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Dossier - Nintendo Switch : Mais pourquoi un tel succès ?

Par ggvanrom - Le 03/03/2020 à 07:00

Alors que ce 3 mars 2020 signe le 3ème anniversaire de la Nintendo Switch, une question revient de plus en plus me hanter ces derniers temps concernant cette fameuse console hybride qui déchaîne tant de passion et qui fait s'affoler les chiffres de vente : Pourquoi ? La console est sortie durant une période absolument pas propice aux ventes, possédait un lineup maigrichon, et possède une ludothèque composée en grande partie de portages.

Pourtant cela n'a pas empêché la console de se vendre ces trois dernières années, tandis que traîne encore dans un coin de ma tête le spectre persistant de la regrettée Wii U. Jetons donc un coup d'œil dans le rétroviseur et replongeons-nous sur ces dernières années afin de comprendre le chemin parcouru par la console : 

2016, une année pivot

2016 est une année qui restera gravée dans les annales pour Nintendo et ses fans. Alors que nous entamons la 4ème année de vie de la Wii U, cette dernière est au plus mal avec la majeure partie des éditeurs tiers qui ont quitté le navire, et quelques rares exclusivités se comptant sur les doigts d'une main pour l'année en cours. Un StarFox Zéro décevant, un Paper Mario Color Splash qui l'est tout autant, un Tokyo Mirage Sessions #FE même pas localisé dans notre langue. Les derniers possesseurs de la Wii U perdent peu à peu la foi en ce qui concerne l'avenir de la console, qui n'aura finalement jamais réussi à clairement expliquer au grand public sa différence avec sa grande sœur la Wii.

La Wii U, petit ange parti trop tôt

Si le Nintendo Direct de l'E3 2016 allait clouer pour ainsi dire les dernières planches du cercueil de la Wii U, Nintendo avait déjà confirmé en avril 2016 que la remplaçante de cette dernière, dénommée alors Nintendo NX serait commercialisée durant l'année fiscale en cours. Et tandis que les joueurs se plaignaient encore et encore de l'absence de gros jeux sur Wii U et de son manque d'ambition, de plus en plus de développeurs et d'éditeurs, mis dans la confidence par Nintendo faisaient savoir leur enthousiasme vis-à-vis de cette fameuse Nintendo NX

Dès lors, les rumeurs les plus folles commencèrent à se balader sur la toile. En mai 2016 on apprenait par la société Macronix que la NX abandonnerait le support CD pour repartir sur le format cartouche, des rumeurs sur la puce Tegra intégrée se faisaient également entendre, et chaque évènement vidéoludique était l'occasion de sortir une rumeur sur la possible présentation de cette NX qui passionnait déjà les joueurs et les experts du milieu. 

Juin pointe le bout de son nez, et alors que la Wii U n'est pratiquement plus qu'un spectre du passé pour les joueurs, tous attendent impatiemment l'E3 pour enfin découvrir la fameuse Nintendo NX, et là c'est la débandade. La console n'est toujours pas présentée. Alors que le mécontentement des joueurs était palpable, un jeu a cependant réussi à sauver les meubles lors de cet E3 2016 : The Legend of Zelda : Breath of the Wild, qui on le sait aujourd'hui, a été un élément essentiel au succès de la Nintendo Switch.


Tandis que Nintendo refermait la parenthèse E3, les rumeurs se voulaient de plus en plus importantes et persistantes sur cette fameuse NX. Chacun y allait de son petit avis personnel, toute l'actualité Nintendo était décortiquée pour tenter de déceler des bribes d'information. Les "insiders" distillaient çà et là quelques infos plus ou moins avérées les semaines qui ont suivi l'E3. Septembre 2016 était déjà là, et les fans de Nintendo avaient définitivement oublié la Wii U, un seul mot hantait leur esprit : NX, NX, NX...

Après des mois à se prendre la tête entre fans concernant les informations, ou plutôt l'absence d'informations concernant la NX, c'est en octobre que Nintendo décide enfin de rompre le silence : Rendez-vous le 20 octobre 2016 à 16h pour enfin en finir avec toutes les rumeurs et offrir ce que demandent les joueurs depuis des mois : l'officialisation de la NX. Alors que chacun profitait des dernières heures d'attentes pour repasser en revue les différentes rumeurs relayées ces derniers mois, la voici enfin, la vidéo de présentation tant attendue :

Link, le nouvel Atlas de Nintendo

Alors que la Nintendo Switch est maintenant officiellement dévoilée, il ne reste plus qu'aux joueurs à faire preuve de patience jusqu'au mois de mars, et surtout savoir quels seraient les jeux qui accompagneraient la console. Si beaucoup de joueurs estimaient logique que The Legend of Zelda : Breath of the Wild fasse partie du line-up, notre chère Emily Rogers s'exclamait dès novembre 2016 qu'elle savait "de source sûre" que le jeu serait reporté à l'été 2017. C'est avec cette idée saugrenue en tête que nous apprenions qu'une nouvelle présentation plus poussée de la Nintendo Switch aurait lieu le 13 janvier 2017, offrant plus d'une heure de trailers et d'infos... La vidéo défile, et toujours pas de Zelda qui pointe le bout de son nez. Et au bout d'une heure de supplice, c'est enfin la délivrance, un ultime trailer d'annonce, qui nous a fait passer de la peur à l'excitation en un peu moins de 4 minutes :


En plus de la date de sortie confirmée au 3 mars 2017, soit le même jour que la sortie de la Nintendo Switch, ledit trailer nous a également permis d'en apprendre un peu plus sur le contenu du jeu, son histoire, le tout avec une musique des plus épiques qui aujourd'hui encore arrive à me hérisser le poil sans effort. Néanmoins même si cette information avait de quoi rassurer, une autre en a fait déchanter plus d'un : la révélation du calendrier de sortie des jeux Nintendo Switch.

Déjà en janvier, de nombreux joueurs dont votre serviteur craignaient que la Nintendo Switch ne subisse le même châtiment que la Wii U... Un line-up de lancement comprenant 8 jeux, dont plusieurs étaient clairement anecdotiques (qui joue encore à 1-2 Switch ?) et loin d'être des "System Seller". Bien que plusieurs titres étaient annoncés, il était du devoir de The Legend of Zelda : Breath of the Wild de justifier à lui tout seul l'achat de cette console hybride, et surtout d'avoir les reins suffisamment solides jusqu'à au moins fin 2017 et l'arrivée des autres exclusivités Nintendo comme Xenoblade Chronicles 2 et Super Mario Odyssey. Et malgré tout ça les craintes étaient légitimes car le jeu sortait sur Nintendo Switch, mais aussi sur Wii U.

Contre toute-attente alors qu'elle était sur le déclin depuis plusieurs années, The Legend of Zelda : Breath of the Wild a su redonner ses lettre de noblesse à la licence de notre enfance en changeant sa formule qui ne bougeait pas d'un iota depuis plusieurs années. En Avril 2017, Nintendo indique avoir écoulé 3,84 millions d'exemplaires dans le monde, dont 2,76 millions de copies sur Switch. C'était d'ailleurs une chose très amusante car à ce moment là il y avait plus de Zelda vendus sur Nintendo Switch que de consoles. Encore aujourd'hui, The Legend of Zelda : Breath of the Wild se vend correctement, et est un incontournable de la console. Mais une chose est sûre, sans la présence de ce dernier au lancement de la console en mars, les choses auraient pu être complètement différentes.

L'hybride, le coup de poker de Nintendo

Si Nintendo réussit à s'assurer quelques mois de tranquillité grâce à Zelda, il ne faut toutefois pas oublier les éditeurs et développeurs tiers. Ces derniers ayant littéralement abandonné la Wii U à son triste sort, les voir revenir sur Nintendo Switch n'était pas garanti pour les joueurs. Ainsi la majeure partie de 2017, les éditeurs tiers sont arrivés fébrilement, proposant quelques portages de jeux déjà parus chez la concurrence. À ce moment-là, on s'imaginait déjà voir le scénario de la Wii U se produire : Pourquoi acheter Disgaea 5 Complete 50€ sur Nintendo Switch alors qu'il est disponible depuis 1 an sur PS4, et trouvable à 20€ si ce n'est moins ?

Il faut croire alors que le concept de console hybride, et la possibilité d'emporter ses jeux de salon partout avec soi pouvait justifier auprès des joueurs le fait de (re)passer à la caisse, quitte à laisser quelques deniers supplémentaires. Car si Nintendo vendait encore en 2017 la Nintendo Switch comme "une console de salon portable", c'est bien la portabilité et le fait de pouvoir se trimballer avec de "gros" jeux qui faisaient le charme de cette console. Malgré un catalogue de jeu peu intéressant durant les premiers mois d'existence de la Nintendo Switch. cette fonctionnalité qui était facile à montrer et à expliquer aux potentiels acheteurs était un vrai argument d'achat.

Nintendo avait également beaucoup misé sur ses Joy-Con : Possibilité de jouer à deux joueurs sans achat de nouvelle manette, une technologie embarquée plutôt impressionnante etc. Malheureusement encore aujourd'hui, toute cette technologie demeure anecdotique en comparaison au plaisir d'avoir une console nomade. Rares sont les jeux, de Nintendo ou des tiers, à proposer aujourd'hui une exploitation des Joy-Con autre que l'utilisation des Vibrations HD.

Un succès bâtit sur les cendres de la Wii U

Un concept incompris par le grand public, un nom perturbant pour les non initiés, des exclusivités qui peinent à se démarquer, et les partenaires qui ont fui le navire. La Wii U durant ses 5 années de vie se résume en quelque sorte à un début de partie de Scrabble, en ayant pioché que des X et des W. Du propre aveu de Reggie Fils-Aimé, Directeur de Nintendo of America jusqu'en avril 2019, sans l'échec de la Wii U, il n'y aurait pas eu de Nintendo Switch. Apprendre de ses erreurs pour repartir de plus belle n'est pas chose aisée financièrement parlant, mais dans le cas de Nintendo ils ont pu compter sur le soutien des anciens et nouveaux joueurs, et renouer des liens forts avec les tiers et les développeurs indépendants, tout en apprenant des erreurs commises avec la Wii U.

Ainsi, le concept du Gamepad qui nous obligeait à jouer à quelques mètres de la Wii U a été amélioré, le nom de la nouvelle console ne laisse aucune part au doute pour les nouveaux acheteurs, et, bien que proposant encore pas mal de portages même en 2020, les éditeurs tiers sont de plus en plus présents sur Nintendo Switch, essayant de caler la plupart du temps les dates de sortie des versions Switch avec celle des autres supports.

Au grand dam des possesseurs de Wii U ayant soutenu du mieux qu'ils pouvaient l'ancienne console de salon de Nintendo, chaque année de plus en plus de jeux exclusifs à la Wii U se voient désormais portés sur Nintendo Switch. Bayonetta 2, Captain Toad, Mario Kart 8 Deluxe etc. Cette stratégie encore aujourd'hui a un double effet bénéfique : non seulement cela donne une seconde chance à ces titres de briller (et de mieux les rentabiliser bien sûr), et surtout cela permet à Nintendo de combler sans trop d'efforts les trous entre deux "vraies" exclusivités Nintendo Switch, quitte à dépouiller l'ancienne console de salon, et aussi la Nintendo 3DS qui pour le coup, a totalement été laissée à l'abandon.

La Nintendo Switch Lite, une prise de risque nécessaire ?

Si la Wii U n'avait pas su briller sur le marché des consoles de salon, la famille Nintendo 3DS s'est assurée quant à elle de monopoliser le marché des consoles portables depuis 2011. Même si les concurrents ont bien essayé de grappiller une part du butin, Nintendo reste dominant sur ce secteur avec une console portable certes moins puissante, mais qui a à sa disposition une ludothèque énorme. Et pourtant, depuis la sortie de la Nintendo Switch, nos 3DS ont rapidement commencé à prendre la poussière. Juillet 2018 ne compte quasiment aucune exclusivité, et que dire de 2019...

La New Nintendo 3DS XL

Les licences parut sur Nintendo 3DS commençant à s'exporter sur Nintendo Switch, et Nintendo considérant toujours la Switch comme une console de salon avant tout, il fallait trouver une solution pour garder la main sur le marché des consoles portables (de plus en plus grignoté par le marché smartphone), tout en essayant de récupérer le public 3DS ou de potentiels nouveaux acheteurs, qui n'auraient pas encore franchi le cap en achetant la Nintendo Switch car trop chère. Cette solution deux en un est disponible depuis le 20 septembre 2019 et se nomme Nintendo Switch Lite.


Affichant un prix nettement inférieur à sa grande sœur (199,99€ au lieu de 299,99€), la Nintendo Switch Lite s'est vue cependant amputée de deux fonctionnalités, dont une étant le concept même de cette console, à qui elle doit son nom : la possibilité de connecter sa console à un téléviseur. Cette Nintendo Switch Lite est pensée pour être une console 100% portable. La baisse de prix a également impacté les contrôles de la console. Adieu les Joy-Con, cette fois-ci nous sommes sur une console monobloc, et cela rend du coup impossible l'utilisation de quelques rares jeux exploitant la technologie des manettes détachables comme Ring Fit Adventure ou Nintendo Labo (dont les patterns en cartons ne sont pour le coup plus adaptés à la console).

La Nintendo Switch Lite disponible en 3 coloris à son lancement

Si l'on pouvait penser à juste titre qu'une Nintendo Switch amputée de sa capacité à être nomade était une pure folie et ne retiendrait pas l'attention du public, il faut croire que Nintendo savait de son côté que ce concept de console hybride n'était pas (ou plus) la clé de voûte du succès de la console. Pour preuve, du 20 au 30 septembre 2019, il se sera vendu pas moins de 1,95 million de Nintendo Switch Lite. Donc est-ce que le concept hybride n'est qu'un argument secondaire du succès de la console, ou est-ce que l'argument du prix avait un impact suffisamment important pour inciter de nouveaux acheteurs potentiels à franchir le cap ?

Une console loin d'être sans défauts

À lire ces quelques lignes depuis le début, il semblerait presque que tout soit rose pour la Nintendo Switch, mais c'est loin d'être le cas. Le problème le plus mis en avant se nomme Joy-Con Drift et impacte des centaines de joueurs au fil des ans. Pour simplifier, ce problème intervient sur les Joy-Con gauche et est la conséquence d'une usure anormale d'une plaque de carbone située sous le stick. La conséquence en jeu fait que la console croit que le stick est incliné, alors que ce dernier est pourtant au point neutre, ce qui nuit beaucoup au confort de jeu. Si une class action a eu lieu aux Etats-Unis pour que Nintendo reconnaisse ce souci et accepte de réparer / échanger gratuitement les manettes défectueuses, en France il aura fallu attendre janvier 2020 pour que Nintendo France accepte de procéder gratuitement à la réparation des Joy-Con même hors garantie. Vous pouvez d'ailleurs trouver la marche à suivre en suivant notre tutoriel juste ici.

Le Joy-Con Drift : un fléau qui n'épargne personne

Outre le problème de conception, Nintendo accuse également un retard flagrant sur les fonctions communautaires. Gratuite jusqu'en septembre 2018, la possibilité de jouer en multijoueur avec ses amis passe désormais par le paiement d'un abonnement dénommé Nintendo Switch Online. Ainsi pour 3,99€ par mois, 7,99€ pour trois mois ou 19,99€ pour l'année, les joueurs peuvent bénéficier des fonctions online de leurs jeux, ainsi qu'un catalogue rétro Nes et Super Nes mis à jour chaque mois. Si l'offre est effectivement plus avantageuse que celle des concurrents qui commencent à partir de 49,99€, la qualité des services online de Nintendo laisse à désirer. Il n'y a qu'à voir les énormes problèmes de latence lors des parties en ligne sur Super Smash Bros. Ultimate ou Super Mario Maker 2 par exemple. Si on peut pointer du doit les connexions de nos camarades de jeu, les services offerts par les constructeurs doivent permettre de minimiser au maximum ces soucis de bug et de lag.


Et parmi les autres problèmes, plusieurs retards indéniables sur l'aspect communautaire. Nous sommes encore en 2020 obligés de passer par Discord, Skype ou appel téléphonique pour discuter avec nos amis lorsque nous jouons en multijoueur. Nintendo a bien mis en avant un chat online, mais ce dernier passe par une application smartphone, et n'est pas réputé ni pour sa qualité ni pour son aspect pratique. Fort heureusement les développeurs de jeux multijoueur arrivent à implémenter leurs propres systèmes de chat directement dans leurs jeux. Ajoutez à cela l'absence de compatibilité avec les casques bluetooth, l'absence de port éthernet sur le dock, et une puce Wi-Fi capricieuse, il est clair qu'il manque encore bien des fonctions à la Nintendo Switch pour être une console parfaite.

Et pourtant...

Malgré ses nombreux défauts, son manque de puissance face à la concurrence qui va encore plus se creuser à la sortie de la PS5 et de la Xbox Series X, et un catalogue plus riche en matière de portage que de réelles exclusivités, La Nintendo Switch continue de battre des records de ventes au fil des mois. Au 30 septembre 2019, on comptait 41,67 millions de consoles écoulées, et plus de 246 millions de jeux vendus. Ces chiffres n'ont d'ailleurs pas été actualisés depuis la sortie de Pokémon Epée et Bouclier qui, malgré l'accueil mitigé, aura encore fait vendre des consoles et des jeux par palettes.

Si l'on pouvait penser que son succès était dû à son côté nomade, les ventes de la Nintendo Switch Lite viennent au final balayer cet argument. Il est clair que le fait d'emporter les jeux partout avec soi est un avantage indéniable par rapport à la concurrence, mais ce succès semble être au final dû à un tout. L'aspect nomade, une communication plus claire, un concept simple, de plus en plus d'éditeurs tiers et de développeurs indépendants, et plus de 2076 jeux à l'heure où nous écrivons ces lignes. Une chose est sûre, Nintendo peut dire merci à la Wii U, dont l'échec a permis au constructeur de réfléchir sous un autre angle pour la sortie de sa nouvelle console.

2020 débute à peine, et pourtant dans quelques mois, la nouvelle génération de consoles de jeux, toujours plus puissante s'apprête à débarquer, chamboulant une nouvelle fois le paysage vidéoludique. Ne reste plus qu'à voir si Nintendo arrivera une nouvelle fois à tirer son épingle du jeu en s'écartant une nouvelle fois de la course à la puissance, ou si cet écart va une nouvelle fois entraîner un départ des éditeurs tiers, et amorcer petit à petit le déclin de la Nintendo Switch. En attendant... Switch My Way !