Nintendo Wii U

ZombiU

Test Wii U

ZombiU

Par everred - Le 23/11/2012 à 22:25

 

Généralement disponible en même temps que quelques titres first ou second-party emblématiques, la sortie d'une nouvelle console est toujours un évènement de grande ampleur. Or, si la Wii U est déjà disponible aux Etats-Unis, les jeux griffés Nintendo semblent, au grand désarroi des aficionados, tout juste sympathiques. Du coup, bien que le simple nom "Mario" sur une jaquette garantisse généralement un million-seller facile, il était nécessaire de trouver des arguments autrement plus vendeurs pour brasser un public plus large. Contre toute attente, c'est donc Ubisoft qui, grâce à son très prometteur ZombiU, s'est vu chargé la lourde tâche de convaincre les gamers avides de challenge. Ils en voulaient, ils vont être servis.

 

L'aventure commence néanmoins avec une question. Comment être original aujourd'hui, quand de Left 4 Dead à Dead Rising, en passant par les indécrottables (quoi que décriés) Resident Evil, les zombies ont été aussi surexploités ? La réponse fait office de constat à la fois paradoxal et désabusé : ZombiU est un survival-horror. Et après réflexion, c'est peut-être un des genres qui s'est le moins illustré sur ce thème ces dernières années. Du coup, le titre d'Ubisoft ferait presque office de bizarrerie. Faire peur avec des zombies ? En voilà une drôle d'idée. Pourtant, avant même qu'il n'ait franchi les frontières de notre beau pays, l'inquiétude a déjà gagné les fans de la firme au plombier moustachu. Depuis une semaine les critiques américaines pleuvent et déversent allègrement leur bile sur ce FPS horrifique, qui est pourtant le titre de lancement le plus prometteur de la Wii U depuis le report de Rayman Legends. Certains sites comme GameSpot n'hésitent pas à appliquer au jeu une note encore plus mauvaise que celle de Red Steel, pourtant accueilli à son époque avec un dédain confinant ses développeurs au désespoir le plus sombre. Jeu de tir mou du genou ? Survival-horror trop difficile ? ZombiU a t-il été mal compris ou mal conçu ? Peut-être un petit peu des deux, mais c'est bien là tout son charme.

On lui a reproché d'être lent, de manquer de nervosité, et même de ne pas être "comme Call of Duty". Et pourtant, le jeu démarre brusquement. Un semblant de cinématique d'introduction de 20 secondes à tout casser et on se retrouve déjà à s'enfuir dans une bouche de métro pour échapper à une horde vociférante. L'écume aux lèvres (le joueur comme les zombies), on se met donc à courir de tout son souffle et de toute son énergie sur les seuls conseils d'une voix étrange émanant d'on ne sait trop où, celle d'un homme mystérieux qui s'est nommé le Survivant. On remarque vite deux choses, d'abord que le Survivant est doublé par l'acteur de Garrus Vakarian dans la trilogie Mass Effect, et ensuite que notre faculté à courir s'épuise vite, très vite. Apparemment, une bonne montée d'adrénaline a surtout pour effet de transformer les gens en limaces apathiques dans ZombiU. Heureusement notre personnage finit tout de même par atterrir dans l'abri improvisé de son interlocuteur, toujours invisible, mais riche en indications sur la marche à suivre pour échapper à l'infection. C'est finalement dans cet abri que vous établirez votre base d'opérations, mais seulement après l'avoir nettoyé à grands renforts de batte de cricket des quelques zombies un poil trop persistants. Shaun of the Dead serait-il passé par là ?

Dans cette planque, les survivants pourront accéder à l'ensemble des fonctions qui faciliteront leur  progression : un atelier pour améliorer ses armes, un coffre pour stocker ses objets, et surtout un lit pour sauvegarder. Car, soyons honnêtes, dans ZombiU, les points de sauvegarde sont assez rares. Et, que ce soit un artifice pour faire stresser les joueurs ou non, il faut admettre qu'en l'absence de sauvegardes auto, ça peut quand même vite être chiant. Enfin, l'abri sert également de hub principal ouvrant l'accès aux autres niveaux. La progression est donc relativement classique et fait un peu penser à celle des Metroid Prime en plus ordonnée (la présence d'un hub y est pour beaucoup).

Comme le mélange des genres est à la mode, il aurait été bête que ZombiU s'en prive. Ainsi, notre avatar est capable d'améliorer ses compétences pour devenir de plus en plus balaise. En pratique, il suffit de tuer un certain nombre de cadavres ambulants avec une arme particulière pour se voir monter de niveau et être capable de recharger plus vite, ou de viser plus précisément avec l'arme en question. Juste assez pour que l'on ait envie de garder son personnage en vie. Car la grosse originalité du soft est que mourir n'amène pas directement le joueur à un écran de Game Over ; en réalité la partie continue et le joueur se voit alors "réincarné" dans un autre personnage au charisme d'huitre pour continuer la quête de son prédécesseur. Et n'imaginez pas récupérer votre équipement comme par magie, car si chaque survivant naît par défaut avec une batte et un flingue chargé de six balles, pour remettre la main sur vos mines de proximité chéries et votre fusil de précision durement acquis, il faudra retourner sur les lieux de votre mort pour combattre votre ancien-vous et récupérer le contenu de son sac à dos. Une bonne occasion de préciser que si vous mourrez deux fois d'affilée, le jeu enregistrera le sac (logiquement vide) de votre dernier personnage. Autant dire que si vous n'avez pas eu le temps de récupérer votre équipement, vous l'aurez dans l'os.

Il demeure fort heureusement possible de récupérer les items perdus en fouillant consciencieusement chaque recoin de chaque zone. Le moyen le plus rapide étant évidemment d'utiliser la tablette pour scanner les environnements, les cadavres, les zombies et découvrir directement s'ils possèdent quelque chose susceptible de vous intéresser. Utile, oui, mais aussi pénible. Si gérer son inventaire directement depuis l'écran de la manette est pratique, à défaut d'être primordial, le reste des interactions avec le GamePad donne trop souvent cette désagréable impression de surfait. Les mini-jeux de crochetage sont simplement ringards, certes, mais l'utilisation intempestive du scan, à plus forte raison dans des endroits déjà explorés est carrément agaçante et à tendance casser le rythme déjà lent de l'action.

Heureusement, le titre a une qualité indéniable. La principale même pour ce genre de jeu : il sait faire peur. Et ça, c'est devenu tellement rare que c'est bon de le signaler. Quand les zombies sont à la fois sensibles à la lumière de notre torche et au bruit de nos armes, tous les types de frousse y passent. On en arrive donc à connaître successivement (ou simultanément) la peur de perdre son bonhomme devenu habile comme John Wayne, celle de perdre son arbalète custom, l'angoisse du silence trop pesant, la terreur du radar qui affiche des ennemis introuvables, et même la bonne vieille panique scriptée. D'ailleurs on aurait pu craindre que le jeu repose un peu trop sur cette dernière méthode, aussi efficace que peu propice à un second parcours, mais le titre sait les ménager et est très loin de les utiliser à outrance. Bon, d'accord on les sent parfois un peu arriver, mais comment rester de marbre quand, esseulé et épuisé par un combat coûteux en munitions, le joueur fini par ouvrir la porte d'un supermarché pour déclencher une alarme et accessoirement le spawn d'une demi-douzaine de zombies ? Un bon point pour la replay-value.

Le jeu révèle de toutes façon un élément capable de faire plier n'importe quel joueur aguerri : son gameplay génialement punitif. Ne croyez pas pouvoir faire "pex" un personnage à fond pour le transformer en Rambo en deux temps trois mouvements. En réalité, vous pourrez déjà vous estimer incroyablement skillé si vous parvenez à monter au niveau 2 de la moitié de vos compétences. Les zombies sont coriaces au possible (deux balles dans la tête pour les tuer, et nous n'osons pas compter si vous visez le torse), les déplacements sont pesants, les munitions rares et plus que tout, vous êtes excessivement vulnérable. Trois-quatre coups de pattes et hop, vous êtes au tapis. Une seule et unique morsure et là, c'est la mort en un coup. Le corps à corps, bien que très efficace pour repousser un ennemi unique, est lent et pas totalement dénué de risques, puisque si vous ratez votre coup (ce qui arrive plus fréquemment qu'on ne le pense), il n'est pas impossible que votre adversaire en profite pour vous attraper, signant par là même votre défaite. Signalons d'ailleurs que la batte de cricket semble faire des dégâts totalement aléatoires aux infectés, les tuant parfois en trois coups, parfois en douze. Honnêtement, il aurait été plus sage d'imposer une limite aux nombres de coups assénés à la suite tout en rendant la batte plus puissante, car après une mort, le joueur peut facilement se retrouver obligé de spammer à outrance cet outil du diable. Loués soient les scientifiques, un protagoniste vous donnera assez tôt dans l'aventure un virucide dans une seringue capable de vous sauver la mise une seule et unique fois, si jamais on tente de vous mordre. Le meilleur moyen d'éviter de se retrouver dans la situation sus-citée. Le contenant vide, il faudra espérer tomber sur certains zombies particuliers pour refaire sur eux le plein de sérum en le drainant sur leur cadavre.

Plus travaillé encore, c'est le sound design qui impressionne littéralement. Les morceaux, qu'ils soient discrets ou nerveux, sont creepy au possible et collent parfaitement à l'ambiance. Quant aux bruitages et doublages, ils sont tout simplement très bons et participent à l'atmosphère de façon brillante. Quel pied d'entendre son personnage réprimer un rire hystérique lorsqu'il écrase dans un sprotch brutal le crâne à moitié défoncé d'un suceur de cervelle au sol. Si ZombiU est immersif, sa bande-son y est pour beaucoup malgré quelques ratés sur le bruit des flingues. Dommage par-contre que l'aspect graphique du jeu n'ait pas bénéficié du même traitement. Rien de pénalisant à proprement parler, mais pour un titre de lancement phare d'une toute nouvelle machine, on aurait pu espérer mieux que ces textures basses résolutions plaquées sans gêne sur des modèles 3D juste acceptables. Difficile, dans ces conditions, de comprendre pourquoi le jeu gratifie son public de temps de chargements aussi fréquemment. A chaque changement de zone, ça passe. A chaque mort, c'est déjà plus énervant. Mais quand ils interviennent même au beau milieu d'un niveau qui vient de charger, sans explication, pendant pratiquement une demi-minute, c'est un peu lourd...

Malgré tout, relativisons. Car au final, derrière cette petite paresse technique, le titre peut compter sur une fluidité tout à fait honorable et surtout quelques détails, notamment au niveau des animations pour séduire, à l'image de ces passages où notre survivant soulève son sac au dessus de sa tête pour éviter de le mouiller, s'il se déplace en eau profonde. En sus, ZombiU est servi par une direction artistique bien sentie qui lui permet de s'affranchir d'une certaine manière de ses carences mentionnées plus haut grâce à une grosse poignée d'environnements franchement classes comme la Tour de Londres ou même le fameux Buckingham Palace. Par moments, on peut même sentir, pour le meilleur, le brusque changement de ton du jeu qui d'un Killer Freaks Form Outer Space a adopté un registre bien plus sombre. Un petit regret quand même : l'impression que les développeurs ont collé une vitre crade sur l'écran avec des lens flare de partout. Une anecdote qui rend quelque fois la visibilité aussi faible dans des lieux modestement éclairés qu'en pleine obscurité. Étrange.

Mais s'il y a bien un défaut à retenir plus que les autres, dans cette dernière production d'Ubisoft, c'est surtout que le scénario, et tout ce qui s'en rapproche de près ou de loin, est gangrené par les mécaniques de son gameplay qui fonctionnent trop bien. A l'origine, l'histoire progresse principalement par le biais de messages radio, la narration est alors de toute façon assez déconstruite. Un constat qui n'est pas vraiment un reproche en soi, mais qui le devient progressivement au fil de nos morts. Oui, notre premier protagoniste bénéficie d'une petite mise en scène pour expliquer sa situation, mais - et c'est fâcheux - il est bien le seul ! Alors quand à la fin d'une mission on se fait salement démembrer et qu'à notre réapparition à l'abri le Survivant nous accueille avec un : "Hey mecton, tu t'en es bien sorti", ça ruine un peu l'immersion. D'autant plus que (bug ou non) on zappe les transmissions radio qu'on était censé entendre sur notre chemin du retour, et vu que c'est pratiquement le seul moyen par lequel l'intrigue nous est contée, c'est quand même malencontreux. Qui aurait pu prédire que les idées les plus originales de ZombiU seraient également les plus susceptibles de lui porter préjudice ? Mais tant pis, parce que malgré tout ce qu'on pourra dire sur lui, il est en même temps un des rares survival-horror AAA encore sur la bonne voie et l'un des titres les plus originaux à découvrir en cette fin d'année. Jamais le glauque n'aura été aussi réjouissant.

Pour des raisons techniques, ni les fonctions liées au Miiverse, ni le multi n'ont pu être essayés.

8
Lui même rescapé d'un style de jeu au bord de l'extinction, ZombiU renouvelle ses codes avec brio et se montre presque à la hauteur des plus grands. A l'heure où les licences les plus populaires du genre se transforment en montagnes de muscles, clinquantes, et armées d'un shotgun à balles explosives, le titre d'Ubisoft s'avère une réponse intéressante. A l'image des personnages qu'il met en scène, il est sale, imparfait et quand il sort son 9 millimètre à peine chargé, c'est seulement avec appréhension, une boule de stress coincée dans la gorge. Et finalement, c'est tout ce qu'on pouvait attendre de mieux. Dans le milieu des survival-horror, ZombiU est un survivant.

  • Enfin un survivalhorror qui fait flipper sur console
  • Dur, exigeant, punitif, gratifiant
  • Un sound design absolument génial
  • Bonne direction artistique
  • Le concept génial du changement de survivant à chaque mort...
  • ...qui a pour conséquence de grosses incohérences dans la narration
  • L'utilisation du GamePad un peu intrusive
  • Temps de chargement longuets
  • Les dégâts random de la batte de cricket
  • Techniquement médiocre
  • Un seul slot de sauvegarde par mode de jeu