Issu d'un financement participatif réussi en 2020, le jeu issu de l’imagination du studio français COWCAT games nous emmène mener l’enquête sur Nintendo switch en ce mois de mars 2023. Des bas-quartiers des slums jusqu’aux spacieuses résidences des Drums, saurez-vous percer les secrets de cette civilisation pas si différente de la nôtre ?

Brok, détective privé

Piégé dans une pièce en feu, le détective privé Brok voit sa vie s’effondrer et ses certitudes ébranlées. Car dans la chaleur des flammes qui la mène à la mort, sa femme bien aimée maudit son existence. Mais pourquoi ? La réponse, c’est peut-être cette partie de son passé qui lui échappe qui le lui indiquera. Assez paradoxalement, nul dépaysement dans cet univers futuriste où des animaux anthropomorphes ont remplacé les Hommes. Car si la technologie de pointe a délesté les habitants des tâches les plus fastidieuses, c’est pour mieux aggraver les inégalités sociales et le dérèglement climatique en coulisse. Cette fracture de richesses combinée à une surexploitation des ressources ont mené les plus aisés (les « drumers ») à se réfugier sous un immense dôme les protégeant d’une pollution atmosphérique qui étouffe les plus pauvres (les « slumers »). Brok et son beau-fils Graff font partie de cette deuxième catégorie condamnée à vivre à l’extérieur, où l’injustice, la délinquance et l’impunité grouillent à chaque coin de rue. C’est au cœur de ce sombre décor que commencera une enquête a priori des plus banales pour notre détective, mais qui pourrait bien mener à des découvertes assez inattendues.

Si Brok est définitivement un jeu orienté enquête policière, cette dernière sert surtout de prétexte pour envoyer le joueur se balader un peu partout dans ce monde afin d’en appréhender les codes et de comprendre les relations qu’entretiennent les personnages entre eux. Brok the investigator, c’est donc autant l’histoire de ce croco détective/homme à tout faire avide de vérité, que celle de ce père maladroit et bagarreur qui ne cherche qu’à renouer le lien avec un fils à qui il cache son tumultueux passé. Mais c’est aussi l’histoire de Graff, qui a perdu sa mère, et voit sa vie d’étudiant fana de science déchirée entre une présence paternelle inexistante et une incompréhension qui le mène souvent à mal interpréter les choses. On suit avec plaisir et tendresse l’évolution de la relation qui unit ces deux personnages autant que l’on se passionne pour cette histoire qui part bien vite dans une direction inattendue. Nulle ambition de refaire le monde, juste d’y trouver sa place, et c’est sans doute déjà pas mal. 

Taper et cliquer – et inversement

Pour satisfaire ses clients, le détective privé Brok, un crocodile coiffé d’un chapeau et rôdé aux combats de rue, devra autant faire appel à son cerveau qu’à ses biceps s’il espère faire éclater la vérité et survivre dans ces recoins où les ennemis ne sont jamais bien loin. C’est là qu’intervient le concept de « punch & click » pensé par les développeurs. Comme le laisse supposer son nom, la formule de Brok emprunte aux gameplay des point’n’click et des jeux d’actions. Mécaniques que l’on retrouve assez aisément dans les deux postures que peut revêtir notre héros une fois sur le terrain : le « mode enquête » et le « mode action ».

Le premier mode fait appel au sens premier de tout bon limier qui se respecte : la récolte d’indices. Pour dénicher ces éléments-clé ou tout simplement approfondir sa connaissance sur le lore du jeu, l’on pourra cliquer sur les différents éléments du décor (aux boutons ou au tactile), interroger les personnages, combiner des objets ou encore faire interagir ces derniers avec l’environnement pour débloquer une situation. Le tout ponctué d'énigmes pas toujours évidentes à résoudre, mais qui pourront l'être grâce aux  « pubs » collectées dans les différents tableaux et qui font office de points d’indices à dépenser. Une appréhension classique des mécanismes propres au point’n click qui ne renouvellera pas le genre, mais qui rend hommage à tout ce qui fait son charme. Sur ce point, les dialogues en particulier occupent une place prépondérante dans un jeu qui y a concentré l’essentiel de ses messages. Discuter avec ses interlocuteurs apporte toujours un élément nouveau, quel qu’il soit, et on ne rechigne jamais à les déclencher, d’autant plus que ceux-ci sont entièrement (et énergiquement) doublés, ce qui est un vrai plus.

Parallèlement, d’une simple pression sur le bouton X, l’on peut passer en « mode action », permettant ainsi à Brok de faire ressurgir son passé de boxeur. Dans cette posture, il devient possible d’interagir autrement avec l’environnement en sautant sur des plateformes ou en frappant des objets-clés par exemple. Mais pas seulement. A la manière d’un beat them up, l’on pourra se mesurer aux adversaires qui nous barrent la route en distribuant des crochets du droit ou en se servant des armes de son inventaire. Ici encore, rien de nouveau sous le soleil avec des combats plutôt basiques dû en grande partie à une palette d’action relativement limitée. Coups normaux, spéciaux et en l’air constitueront le principal de votre arsenal offensif, ce qui rend ces phases rapidement redondantes malgré l’agressivité et la réactivité des adversaires en face. En tout état de cause, la victoire vous assure des points d’XP permettant d’augmenter sa santé, la puissance de ses coups ou réduire la durée entre chaque attaque spéciale.

Autre ajout sympathique du titre : la possibilité d’incarner Graff, le fils de Brok, qui a aussi son lot de problèmes à résoudre et ses propres aventures à mener avec ses camarades de classe. Plus générique et fatalement moins ambitieuse que celle de son père, l’histoire du fils reste plaisante à suivre, ne serait-ce que pour comparer les points de vue des deux protagonistes et mieux comprendre les motivations et les questionnements qui les animent. Il est ainsi dommage que les développeurs n’ait pas profité de l’occasion  pour proposer un gameplay différent pour Graff, plus branché science que coup de pied sauté, mais qui se voit quand même doté des mêmes actions que son paternel.

Racontes-moi ton histoire

A la manière d’un Detroit Become Human, Brok instaure un système d’embranchement narratif basé sur les choix et les actions menées tout au long des six chapitres de l’aventure. Le jeu proposera ainsi plusieurs fins, largement influencées par les relations nouées (ou pas) avec les autres personnages, mais aussi la manière dont l’on s’est comporté. En effet, si la violence et le rentre-dedans constitueront la manière la plus rapide et la plus simple de résoudre une situation problématique, on nous encouragera vivement à envisager les choses sous un angle plus réfléchi. Une alternative souvent bien plus intéressante à choisir car faisant appel à un sens de la filouterie qui n’est pas pour déplaire aux joueurs les plus inventifs dans cette catégorie.

Mais il n’y a pas que les choix qui peuvent avoir des conséquences sur la suite du scénario. Sans gâcher le plaisir de la découverte, on notera la grande importance accordée aux quêtes annexes. Indispensables pour la compréhension globale du titre, celles-ci seront autant d’occasions de débloquer un chemin narratif inédit que d’améliorer positivement vos relations avec les autres. Et puisque les tableaux ne sont généralement pas très grands, l’on n’a jamais l’impression de perdre son temps en vagabondant d’un endroit à l’autre de la carte pour remplir ses objectifs secondaires.

Enfin, il convient de mettre la lumière sur la jolie direction artistique du titre très inspirée des cartoons des années 90 dopée aux couleurs vives qui lui donne un côté retro des plus agréables. Le mélange 2D/3D fonctionne très bien, et on se prend vite au jeu de la découverte dans un jeu qui propose un nombre conséquent de petits challenges surprenants comme le fait d’essayer de découvrir tous les game over possible. Les dialogues ne sont pas non plus dénué d'humour, ce qui rajoute une petite touche de légèreté bienvenue au titre. On l’aura compris, Brok n’est pas un jeu que l’on apprécie pleinement en se précipitant, ce qui lui donne en plus une très bonne durée de vie, allant d’une quinzaine d’heures à plus de vingt selon l’expérience souhaitée.