Si en Europe, on considère Final Fantasy comme LE pilier du JRPG, il est en bien autrement au Japon, où la série Dragon Quest règne en maître suprême sur le genre, à tel point qu'il a été demandé à Square-Enix de ne pas sortir ses jeux en semaine pour éviter trop de demandes de jours de congés en même temps. C'est tellement dingue que c'en est un phénomène de société ! Mais en Europe, nous n'avons jamais vraiment eu toute l'histoire. Il est temps d'y remédier !
Test réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur
Deux grands voyages à la base même du JRPG
Commençons par ce qui doit être dit : Dragon Quest est aux JRPGs ce que Mario est à la plate-forme et ce que Doom est aux FPS : c'est le premier qui a tout BIEN fait en même temps, et celui qui sert encore aujourd'hui de modèle, celui dont l'ADN est présent dans TOUS les bons JRPGs, de Final Fantasy à Expedition 33 en passant par Legend of Dragoon ou Skies of Arcadia. Si vous aimez les JRPGs, vous aller forcément retrouver un peu de ce que vous aimez dans ces épisodes tout refaits, tout beaux pour l'occasion. Et c'est une sacrée occasion, car ce n'est pas tous les jours que l'Europe accueille cette illustre série.
Histoire de faire simple, sachez que le premier Dragon Quest qui a daigné nous rendre visite était la huitième épisode sur PS2 ! Si les Etats-Unis avaient eu le droit à quelques épisodes de Dragon Warrior, telle que la série était connue là-bas, nous n'avions rien de la saga que quelques imports et avis de la presse spécialisée. Une grave erreur bien corrigée depuis, avec la ressortie progressive des anciens épisodes sur DS, 3DS, et des fois sur téléphone, ainsi que l'arrivée de nombreux épisodes secondaires comme les Builder ou les Monster Joker. Mais les trois premiers épisodes continuaient de se faire plutôt rares... jusqu'à maintenant.
La sortie de Dragon Quest I+II HD-2D Remake est donc un petit événement qui va permettre aux passionnés du genre de faire connaissance en grande pompe avec les épisodes fondateurs de la série. Après le superbe troisième épisode sorti l'année dernière, il est temps de voir la « suite » chronologique de l'histoire. Car oui, le 3 est une préquelle au premier et au deuxième. L'histoire reprend donc des siècles après la victoire d'Erdric sur le Roi Démon, et la libération de la terre d'Alefgard. Sauf que les démons sont de retour et cette fois c'est Lordragon qui vient semer la zizanie en détruisant des villes, en renforçant les monstres et en kidnappant la princesse de Tantegel ! Diantre ! Il n’appartient qu'au héros descendant d'Erdric d'aller faire taire son bruyant voisin une bonne fois pour toute, et ce en faisant tout le tour du pays pour accéder au château de Lordragon.
Une origine qui montre son âge
Dragon Quest I est un peu la réduction au minimum du JRPG, à la fois par son rôle historique et par sa construction. Vous ne jouez qu'un seul héros, les villes ne sont que des points de passage proposant des quêtes et des équipements plus forts, et une fois terminé vous irez vers de nouveaux horizons. Et c'est tout. Malgré son côté indispensable pour l'histoire du jeu vidéo, difficile de trouver Dragon Quest I très amusant. Il est basique à souhait... car c'est le grand-père de tous les autres. Si votre héros reste plus sympathique que l'entièreté du cast de FF13 (aller, prends ça), il ne se développe pas beaucoup plus et n'est qu'un avatar, pas un personnage. Et ce n'est pas le seul côté qui a gravement vieilli.
Les combats, qui ont assez peu changé jusqu'aux épisodes récents, sont très nombreux, le grind est obligatoire, et devant le manque de MP et de membres d'équipe, on va vite se retrouver à appuyer sur A en boucle en attendant que ça soit terminé, encore et encore et encore et encore et encore... Les groupes d'ennemis ne sont pas réfléchis pour une éradication méthodique, et vous n'avez de toute façon pas vraiment les outils pour optimiser, héros solitaire que vous êtes, alors il va falloir se préparer mentalement à défoncer ce bouton A pendant quelques heures, et à ce que ce soit la partie la plus drôle du gameplay.
Mais alors, qu'est-ce qui a autant plu dans ce jeu si on s'y ennuie autant ? Eh bien c'est surtout cette impression d'aventure épique dans un grand monde sauvage, un récit éculé aujourd'hui mais frais à l'époque, et surtout, un world design très réussi où votre progression semblait naturelle et vous guidait avec douceur. Autrement dit, tout ce qu'un JRPG responsable fait aujourd'hui. Certes, ce remake moderne amène quelques passage d'histoire étoffés, plus d'armes, plus de PNJs, plus de secrets et de choses à faire, et même des nouveautés que je tiens à garder secrètes tant elles sont surprenantes et plaisantes, mais le voyage dans le passé reste difficile, tant tous les bons jeux d'aujourd'hui sont entièrement basés sur cet épisode fondateur. A commencer par sa suite.
Une suite riche et surprenante
Dragon Quest II, qu'on se le dise, est 10 fois ce qu'est son aîné. Plus long, plus ambitieux, plus maîtrisé, plus tout, en fait. C'est le jour et la nuit entre ces épisodes pourtant si proches, et l'essor de la grande saga Dragon Quest, le véritable bijou et intérêt de cette compilation. Nous sommes encore une fois des centaines d'années après le dernier épisode, et la famille du Héros s'est étendue, et règne sur Alefgard et les terres alentours. Le jour où les démons s'agitent, ce n'est pas un seul héros, mais quatre cousins, héritiers d'Erdric, qui vont unir leurs forces et chasser le mal à la racine. Mais, ayant vu venir ceci, les démons ont attaqué et détruit Ruisselune, royaume d'une des descendantes, et y ont supprimé toute vie. Paniqués, les cousins des royaumes voisins vont alors se rendre compte que l'invasion sournoise est plus avancée qu'ils ne l'auraient cru, et qu'ils vont avoir du pain sur la planche.
Une histoire bien intrigante, guidée par des personnages, cette fois-ci, qui, s'ils sont un peu basiques, sont attachants et même drôles parfois. De plus, chacun a son rôle en combat, entre votre personnage principal qui n'utilise pas la magie, ceux qui peuvent le faire, et ceux qui servent les deux rôles. Une dimension tactique absente du premier épisode et très bienvenue, même si on reste en dessous de la richesse de Dragon Quest III et de son système de classes. Mais ne boudons pas notre plaisir car dans cet épisode, tout est « plus. » Le monde est plus grand, bien plus grand, au point qu'Alefgard ne représente que la moitié des terres, par exemple. Les combats sont plus tactiques, les donjons plus nombreux, les motivations pour explorer plus poussées. Il faut ajouter bien sûr que si vous avez fait Dragon Quest I (ou III), les lieux vous seront connus et que le world-building a été très bien travaillé pour vous donner l'impression d'un monde vivant entre les épisodes. Et bien entendu, ce remake amène de grosses surprises ici et là, notamment en fin de jeu, mais chuuuuuut.
Les quelques reproches à faire sont en fait les mêmes que Dragon Quest III : nommément la difficulté, le grind, et les combats qui ne vous pousseront pas dans vos retranchements. En effet, à cause de l'IA des personnages qui réagit en direct, il vaut mieux laisser faire vos alliés que les jouer vous-même, car ainsi ils peuvent « tricher » et s'adapter au flot du combat plutôt que de jouer le jeu du tour par tour. Bien entendu ce n'est pas obligatoire mais ça aide, et vu la difficulté élevée, c'est ça ou rester à faire du « level-up » pendant des heures. De quoi prier pour un gluant de métal, ces bestioles rares donnant des tonnes de points d'expérience ! En dehors de ça, il n'y pas grand chose à reprocher à Dragon Quest II, qui établit fermement la série comme un modèle d'excellence.
Une série qui met les formes
Il manque tout de même de gros points positifs communs à ces deux épisodes. Des jeux si brillants n'auraient pas été si révolutionnaires, si adulés, sans un petit plus, un je ne sais quoi qui les a fait passer de l'excellence à la légende. Ce petit plus, c'est bien entendu l'habillage de la série. Avec des designs par le regretté Akira Toriyama, les mondes de Dragon Quest ont toujours un charme fou, et sa folie douce passe aussi dans l'écriture pour créer un jeu certes épique, mais où les dragons ont des têtes pas possibles, où les gluants sont trop mignons, et où on peut faire un puff-puff au coin d'une ruelle (les vrais savent.) Le voyage est toujours dépaysant, et surprenant, un vrai plus pour une série qui reste consciente qu'elle doit être amusante. Cette version HD-2D rend superbement au style de Toriyama avec un pixel-art léché et expressif, et des animations fluides surtout sur Switch 2.
La musique est également un des gros points particuliers de Dragon Quest, avec une magnifique bande-son orchestrale par Koichi Sugiyama, compositeur légendaire au style si particulier. L'OST, magnifique, va fermement s'ancrer dans vos oreilles pour ne plus jamais ressortir, et le seul reproche est qu'on ne puisse pas entendre encore plus de ces merveilleuses compositions qui sont aujourd'hui familières aux adeptes de la série. Toujours au son, tous les dialogues d'histoire profitent d'un doublage anglais ou japonais de très bonne qualité qui apporte de la vie à Alefgard et rendront votre voyage d'autant plus agréable, alors que les sous-titres français sont détaillés et superbement traduits. Aujourd'hui, la série a perdu Toriyama et Sugiyama, et sachez que Dragon Quest ne sera plus jamais pareil, alors cette compilation sonne également comme un hommage à ces grands noms.
Passons, pour finir, aux ajouts de ces portages. Chaque jeu possède son aventure principale, ainsi que des ajouts modernes, tant en scénario qu'en confort de jeu. Par exemple, une sauvegarde rapide et une sauvegarde automatiques existent toutes les deux, ce qui vous évite de rejouer des portions trop importantes en cas de défaite. Vous aurez également la possibilité de changer la difficulté du jeu à tout moment, et même de vous rendre invincible ou de désactiver le soin à chaque montée de niveau si vous souhaitez vivre l'aventure comme à l'époque. De quoi personnaliser ces expériences à votre convenance, que vous soyez hardcore, ou juste là en touriste de la série. Même les voix et la vitesse de combat peuvent être réglées ! Un remake moderne et compréhensif qui a bien compris qu'il avait plusieurs types de publics, en fait.


