Nintendo Switch 2

Kirby Air Riders

Test Switch 2

Kirby Air Riders

Par babidu - Le 19/11 à 12:00

Il y a des licences dont on se demande si elles reviendront un jour, tant leur place dans l’histoire est à la fois mystique, reconnue et… accidentelle. Kirby Air Ride, sorti sur Nintendo GameCube il y a désormais plus de vingt ans, faisait exactement partie de cette catégorie. Un ovni qui mélangeait course, action, improvisation, expérimentation et Kirby dans un mélange homogène qui tient du miracle de game design. Derrière ce jeu étrange mais attachant, dont on se souvient davantage comme d’une blague de l’ère Nintendo GameCube, ce que j’appelle les années fac de Nintendo, on retrouvait en coulisses, Masahiro Sakurai, le créateur de Kirby et de Super Smash Bros., qui avait conçu un système d’une précision chirurgicale derrière une façade volontairement naïve d'un simple jeu de course estampillé Kirby.

Le retour d’un OVNI maîtrisé

Kirby Air Riders, cette suite près de vingt ans après, arrive aujourd’hui avec une mission des plus complexes, à savoir ressusciter cet esprit et cette époque avec lui. En plus d’assumer un statut de suite-remake et de s’adresser à un public nostalgique sans s’enfermer dans le fan-service, il doit surtout s’inscrire dans le line up de lancement tardif de la Nintendo Switch 2, où les jeux de course récréatifs et les party-games efficaces ne manquent déjà pas. Si le retour de cette formule si particulière est assez périlleux, dès les premières minutes, on sent que les développeurs ont cherché à préserver le cœur du concept en affinant ses contours et en le modernisant pour faire peau neuve deux décennies plus tard. Après une vingtaine d’heures réparties sur l’ensemble des modes, le verdict se dessine clairement : Kirby Air Riders reste fidèle à sa philosophie, parfois jusqu’à l’entêtement, mais réussit à instaurer une identité propre et à s'affirmer comme un des vrais gros jeux de la première fin d'année de la Nintendo Switch 2. Une différence et un goût unique qui n’ira pas forcément chercher tout le monde, mais qui récompense ceux qui acceptent de creuser un peu.

Un gameplay minimaliste en façade, exigeant en profondeur

Le gameplay du titre repose sur une base à quatre actions : tourner, freiner, déraper et planer. Sur le papier, difficile de faire plus accessible ; un bouton pour freiner, déraper et attaquer, un autre pour le spécial et le stick pour tout le reste. Il n'y a pas de bouton d’accélérateur, en effet, comme dans le jeu original, la vitesse est automatique. Cette contrainte volontaire, presque contre-intuitive quand on sort de Mario Kart World, change absolument tout. On entre dans la course comme dans un jeu d’arcade, mais on en sort avec la sensation d’avoir joué à quelque chose de plus subtil qu’il n’y paraissait. La physique récompense les trajectoires propres, l’usage du freinage progressif demande un vrai temps d’adaptation et certains véhicules semblent conçus pour dérégler les repères du joueur… au moins temporairement. Une machine consomme du carburant, une autre mord littéralement les concurrents, une troisième pivote presque sans inertie, une autre encore excelle en vol mais se traîne au sol...

Cette diversité n’est pas cosmétique, elle modifie réellement les sensations et les stratégies. On choisit son véhicule non pas pour son apparence, mais pour son comportement. On découvre qu’une machine trop rapide perd en maniabilité, qu’une machine très aérienne peut dominer les courses en l'air mais souffrir au sol. Ce rapport constant entre maîtrise technique et choix tactique est la force du jeu. Et il faut reconnaître que les tutos sont exemplaires de pédagogie. Les « Leçons » de Sakurai sont presque devenues une tradition depuis son passage sur YouTube et celles-ci sont soignées, progressives, bien pensées. Elles permettent au joueur de saisir le potentiel du jeu sans jamais l’abrutir sous la somme d'information et pourtant ce n'était pas gagné tant le jeu peut se révéler profond manette en main. On s’amuse vite mais on comprend rapidement que la marge de progression est énorme. C’est précisément ce qui manque souvent aux party-games modernes et aux jeux trop destinés aux publics jeunes. Facile à prendre en main, difficile à maîtriser, telle est la voie.

Quatre modes principaux, une inspiration identique, mais des résultats inégaux

Le jeu propose quatre modes : les courses classiques, les courses vues du dessus, le City Trial, et un mode aventure. L’ensemble tient solidement, mais l’équilibre n’est pas parfait, certains modes sont assez inégaux. Les courses classiques sont celles qui traduisent le mieux le potentiel du gameplay. Certaines pistes sont de véritables bouffées d’adrénaline, d’autres plus génériques. Le principal point faible réside dans le nombre de circuits, clairement inférieur à ce qu’on pourrait attendre d’un jeu vendu au tarif standard Nintendo Switch 2. L’absence d’un mode Grand Prix s’en ressent au bout de quelques heures, l’enchaînement de circuits avec un même véhicule aurait donné plus de liant et plus d’identité au mode principal. Néanmoins, la diversité des circuits et la sélection de véhicules obligatoire avant chaque course, au vu des spécificités de chaque parcours, rendent compréhensible ce choix. Peut-être aurait-il fallu regarder du côté des courses continues de Mario Kart World pour y trouver une solution de fortune ?

Les courses vues du dessus créent un rythme très particulier, plus arcade, presque rétro. Elles fonctionnent, mais elles semblent plus anecdotiques, comme si elles appartenaient à un autre jeu. Elles ont leur charme mais ne constituent pas le cœur de l’expérience. De temps en temps c’est agréable, mais sur la durée, ce mode fatigue un peu. Puis arrive le City Trial. Et là, le jeu retrouve cette folie douce qui faisait tout le sel du titre original. Le chaos contrôlé, la recherche de power-ups, la construction d’une machine adaptée à un événement final imprévisible, l’improvisation permanente, la tension du chrono… C’est là que Kirby Air Riders affirme son identité. Certains joueurs y passeront l’essentiel de leur temps. D’autres s’y perdront un peu. C’est un mode exigeant parce qu’il faut savoir lire le terrain et improviser vite, le tout en prenant des décisions et en tranchant dans le vif certains dilemmes. Le mode aventure, quant à lui, mélange un peu tout ça. Ça fonctionne, mais ça manque de caractère. On coche des objectifs, on découvre les différentes machines et mécaniques, mais on n’en retient pas grand-chose. Pas mauvais, pas indispensable non plus. Cela m’a surtout permis de prendre le jeu plus profondément en main, de découvrir ses subtilités, quelques machines que je n’aurais jamais utilisées et de nouveaux circuits.

Un contenu généreux en déblocables, limité en amplitude

Là où le jeu brille, c’est dans la quantité d’éléments à débloquer. Véhicules, personnages, pièces de customisation, musiques, éléments de « permis » purement cosmétiques… Chaque session apporte une petite récompense. Les grilles de missions, héritières directes de Super Smash Bros., donnent une structure très agréable, on sait toujours ce qu’on peut tenter pour avancer. Pourtant, un sentiment ambivalent s’installe : tout débloquer est amusant, mais on devine qu’à long terme, le manque de circuits et de modes plus ambitieux pourrait réduire l’envie de revenir régulièrement. Ce n’est pas Mario Kart World. L’écart de niveau entre joueurs experts et débutants deviendra vite énorme et l’absence de hasard pour équilibrer le tout accentuera les écarts. Ici, il n'est pas question d'être sauvé par une étoile ou un champignon doré. Seule la trajectoire dorée laissée par les ennemis peut vous permettre d'accélérer jusqu'à rattraper vos adversaires. C’est un choix assumé, mais un choix qui limite naturellement le public. Je suis content de l'apparence de mon permis et je n'ai ni l'envie ni l'utilité de tout débloquer pour l'instant.

En multijoueur, Kirby Air Riders s’en sort très bien. Le gameplay simple en façade aide énormément, chacun peut s’amuser assez vite et les parties en local gardent cette énergie nerveuse déjà présente dans le solo. Les courses classiques fonctionnent particulièrement bien à plusieurs, tout comme le City Trial qui devient immédiatement plus chaotique et encore plus imprévisible qu’en solo. L’envers du décor, c’est que les forces et faiblesses du jeu restent exactement les mêmes. Le manque de circuits se ressent d’autant plus quand on enchaîne les sessions entre amis, et l’écart de niveau entre joueurs expérimentés et débutants peut vite devenir violent, surtout avec un gameplay aussi technique en profondeur. En ligne, la formule garde son efficacité et la connexion reste stable, mais là encore, c’est amusant, efficace, parfois grisant, mais la variété limitée finit par peser sur les longues sessions. Un bon jeu multijoueur qui ne parvient pas toujours à masquer les limites structurelles du jeu.

Techniquement propre, visuellement charmant

Sans surprise, le jeu tourne parfaitement sur Nintendo Switch 2. Framerate stable, animations soignées, lisibilité constante et aucune chute visible. La sensation de vitesse est bien rendue et certains effets donnent même une vraie impression de puissance. Pour autant, ce n’est pas un jeu vitrine. Il n’essaie jamais d’impressionner. Le style Kirby, avec ses couleurs franches et sa douceur visuelle reste fidèle à lui-même. C’est agréable, charmant, parfois très beau, mais jamais spectaculaire. En portable comme en mode TV, la qualité reste identique, il n'y a pas de compromis visible, simplement une direction artistique qui ne vise pas les sommets techniques. La musique suit la tradition Kirby : dynamique, joyeuse, énergique, parfois un peu redondante mais jamais pénible. On est clairement du côté de Smash Bros dans l’approche, avec des compositions calibrées pour accompagner l’action sans la dominer. Les bruitages, eux, sont efficaces et lisibles. Le jeu n’essaie pas de proposer une ambiance sonore riche ou immersive : il sert le gameplay, et c’est tout. Tout cela, et notamment les bruitages, rappellera aux nostalgiques de Super Smash Bros. l’univers sonore de la série, en attendant le prochain épisode.

Accessibilité totale, profondeur surprenante

C’est le paradoxe du jeu, accessible pour les enfants mais pensé pour être creusé par les joueurs exigeants. On peut jouer sans réfléchir, mais on peut aussi passer des heures à analyser une trajectoire ou comparer deux machines. Cette double identité peut séduire… ou perdre certains joueurs. Le jeu demande de la curiosité. Il demande d’accepter que le gameplay fasse tout le travail. Il demande une certaine envie d’apprendre. Et dans un marché saturé de jeux où tout est donné rapidement, Kirby Air Riders prend un chemin opposé. Le tout en donnant, au passage, bonbons sur bonbons à débloquer aux joueurs. Un ovni jusqu'au bout !

8
Kirby Air Riders est un retour réussi. Un jeu étrange, assumé, cohérent, qui ne séduira pas tout le monde mais qui saura marquer ceux qui veulent creuser. Son gameplay est exceptionnellement précis, sa marge de progression est immense, et sa sensation de vitesse est très convaincante. Son contenu est un peu juste, certaines pistes manquent de caractère, et son mode aventure n’apporte pas grand-chose. Mais l’essentiel est là : un vrai jeu de course technique caché dans un party-game rose pastel. Un jeu que l’on comprend vite, que l’on maîtrise lentement et qui peut devenir fascinant si on accroche à son rythme particulier.

  • Un gameplay unique, précis et très gratifiant...
  • ...Efficace en solo et en multijoueur
  • Une profondeur réelle, rare dans un jeu de course « grand public »
  • Des sensations de vitesse très maîtrisées
  • Un City Trial toujours aussi imprévisible et addictif
  • Facile à prendre en main, difficile à maîtriser
  • Un nombre de circuits trop limité
  • Un mode aventure dispensable
  • Une répétitivité possible selon les joueurs
  • Un univers Kirby qui ne convaincra pas tout le monde