nous aide).

On commence donc par découvrir les événements du premier jeu mettant en scène la jeune Ashley Mizuki Robins âgée de 13 ans au moment où elle se rend sur une île pour y retrouver son père qu’elle n’a pas vu depuis des années. Seulement, l’île semble déserte et est surtout remplie de pièges et d’énigmes…Par ailleurs, une ombre étrange plane autour de la jeune fille...

Dans le jeu original, le gameplay était clairement découpé en trois avec les déplacements d’Ashley (au stylet), en vue de dessus, les phases point and click permettant de farfouiller dans le décor pour y récolter des éléments et les phases d’énigmes « non conventionnelles » demandant de manipuler la console et de jouer avec ses spécificités (double écran, tactile, micro, etc.) Dans cette nouvelle version, Ashley se déplace dans des environnements en 3D, à la façon des jeux Project Zero, auquel le titre peut faire penser (les scènes flippantes en moins). Il n’y a plus à proprement parler de phases « point and click » sauf à quelques moments précis (pour ouvrir un tiroir ou une boîte) et tout se joue au stick et aux boutons. Ashley avise simplement les points d’intérêt autour d’elle et s’en approche. En fonction de la situation, on a droit à une description ou à une interaction. De temps à autre, une énigme exige un élément précis qui se trouve généralement à proximité. Il suffit bien souvent d’observer son environnement pour y dénicher les éléments de réponse (un code, un artefact ou autre).

L'énigme de la disparition des énigmes

Il n’y a rien de très compliqué et les énigmes sont, pour le coup, très conventionnelles. Il ne reste quasiment rien des énigmes immersives des jeux originaux et les jeux sont encore plus dirigistes qu'auparavant- ce qui n'empêche pas une option d’ajouter des balises à suivre et même une aide pour les énigmes. Dans les jeux originaux, on ramassait beaucoup d'éléments au cours de nos pérégrinations. C'est désormais très limité et il y a de nombreux environnements qui sont carrément vides. Pour nous inciter, malgré tout à les visiter, une sous-quête invite le joueur à dénicher et prendre en photo des mini cocottes en papier, cachées ici ou là. Hourra.

Les graphismes, désormais en 3D pour les deux titres, sont simples mais font le job. Il y a même de très jolies séquences. Il y a bien quelques petits problèmes de caméra mais rien de vraiment rédhibitoire. Les personnages ont tous été redésignés et sont désormais en 3D. Le résultat est plus que correct. Si les animations sont parfois rigides (et les personnages très lents) on note un vrai travail sur les expressions des personnages, plus particulièrement sur celles d’Ashley qui est plus vivante que jamais. On apprécie notamment son évolution, d'un jeu à l'autre, passant d'une enfant perturbée mais téméraire à une ado rebelle, limite agaçante... Une impression renforcée par son doublage en anglais intégral. D’ailleurs, tous les personnages ont droit à un doublage intégral en anglais ou en japonais (sous-titré en français) ce qui fait qu’on a vraiment l’impression de découvrir un « roman animé » voire même un dessin animé tout court même si la plupart des PNJ, restent statiques et que toutes les émotions passent par leurs expressions et surtout leur voix. Incontestablement, le doublage reste LE point fort de cette « Recollection » . Dommage qu’à côté de ça, l’ambiance sonore et plus particulièrement les musiques du jeu soient si quelconques (le morceau du groupe de musique est... horrible. On n'a plus le droit d'infliger ça en 2024).

La mort lui va si bien

A la base, bien que plus court, l’épisode DS est, objectivement plus réussi que l’épisode Wii qui est certes beaucoup plus long mais plus éclaté pour ne pas dire claqué, en partant dans tous les sens. C’est encore le cas ici. La première partie est la meilleure. La réalisation est plus surprenante, l'action, plus resserrée avec de nombreux rebondissements et, il y a aussi plus d’énigmes. Cependant, l'épisode Wii a bénéficié d'une vraie refonte de façon à coller avec l'épisode précédent. L’épisode DS se déroule principalement dans un manoir, assez sombre, tandis que l’opus Wii nous entraîne dans un simili monde ouvert dans un petit village perdu dans la montagne, beaucoup plus ensoleillé.

Dans Mémoires Doubles (la première partie de cette « recollection) Ashley, enfant, est accompagnée du fantôme d’un enfant qui cherche à comprendre ce qui lui est arrivé en même temps qu’Ashley essaye de se souvenir d’un évènement traumatique de sa petite enfance. Les deux histoires ont des points communs et finissent par se rejoindre… On y évoque la mort, la perte d’un être cher mais aussi les rapports difficiles entre les enfants et leurs parents… Les thèmes sont intéressants mais ça reste paradoxalement très léger, privé, en plus du côté "roman noir" des jeux originaux (surtout l'opus DS).

Dans Les Portes de la mémoire (l'épisode Wii) on retrouve Ashley désormais âgée de 16 ans en pleine crise d’ado alors qu’elle se rend dans un camping pour rejoindre son père avec lequel elle a désormais beaucoup de mal à communiquer… Durant l’aventure, Ashley rencontre un enfant, bien vivant cette fois, qui, lui aussi, essaye de recoller les morceaux de sa propre histoire… Encore une fois, l’intrigue ou plutôt les intrigues, évoquent la mort et les rapports difficiles entre les enfants et leurs parents mais aussi la culpabilité et le passage à l’âge adulte. Cette deuxième partie est donc plus longue et, en théorie, plus riche avec beaucoup plus de décors et de personnages, et une carte à visiter plus vaste (rappelant celle d'OXENFREE II) Cette partie est grandement modifiée par rapport à l’original avec des rebondissements différents mais qui peinent à former un tout cohérent. Bien que plus lumineuse que la première partie, cette nouvelle aventure reste, malgré tout, toujours pleine de mystères. 

L'originalité en moins

Cependant, en changeant quelques éléments importants dans le scénario et son déroulé, en aseptisant le style graphique du jeu et en « lissant » la réalisation, les développeurs ont quelque peu affadi l’ensemble. Dans la version Wii, il y avait des ombres mystérieuses qui planaient autour d’Ashley et on sentait un véritable danger autour d’elle. Ce n’est plus le cas désormais. On suit le fil de l’intrigue au fur et à mesure qu’il se déroule sans pouvoir digresser et encore moins, ne serait-ce qu’explorer des endroits avant que le scénario ne l’exige. En plus des murs invisibles qui limitent l’aire de jeu, il est parfois impossible de sortir d’une pièce avant d’avoir ramasser un objet important ou, au contraire, on ne peut parfois pas le ramasser avant de rencontrer l’énigme qui l’exige. Certes, les deux jeux ont été refaits mais ils donnent encore plus impression d'accuser leur âge.

L’intrigue est cependant plus développée et les personnages plus consistants.  Ce n’est pas follement passionnant surtout qu'il y a pas mal d'incohérences et un côté redondant (surtout vers la fin) avec des dialogues sans fin mais il faut reconnaître qu'il y a un vrai travail de (ré)écriture et de réalisation. On se demande tout de même ce qui a poussé Nintendo a réadapté les deux jeux de cette manière si (trop) classique sans chercher à surprendre et à briser le quatrième mur.

6.5
En supprimant tout le côté immersif des deux jeux et de très nombreuses énigmes, les développeurs ont ôté beaucoup de l'intérêt et de la singularité des jeux originaux. Reste des personnages attachants grâce à un doublage intégral très réussi, une ambiance mystérieuse mélangeant, fantastique et "Teen Movie" et une intrigue à tiroir ménageant quelques rebondissements sympathiques. Si vous ne connaissez pas les jeux originaux et aimez les jeux d'aventure graphiques (et, accessoirement aussi, lire), vous prendrez néanmoins plaisir à découvrir l’histoire d’Ashley et ses fantômes… Les fans des jeux originaux, par contre, ne pourront s’empêcher d’être déçus par ces nouvelles versions bien moins originales et percutantes.

  • Ashley, adorable (et agaçante)
  • De bons personnages
  • Doublage intégral réussi
  • La première partie mystérieuse
  • Quelques énigmes sympas, malgré tout
  • Correctement réalisé
  • Mise en cohérence des deux titres
  • Peu d'énigmes
  • Trop simple
  • Le côté immersif supprimé
  • Style des jeux originaux aseptisé
  • Problème de "rythme"
  • Très dirigiste
  • Problèmes de caméra
  • Redondant