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Chronique : Aux Origines de la saga Pikmin Partie II

Par babidu - Le 10/06/2021 à 17:00

Bonjour et bienvenue à tous dans cette nouvelle rubrique sur le site, les Chroniques : Aux Origines de la saga... Pour ce premier épisode de cette chronique, nous allons continuer à nous intéresser à une saga à la fois très spéciale et bien plus importante dans l'histoire de Nintendo qu'elle ne laisse à penser. Je veux bien entendu parler de Pikmin, des folles aventures du Capitaine Olimar et des mascottes les plus mignonnes et bien conçues de toutes les licences de Nintendo (oui oui !). Cette première tentative sera publiée au rythme d'un épisode par semaine, les mercredis, la suite arrivera donc mercredi prochain sur le site.

Retrouvez la première partie ICI.

Vos commentaires et retours sont évidemment les bienvenus et sont même fortement encouragés ! Les illustrations (la bannière et animation) de ces chroniques sont réalisées par Goutte d'Eau Production (Lien ici), celles-ci sont originales et furent créées spécialement pour cette chronique. Nous utiliserons aussi quelques images officielles de Nintendo et quelques captures d'écrans (celles-ci proviennent d'ici)afin de mieux illustrer ce pavé de texte . Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Aux origines de Pikmin : Partie II

La Naissance des « Pikis » :

Très logiquement, les esquisses du jeu se mettront à lorgner du côté du jeu de stratégie en temps réel (ou RTS), et l'équipe de développement va donc inclure des combats. Il fallait des ennemis à combattre, puisque désormais les petits personnages allaient totalement coopérer, et l'équipe se mit à réfléchir activement à quelles menaces allaient venir troubler le calme et la sérénité des petits villageois. Encore une fois, de manière naturelle, les développeurs choisirent de faire des ennemis des villageois des créatures plus proches de véritables monstres que de simples animaux sauvages. Afin de coller au ton à mi-chemin entre le primitif et le préhistorique du jeu, l'équipe se mit à créer des versions cartoonesque et louffoques de dinosaures et de créatures primitives. Il était désormais acté que les villageois étaient devenus des hommes primitifs qui allaient défendre leurs villages contre des simili-dinosaures. Des traces de cette période du développement sont encore visibles dans le code source du jeu mais aussi dans les ennemis qui composent le bestiaire de la saga Pikmin telle qu'on la connaît aujourd'hui. En effet, le Bulborbe rouge, l'ennemi le plus emblématique de la licence, était à la base le simili-mammouth contre lequel les personnages devaient se défendre. Ce Bulborbe rouge représente d'ailleurs le seul élément du jeu ayant survécu à toutes les étapes du développement et ce malgré toutes les transformations que le jeu a subit durant sa création.
C'est à ce moment que le jeu va totalement changer de cap et que le développement va reprendre en changeant ses bases mais aussi la vision à long terme que les développeurs avaient du jeu. Terminé Adam and Eve, ces noms ne faisaient plus référence à rien et ne pouvant amener que la confusion pour les joueurs, il furent abandonnés définitivement.
L'équipe, alors à la recherche d'une nouvelle identité trouve son changement de direction en se concentrant sur le caractère primitif du jeu. Ils décident alors de mettre les petits personnages dans leur ensemble au centre du jeu et pour ce faire ils vont leur trouver un nom. Ils choisiront alors, comme en atteste le code du jeu, le mot « Pikis » pour nommer ces créatures, ou tout du moins pour les désigner. Ce terme est dérivé de la manière de compter les animaux qu'ont les japonais. En effet, dans la grammaire japonaise, les animaux, objets ou personnes ont tous et toutes une unité de mesure attribuée. Ainsi, pour compter des animaux, on ajoute le suffixe « iki » à la fin d'un mot pour le compter. Par exemple, deux chats se dira « nihiki neko », « ni (2) +hiki » pour deux et « neko » pour « chat ».
Même si cette origine du nom des Pikmin est sujet à controverse (nous reviendront sur cela en détails plus tard) il est très probable qu'il vienne de ce mot « Pikis ».
(Sources : fichiers internes du jeu décortiqués sur https://www.unseen64.net/tag/pikmin/).

Un personnage curseur et des créatures à lancer :

 

À mesure que le développement progresse, le nombre de « Pikis » à l'écran croît. Évidemment, Miyamoto, fidèle à lui-même et à ses idées, n'est pleinement satisfait que lorsque ce nombre de « Pikis » atteint les 100. Le grand Maestro gardait l'idée du projet des « 100 Mario » en tête et pour lui le projet actuellement en développement ne pouvait en être qu'une évolution, pas simplement un nouveau projet s'en inspirant.
Naturellement le gameplay du titre dut s'adapter à un tel nombre de personnages à l'écran, et même si toutes ces créatures disposaient de leurs propres IA, il fallait mettre un peu d'ordre dans ce troupeau et donner aux joueurs la possibilité d'organiser cette meute. C'est ainsi que fut créé le personnage que le joueur allait contrôler, un personnage propre, différent de ces « Pikis » pour être reconnaissable et pour faciliter le lien avec le joueur en rendant son identification tout de suite claire. La création d'un avatar pour le joueur rend le jeu à la fois plus lisible et mieux contrôlable, diriger un personnage unique à l'écran qui joue le rôle de lien entre le joueur et la meute de 100 villageois permet au jeu de gagner en plaisir de jeu et en facilité. C'était aussi une décision qui permettait d'éviter la solution de facilité qui était de faire contrôler un curseur aux joueurs, comme dans les RTS et les God Game, une solution que l'équipe de développement écarta tout de suite, ce n'était pas du tout adapté aux consoles et aux contrôles à la manette. Un personnage-curseur, avatar du joueur et lien entre celui-ci et la meute de créature, fut créé et celui-ci devint par la suite le vaillant capitaine Olimar que nous connaissons tous aujourd'hui.
(Source : Interview de Shigeru Miyamoto dans The Official Nintendo Player's Guide : Pikmin par Nintendo Power Magazine).
Une fois la problématique de lisibilité résolue, l'équipe commença à s'intéresser au cœur du jeu, son loop. Le Loop du jeu, aussi appelé cheminement de gameplay ou encore boucle de jeu est le schéma par lequel les joueurs d'un jeu vont passer la majeure partie du jeu. Ce schéma doit être bien défini car il est voué à se répéter sans cesse durant tout le jeu. Un exemple de Loop basique serait : Objectif → Challenges → Récompenses → Objectif... etc. Mais ceci n'est qu'un exemple de Loop parmi d'autres. Pour la saga The Legend of Zelda en résumant grossièrement le Loop des épisodes pré Breath of the Wild serait : Exploration → Donjon → Item du donjon → Boss → Exploration... C'est en définissant le Loop d'un jeu qu'on peut ensuite lui donner sa structure finale et trouver dans quelle direction avancer.
Ainsi, plutôt que de laisser les villageois, nouvellement nommés « Pikis », se battre contre les dangers de la nature et autres créatures, les villageois ayant un design trop simple pour que cela rende bien à l'écran au niveau de leurs animations, il fut décidé de les armer. Pour pallier à ce manque de lisibilité et pour augmenter drastiquement les qualités visuelles du titre, au niveau de ses animations et de ses effets, les développeurs créèrent donc de petites créatures munies de tiges pour que les villageois puissent les lancer vers les éventuelles menaces, cela rendait les combats assez dynamiques pour être agréables à l'oeil et assez stratégique, les villageois devenant des unités se battant à distance, pour être amusant à jouer. Le joueur ordonnait donc l'action de se battre à son personnage-curseur grâce à la simple pression d'une touche de la manette, le personnage-curseur transmettait l'ordre aux villageois qui eux-même obéissaient et se mettaient à lancer leurs créatures vers les créatures à éliminer. C'est ainsi que l'équipe créa des créatures humanoïdes dotées d'une tige sur la tête et pensées avant tout pour être lancées. Le loop du jeu était trouvé, ce serait un jeu de stratégie basé sur la mécanique de contrôler un personnage qui remplacerait le curseur des Rts, celui-ci ferait le lien entre le joueur et la meute de 100 villageois, et ces petits êtres se battraient contre des monstres en jetant sur eux d'autres petites créatures humanoïdes dotées d'une tige afin de faciliter la tâche aux villageois au moment de les saisir et de les lancer. Une intention de départ un brin compliquée mais les bases du jeu était bien là.

Une inspiration trouvée dans un jeu de 1983, le jeu M.U.L.E. sorti sur Nes :

 

La stratégie est un genre de jeu qui a longtemps intéressé Shigeru Miyamoto, il ne s'en est jamais caché. C'est l'une des raisons, en plus des raisons pratiques comme nous l'avons vu, qui ont orientés le futur Pikmin dans cette direction. Mais c'est aussi en hommage à un autre jeu que Miyamoto a voulu s'essayer à ce genre particulièrement en vogue.
En 1983, sort le jeu M.U.L.E., il fut développé par seulement quatre personnes (Dan Burten, Bill Burten, Jim Rushing et Alan Watson) qui composaient les studios Ozark, le titre lorgne plus du côté d'une véritable simulation économique que d'un simple jeu. Initialement publié sur l'Atari, le jeu est ensuite porté sur Comodore 64 et sur Nes, c'est sur cette plateforme que le jeu conquiert le Japon et principalement le cœur de Miyamoto. M.U.L.E. marque énormément le créateur de Mario et bien d'autres développeurs lors de sa sortie, Miyamoto ne s'en cachera pas et ira même jusqu'à attribuer l'inspiration initiale de Pikmin à ce jeu dans une interview.
(Source: Interview de Miyamoto par le magazine japonais 4gamer datée du 13 juin 2013 trouvable ici :
https://www.4gamer.net/games/168/G016837/20130712087/
et ici https://www.4gamer.net/games/168/G016837/20130712087/index_2.html
Traduction par : https://kamedani.tumblr.com/post/56732554760/4gamer-interview-with-shigeru-miyamoto-part-2

Pour résumer succinctement M.UL.E. le titre est un simulateur économique miniature dans lequel 4 joueurs vont avoir la possibilité de joueur les uns contre les autres, tous ensemble sur le même écrans, une première pour l'époque. Le but sera de coloniser une petite planète, en jouant sur la production, l'offre et la demande des ressources que cette planète a à offrir. À terme, les joueurs devront acquérir des mules dans un magasin disponible en jeu afin d'automatiser et de mieux rentabiliser le processus d'extraction de ressources et la production de leur énergie.
La partie est chronométrée et les joueurs n'auront que 6 mois maximum devant eux en mode débutant afin de récolter un maximum de points, en mode expert, ce nombre de mois passera à 12. Chaque mois représente un tour de jeu, ce découpage en tours et cette limite de temps se retrouveront quasiment tel quel dans la saga Pikmin, c'est d'ailleurs l'un de ses systèmes les plus connus. Chaque jour dans Pikmin dure environ 13 minutes, à la fin d'une journée le joueur doit impérativement réunir ses troupes et quitter la planète dans son vaisseau sous peine de perdre l’intégralité de ses Pikmin encore dehors après le coucher du soleil, la faune de la planète devient extrêmement agressive quand la nuit tombe et dévore tous les Pikmin encore dehors. Ce n'est qu'en orbite de la planète qu'Olimar et ses troupes trouveront de répit la nuit.
Dans M.U.L.E. c'est un bilan mensuel et non pas un potentiel carnage qui viendra clôturer chaque tour, ce bilan permet au joueur de faire le point sur leurs situations et de mieux se concentrer sur leurs objectifs. Ce bilan se retrouve lui aussi dans Pikmin, à la fin de chaque journée, un bilan de natalité et de mortalité des Pikmin au cours des 13 minutes de jeu que composent une journée est dressé par le jeu, celui-ci se retrouve ensuite comparé aux bilans totaux de ces données de l'intégralité de la partie avec en plus une liste des objectifs accomplis au cours de la journée et des objectifs restants. Le nombre de pièces de vaisseaux à récupérer dans le premier jeu est lui aussi affiché, le joueur se voit d'ailleurs même gratifié d'un commentaire de la part du capitaine Olimar qu'il inscrit dans son journal de bord. Ce commentaire revient principalement sur les événements de la journée, tire des conclusions et donne quelques astuces aux joueurs.
Pour revenir à M.U.L.E., à la fin d'une partie c'est le joueur le plus riche, celui qui aura donc su mieux optimiser à la fois son temps et son énergie, qui est déclaré vainqueur. Cet attrait pour l'argent se retrouve en clin d’œil dans la saga Pikmin, tout d'abord dans le premier épisode, Olimar y évoque, dans un de ses journaux de bord, que sa femme, son fils et sa fille ne comprennent rien à l'argent. De plus dans le second Pikmin, l'objectif du joueur est entièrement financier, la collecte d'objet sera faite uniquement dans le but d'engranger de l'argent, avec pour finalité le remboursement de la dette souscrite par l'entreprise qui emploie le capitaine Olimar, après le remboursement, le but devient simplement la recherche de la fortune. Cet intérêt pour l'argent dans la saga Pikmin est une manière pour l'équipe de faire un petit clin d’œil au jeu ayant inspiré la base du développement du premier Pikmin mais aussi de reconnaître les qualités de celui-ci et son aspect révolutionnaire. M.U.L.E. est véritablement l’ancêtre des jeux économiques et aujourd'hui encore le titre est reconnu comme un véritable pionner du jeu vidéo.

Un prototype du jeu :

 

Après une première phase visant à déterminer le concept du jeu ainsi que la direction que l'équipe de développement souhaite suivre, il est temps de s'intéresser au gameplay de la prochaine licence de Nintendo. Miyamoto et son équipe vont donc se mettre à réfléchir intensément au gameplay idéal pour le jeu, celui-ci se doit d'être à la fois révolutionnaire et complétement neuf, c'était l'une des conditions pour Miyamoto valide le projet . Le prototype du jeu est d'ailleurs officiellement destiné à la console de Nintendo sur le point de sortir, la Nintendo Gamecube, la remplaçante de la Nintendo 64. Elle était d'ailleurs à l'époque encore appelée par son nom de code, Project Dolphin. Cela se retrouvera d'ailleurs en clin d'oeil lors de la sortie de Pikmin puisque le vaisseau dans lequel le capitaine Olimar voyage à travers l'espace, est nommé le Dolphin.
Dans le prototype, au début d'une partie, le joueur observait deux personnages, Adam et Eve donc, évoluer. Il pouvait influencer sur le cours du jeu en leur donnant de l'amour ou les faire entrer en guerre. En somme, le joueur, comme dans tout bon god game, jouait au tout puissant. Suivant les actions du joueur-dieu, les personnages pouvaient se créer un nid, bâtir un foyer et avoir des enfants, il se multipliait alors sous les yeux du joueur.
(Source : Interview de Shigeru Miyamoto dans The Official Nintendo Player's Guide : Pikmin par Nintendo Power Magazine).
Plus le nombre de personnages présent à l'écran, plus le jeu atteignait les ambitions initiales, celles qui furent présentées dans la démo du Space World de l'année 2000. Toutes les volontés, qui donne au projet tout entier son origine, étaient présentes. Les personnages étaient à la fois très nombreux à l'écran et ils disposaient tous d'une IA indépendante. Même le concept de libre-arbitre était lui aussi présent, puisque le joueur ne pouvait pas directement interagir avec les personnages, seulement influencer leurs actions.
Cependant, pour Miyamoto, ce n'était pas suffisant. Quand bien même le concept était bon et qu'il savait que de très bonnes idées étaient présentes dans ce prototype, il demeurait insatisfait car le jeu manquait d'un but précis à atteindre pour le joueur. Pour contrer ce problème, qui inquiétait énormément Miyamoto, il eut l'idée de non pas simplement profiter des capacités techniques la future console allait offrir, mais aussi de tirer profit de sa manette. La manette de la Nintendo Gamecube a pour particularité d'être la première manette d'une console Nintendo à posséder deux joysticks, l'un situé en haut à gauche de la manette, pour contrôler l'avatar du joueur et l'autre, le C stick, situé en bas à droite de la manette. Miyamoto souhaita donc que le joueur puisse contrôler le large groupe de personnages que le jeu allait proposer avec ce fameux C Stick et de baser tout le gameplay du futur Pikmin sur cette possibilité offerte aux joueurs. Après une phase de test en appliquant la méthode essai-erreur, celle-ci sert notamment à déterminer ce qui fonctionne dans un jeu et au contraire, ce qui est à jeter, l'idée de saisir et de lancer les personnages apparût à l'équipe de développement naturellement. Les bases de la prochaine licence de Miyamoto étaient à présent consolidées.

Et... Ce sera tout pour cette semaine ! Nous nous retrouverons donc mercredi prochain ici-même pour la suite de la création des Pikmins ! Toutes les sources sont trouvables en fin d'articles.