Confiné aux consoles de salon Sony depuis le départ de Gotanda et la naissance de Tri-Ace, l'ex Wolf-Team aujourd'hui intégrée dans le Tales Studio (et surnommé Team Destiny) nous livre aujourd'hui sa première incursion en territoire "ennemi" : un Tales of Graces flamboyant.
Présenté très largement au dernier Tokyo Games Show, le titre avait été doté d'un opening theme chanté, comme d'habitude, par un des artiste en vogue au Japon : la coréenne BoA interprète donc de ~White Wishes~ dont les paroles ont été écrites en fonction du thème du jeu : "To Protect".On remarquera qu'une version anglaise de ~White Wishes~ existe également, bien qu'encore méconnue elle pourrait laisser présager que le titre est bel et bien prévu en Occident comme Tales of Vesperia qui avait également eu le droit à ~Ring a Bell~ en version anglaise pour l'Europe et l'Amérique.
Découpée implicitement en 4 grandes parties, l'histoire de Tales of Graces se déroule dans le monde d'Efinea, un monde où règne les trois grandes puissances que sont Windol Strata et Fendell. Lhant, la ville natale de notre héros, se trouve être à l'épicentre des conflits entre ces trois grandes nations : située à l'extrémité nord de Windol elle est menacée par l'armée de Fendell et a du mal à contenir les assauts de l'armée ennemie avec sa simple milice locale. Pour protéger ses sujets, Aston Lhant tente de renouer le contact avec la royauté à Baronnia tout en traitant avec un officier de Strata pour négocier un éventuel protectorat futur. Mais ces préoccupations sont loin d'Asbel et de son frère Hubert qui, agés de 10 ans, assistent de manière perplexe à la suite d'événements qui se produisent à Lhant, préférant gambader dans la nature en dépit du danger que représente la faune locale. C'est à l'occasion d'une de ses excursions interdites qu'ils feront la rencontre d'une jeune "fille" aux cheveux violets, légèrement plus agée qu'eux en apparence, cette dernière ne possède aucune mémoire (à distinguer de l'amnésie) et les réalités et logiques du monde lui échappent, la seule chose la caractérisant est son attirance pour une fleur violette nommée Clausophie. Pour le moins déroutée, elle décide donc de suivre les deux jeunes garçons à Lhant où ils retrouveront Cheria, leur amie et petite-fille du major d'homme de la maison Lhant. Cette joyeuse bande de marmots se verra finalement complétée par Richard, prince de Windol hautain qui sera surpris par l'audace d'Asbel. Hélas il était écrit que cette félicité ne pouvait durer et c'est sur une note tragique que finira ce prologue dans les catacombes de Baronnia, Asbel partant pour l'académie des chevaliers, Hubert étant envoyé à Strata, Sophie étant séparée du groupe, Richard retournant au palais et Cheria restant à Lhant, seule.
Relativement peu utilisé dans le RPG, ce prologue "7 années auparavant" a le mérite d'introduire la quasi intégralité du casting du jeu (à l'exception de Pascal) et d'expliquer ce qui s'est passé en amont de l'histoire et aura été le réel élément déclencheur de votre aventure. Bourré de cinématiques animées et in-game ainsi que de quelques combats (au gameplay encore rudimentaire), cette introduction durera 3 à 4 heures selon les joueurs et le procédé, inédit donc, s'avère être une réussite totale.
L'ellipse temporelle qui s'en suit aboutira sur des retrouvailles avec Asbel et son instructeur Malik. Alors que les chevaliers sont de sortie à l'extérieur de Baronnia, la montée en puissance du héros est saisissante lorsque viendra l'heure pour lui de dégainer son épée et c'est vraiment à ce stade là que commenceront les choses sérieuses pendant les combats. Nouvelle itération du Linear Motion Battle System (qui caractérise la série toute entière), le StyleShift-LMBS repose, comme son nom l'indique, sur l'alternance entre les deux styles de combats que posséderont chaque personnage. Ainsi Asbel utilisera tantôt des attaques létales tantôt des attaques physiques, Cheria switchera entre les dagues et la magie, ou Pascal entre la magie et les invocations etc. Pour changer de style il suffira d'une simple pression sur le bouton A ou B, chaque style étant affecté à l'un de ces deux boutons (non interchangeable). Naturellement chaque style aura ses avantages et inconvénients (le style physique d'Asbel permettant d'enchaîner bien plus rapidement mais infligeant moins de dégats) et il conviendra de s'adapter en fonction de votre adversaire pour une efficacité maximum au combat. De plus, on notera que le style affecté au bouton A aura des artes fixes. Comprenez par là que vous ne pourrez pas changer à quelle direction sera affectée telle attaque de ce style (A + haut en troisième position de l'enchaînement physique donnant invariablement un "Beast"). Mais que cette particularité ne vienne pas vous donner de fausses idées, le système de combat de cet épisode est clairement l'un des plus varié et dynamique que la série n'ait jamais connu, en effet l'alternance entre les deux styles offre une panoplie de techniques diversifiées composées en sus majoritairement d'artes inédits (fait rare dans la série) et la possibilité de passer d'un style à l'autre en plein combo permet en outre de varier énormément les enchaînements. Ce dynamisme est en grande partie dû au système de Chain Capacity (CC), directement hérité de Tales of Destiny Remake, qui abolit les traditionnels TP (Technical Points) présents dans une majorité des RPG et qui conditionnaient en temps normal votre utilisation de techniques. Ici vous n'aurez point à vous inquiéter de votre "consommation" effectuée à chaque combat puisque vos CC (propres à chaque personnage) se régénèreront entre chaque pugilat et pendant les combats. Se basant sur un principe simple (une technique = un nombre de CC compris entre 1 et 6), vous serez libre d'enchaîner votre adversaire tant qu'il vous restera des CC. Une fois cette jauge épuisée, un simple repos de quelques secondes suffira à remplir entièrement cette dernière et retourner immédiatement au contact (à noter qu'il est également possible de recouvrir ses CC en étant en garde), il est également important de noter que certaines conditions particulières comme l'esquive vous permettront de récupérer quelques CC supplémentaires salvateurs. Un système vous vaudra toutefois de vous libérer de la contrainte de CC, l'Arles Rise, qui s'apparente à une adrénaline collective, abolira donc les CC pour vous permettre de "spammer" abusivement n'importe quelle technique sur votre adversaire ou encore d'utiliser, une fois arrivé à un certain stade du jeu, les redoutables Blast Caliber (hi-ougi) sortes de techniques ultimes et véritables déchainements de coups et d'effets de lumière pour une efficacité redoutable. Bien plus efficaces que leurs homogues dans Vesperia ou Dawn of the New World, ceux-ci pourraient bien vous sauver la mise contre l'armée de boss relativement coriaces se dressant sur votre route (et qui pour la plupart auront également leur propre Blast Caliber). Mais attaquer ne fais pas tout, et contre des ennemis de plus en plus difficiles à étourdir il vous faudra la jouer rusé en esquivant habilement leurs attaques. Pour cela vous disposerez des traditionnels gardes et backstep (saut en arrière) mais aussi et surtout, c'est là la grande nouveauté de cet épisode, du Sidestep, une technique vous permettant de contourner votre ennemi de 90° d'une simple pression du stick combinée à un bouton. Véritable pierre angulaire du gameplay, le Sidestep remplace implicitement le Free Run dans le jeu (bien que ce dernier soit déblocable mais il coûte bien trop de CC en utilisation pour revêtir un réel intérêt) et révolutionne clairement votre façon d'aborder les combats : fini les personnages lents et patauds et place à des protagonistes vifs et réactifs devant l'ennemi. Peu efficace en mélée, il révèlera tout son intérêt lors des combats solo dont le titre sera parsemé (on retiendra au passage le colisée, d'un plaisir ludique certain) et où il faudra vous la jouer fine face à des adversaires en surnombre.
Hors des combats, il vous sera également nécessaire de prendre en compte 3 autres pan majeurs du gameplay dont la Dualize, un système de synthèse vous permettant de créer de nouveaux objets et de booster vos équipements, l'Arles Pot (semblable à la pierre de soin de Tales of Hearts ou au food sack de Destiny Remake) vous octroyant différents bonus de statistiques et HP sous certaines conditions et via l'utilisation de vos recettes de cuisine, mais aussi, et surtout, au système de titres qui occupera une place prépondérante dans la customisation de vos personnages. Habituellement cantonnés à des fonctions peu utiles, voire purement décoratives, les titres vous permettront dans cet épisode d'acquérir sans cesse de nouvelles compétences pour renforcer chaque individu de votre équipe. Possédant chacun 5 compétences (et une passive inhérente au titre), ces dernières iront du simple boost de statistiques, points de vie, à l'ajout pur et simple d'un CC, l'apprentissage d'un Blast Caliber (chaque personnage en possédant 3) ou encore des compétences particulières comme "divise les dégats par 2 si ceux-ci sont supérieurs à 2000". Devant des abbérations comme le Rockgagan, ce genre de titres vous sera d'une aide non négligeable. L'acquisition de ces compétences passera par l'obtention de SP distribués à la fin de chaque combat (et qui varie, partiellement, en fonction de votre combo maximum) chaque compétence d'un titre étant toujours plus gourmande en SP nécessaires (200, 400, 600, 800...), jusqu'à atteindre le 6ème niveau où votre titre est considéré comme "Mastered" et où sa compétence passive se retrouve renforcée. Néanmoins vous aurez rarement l'occasion de "mastered" ces titres étant donné la profusion de ces derniers (chaque personnage possède une centaine de titres déblocables) et l'utilité moindre du boost des compétences passives (qui ne sont applicables qu'une fois le titre équipé) qui vous obligera rapidement à passer au titre suivant, le jeu proposant de gérer ça de façon automatique. Anodin au premier regard, les titres s'avèreront au final plus important que votre niveau, demandant donc au joueur une attention toute particulière. Les interactions avec l'environnement restent, quant à elles, relativement basiques : déplacer votre avatar et déceler les objets plus ou moins bien cachés constitueront vos seuls préoccupations dans les sentiers qui constitueront une bonne partie du titre, car à l'instar de Tales of Hearts le jeu ne possède pas de mappemonde et tous les lieux sont reliés entre eux par des "couloirs" qui fort heureusement sont beaucoup plus courts et mieux rempli que ceux de son prédécesseur. De plus, les divers Kamenin (marchands) disséminés dans le jeu vous faciliteront le chemin du retour en vous proposant de vous ramener gratuitement à la dernière localité précédemment visitée.
Splendide au premier abord (la première visite à Baronia étant réellement déroutante), le dernier Team Destiny pêche par une hétérogénéité graphique assez flagrante : Windol a clairement bénéficié d'un traitement de faveur tant les environnements visités dans ce royaume éblouieront le joueur qui se demandera réellement si le jeu tourne bien sur wii (on pense notamment au donjon entre Lhant et Fendell). Il en va ainsi de même pour le fameux 1:1, ou réprésentation des décors en taille réelle, promis par les développeurs et qui a la facheuse tendance à se faire de plus en plus rare au fur et à mesure de votre progression. Un mauvais raccourci pourrait nous faire dire que l'on passe du vert (Windol) au jaune (Strata), au blanc (Fendell) puis au rouge (?), et il est également amusant de constater que le contenu, scénaristique et autres, a tendance à s'amenuiser d'un continent à l'autre, le comble étant atteint lorsqu'un des derniers donjons reprend honteusement la même (mauvaise) structure que le donjon de Furie aperçu à Fendell. En terme de level design on peut également dire que les développeurs ne se sont pas trop foulés, pour la plupart ceux-ci s'avèrent en effet courts et rempli d'énigmes aussi faciles qu'inutiles, certains finissant même par en devenir pénibles tant ils s'avèrent répétitifs et fastidieux dans leur progression (retourner au premier étage pour débloquer le cinquième étage, une abbération). Ceci rendra d'autant plus la progression compliquée dans l'antépénultième donjon qui tout d'un coup s'est vu doté d'énigmes beaucoup plus complexes demandant au joueur de faire souvent marche arrière. Un "choc" que certains pourraient mettre du temps à encaisser et qui se répétera dans l'ultime donjon sous une forme heureusement plus ludique. Les sadiques en auront également pour leur argent une fois le jeu complété puisqu'un énorme donjon annexe à la difficulté ridiculeusement élevée viendra les cueillir à froid. Mais ce ne sera que pour mieux les récompenser (on pense ici au boss inédit, et aux fameux "cameos"). La série étant peu réputée pour son monster design, cet épisode ne fera pas mentir la règle et même si le bestiaire adopté est inédit (ce n'était pas le cas de Symphonia DotNW et d'autres épisodes) on n'échappera pas à l'impression de "déjà vu" voire de banal ou pire, de n'importe quoi (Lambda dans sa première version), heureusement le design global du jeu reste d'excellente facture, les inspirations médiévales européennes de Windol lui donne un cachet certain tandis que Yu-Liberté jouit d'une intéressante représentation d'une Venise post-renaissance et que la désolation et "déshumanisation" globale de Fendell représentent à merveille un mix entre l'URSS et le régime nazi des années 30.
Relativement linéaire dans sa progression, l'histoire de Tales of Graces vous demandera environ une quarantaine d'heures de jeu avant de pouvoir en découdre avec "l'Angelus" (soyez rassuré ce n'est pas un spoil), une quarantaine d'heures assez denses et remplies de cinématiques animées comme in-game. Suite à cela vous pourrez vous investir dans la multitude de quêtes annexes que comprend le titre (plus de 70) la plupart étant scénarisées, voire même doublées pour les plus importantes. A cet effet le jeu inaugure un nouveau type de new game+ qui vous permet de compléter toutes les quêtes annexes en une seule partie, là ou la plupart des autres épisodes en demandaient deux voire trois un plus appréciables pour les fans de complétions qui ne souhaitent pas nécessairement revivre plusieurs fois les mêmes événements... cousus de fil blanc diront ses détracteurs. Car ce n'est pas avec Graces que le J-RPG entamera une évolution profonde dans son script et sa narration : bien que dépaysants les thèmes brassés par le scénario n'en demeurent pas moins classiques et éprouvés, de la compréhension d'autrui à la loyauté ou l'amitié, notre ribambelle de personnages se verra confronter à plusieurs dilemmes pas forcément manichéens ou toujours bien mis en scène (Malik étant un vibrant exemple de ce ratage). Il n'en reste pas moins que pour le reste du casting la crédibilité des personnages est belle et bien là, beaucoup moins enjouée que l'on pouvait s'y attendre l'ambiance de l'équipe mettra une bonne vingtaine d'heures avant d'enfin devenir bon enfant, on n'efface pas 7 années de séparation comme par enchantement et ça le titre nous le fait bien comprendre et ce n'est que lors d'une cinématique cruciale entre Sophie, Cheria et Asbel que nos personnages réussiront à briser la glace. Ces cinématiques sont d'ailleurs renforcées par un voice-acting d'excellente qualité, débauchant comme à l'accoutumée des seiyuu (doubleurs) de renommée, la prestation la plus impressionante est finalement venue d'une quasi-novice, Kana Hanazawa, seiyuu de Sophie qui livre là une prestation tout bonnement énorme offrant une personalité unique à un personnage contre lequel on pouvait pourtant légitimement nourrir de gros à priori. Des divers cut-scenes aux autres scènettes (bien plus dynamiques et agréables à suivre que dans n'importe quel autre épisode) la palette d'expressions et d'animations dont disposent les personnages trouvent ici un aboutissement jamais vu dans la série (Vesperia pêchait par une animation au ras des paquerettes) et rarement vu ailleurs, finissant de rendre nos amas de pixels plus humains et réalistes que jamais. On regrettera d'ailleurs que malgré quelques essais assez marginaux (dont un vers la musique celtique), l'OST ne soit pas à la hauteur, ressassant souvent des pistes donnant une impression de déjà entendu malgré quelques thèmes de combats majestueux (cf. tout le long du test), Shinji Tamura et Motooi Sakuraba finissent par clairement manquer d'inspiration et cela se ressent maintenant de plus en plus à chaque épisode. A quand du sang neuf à la composition ?
Dernier point, et pas des moindres, la version japonaise du titre est bourrée de bugs qui pourront incommoder même les joueurs les plus tolérants : allant de la musique qui se stoppe en plein combat, à l'impossibilité de transmettre des paramètres cruciaux dans le new game+ ou encore à des capacités donnant lieu à des résultats totalement démesurés (permettant d'éliminer l'immense Rockgagan... en un coup). Cette avalanche de failles dans le système de jeu finit de confirmer que le développement du titre s'est vu quelque peu "baclé". Un aspect que les joueurs japonais n'ont visiblement pas négligé puisque cet épisode est devenu la plus mauvaise vente de la série pour un épisode principale.