A peine avait-on appris son développement qu'Okami suscitait déjà l'admiration et l'émerveillement. Son style unique emprunté aux estampes japonaises devenait d'ailleurs instantanément, et avant même la sortie du jeu, une référence graphique inspirant de nombreux développeurs de par le monde. L'impatience fut grande avant que le jeu ne sorte enfin sur PS2 au moment même où la PS3 faisait ses premiers pas sur le marché (fin 2006 au Japon et aux Etats-Unis, et en février 2007 en France). Aussitôt Okami fut couvert d'éloges par une presse unanime, le classant spontanément parmi les jeux les plus beaux et les plus poétiques du monde. Non seulement le jeu était renversant de beauté et imposait son style avec classe et majesté mais il était aussi riche que passionnant à jouer !
A la pointe de la Wiimote
Malheureusement, l'enthousiasme des médias spécialisés ne fut pas communicatif et sur PS2, Okami eut du mal à trouver son public, au point d'ailleurs que le studio en charge de son développement, le (désormais) mythique Clover, déjà à l'origine des cultissimes Viewtiful Joe, fut contraint de mettre la clef sous la porte suite à « l'échec » commercial du jeu. Une bien triste histoire en vérité même si elle est de celles qui font la grande Histoire des jeux vidéo !
Cependant, on aurait tort d'écraser ne serait-ce qu'une larme (c'est si fragile une larme) car si les ventes n'ont, selon toute vraisemblance, pas été exceptionnelles à la sortie du jeu, il semble évident qu'Okami est un jeu qui a marqué durablement l'imaginaire des gamers et même l'industrie du jeu vidéo toute entière. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si Nintendo a tout fait pour qu'Okami soit porté sur Wii alors en manque de jeux dit gamers (l’histoire de Nintendo est un éternel recommencement). Ajouter Okami à sa ludothèque, c'était l'assurance de proposer aux joueurs un véritable chef d'œuvre du 9ème Art à même de satisfaire le plus blasé des gamers - enfin, en théorie !
Il faut bien admettre aussi que l'histoire et le concept même d'Okami, avec son « pinceau céleste » à manipuler, semblaient, dès le départ, avoir été créés pour la Wii et surtout sa Wiimote (même s'il n'y avait à priori aucun souci avec le stick analogique de la PS2 pour dessiner). Un an après sa sortie initiale, Okami a donc eu droit à une deuxième chance en déboulant sur Wii dans une version à peine retouchée par les développeurs américains du fameux studio Ready At Dawn (connus jusqu'alors pour leurs versions PSP de Daxter et de God of War, deux références absolues sur la console portable de Sony). Malheureusement cette deuxième chance ne bouleversera pas plus les charts mondiaux comme beaucoup l'espéraient et Okami devra une nouvelle fois, sur Wii comme sur PS2, se contenter d'un succès d'estime... Peut-être aussi aurait-il fallu que les dirigeants de Nintendo se donnent la peine d'annoncer la sortie du jeu au grand public comme ils savent si bien le faire lorsqu'il s’agit de promouvoir Nintendogs ou autres Prof Machin-truc. Il est évident qu'un peu de publicité en dehors des médias spécialisés n'aurait pas fait de mal aux ventes du soft. C'est d'autant plus dommage qu'Okami était l’ambassadeur idéal auprès des réfractaires aux jeux vidéo n'y connaissant rien et n'y voyant qu'abrutissement et violence. Quoiqu'il en soit Okami reste aujourd'hui un hit incontournable que ce soit sur Wii, sur PS2 (ou même sur PS3 où il est sorti depuis) que tout gamer qui se respecte se doit de posséder (à défaut d'essayer) à moins d'être réfractaire au genre ou au style graphique (et encore, faut s'ouvrir un peu les mecs). Mais que vaut-il réellement huit ans jour pour jour après sa sortie initiale ? Le jeu a-t-il vieilli ? Est-il vraiment à la hauteur de sa réputation ? Et qu'apporte la version Wii (si tant est qu'elle apporte quelque chose) par rapport à la version originale ?
Okami Kesako ?
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Okami est un petit miracle. Une œuvre unique. Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes. C'est aussi et surtout un hommage vibrant au Japon médiéval dont il s'inspire en reprenant et détournant les mythologies et les légendes. Portant la marque de Clover, le fameux studio créé par Capcom, et dirigé par Atsushi Inaba, producteur émérite de titres exceptionnels comme MadWorld ou Phoenix Wright : Ace Attorney, Okami est aussi avant tout le jeu d'un homme du nom d'Hideki Kamiya, réalisateur de titres mythiques comme Resident Evil 2, Viewtiful Joe, Devil May Cry ou encore Bayonetta dont on reconnaît les extravagances et l'humour si particulier. C'est en quelque sorte l'âme du jeu, comme Shinji Mikami est celle de Resident Evil 4 ou encore Masahiro Sakurai celle de Kid Icarus Uprising. Autant dire que l'on est loin des jeux de commandes ou à licence sans âme, conçus simplement pour faire du fric.
Okami est un jeu d'aventure façon action-RPG qui reprend la structure et la plupart des mécanismes de jeu des Zelda. Ce n'est pas le premier titre qui s'essaie au genre et même qui se frotte au mythe, mais c'est le premier qui réussit à faire aussi brillamment la synthèse de toutes les qualités de la saga phare de Nintendo tout en imposant son propre style et son propre univers.
L'action d'Okami se déroule il y a bien longtemps dans le Nippon (le Japon médiéval). Le joueur interprète Amaterasu (tu verras Montmartre - ok, je sors), une divinité qui a pris l'apparence d'un magnifique loup blanc (ou pour être exact d'une louve blanche). Accompagnée d'Issun, un « artiste errant » de la taille d'une sauterelle et qui rappelle un peu le Jimini Grillon de Pinocchio, Amaterasu doit anéantir Orochi, un puissant démon qui a plongé le monde dans les ténèbres. Pour y arriver, nos héros doivent apprendre à maîtriser les techniques secrètes du pinceau céleste permettant d'interagir avec le monde comme s'il s’agissait d'une peinture à compléter à l'infini. Dans la pratique, le joueur peut à tout moment figer l'action et, au fur et à mesure des techniques apprises, utiliser son pinceau « magique » pour dessiner directement sur l'image en traçant, par exemple, des cercles pour faire fleurir des arbres flétris ou, dans le ciel, pour faire briller le soleil, ou encore en tirant un trait sur un ennemi pour le rayer de la carte ou le couper en deux. Incroyablement variées, les techniques du pinceau qui peuvent s'apprendre à tout moment (et pas simplement à la fin d'un donjon par exemple) sont la clé de voûte du soft (contrairement aux aventures de Zelda construites très souvent autour des donjons) et le joueur prend véritablement plaisir à s’en servir, d'autant plus que chaque technique cache plusieurs utilisations.
Il en existe une quinzaine et certaines peuvent être améliorées tandis que d'autres, secrètes, sont facultatives. Sur PS2, le joueur déclenchait son pouvoir en appuyant sur R2 (ce qui figeait l'image) et dessinait grâce au second stick analogique. Un petit temps d'adaptation était nécessaire avant de réussir à maîtriser parfaitement le pinceau qui avait le mérite d'être très précis. On ne déplorait aucune baisse de rythme lors du passage d'une phase à l'autre et tout se réalisait sans accrocs et le plus naturellement possible... Sur Wii, pas de gros bouleversement, si ce n'est une prise en main plus instinctive. Quoi de plus simple que de dessiner directement sur l'écran en ayant l'impression de tenir un crayon ou un pinceau ? Malheureusement ce que l'on gagne en accessibilité voire même en immersion, on le perd légèrement en précision et dans le feu de l'action, il n'est pas toujours aisé de réaliser le bon trait au bon endroit. Pas de quoi jeter la Wiimote par la fenêtre cependant car la majorité des actions s'effectue malgré tout sans heurts et les problèmes ne surgissent que lorsqu'il faut viser certains points très précisément ou encore tracer une ligne droite sans dévier (pour rayer un nom par exemple)... Il est néanmoins possible de tracer des lignes parfaites en laissant Z enfoncé. Okami est un jeu subtil qui, sans faire de compromis pour plaire à telle ou telle catégorie de gamer, sait rester souple en offrant à celui qui le souhaite la liberté d'approfondir certains aspects du jeu ou au contraire de les survoler.
Un système de jeu bien pensé
A ce titre, le système de combat a été particulièrement soigné pour être accessible à tous tout en restant assez technique. D'abord, à la différence de la majorité des A-RPG, les combats ont été séparés du reste du jeu et même s'ils se déroulent en temps réel, se déclenchent à la manière des batailles aléatoires des RPG classiques. C'est en rentrant en contact avec des « parchemins géants » qui hantent les plaines et les donjons (et qu'on peut tenter d'éviter si on le souhaite) que le jeu bascule dans une sorte de mode alternatif. A ce moment-là, l'aire de jeu se réduit et Ama se retrouve encerclée par des murs invisibles en même temps que le joueur découvre la ou les créatures qu'il va devoir envoyer ad patres. Durant les combats, Amaterasu peut bien évidemment utiliser les techniques du pinceau, mais notre déesse à quatre pattes bénéficie aussi de nouvelles compétences grâce aux armes divines qu'elle porte sur son dos et qui ne sont accessibles que lors des combats (contrairement aux Zelda ou Link peut se servir en quasi permanence de ses différentes armes). Au nombre de quinze, divisées en trois catégories de cinq (les glaives, les rosaires et les miroirs), ces armes spectaculaires se manipulent sur Wii en balançant la Wiimote (de préférence en rythme). Au départ, Amaterasu n'en a qu'une et le joueur doit trouver les autres au gré des combats et des rencontres (même si les quinze ne sont pas obligatoires pour finir l'aventure). Chaque arme à sa propre particularité, sachant qu'Amaterasu ne peut en porter que deux simultanément : une principale et une secondaire et qu'en fonction de leur place chaque arme aura un effet différent ! Okami dispose donc d'un système de combat très riche incitant le joueur consciencieux à élaborer la meilleure des stratégies en jonglant entre armes « classiques » et techniques du pinceau et en testant différentes configurations d'armes possibles. Pour autant même si celui qui s'y investit sera récompensé, celui qui ne s'en préoccupera pas ne sera pas pénalisé. Etonnamment, à la fin de chaque combat, une fois la zone nettoyée, un écran de score s'affiche comme dans un jeu d'arcade pour donner différents résultats en fonction desquels Ama reçoit de l'argent...
Un univers fascinant
Okami développe un univers singulier qui s'inspire des traditions japonaises et renvoie à certains films de Miyazaki - notamment la scène des bains (digne de son chef d’œuvre, Le Voyage de Chihiro) ou encore la séquence de descente aux Enfers. Les personnages sont tous attachants et particulièrement bien « designés », du plus grand au plus petit rôle. Parmi ceux-ci, outre les deux héros, Amaterasu, qui comme Link dans Zelda n'a aucune ligne de dialogue, et son comparse Issun, il y a Susano, le guerrier pleutre qui vit dans l'ombre d'un illustre ancêtre et passe son temps à se saouler, Kushinada, la brasseuse de saké aux recettes magiques, secrètement amoureuse de Susano ou encore Papi et Mamie Mandarine, garants de l'histoire et des traditions du village. Du côté du bestiaire des vilains, les développeurs se sont déchainés en créant des monstres hybrides, entre respect des traditions et délires d'ivrogne. Des monstres en forme d'oreille, de bouche ou encore de nez (!) côtoient des chimères, des shoguns d'argile et autres ogres des forêts... Sans parler des boss qui bien que peu nombreux sont très impressionnants comme jaillissant d’un livre Pop-up ! D'une manière générale, sans être insurmontable, la difficulté est bien présente dans Okami. Elle n'a pas été nivelée par le bas comme dans tant de jeux d'aujourd'hui et le jeu représente donc un bon challenge pour les joueurs qu'ils soient novices ou expérimentés. Pour autant, en s'équipant correctement, difficile de mourir sur le champ de bataille si ce n'est lors des épreuves demandant d'exécuter une action ou un geste précis.
Un portage presque (trop) fidèle
La version Wii ne diffère pas vraiment de la version originale sur PS2 et il paraît clair que Ready At Dawn a joué la prudence (certains parleront de respect, d'autres de paresse) en décidant de ne pas toucher à l'œuvre originale. Pas un pixel n'a bougé entre la version PS2 et la mouture Wii. Il s'agit du même jeu sans aucun rajout. Naturellement, le gameplay a été adapté pour utiliser le combo wiimote-nunchuk en se calquant plus ou moins sur celui de la version Wii de Zelda Twilight Princess - un gage d'efficacité. L'ensemble fonctionne plutôt bien, même si on aurait aimé une vraie optimisation qui améliore le confort et le plaisir de jeu car au final, on ne peut pas vraiment parler d'une version meilleure que l'autre tant elles se valent... Ensuite cela peut dépendre de votre aptitude à manier la Wiimote ou de votre attachement personnel à l'une des deux consoles. On note cependant une différence pour le moins étonnante qui distingue les deux jeux et qui pourrait bien faire finalement pencher la balance d'un côté : sur PS2, le jeu affichait des couleurs pastelles en parfaitement adéquation avec son style graphique inspiré des estampes japonaises traditionnelles.
De plus, l'image semblait légèrement granuleuse, comme cachée derrière un voile ou dessinée sur un vieux parchemin ; sur Wii, cet effet a disparu, les couleurs sont éclatantes et il n'y a plus aucun filtre sur l'image qui est, de fait, très nette (sauf durant les cinématiques qui sont d'origine !). Un parti pris qui va à l'encontre du style d'origine et qui, on peut le dire, le trahit même d'une certaine manière. On peut d'ailleurs se demander pourquoi cet effet si particulier qui donnait une identité forte au soft a purement et simplement été supprimé sans même laisser la possibilité au joueur de l'appliquer ? Peut-être que les développeurs ont pensé bêtement que ces couleurs pâles n'étaient pas très « vendeuses» et engageantes pour le « grand public » et qu'à l'instar des films en noir et blanc qui sont colorisés pour une diffusion en prime time, un petit coup de peinture pour redonner de « l'éclat aux couleurs » ne pouvait que lui faire du bien ? A moins qu'ils aient voulu se rapprocher des productions Nintendo habituellement saturées de couleurs comme dans un cartoon de Disney ? Le problème, c'est qu'en altérant la forme du jeu qui était jusqu'alors totalement en phase avec son fond, les développeurs de Ready at Dawn ont non seulement amoindri son impact visuel mais ils ont pris le risque de faire perdre au jeu sa singularité, banalisant son style en le rapprochant de celui, plus classique, des nombreux jeux en Cell-Shading qui pullulent sur le marché. D'ailleurs, sans filtres, certains effets crayonnés passent moins bien et certains pourraient même croire à un manque de finition !
Un titre touché par la grâce
Cependant, il faut être honnête, aussi incompréhensible que soit ce « lissage », Okami reste Okami. Et mis à part les puristes et les enragés (comme moi), la majorité de ceux qui se laisseront embarquer dans l'aventure ne seront nullement gênés par ce changement somme toute mineur qu'ils ne remarqueront même pas et qui de toute façon n'enlève en rien les nombreuses qualités du jeu (si ce n'est peut-être une once de poésie). Parmi ces qualités, on retiendra la bande son du jeu qui, heureusement, n'a pas bougé et est toujours aussi sublime. Mamie Mandarine qui chantonne en étendant son linge, les bambous qui s'entrechoquent sous le poids de l'eau des fontaines ou les démons qui hurlent à la lune à la nuit tombée... Que dire sinon que ça donne envie de pendre par les pieds jusqu'à ce que leurs têtes éclatent ceux qui se refusent encore à reconnaître qu'il y a des artistes et des artisans dans les jeux vidéo ! Quant aux musiques composées (notamment) par Masami Ueda, elles s'accordent à merveille avec le travail des développeurs et sont d'ores et déjà entrées dans la légende. Seule note discordante, l'absence de dialogue parlé remplacé par un charabia façon Animal Crossing - du genre qui peut finir par vous faire jouer de la guitare avec vos lèvres, mais bon ce n'est qu'une goutte insignifiante au milieu d'un océan de bonheur, et j'ai d'ailleurs tendance à penser qu'on en fait un peu trop à propos de ces borborygmes...
Okami est un jeu incroyablement long, riche et foisonnant qui en plus de son intrigue principale propose tout un tas de digressions qui donnent l'impression que même une fois l'aventure terminée, le jeu est loin d'être fini ! En sus de la quête principale, le joueur peut participer à un nombre incroyable de sous-quêtes ou à des mini jeux dont les récompenses n'ont la plupart du temps rien d'anecdotiques. Souvent dans les jeux d'aventure à la Zelda en commençant par les jeux Zelda eux-mêmes, les sous-quêtes n'apportent pas grand-chose à l'aventure principale (un quart de cœur par-ci, une poignée de rubis par-là) si ce n'est le plaisir de les entreprendre (ou d'allonger artificiellement la durée de vie du jeu). Dans Okami, il n'est pas rare que ces quêtes parallèles offrent en récompense une technique du pinceau ou une arme ravageuse qui bien que facultative, va booster les compétences du personnage principal ou même parfois permettre l'accès à certaines zones secrètes... Il est difficile de faire l'inventaire de tout ce qu'il est possible de faire dans Okami : faire fleurir tous les cerisiers flétris d'une zone, trouver toutes les perles errantes cachées dans le jeu (et il y en a 100 !), nourrir les nombreux animaux qui se baladent un peu partout, faire le taxi sur une feuille de nénuphar géante ou encore trouver les huit bandits inscrits sur un avis de recherche, le joueur qui voudra prolonger le plaisir aura de quoi faire.
Un humour ravageur
Une des rares nouveautés de la version Wii d'Okami, c'est la possibilité désormais de pouvoir sauter les cinématiques et toutes les phases de dialogues - ce qui n'était possible sur PS2 qu'une fois le jeu terminé une première fois. Cela permet aux impatients et à ceux ayant déjà fait le jeu d'accélerer un peu le rythme, notamment au début du jeu qui met pas mal de temps avant de véritablement commencer - la première séquence de dialogue durant pas moins de dix minutes !
Attention cependant de ne pas en abuser, au risque de passer à côté des savoureux dialogues du jeu car si Okami est un titre qui étonne par la variété des situations qu'il propose, il étonne aussi par son humour corrisif. Bien que très respectueux de la mythologie qu'il illustre et d'une poésie rare, il cultive un ton décalé et irrévérencieux plutôt inattendus - sauf peut-être pour ceux ayant déjà goûtés aux productions Clover précédentes. Le jeu se permet en effet toutes les audaces, n'hésitant pas à balancer quelques blagues salaces voire scabreuses, pour ne pas dire scatologiques ! Issun par exemple surnomme la grande prêtresse "gros nénés" à cause de sa poitrine généreuse systématiquement mise en avant (ce n'est pourtant pas la seule) ! Une des attaques qu'Amaterasu peut apprendre au cours de l'aventure permet "d'humilier" ses ennemis en leur urinant dessus ! Quant aux apparitions des divinités, si les premières sont très solennelles, très vite elles tournent à la farce comme lorsqu'un des Dieux, après une pirouette spectaculaire rate son atterrissage et se fracasse la face comme s'il se cognait à une caméra, fendillant notre écran de télé ! De la folie furieuse !
Les personnages sont d'ailleurs souvent malmenés voire parfois ridiculisés et il arrive qu'Amaterasu se retrouve les quatre pattes en l'air, nous dévoilant son séant et au passage ce que les développeurs de chez Nintendo se sont évertués à cacher dans Zelda Twilight Princess avec le Link/loup ! Et comment résister lorsque Ushiwaka, l'un des personnages forts du jeu lance à ses adversaires juste avant de combattre : "Comme dirait un célèbre chasseur de démon : Let's rock, Baby" ! En cela, Okami se distingue de la série des Zelda, qui bien que souvent drôle (et parfois même nonsensique) reste très proprette et gentillette. Difficile d'imaginer la princesse Zelda se plaignant, alors qu'elle est en train de nager, d'avoir envie de "faire pipi"et de s'entendre conseiller de le faire discrètement dans l'eau comme tant de gens le font à la piscine !
Okami Vs Zelda Twilight Princess
Malgré cela, Okami reste une synthèse parfaite de tous les Zelda sortis à ce jour. Durant tout le périple d'Amaterasu le joueur averti reconnaîtra des mécanismes, des personnages voire même des situations déjà vus dans Ocarina of Time, Majora s' Mask, Wind Waker ou même dans Zelda, Minish Cap, un épisode GameBoy Advance développé par... Capcom ! Mais le plus étonnant sera de constater à quel point Okami ressemble à Zelda Twilight Princess (ou l'inverse) alors que les deux jeux sont quasiment sortis en même temps (Okami un peu avant Zelda) et que leurs développements ont été simultanés. D’abord, les deux jeux donnent le premier rôle à un loup (même si dans Zelda, Link peut reprendre forme humaine) alors que jusqu'à présent, il n'y avait pas franchement eu beaucoup de canidés héros de jeux vidéo. Les deux loups ont, en outre, grosso modo les mêmes mouvements de base et lorsqu'ils affrontent des ennemis ils se retrouvent tous les deux prisonniers d'une arène magique qui limite l'aire de combat - même si dans Zelda Twilight Princess ce n'est pas systématique. Ensuite, chacun est accompagné d'un petit personnage très charismatique qui le guide, le stimule et très souvent l’agace : Issun pour l'un, Midona pour l'autre. Et que dire des zones maudites à assainir ? Les points communs ne manquent pas et on se demande bien qui a copié sur l'autre.
Cependant, malgré leurs points communs évidents, il faut bien admettre que les deux jeux s'avèrent finalement très différents et qu'il est d'ailleurs difficile d'en déclarer un meilleur que l'autre. Sous des allures très classiques, Zelda Twilight Princess dynamite la construction habituelle de la série en multipliant les scènes spectaculaires et alignant pas moins de neuf donjons tous plus réussis les uns que les autres et qui constituent les moments forts du soft. Le jeu est en outre très inspiré par le cinéma et les grands jeux vidéo d'aventures avec notamment des clins d’œil au film Le Seigneur des Anneaux et au jeu Shadow of Colossus. C'est un grand jeu d'aventure fédérateur capable de plaire aussi bien aux gamers qu'au grand public même si les gamers ont eu tendance à lui reprocher sa trop grande proximité avec l'épisode culte de la saga Ocarina of Time. De toute façon, Zelda Twilight Princess reste un Zelda de transition (il est d’ailleurs sorti sur GameCube et sur Wii, tout un symbole) dont les quelques changements qu'il apporte en annoncent d'autres plus grands qui devraient arriver avec le prochain épisode sur Wii U… De son côté, Okami est beaucoup plus osé que Zelda Twilight Princess et en somme, beaucoup plus moderne. Il s'agit d'un jeu qui ne fait aucun compromis pour plaire au grand public. Par ses partis pris graphiques, ludiques et artistiques mais aussi par son chara-design audacieux, Okami peut tout aussi bien enthousiasmer que rebuter. Il appelle dans tous les cas des avis très tranchés. On adore ou on déteste. Et s'il est de bon ton dans les médias spécialisés de s'extasier en usant de tous les superlatifs connus, dans les faits il est possible d'être totalement hermétique aux charmes et au style du jeu (sans pour autant être un pauvre type). Okami est un jeu qui de toute façon se mérite. Il est clair que sa forme ne peut pas plaire à tous les publics même si son fond se révèle exemplaire et que tous les gamers devraient en définitive soutenir ce type de productions, aussi atypiques que risquées. Inspirés par les estampes japonaises, notamment celles issus du mouvement Shinhanga (qui prône un retour aux sources), les développeurs ont réalisé un véritable travail d’artiste en soignant chaque détail de façon à rendre le monde d'Okami aussi beau que vivant et cohérent pour immerger le joueur au cœur des mythes et des légendes japonaises.