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Philipe #6

Résumé de l'épisode précédent: Philipe est dans un saladier, dans la cuisine de Philippe. Il veut s'évader.

« Maintenant, le saladier se détachait du sol à chaque nouvelle rotation, et commençait à avancer vers les couverts du dernier repas de Philippe. Car j’avais remarqué que ce gars mangeait toujours avec les mêmes couverts. Enfin, cela ne faisait que 24 heures que j’étais là, mais bon, il n’avait pas lavé une seule fois ses couverts. Par exemple, il s’était servi du même couteau pour étaler du beurre, du pâté, et se curer les ongles. J’avais donc eu une idée… Comme chacun le sait, les molécules allergéniques contenues dans les crustacés sont principalement constituées à base de sodium et de chlyrodrate de soude. Le sodium, j’en avais plein dans le bide. Et le chlyrodrate de soude, on le trouve dans les parties osseuses des crustacés, mais aussi… Dans les ailes de mouches!! Et voila qu’après une bonne centaine de rotations, j’étais tout à côté de l’assiette de Philippe, allergique aux crustacés! J’étais également sur le point de dégueuler, et ça tombait bien. Je regardai quelques instants les cadavres de mouches, déjà recouverts de petits vers, et, maintenant, je peux bien avouer que je faillis alors renoncer. Mais comme le disent les gentils Transformers, « A nul sacrifice, nulle victoire ». Donc, je pris une grande inspiration, ce qui eut pour effet de propulser les insectes dans ma bouche. Je mâchai à toute allure, faisant tous les efforts du monde pour ne pas gerber trop vite, le temps que le sel se mélange au chlyrodrate de soude! Cet infâme supplice dut bien durer, mettons, quinze secondes, puis, n’en pouvant plus, je me rapprochai autant que possible du bord du saladier le plus proche de l’assiette de Philippe. Et là, je dégobillai. Un gros jet verdâtre avec des petits morceaux noirs jaillit de ma bouche, effectua un vol plané d’une vingtaine de centimètres, et éclata en plein milieu de l’assiette. Je n’avais plus qu’à prier pour que ça passe inaperçu entre les restes de ketchup, de jaune d’œuf, et petits pois, de crème fraîche…

Merde, mon saladier avait bougé de presque un demi mètre, ce mec avait beau être un demeuré, il s’en rendrait compte, et se poserait des questions… Réunissant mes dernières forces, je me remis à tourner dans mon bocal, jusqu’à revenir enfin à ma position initiale. Je m’écroulai au fond du bocal, à bout de forces, quand soudain la porte d’entrée s’ouvrit. Philippe se tenait debout dans le vestibule, regardant fixement dans ma direction. Merde. Shit. Fuck. Caca. Pipi. Prout. Il m’avait démasqué. Après m’avoir fixé pendant 10 bonnes minutes, il se rapprocha de mon bocal… Se pencha vers moi… Et me dit…

"Coucou copain à l'huile !
- *Heu? Hein? Quoi? C’est tout?*
- Bien merci et toi à l'huile?
- *Merci bon Dieu, ce crétin est un idiot!*
- Oh Oh ! Oui tu as raison hihi. Oh tu sais quoi? J'ai faim ! Je crois que je vais aller me faire à manger, bouge pas !
- *Il va tomber dans le panneau, yihaw!*

Il ouvrit le frigo et en sortit une boîte de conserve. Il l’ouvrit non sans mal, et en vida le contenu -des sardines O_O-, dans son assiette. Il piqua de sa fourchette une première sardine, lui fit faire un tour complet d’assiette, histoire de récupérer des restes de sauces millénaires, et l’avala goulûment. Il répéta l’opération avec l’autre sardine. Parfait. Malgré mon état comateux, je jubilais intérieurement. Youpi. Tralala! Philippe se leva, repu, et se dirigea vers le salon. Il s’assit sur le sofa, devant la télé. Je pouvais encore voir le sommet de son crâne.
« … Roger, pêcheur de moules marinières dans les Vosges. Dites-nous, Roger, n’est-ce pas un peu hors du commun, de pêcher dans cet environnement si spécial?
- Oh oui, je suis tout à fait conscient de la chance que j’ai, et j’apprécie chaque jour comme si c‘était le dernier! Quel plaisir d’exercer ma passion dans de telles conditions! Vous savez que quand j’étais petit, mon grand-oncle me disait souvent…
- Euh non désolés, on s‘en fout. On espérait que vous auriez des envies de suicide en fait. Bin merci quand même, et au revoir, Roger.
- Hey, non attendez, vous…»

Soudain, la tête de Philippe glissa sur le côté de disparut avant de produire un bruit mou au contact des coussins. Peu après, il ronflait. A son réveil, il serait tellement dégoûté des sardines qu’il se débarrassera de moi, sans aucun doute! Aha aha aaahaaaah!! Il irait me relâcher dans l’océan, où je pourrais rencontrer mes semblables! Ahahah! Le parfum de la liberté m’enivra, et je m’endormis sur ses douces pensées.