« Longue vie à la Vita ! » pourrait-on s'exclamer en cette fin janvier, alors qu’un de ses titres emblématiques (oui, j’ose) débarque sur Switch ! Freedom Wars fait partie de ces jeux de la dernière décennie qui, sans avoir fait grand bruit à leur sortie, ont su se construire une solide réputation grâce au bouche-à-oreille. Ce succès discret mais durable a même permis de maintenir une petite communauté en ligne active, squattant les serveurs jusqu’à leur fermeture. Dix ans plus tard, avec quelques rides en plus et peut-être des cheveux grisonnants (ou disparus), Freedom Wars est-il toujours à la hauteur de sa légende ?
Test réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur.
Percussit Illud, Donec Moriatur, ou quelque chose du genre...
Les modes dans le jeu vidéo, tout le monde en a une qui vient immédiatement à l'esprit. Pour les plus jeunes, il s'agit probablement des battle royale, omniprésents à la fin des années 2010, offrant quelques pépites mémorables malgré l’habituelle saturation en fin de cycle. Les plus anciens, eux, se remémorent l'âge d'or des jeux de plateforme au milieu des années 80, souvent incarnés par des mascottes aux designs variés, parfois inspirés, parfois moins (souvent moins). Entre ces deux périodes, les observateurs attentifs auront remarqué l’émergence de tendances plus discrètes, portées par des jeux à budget modeste, loin des mastodontes qui dominent l’espace médiatique, aussi bien IRL qu’IVL.
Aujourd’hui, des genres comme les rogue-like ou les souls-like sont devenus de véritables poules aux œufs d’or pour les studios indépendants ou de taille moyenne. Mais il est un phénomène qui a marqué les développeurs japonais de jeux à budget moyen durant les années 2010 : les Action RPG façon Monster Hunter. Des titres comme Soul Sacrifice, Toukiden, God Eater ou encore Ragnarok Odyssey ont illustré cette tendance et bien que la fréquence des sorties ait ralenti ces dernières années, le genre n’a pas disparu, comme en témoigne l’excellent Wild Hearts sorti l’année dernière.
Contrairement à d’autres tendances, la vague des Monster Hunter-like ne s’est pas contentée de copier mécaniquement une formule préexistante. Elle a donné naissance à une multitude de titres qui se sont démarqués par leurs innovations en matière de gameplay, leurs directions artistiques audacieuses et leurs modes de jeu originaux, afin de capter l’attention des joueurs avides de chasse à la bestiole de 15 mètres de haut.
Les joies du bagne
Dans un futur lointain, l’Humanité se trouve au bord de l’effondrement, victime des guerres et de la surconsommation qui ont épuisé les ressources essentielles à sa survie. La Terre est devenue presque inhabitable, et des villes-états fortifiées, appelées « Panopticons », sont érigées pour organiser ce qu’il reste de la société. Dans ce système rigide, chaque individu naît avec une dette colossale de vie équivalant à une peine d’un million d’années. Ces « coupables », comme ils sont désignés, doivent accomplir des missions et prouver leur valeur pour réduire leur incarcération et espérer un jour recouvrer leur liberté. C’est dans cette dystopie que commence notre aventure, et point de départ intéressant, un éditeur de personnage plutôt fourni pour l’époque pour péter du monstre, oui, mais avec style. Aujourd’hui, après des Monster Hunter World et des Dark Souls qui permettaient d’assouvir toutes les pulsions artistiques de communautés partageant
les pires abominations que l’humanité ait connu leurs création sur les réseaux sociaux, le choix paraît limité, mais toutes les options permettent tout de même de la variété tout en restant dans les clous de la direction artistique.
Equipé de deux armes, vous affrontez cet ennemi titanesque aux côtés d’une escouade composée de plusieurs classes : un tank pour encaisser les coups, un healer chargé de soigner l’équipe, et un DPS (Damage-Per-Second) dont le rôle est d’infliger un maximum de dégâts. Bien que ces rôles soient classiques, ils posent efficacement les bases du système de combat et mettent en lumière la possibilité de donner des ordres à vos alliés grâce à la touche bas de la croix directionnelle.
Comme dans tout bon jeu de chasse aux monstres, la coordination entre coéquipiers est essentielle pour venir à bout des adversaires les plus redoutables. Heureusement, l’intelligence artificielle de vos compagnons se montre à la hauteur. Non seulement elle répond correctement à vos ordres, mais elle est aussi suffisamment autonome pour prendre des initiatives. Par exemple, il n’est pas rare de voir vos alliés se diriger vers d’autres ennemis si la situation est sous contrôle avec votre cible actuelle. Cela dit, pour maximiser l’efficacité de votre équipe, l’utilisation stratégique des ordres est cruciale. Dans certains modes de jeu (notamment le concours de sauvetage d’otages), cela devient même un facteur déterminant pour assurer votre victoire.
Là où il y a un fouet, il y a un chemin
Les contrôles, d’une simplicité déconcertante, se résument à un coup faible, un coup fort, une esquive, et quelques subtilités liées à l’arme que vous portez. Par exemple, les armes à feu n’utilisent qu’un seul bouton pour attaquer. Mais alors, qu’est-ce qui distingue Freedom Wars des autres titres similaires ? La ronce, bien sûr !
Le protagoniste est équipé d’une ronce, un outil polyvalent qui agit comme un fouet/lasso/grappin, mais aussi comme une arme redoutable. En mode grappin, vous pouvez viser un mur ou un ennemi pour vous y accrocher et ainsi attaquer ou rebondir. Prenons un exemple : si un ennemi a tendance à ravager tout sur son passage, prenez de la hauteur en vous propulsant sur un mur, puis utilisez votre arme à feu pour l’attaquer depuis une position sûre. À l’inverse, si l’ennemi bouge sans cesse, accrochez-vous directement à lui pour lui infliger des dégâts tout en restant à portée.
Mais ce n’est pas tout. Les gros ennemis sont conçus comme des assemblages de différentes parties destructibles. Chaque partie a ses propres caractéristiques : certaines sont plus résistantes, d’autres particulièrement vulnérables. En vous accrochant aux points sensibles, vous pourrez non seulement infliger des dégâts importants, mais aussi modifier l’issue du combat en tronçonnant un membre. Par exemple, détruire le bouclier d’un boss facilitera les attaques de vos alliés, couper ses ailes réduira sa mobilité, et désactiver son canon limitera son panel d‘attaques. La ronce vous permet également de faire tomber l’adversaire, et le rendre ainsi vulnérable pendant quelques secondes. Pour finir, cette ronce décidément bien pratique permet d’effectuer des attaques spéciales, ou de poser des pièges sur le terrain qui immobilisent l’adversaire.
Vous l’aurez compris, la ronce donne un sacré punch aux combats Freedom Wars. Le ciblage se montre capricieux (de même que la caméra après ciblage d’un ennemi), mais tout le dynamisme apporté par cet élément change clairement la donne. Que ce soit toute la verticalité apporté aux combats (même si au final les arènes exploitent assez peu ce concept), ou les possibilités tactiques offertes, on trouve ici l’ingrédient magique qui relève le goût de ce Freedom Wars. Les combats sont non-seulement fun, mais esthétiquement très plaisant. Réservons la technique pour plus tard, mais entre les explosions de tous les côtés, les ennemis gigantesques suintant de partout de leurs blessures, les coups de grappin qui vous font valdinguer d’un bord à l’autre du terrain, Freedom Wars a clairement de la gueule.
Ça manque un peu de piquant
C’est fun, c’est beau, certes, mais c’est aussi un poil rébarbatif. Les combats sont très chouettes, il faut l’admettre, le problème, c’est qu’ils ne sont pas très nombreux, et assez peu diversifiés. Car Freedom Wars, ce n’est pas que de l’élimination de monstres, c’est aussi des dialogues, des phases d’infiltration (ratées, sans surprise), des missions d’escorte, des affrontements par équipe et du sauvetage d’otages. C’est bien, ça semble varié, et pourtant c’est là où ça pêche.
Prenons l’exemple des missions d’infiltration. On se dit que ça va être chouette, apporter un peu de nouveauté, tout ça pour se retrouver avec des phases longues, ennuyantes et extrêmement mal fichues dans des décors pas inspirés. Le plus décevant, c’est qu’aucun effort n’a été fait pour exploiter les mécaniques déjà en place, comme le système de couverture utilisé pendant les combats. Les ennemis ont un QI d'huitre et il suffit juste d'éviter leurs rondes pour y échapper. L'opération sera bien évidemment à répéter de nombreuses fois à travers le jeu, histoire de bien apprécier toutes les subtilités (non) de ce gameplay.
En dehors des missions, vous êtes « libres » de vous déplacer dans le hub central du jeu : le Panopticon, un concept de structure carcérale où une tour centrale permet de surveiller tous les prisonniers répartis autour. Mais en tant que détenu, votre liberté est toute relative. Au début, vos actions sont drastiquement limitées. Confiné dans une cellule, vous ne disposez que de quelques options basiques de personnalisation, sous la surveillance constante d’un androïde. Progressivement, en gagnant des points, vous pourrez débloquer l’accès à d’autres zones du hub ainsi qu’à des améliorations de votre « qualité de vie ».
Au départ, presque tout est passible d’un rallongement de peine. Marcher plus de 100 pas ? Interdit ! Approcher un PNJ du sexe opposé ? Encore moins ! Courir plus de 30 secondes ? Voilà 20 ans de rab pour notre bagnard. Ces restrictions absurdes instaurent une ambiance oppressante, mais elles s’assouplissent au fil du temps, transformant cette prison austère (mais comique, vu la tronche des restrictions imposées) en un véritable hub digne de ce nom.
Entre deux missions, vous passerez une grande partie de votre temps à explorer ce hub, à chercher des événements pour faire avancer l’histoire et débloquer de nouvelles quêtes. Ces phases, bien que souvent intéressantes pour leur narration et leurs dialogues, se limitent malheureusement à des allers-retours entre différents points sans grande variation. C’est d’autant plus regrettable que le scénario est captivant, et que les personnages bénéficient d’une écriture soignée.
Le hub propose également des options essentielles. On peut bien évidemment changer son équipement, en crafter, en acheter mais aussi s’affairer aux missions avec les équipiers de notre choix. Hormis l’androïde dont nous sommes sous la surveillance, les autres détenus rencontrés dans le hub peuvent vous accompagner en mission, et il faudra les choisir judicieusement. Si vous prenez uniquement des healer avec vous pour une mission d’élimination, il y a de fortes chances pour que votre cible vous fasse manger les pissenlits par la racine. De même, il faudra équiper votre androïde correctement pour éviter qu’il ne devienne un poids mort en combat.
Cependant, la clé du succès réside surtout dans votre propre équipement. C’est votre arsenal qui déterminera vos chances de survie. Si vous partez sous-équipé, les affrontements sembleront s’éterniser. Le système de crafting, bien conçu, vous permet de créer des armes adaptées à chaque mission. Forcément, un peu de farm sur certaines missions sera nécessaire pour obtenir les objets nécessaires à la fabrication d’une meilleure arme, mais rien de bien méchant… Sauf dans les dernières heures du jeu, notamment le boss final qui vous fera ramasser vos dents (surtout dans sa troisième phase) si vous avez le malheur de le prendre un peu trop à la légère.
Parlons des missions ! Freedom Wars commence par déployer un éventail prometteur de possibilités : sauvetage d’otages, élimination d’ennemis, récolte de matériaux sous le feu ennemi… Ces premières heures laissent entrevoir un gameplay varié et riche. Cependant, cette impression s’essouffle au fil du temps. Le jeu propose finalement moins d’une dizaine d’arènes, et les ennemis manquent de diversité.
Malgré tout, grâce à la montée en puissance de votre personnage, aux changements d’équipement et à la rotation des coéquipiers, l’expérience reste globalement divertissante. Mais entre ça et les phases en prison un poil monotone, il faut reconnaître que toutes les heures passées sur Freedom Wars ne se valent pas. Et c’est sans mentionner les phases d’infiltrations, qui… oui, très bien, on avait compris la première fois…
Un portage honnête
Maintenant, à faire le comparatif entre la version Vita et la version Switch, il y a clairement de l’amélioration: le jeu tourne désormais en 1080p à 30fps avec une stabilité à toute épreuve. À l’époque de la Vita, le framerate chutait régulièrement malgré un suivi exemplaire des développeurs, qui avaient continué à mettre à jour le jeu plus d’un an après sa sortie (croyez-le ou non, un effort rare pour l’époque).
Autre point appréciable : la mini-carte, désormais parfaitement lisible en mode portable, ce qui n’était pas spécialement le cas dans la version originale. Et enfin, le multijoueur en ligne, un atout majeur ! Bien qu’il n’y ait pas de crossplay entre les différentes plateformes, l’activité sur les serveurs est un vrai plaisir à constater. Jouer en ligne permet non seulement de profiter de la coopération avec d’autres joueurs, mais aussi de passer plus facilement certaines missions difficiles (même si l’IA fait parfaitement l’affaire).
Comme lors de sa sortie originale, le jeu est entièrement disponible en français, avec un choix entre doublage japonais ou anglais. Si l’option de changer les voix n’apparaît pas immédiatement au début de la partie, pas d’inquiétude : elle se débloque après quelques missions tutoriels. Un choix un peu curieux, surtout que lors de la création du personnage, vous sélectionnez une voix basée sur les options anglaises, lesquelles ne correspondent pas toujours à leur équivalent japonais. Heureusement, il est possible de modifier la voix de votre personnage ultérieurement.
Quant à votre androïde, elle n’est pas concernée par ce dilemme linguistique : peu importe le doublage choisi, elle s’exprimera exclusivement en anglais. En revanche, ses interactions sont personnalisables. Vous pouvez lui laisser le loisir de charcuter de sa voix robotique une expression que vous aurez préalablement écrite. A vous de laisser libre cours à votre créativité et de faire lâcher un « Yippee-ki-yay » à votre compagnon mécanique en pleine action, ou toute autre expression dans le ton.