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Philipe #5

Résumé de l'épisode précédent: Philipe a été mis dans un saladier par Philippe, peu après que ce dernier l'eût chié.

« Philippe partit peu après. Il m’avait dit qu’il allait travailler. J’avais donc toute la journée devant moi… J’allais pouvoir… faire vingt cinq mille fois le tour de mon bocal. De mon saladier, pour être plus précis. Il n’avait même pas pris la peine de me mettre un peu de gravier au fond. Il avait par contre passé la matinée à courir dans toute la maison pour me chasser deux mouches. Il avait déposé les cadavres à la surface de l’eau en me regardant d’un air attendri et satisfait. Moi, j’essayais de le regarder avec tout le mépris dont une sardine pouvait être capable, mais bon, euh, une sardine, ça a un regard de sardine, alors il a pas dû capter. Il se contenta de me dire:
« Ohhh, tu as le même regard que moi! Ça me donne une super idée! Je vais t’appeler comme moi à l'huile ! »
Il arracha l’étiquette qui était attachée à ma branchie (m’arrachant quelques écailles au passage, ce con), la fit sécher sur son grille pain, attrapa un stylo Shopi, raya P3X 888 et écrivit au dos Philipe. Il avait réussi à oublier un p. C’est alors que je compris à quel point ma situation était pourrie. J’étais condamné à manger des cadavres de mouches en compagnie du dernier des abrutis jusqu’à la fin de mes jours, emprisonné dans un saladier de quinze centimètres de diamètre (CMB). Je risquais de perdre rapidement la raison. Je me sentais vraiment trop à l’étroit là-dedans (CMBDTC)(ROFL).
Il fallait que je m’évade.
Évidemment, je ne pouvais pas simplement sauter hors du bocal. J’aurai crevé comme une merde sur la table de la cuisine. Non. Il fallait trouver quelque chose de plus subtil. Et il fallait trouver vite. L’autre tache ne tarderait pas à rentrer du boulot, et mon prochain essai serait reporté au lendemain.
Je tournais tellement vite dans mon bocal, pris par mes réflexions, que l’eau formait déjà un petit tourbillon… Et là j’eus une idée… Elle traversa mon esprit comme un train traverse un tunnel, comme un avion traverse le mur du son, comme un caca traverse la surface de l’eau des chiottes. La force centrifuge… C’était tellement évident que je voulus me donner une tape sur la tête, mais comme je n’ai ni tête ni tape, je fis juste une bulle avec ma bouche.
Je me remis à tourner, à tourner, à tourneeeerrrrr… Et petit à petit, le saladier commença à tourneeeeeerrrrr... »