Ce n’est pas le premier épisode de la série à paraître sur Switch, certes, mais c’est bien le premier à franchir officiellement nos frontières. Longtemps cantonné au PC ou réservé à l’import, et plus de dix ans après la localisation de la sous-série Original Generation, Super Robot Wars débarque enfin en Europe avec Super Robot Wars Y, dernier représentant d’une licence qui a déjà plus de trente ans d’histoire derrière elle. Mais alors, à qui s’adresse ce nouvel opus : aux passionnés de mecha de la première heure, ou aux curieux qui découvrent la saga ?
Des robots, des ados torturés, et vous…
Imaginez un instant… Toutes les plus grandes licences de mecha de la japanimation, des années 1970 à aujourd’hui, réunies dans une seule cartouche. Le tout sous la forme d’un tactical RPG généreux et relevé, soutenu par un scénario qui se tient. Ce n’est pas une nouveauté en soi : la saga Super Robot Taisen existe depuis plus de trente ans. Après nous avoir déjà offert Albator, Cowboy Bebop, Daitarn 3 ou encore Evangelion, l’effet de surprise n’est plus le même. Pourtant, au fil du temps, la série a su se renouveler, non seulement grâce aux nouvelles licences qu’elle intègre, mais aussi en proposant des intrigues retorses, mieux ficelées que celles d’un Project X Zone ou d’un Jump Force, et qui exploitent avec finesse son ADN de crossover.
Dans cet épisode, vous incarnez Cross ou Forte, deux agents du NINJA (New Infinity Neuron Japanese Assassin – oui, tout ça), plongés dans un monde où la New Earth Federation, confédération des nations terriennes, s’effondre. Résultat : l’humanité est livrée aux luttes de factions, menées d’un côté par Char Aznable de Mobile Suit Gundam, de l’autre par Lelouch Vi Britannia de Code Geass. Au cœur de ce chaos, la jeune Echika, fille d’un grand propriétaire terrien de la ville de Yagami, découvre que sa cité cache un secret monumental : la capacité de se transformer en A. Advent, une structure hybride, à la fois vaisseau de guerre et complexe énergétique capable d’alimenter la ville en électricité. La mission de Cross et Forte ? Protéger Echika contre les attaques incessantes de ces factions rivales.
Spoilers intégrés, accessibilité non incluse
Déroutant ? Un peu. Mais au lieu d’un simple prétexte de type « faille dimensionnelle » qui réunirait les héros par magie, le jeu prend le parti de tisser une cohérence interne, plus subtile et respectueuse des univers intégrés. Car comme dit l'adage: on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre, et donc on ne séduit pas un fan de mecha avec un scénario bâclé. Dans Super Robot Taisen Y, l'intrigue s’inscrit dans la continuité des œuvres représentées. Les amateurs reconnaîtront leurs personnages favoris, apprécieront les références et clins d’œil, tandis que les néophytes risquent parfois d’être perdus, surtout avec des séries un peu moins connues. Fort heureusement, les développeurs ont pensé à inclure un glossaire et des explications progressives, mais vu la quantité de texte à digérer, ce ne sera certainement pas du goût de tout le monde. Consolation : vous ressortirez sans doute avec une nouvelle liste d’animes, mangas ou jeux à découvrir. Et pour les joueurs français, rassurez-vous, quelques noms familiers sont au rendez-vous : Gundam Wing, Gundam Seed, Code Geass… et même Godzilla.
Reste que l’accessibilité n’est pas le point fort du titre. Beaucoup de séries intégrées sont inédites chez nous, et la localisation en anglais uniquement complique encore un peu l’expérience. Heureusement, le fan-service n’est pas l’unique argument du jeu. Passé le tutoriel, on accède à un hub permettant de choisir entre missions principales, secondaires ou « saynètes », mais aussi d’améliorer ses unités, développer son arbre de compétences, monter de niveau ou équiper ses mechas. Une fois prêt, il ne reste plus qu’à plonger dans l’une des nombreuses missions proposées.
La guerre interstellaire, mais case par case
Comme évoqué plus tôt, Super Robot Taisen Y s’inscrit pleinement dans la tradition du tactical RPG avec son sempiternel damier au sol. Chaque unité peut être déplacée dans les limites de sa zone de mouvement, et chaque attaque puise dans une jauge d’énergie. Le moral, quant à lui, joue un rôle déterminant puisqu’il influe directement sur vos statistiques. À cela s’ajoutent les Assist Link : en assignant des personnages non-pilotes à vos mechas, vous débloquez des compétences de soutien particulièrement utiles en combat. Derrière cette mécanique apparemment classique se cache une vraie richesse : toutes les unités ne brillent pas dans les mêmes environnements. Certaines font des merveilles dans l’espace, mais deviennent un poids mort sur terre ou en milieu aquatique.
Chaque mecha dispose en outre d’un arsenal varié, avec des attaques soigneusement référencées et mises en scène. Sur la carte, les sprites restent simples et peu animés, mais dès que le combat s’engage, le jeu change d’échelle : la vue bascule en 2D latérale, et les affrontements s’animent dans un style spectaculaire, riche en effets et en dynamisme. Comme souvent dans la série, le choix de la 2D est assumé et parfaitement exploité : les développeurs savent tirer le meilleur de ce rendu pour donner du rythme et de l’impact aux duels.
Et quelles récompenses que ces séquences animées ! Après de longues minutes passées à étudier les statistiques, à tester différentes combinaisons de mouvements et d’attaques, ces cinématiques viennent souffler un vent d’adrénaline bienvenue. Côté difficulté, le jeu propose quatre niveaux ajustables à tout moment. Le mode « casual » se veut extrêmement permissif, presque impossible à perdre, tandis que les niveaux supérieurs exigent une véritable rigueur : surveiller ses jauges, anticiper ses placements et gérer son moral sous peine de voir une unité disparaître en deux tours. Le système peut parfois se montrer cruel – une attaque à 70 % de précision peut très bien échouer – mais cela fait partie intégrante du charme du jeu.
À cela s’ajoutent des choix tactiques cruciaux lors des phases défensives : esquiver, se protéger ou contre-attaquer ? Miser sur une garde, plus prudent, ou tenter le coup de poker d’un retour de flamme ? C’est précisément dans cet équilibre entre hasard et stratégie que le jeu brille. Rarement frustrant, toujours stimulant, il offre suffisamment d’options pour se relever d’une erreur ou d’une attaque malchanceuse. Super Robot Taisen Y ne cherche pas à piéger le joueur, mais à le pousser à réfléchir, à optimiser et à savourer chaque affrontement.