Que se passe-t-il lorsqu’on réunit les maîtres français du beat them up, Dotemu et Guard Crush Games (Streets of Fury, Streets of Rage 4), et qu’on y ajoute le talent d’animation du studio Supamonks ? On obtient Absolum, une production 100 % française qui ambitionne de marier deux genres exigeants : le beat them up et le rogue-lite. Et le résultat mérite largement qu’on s’y attarde.
Un monde en ruine, une résistance en marche
Souvenez-vous des Donjons & Dragons de Capcom : ces beat them up qui, dès 1994, tentaient déjà d’y insuffler une touche de RPG — gestion d’équipement, inventaire, magie — à une époque où le style battait de l’aile. Trente ans plus tard, alors que le beat them up est tombé en désuétude et est dans l’inconscient collectif réduit à un plaisir de niche réservé aux vétérans du pad 6 boutons, Absolum décide de relancer la machine, en modernisant la formule tout en rendant hommage à ses illustres prédécesseurs.
À la suite d’un cataclysme magique, les mages sont accusés d’avoir provoqué la catastrophe et bannis du royaume. Profitant de leur faiblesse, Azra, le Roi Soleil, les réduit en esclavage et étend sa domination sur Talamh. Tout ? Non. Un petit groupe de rebelles résiste encore et toujours à l’envahisseur : Karl, un nain guerrier, et Galandra, une nécromancienne (une équipe qui s'agrandira avec l'arrivée du mage Brome et du voleur Cider). Ensemble, ils se lancent dans une quête pour renverser Azra, au fil d’un périple semé de combats épiques.
Dès les premières minutes, Absolum séduit par son gameplay solide et précis. On retrouve les bases familières du beat them up, mais enrichies de mécaniques supplémentaires : jauge de magie, dash omnidirectionnel, plusieurs types d’attasue… et surtout, une parade, élément rare dans le genre, et qui devient rapidement essentiel à la progression. Sa fenêtre d’activation généreuse rend la manœuvre accessible, tout en maintenant une tension constante qui dynamise chaque affrontement. Cette brique de gameplay s’insère avec beaucoup d’aisance dans un système de jeu bien huilé, et on prend rapidement le coup une fois la période d’acclimatation passée.
Ces ajouts ne servent pas seulement à diversifier les coups : ils redéfinissent le rythme même du combat. Entre combos, jongles, attaques magiques, choppes et sauts offensifs, chaque affrontement devient un ballet nerveux où la technicité prend le pas sur la simple brutalité. Moins immédiat qu’un Streets of Rage, Absolum demande un peu plus d’investissement, mais il récompense rapidement le joueur par une liberté d’action et une fluidité grisante.
Cette profondeur se retrouve dans la structure même du jeu. Plutôt que d’imposer un système de vies ou de crédits, Absolum fait de la défaite un élément central de la progression. À chaque mort, l’enchanteresse Uchawi, accessoirement leader de votre groupe de résistant, vous ressuscite pour une nouvelle tentative. Entre deux runs, il est possible d’améliorer ses compétences, de débloquer de nouveaux sorts, créant une véritable boucle d’apprentissage et d’expérimentation. Ce système intelligent transforme la frustration en curiosité : on meurt, certes, mais toujours pour revenir plus fort. Et surtout, le jeu ne punit pas le joueur qui n’a pas tout débloqué —votre skill comptera davantage que le grinding pur.
Des influences assumées et une rejouabilité exemplaire
Les amateurs du mode Survie de Streets of Rage 4 reconnaîtront immédiatement les sensations familières : bonus cumulables, alliés temporaires, builds expérimentaux… Chaque partie raconte une histoire différente. Tantôt surpuissant, tantôt vulnérable, on navigue entre frustration et euphorie dans un cycle parfaitement dosé. Il manque peut-être un peu de flexibilité à ce niveau, puisqu'il arrive régulièrement que certains enchaînements d'améliorations privilégient exclusivement les options défensives, mais cela peut pousser à tester de nouvelles approches. Cette variété, combinée à un contenu étonnamment riche — quête principale, embranchements, missions secondaires, défis post-game — garantit une rejouabilité rare pour un beat them up.
Mais ce qui lie le tout, ce qui rend l’expérience si cohérente, c’est la direction artistique. Difficile de ne pas tomber sous le charme du jeu : les animations soignées, les décors regorgeant de détails, les effets visuels qui donnent l’impression de jouer dans un dessin animé… une promesse souvent galvaudée, mais ici pleinement tenue. Ce qui est peut-être le plus beau dans tout ça, c’est que malgré toute cette richesse à tous les niveaux, on est jamais bombardé de textes, de tutoriels et d’explications fastidieuses : en quelques minutes, on comprend tout, sans jamais être pris par la main. Un modèle didactique que l’on voit malheureusement trop peu.