C'est fou de se dire que la série Yakuza (Like a Dragon pour les nouveaux arrivants) a déjà 20 ans. Petit caillou ayant déclenché une avalanche, cette série au succès grandissant s'invite sur Switch 2 avec le très populaire Yakuza 0 en édition Director's Cut. Le jeu, et ses ajouts, en valent-il la chandelle pour jeu sorti il y a déjà 10 ans ?
Test réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur
Une histoire, deux hommes, et des myriades de beignes
Yakuza 0 nous raconte l'histoire fondatrice de Kazuma Kiryu, héros de la saga, et du très apprécié Goro Majima, ami et boss récurrent dans bien des épisodes. On suivra les deux héros dans les années 80, lors de la bulle économique Japonaise, époque faste et sans complexes alors qu'ils vivront des aventures qui forgeront leur caractère pour le reste de la série. Kiryu, lui, se verra accusé de meurtre et devra se défendre alors qu'il est évident qu'il n'est qu'un pion dans les magouilles politiques du clan Tojo et d'autres organisations de l'ombre. Mais alors qu'il n'est qu'un jeune loup sans rien à son nom, ni respect, ni rang, les choses vont très vites lui demander de compter sur des ressources qu'il ne pensait pas avoir. De son côté, Goro Majima, banni du clan après s'être dressé contre un complot interne, opère en tant que gérant d'un club de nuit soumis à l'autorité de ses anciens collègues. Quand l'opportunité de revenir dans les bonnes grâces du clan, il mord à l'hameçon mais le, prix à payer est lourd : il doit tuer quelqu'un, un acte mal vu même chez les yakuzas.
Ces deux histoires progressent en parallèle et les deux sont très prenantes : celle de Kiryu car on apprend à connaître les origines d'un personnages iconique et charismatique, qu'on a jamais vu aussi fougueux et irréfléchi, et celle de Majima pour son intrigue et ses personnages qui construiront le Chien fou de Shimano tel qu'on le connaît plus tard, lui qui semble si calme et réservé dans cet épisode. Si les fans de la série pourront sans apprécier les intrigues de cet épisode grâce à ces personnages connus, les nouveaux arrivants pourront s'en servir comme d'un point d'entrée idéal, car tout est présenté clairement et sans a priori dans un package qui se suffit à lui-même, si on oublie les quelques clin d’œil optionnels aux futurs épisodes.
En essence, Yakuza 0 est un beat'em up, un jeu où déglinguer la tête de tous les affreux qui osent s'en prendre à vous est le gameplay principal, mais il présente également un aspect RPG de par ses nombreux systèmes, son histoire véritablement au centre du jeu et surtout le fait qu'on va jouer les rôles de Kiryu et de Majima et prendre part à des multiples histoires les concernant. Un mélange de genre qui a su plaire et a propulsé la série de jeu de niche à une des plus aimées de SEGA. Les plus anciens pourront même y voir une évolution naturelle de la série Shenmue, avec un jeu entre action, histoire dramatique et tranche de vie loufoque. En effet, deux quartiers que les fans connaissent bien sont modélisés en détail : Kamurocho, inspiré du quartier chaud Kabuki-Cho à Tokyo, et Sotenbori, basé sur Osaka. Ces deux petites villes seront le théâtre de toutes vos aventures et des personnages à part entière tellement on apprend à les connaître à force de les arpenter.
Un monde d'hommes où règne la force
Yakuza 0 est d'abord un beat'em up, comme dit plus haut. Les bagarres sont légions et vous avez largement de quoi vous défendre : vos poings. Kiryu et Majima sont des combattants hors-pair, et se débarasser d'une dizaine de yakuzas à la mine patibulaire, d'une poignée de chinois louches, ou même d'une foule de salary men frustrés se fera sans soucis. Vous disposez d'une d'attaque légère, une attaque lourde, une choppe et une esquive, tout simplement. Et si un objet traîne par terre, comme un panneau « sol mouillé », un vélo ou une poubelle, vous pouvez vous en emparer pour taper avec ! Quand vous frappez sans vous faire toucher, vous ferez monter votre jauge de Ferveur et vous pourrez la dépenser afin de placer un coup particulièrement brutal mais surtout contextuel et varié : si vous tenez un ennemi près d'une mur, sur le bord d'un pont, près d'une voiture, ou qu'il simplement à terre, il y a une tonne d'animations différentes durant lesquelles vos assaillants vont regretter tous les choix de vie.
Mais ce n'est pas tout ! Chaque personne possède trois styles de combats distinct ! Kiryu a accès au style normal Bagarreur, au style Rapide qui vous permet d'esquiver comme Mohammed Ali, et au style Brutal qui vous donne le droit d'attraper des objets à la volée afin de taper vos ennemis avec, et même de vous saisir d'objets plus lourds comme une moto ou d'autres ennemis afin de vous en servir comme arme. Majima, lui, a accès à son style de base Voyou, au style frappeur où se bat avec une batte de baseball ainsi qu 'au style Danseur où il breakdance mieux qu'une certaine Australienne aux JOs et pouille les ennemis avec style. Chaque style est améliorable grâce à un arbre de compétence afin de débloquer des nouveaux coups et de nouvelles actions de Ferveur, et un quatrième style est même dispo si vous terminez une quête secondaire particulièrement longue, donc vous avez de quoi faire, et éclater des racailles ne sera jamais une corvée. On pourra quand même remarquer une certaine raideur dans les commandes parfois, mais on s'y fait rapidement.
Il faut bien dire que ce système de combat qui a fait les belles heures de la franchise est une réussite : simple, brutal et satisfaisant, mais possédant assez de profondeur pour s'y plonger et devenir un pro. Il y a quelque chose de viscéral dans le fait de malmener si aisément des hordes de bandits prêts à vous trouer la peau. Et le plus beau est que vous pouvez ignorer tous les systèmes et vous gaver d'objets de soin si le cœur vous en dit, ou exploiter chaque subtilité du jeu sans qu'une méthode soit « la bonne. » Yakuza 0 est assez riche pour que votre façon de jouer soit la vôtre, et soit valide. D'ailleurs, si vous tenez vraiement à mettre vos capacités à l'épreuve, le mode Combat au Sommet est présent pour vous présenter des batailles challenge qui mettront vos nerfs à l'épreuve!
On travaille dur, on se détend dur
La série yakuza, ce n'est pas seulement des histoires prenantes, des personnages attachants et des combats qui feraient grincer des dents un adepte de l'octogone. Non, cette série a aussi un côté loufoque et très drôle qui se révèle dès qu'on sort un peu des sentiers battus. Chaque quête secondaire du jeu est une occasion de mettre nos sérieux protagonistes dans des situation folles et ridicules dont ils vont se tirer comme ils le peuvent : qu'une dominatrice vous demande des cours d'humiliation, qu'une mère veuille récupérer sa fille dans une secte bizarre, ou qu'un fou vole les pantalons des passants, chaque histoire secondaire est mémorable, et une bonne excuse pour prendre une pause de la quête principale si riche en drama.
Nombre de ces quêtes sont liées à des mini-jeux et activités disponibles qui vont du mondain à l'absurde mais sont tous étrangement très développés. Ainsi, vous pourrez jouer au bowling, aller secouer le dancefloor ou aller faire karaoké, mais aussi jouer à des vieux jeux SEGA (Space Harrier, et Outrun), parier sur du catch feminin sexy ou faire des courses de petites voiture et pourrir les gamins qui n'ont pas assez d'argent pour faire mieux que vous. Chacune de ces activités peut vous rapporter des CP, points nécessaires pour débloquer des secrets, mais aussi de l'argent, ou même vous donner un coup de boost pour vos compétences, mais certaines se suffisent à elles-même.
Un bon nombre d'activités sont juste là pour se rincer l'oeil (nous sommes dans un quartier chaud après tout) comme les coups de téléphone pour tenter de draguer, les vidéos softcore des mannequins et actrice de charme ayant prêté leur voix pour le jeu, et jamais Yakuza ne devient timide sur le côté chaud du monde de la nuit. Une initiative qui a d'ailleurs aidé à mettre en lumière ces professions dénigrés par le passé et qui a aidé rendu la saga très populaire pour sa vision non-éducorée de la société japonaise. De manière peu surprenante, tout le contenu « chaud » est intact et présent sur cette version Switch d'ailleurs. On apprécie l'intégrité et le manque de pudibonderie du Nintendo moderne.
Un deuxième job, carrément !
Chaque héros a également accès a une activité secondaire unique qui est un jeu dans le jeu et qui va vous rapporter le gros de votre argent, mais également vous prendre beaucoup de temps. Kiryu deviendra un agent et gestionnaire immobilier chargé de développer Kamurocho, et lors de son activité, vous allez parcourir le quartier à la recherche de buildings à acheter et d'employés qualifiés, puis gérer tout ça de façon à ce que ça vous rapporte un max en peu de temps. Réussissez assez et vous attirerez l'attention des Cinq Rois, des magnats de l'immobilier véreux à qui vous pourrez infliger une correction si vous jouez bien vos cartes. Si vous avez terminé des quêtes secondaires, les personnes que vous avez aidé pourraient vous retourner l'ascenseur, alors n'hésitez pas à tendre la main à votre prochain.
Du côté de Majima, vous prendrez les rênes d'un club à hôtesses. Vous devrez gérer le service, assigner des filles aux clients, mais aussi résoudre les problèmes et veiller au bien-être de vous employées. C'est un mini-jeu où vous serez beaucoup plus impliqué, car il ne se fait pas passivement, et de longues phases de conversation avec vos hôtesses stars sont disponibles afin d'apprendre à les connaître. Encore une fois, les quêtes secondaire vous permettront de recruter des femmes au tempérament bien trempé, alors n 'hésitez pas à aller vous tremper dans les affaires des autres. Et bien entendu, si votre club commence a prendre trop de place, les Cinq As viendront sûrement vous mettre des bâtons dans les roues, et ce sera à vous de leur montrer comment se comporter à l'avenir... à grands coups de tatane si besoin.
Quoi de neuf 10 ans après ?
Bon, vous l'aurez compris, Yakuza 0, c'est bon, mangez-en, mais pourquoi on achèterait un jeu sorti il y a 10 ans ? Et bien mes chers amis gaulois, voilà pourquoi : cette version est intégralement traduite dans la langue de Molière, et qualitativement s'il vous plaît ! Si vous n'aviez jamais pu aborder la série avant, c'est maintenant l'occasion de vous y essayer grâce à ce petit ajout qui pèse lourd pour certains. Certaines scènes ont été rajoutées au mode histoire, mais celles-ci ont tendance à se faire plutôt discrètes. On rajoutera également la présence d'un doublage anglais pour ceux qui ne voudraient pas entendre les tons chauds de Takaya Kuroda, un ajout qui a le mérite d'exister. Dernière petite surprise : un mode multijoueur en ligne ou vous pouvez choisir parmi n'importe quel personnage important du jeu, et certains ennemis pour une centaine en tout, et aller joyeusement taper sur des vagues de vilains. Chaque personnage peut être monté en niveau, alors vous aurez de quoi faire ! Un mode qui plaira sûrement aux accros du système de combat mais qui reste dispensable passé une petite heure, même si enfin pouvoir jouer son PNJ chouchou a du charme.
Graphiquement, la Switch 2 montre qu'elle n'a rien à envier à une PS4 et fait tourner le jeu à la perfection. Et si certains graphismes, et surtout la mise en scène des quêtes secondaires, montrent un peu leur âge, vous pourriez encore être surpris de la qualité des animations des personnages et des scènes du jeu. Le Studio Ryu Ga Gotoku nous fournit ici la version la plus complète et abordable pour tous d'un de leur jeux phares, et à petit prix, il serait dommage de se priver de plonger dans la saga Yakuza, une des meilleures de ces dernières années.