À défaut de monter dans le train de la hype, peut-être seriez-vous tentés en ce jour de monter dans celui de A-Train ? Sorti la semaine dernière sur Switch, il n’est pas le premier jeu de gestion ferroviaire sur la console de Nintendo mais il se démarque par sa provenance et son ambiance japonaise. Le contenu se veut très complet, au point sa fiche sur l'eShop indique que les joueurs peu aguerris ne seront pas en reste grâce aux guides explicatifs soigneusement intégrés. Parviendra-t-il à faire de l’ombre à Railroad Tycoon, toujours considéré comme le maître du genre ?
En voiture !
Après avoir créé sa compagnie ferroviaire en lui donnant un nom, un logo et tout ce qui s’ensuit, notre partie débute par l’accueil de la ravissante Ayaka Matsushima qui nous félicite pour notre promotion en tant que président de l’entreprise. Elle nous montre aussitôt les bases du jeu, notamment pour construire des lignes de chemin de fer, des gares et faire circuler les premiers trains. L’occasion de se rendre compte de la fluidité des déplacements sur la carte qui sont des plus agréables, tout le contraire des contrôles qui ne sont pas toujours intuitifs (on navigue dans les menus en appuyant sur B, ce qui nous empêche de naviguer sur la carte).
Littéralement, on peut construire des voies partout sur tous les terrains mais bien sûr, le prix n’est pas le même. Il va s’en dire qu’il est beaucoup plus intéressant d’installer les voies sur des terrains non bâtis et non exploités plutôt que sur un terrain construit où se trouvent logements et industries, les coûts des démolitions vont de pair avec la valeur des constructions établies dessus. Notez que l’on peut construire des voies en surélévation afin de les faire passer au-dessus des bâtiments, cela coûte certes plus cher que si elles étaient restées au sol mais dans une ville dense, ce sera moins cher que de détruire les bâtiments. Par ailleurs, il faut coordonner les horaires des trains pour éviter qu’ils ne se croisent et provoquent des congestions dès l’instant où il y a au moins 2 trains sur une ligne.
Évidemment, il faut aussi penser aux gares. Celles-ci doivent être proportionnées en fonction de la fréquentation attendue, au risque sinon de provoquer des congestions ou des surcoûts. Cela peut aller de la gare de campagne à 1 voie et au quai relativement court à la gare de grande ville aux nombreux quais et rivalisant avec les gares parisiennes. Quel que soit le choix, il y aura toujours un délai de plusieurs jours pour achever la construction afin de simuler le chantier. L’idée est intéressante mais pourquoi le studio n’en a pas fait de même avec la construction des rails ? Celle-ci étant instantanée.
À partir du deuxième scénario, il nous est également possible de mettre en place des lignes de bus en disposant préalablement des stations. Le principe est le même qu’avec les trains, ils emportent moins de passagers qu’un train mais ils coutent moins cher à l’achat et à l’entretien, cela peut servir pour des liaisons secondaires. Il en est de même avec les camions pour les marchandises et si besoin, on peut même construire des routes, même si ce n’est guère conseillé car contrairement aux rails, elles passent directement sous la gestion des pouvoirs publics et leur fréquentation ne nous rapporte pas grand-chose.
On découvre même comment se placer du point de vue d’un passager pour profiter simplement du paysage, mais ce n’est pas aussi impressionnant qu’il n’y paraît. D’une part, cet écran est surchargé de fenêtres contextuelles et ne nous offre aucune vue panoramique dégagée, et d’autre part, c’est à ce moment qu’on se rend compte que les graphismes auraient mérité d’être peaufinés tant il y a beaucoup de crénelage, même en mode portable. De plus, le style très symétrique des éléments du décors donne un superbe effet vu de dessus mais en point de vue, il manque de naturel.
Un tutoriel qui dure…
Au fur et à mesure du tutoriel, on découvre d’autres personnages, chacun assigné à un rôle bien précis : le conducteur de trains, la responsable de l’urbanisme, le directeur marketing… Chacun prend le temps d’expliquer son rôle et ce que nous devons faire avec eux pour que l’entreprise tourne du mieux possible. Et c’est ce qui pose problème car chacun veut s’assurer qu’on comprenne bien chaque détail du jeu, y compris les éléments les plus insignifiants comme les lignes d’entrées et du bilan financier.
Certes, il est important de connaître les principales recettes et dépenses de l’entreprise, qui sont la vente de billets pour l’un et l’entretien des trains et des gares et les salaires pour l’autre. Il faut reconnaître que le tutoriel parvient à nous expliquer des concepts qui peuvent paraître compliqués pour les non-initiés comme les dépenses courantes et les dépenses d’investissements. De plus, si on est passé à côté d’un détail important, il est toujours possible de revenir en arrière dans les dialogues.
Mais l’interface de ces bilans est austère et ne donne pas envie de regarder en détail, et pourtant, le tutoriel nous force à nous plonger le nez dedans, ce qui est un vrai tue-l’amour. C’est d’autant plus ronflant que la moitié du didacticiel est consacré à l’explication des différents chiffres à l’écran et qu’on passe près de deux scénarios pour voir enfin la fin des explications. Ajouté au besoin de revoir certaines notions pour vraiment bien comprendre comment fonctionne le jeu et il faut compter plusieurs heures d'apprentissage avant de vraiment être autonome et commencer à s'amuser.
De façon générale, le didacticiel explique très bien mais il n’est pas très pédagogique. Il nous indique ce qu’on doit faire sans préciser les actions que l’on doit mener pour y parvenir. Quitte à y passer beaucoup de temps, comme il y a beaucoup de notions passées en revue, on aurait aimé que les indications se répètent deux ou trois fois, le jeu considère en effet que dès qu’on est passé une fois sur une action, on a tout compris et on n’a plus besoin d’aide (ce qui est faux, vous l’aurez deviné). Par exemple, notre directeur marketing nous dit que ce serait formidable de relier tel et tel endroit mais ne nous indique pas la façon dont il faut s’y prendre. Pire ! On peut passer à la suite sans avoir rempli l’objectif. Pas très encourageant comme manière de procéder. Le seul aspect positif du didacticiel qui nous pousse à poursuivre, c’est qu’il est scénarisé. On prend le temps de découvrir les personnages, on découvre ainsi qu’Ayaka s’efforce d’être professionnelle avec la responsable financière mais cela se voit qu’elles sont très complices.
Une société sur les rails.
A-Train nous propose différents scénarios aux buts multiples. Le premier d’entre eux consiste à relier un centre-ville à un château très prisé des touristes. Pour y parvenir, on reçoit le soutien des pouvoirs publics locaux à condition qu’il y ait un certain nombre de touristes et d’habitants en ville avant une certaine date, autrement, on sera viré de notre poste. Heureusement, de nombreux personnages sont prêts à nous aider dans notre mission. Outre les rôles déjà présentés, on peut évoquer les services d’urbanisme qui nous indiquent les différents flux dans la ville, ce qui est un bon indice pour construire des lignes de passagers, ainsi que le zonage par quartier et leurs caractéristiques économiques (agriculture, forêt, industrie, commerces, services publics…).
Pour gagner de l’argent, en plus des évidentes ventes de billets, on peut transporter des marchandises. Cela rapporte gros à condition d’avoir des infrastructures appropriées (espaces de stockage, gare de fret…). Pour faciliter la tâche, on reçoit régulièrement des opportunités de marché envoyées par les producteurs. Par exemple, dans le deuxième scénario, il y a des aquaculteurs au nord de la ville qui ont besoin de livrer leurs poissons vers le centre-ville. Mais attention, certaines opportunités exigent de respecter des délais et/ou de livrer une certaine quantité, sinon on doit payer des indemnités. Notez qu’il est possible d’avoir encore plus d’opportunités en construisant un port pour faire des exportations et vous approvisionner en matériaux venant d’autres villes ou pays, ce qui est parfois moins cher.
Autre source de recette très profitable : les bâtiments. On peut tout acheter ou presque : les maisons, les usines, les mines, les ports, les parcs d’attraction… Il faut bien sûr jongler entre acheter et revendre ces bâtiments lorsqu’ils sont lucratifs ou non et tenir compte qu’il y a une taxe annuelle à hauteur de 2% sur la valeur totale des terrains possédés. Ce peut être très stratégique pour construire des activités à proximité des gares peu fréquentées mais il faut attendre quelques années avant qu’une activité décolle et réalise réellement des profits.
On peut acheter des actions d’autres entreprises, y compris des entreprises qui ne sont pas en rapport avec les transports. Cela permet de toucher des dividendes (pour certaines), de spéculer et d’avoir droit à des réductions spécifiques en négociant avec cette entreprise (à condition d’avoir suffisamment d’actions). Ce peut être très utile pour des constructions moins chères. On peut aussi émettre des actions afin de gagner de l’argent immédiatement mais on aura besoin de reverser les bénéfices.
C’est là qu’on se rend compte que le jeu va trop loin. Nous sommes censés diriger une entreprise ferroviaire et pourtant, on peut se retrouver à gérer de multiples activités qui n’ont rien à voir avec le chemin de fer, ni même les transports. Il paraît encore pertinent de gérer des bus et des camions et même pourquoi pas de racheter des usines, surtout celles fabriquant des matériaux dont on a besoin. Mais s’occuper de logements, de commerces ou de construction de route est totalement hors-sujet. Certains scénarios demandent comme objectif à accomplir de faire en sorte qu’il y ait suffisamment de résidences et de commerces sur la carte. Or, on verrait davantage ce genre de mission être attribuée à une mairie ou à un pouvoir public, pas à une entreprise de chemin de fer. Du coup, difficile de savoir si on dirige vraiment une entreprise de chemins de fer ou si on ne s'improvise pas en tant que maire.