Nintendo Wii U

Paper Mario : Color Splash

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Paper Mario : Color Splash

Par rifraff - Le 17/10/2016 à 14:41

A l'origine, avant Paper Mario, il y a Super Mario RPG, un RPG mythique de la Super Nintendo développé en 1992 par Square Enix qui s'amusait déjà à mélanger les mécanismes de RPG avec l'univers Mario, sa princesse, les bob-omb, les Koopa, les Troopa et Cie. Une alliance que Nintendo allait reprendre quelques années plus tard pour le premier épisode de Paper Mario sorti sur N64  auquel la firme au plombier, allait ajouter sa patte en développant un univers singulier alliant des sprites en 2D, comme découpés dans du papier, avec des environnements plus classiques, en 3D. Un mélange étonnant et détonnant donnant immédiatement un ton décalé au(x) jeu(x) permettant aux développeurs de s'affranchir du carcan parfois un peu "gnan-gnan" de l'univers Mario. C'est d'ailleurs logiquement une des constantes de la licence développée par Intelligent Systems. Dans les Paper Mario, les personnages, paradoxalement à leur aspect plat, prennent de l'épaisseur et se jouent des conventions et de leur image notamment grâce à des dialogues bourrés de sous-entendus et de références diverses. Ce n'est pas pour rien que le deuxième épisode, 'La Porte Millénaire" sorti sur GameCube donnait un aspect théâtral au jeu et notamment aux combats comme si les personnages du jeu vidéo Super Mario s'amusaient à se déguiser pour jouer des rôles différents dans un autre jeu.

 

Paper Mario fait un carton peint

Malheureusement, au fur et à mesure des itérations, le cahier des charges de la série a été quelque peu modifié, le ton décalé a été remisé et le second degré a laissé la place à un humour bon enfant. Quand à l'aspect RPG, il s'est plus ou moins dilué au profit de la plateforme et/ou de l'action-aventure. Le dernier épisode en date (ou désormais plutôt l'avant-dernier) sorti sur 3DS en 2013, Paper Mario : Sticker Star en est d'ailleurs la parfaite illustration.

Un changement qui n'a manifestement pas plu aux joueurs puisque  Paper Mario : Sticker Star  est aujourd'hui l'épisode qui est régulièrement désigné comme le moins aimé de la série malgré sa réalisation réussie et son univers coloré. Il est vrai aussi que le titre 3DS cumule quelques problèmes d'écriture et de conception rendant sa progression parfois laborieuse...Pour autant cela n'a pas découragé Nintendo de mettre en route un cinquième épisode Paper Mario : Color Splash construit précisément sur le même modèle que Paper Mario : Sticker Star avec, tout de même, la promesse, d'en corriger les quelques travers.

Paper Mario : Color Splash commence plutôt bien, avec une cinématique amusante qui déroule une histoire originale qui a le mérite, non seulement de justifier la mécanique de jeu principale mais aussi de ne pas débuter par un enlèvement ! Elle met en plus directement le joueur dans le bain... de peinture. Tout commence lorsque (Paper) Mario est prévenu qu'un mal mystérieux frappe l'île Barbouille et ses habitants qui perdent mystérieusement leurs couleurs. Avec l'aide d'un petit pot de peinture magique nommé Peinturlion et armé du marteau Splash qui  peut redonner ses couleurs au monde, Mario met alors tout en oeuvre pour résoudre le mystère et démasquer les "voleurs de couleurs" qui sévissent sur l'île...  

Il voit des Toad partout

L'action de Paper Mario : Color Splash  se déroule sur l'île Barbouille, une île magnifique remplie d'endroits extravagants et très divers dont les habitants sont tous des Toad qui se retrouvent donc déclinés en de nombreuses versions et couleurs. Il ne manque plus qu'un grand Toad, une Toadette, un Toad grognon et un générique chanté, pour se croire dans les Schtroumpfs.  On retrouve sinon tous les habitués des jeux Mario aussi bien du côté des gentils que des méchants. Il n'y a malheureusement pas le côté "personnages déguisés" des premiers opus et tous les personnages reprennent plus ou moins dans leurs rôles respectifs- exceptés les Toad bien sûr. Il n'y a, sinon, pas beaucoup de nouveaux personnages. Un seul vient à l'esprit : le petit pot de peinture nommé Peinturlion, un personnage attachant même si malheureusement son rôle est purement utilitaire. Mario n'ayant toujours aucune ligne de dialogue, Peinturlion permet de donner des indications au joueur mais aussi d'apporter un peu d'humour avec des répliques qui font souvent mouche.

Evidemment, le joueur dirige Mario ou plutôt Paper Mario, la version "papier" du héros de Nintendo, toujours aussi plat qu'une feuille de... papier (logique).  Petit détail important, le monde dans lequel Paper Mario évolue est un monde en trois dimensions principalement fait de papier et de carton.Cela semble plutôt logique pour un personnage nommé Paper Mario que de se retrouver dans un monde de papier... Sauf que pas vraiment puisque ce n'était pas tout à fait le parti pris du premier opus qui jouait plutôt sur l'envers du décor et, encore une fois, le décalage, un peu comme si on s'apercevait que même dans un titre en 3D, le Super Mario des jeux de plateforme de la NES et de la Super Nintendo restait un sprite en 2D. Rappelons qu'à l'époque du premier Paper Mario sur N64, la mode était de tout transposer dans un univers 3D et en quelque sort notre Super Mario faisait de la résistance..

La minute Pop-Up

Paper Mario : Color Splash  est donc beaucoup plus premier degré que son illustre aîné en replaçant Paper Mario dans un univers en trois dimensions entièrement confectionné de papier et de carton comme le Yoshi de Yoshi's Woolly World l'est dans un monde tricoté en laine.Et évidemment cela a une incidence non seulement sur la forme du jeu mais aussi sur son fond puisqu'il y a une vraie cohérence et la notion de second degré est fatalement moins prégnante. Le jeu reste cependant très drôle avec des tas de références et même des parodies de films surprenantes.

Dans Paper Mario : Color Splash, tous les éléments du jeu ont un rendu "réaliste" et ont l'air d'avoir été créés "pour de vrai" en carton et en papier façon "paper-toy" au point que l'on a parfois l'impression d'être devant un film d'animation en stop-motion. Une impression renforcée par d'autres éléments comme la peinture par exemple (échappée de Splatoon)  mais aussi par les personnages en 2D qui y évoluent comme des petites marionnettes. On pense notamment à Peinturlion le petit pot de peinture qui semble suspendu dans les airs par un fil de nylon invisible comme pour faire croire qu'il vole au dessus de l'épaule de Mario. Ce n'est qu'un petit détail, et il y en a des tas comme cela, mais il montre à quel point la forme a été réfléchie et soignée donnant, d'un côté l'impression d'une grande maîtrise, de l'autre celle d'une réalisation artisanale, presque fait avec des bouts de ficelles.

Il n'y a de toute façon pas à discuter : la forme du jeu est une grande réussite et l'un de ses points forts d'autant plus que les environnements sont nombreux et variés : plage ensoleillée, hôtel hanté, forêt géante, arène, vieille locomotive, ancien épisode... On ne se lasse pas d'en scruter le moindre détail pour voir comment les développeurs ont recréé tel ou tel élément en papier. . C'était déjà le pari pris de Paper Mario : Sticker Star  sauf que le résultat avait été bridé par la puissance de la 3DS. Sur Wii U, c'est tout simplement magnifique.

 

L'aventure c'est la peinture

Si Paper Mario : Color Splash  reprend la forme de Paper Mario : Sticker Star, il reprend aussi sa construction à base de niveaux reliés entre eux sur une carte globale façon New Super Mario Bros. U. Chaque niveau est conçu comme un vaste environnement en trois dimensions plus ou moins ouvert et indépendants des autres avec, à chaque fois, une ambiance et un thème différent. En fonction des niveaux, une grande liberté est laissée au joueur sachant que le but premier est d'y trouver une grande étoile de peinture, ce qui permet de finir (une première fois) le niveau mais aussi d'ouvrir de nouveaux chemins sur la carte et d'accéder à de nouveaux niveaux. Chaque niveau renferme au minimum une grande étoile mais des plus petites peuvent aussi s'y cacher et un même niveau peut en réalité cacher plusieurs zones et souvent plusieurs énigmes.A ce propos, le level design a été très bien pensé. Même lorsque les environnements sont gigantesques et qu'il n'y a, à priori aucune indication, en réalité ils sont habilement balisés pour que l'on suive le bon chemin pour progresser sachant qu'il y a toujours de quoi faire en s'aventurant hors des sentiers battus. 

A côté de l'histoire principale, il ne faut cependant pas s'attendre à une multitude de sous-quête. Il est vrai que le jeu est, à la base, assez long (comptez une vingtaine d'heures pour en voir le bout) et assez copieux. Il y a malgré tout quelques petits secrets à dénicher dans les niveaux comme des Luigi cachés ou des holo-messages envoyés par la Princesse Peach façon princesse Leia. Il y a aussi des temples Feuille-Papier-Ciseaux qui permettent de gagner des cartes rares en participant à des joutes plus ou moins hasardeuses... Sinon, la seule véritable sous quête à accomplir consiste à s'amuser à repeindre à 100% chaque niveau à coup de marteau Splash- ce qui n'est pas une mince affaire.

 

Derrière le GamePad

Paper Mario : Color Splash est un bon jeu, très agréable à parcourir et à découvrir à partir du moment ou l'on a accepté son orientation action-aventure et grand public. Il est d'ailleurs très simple à prendre en main même pour les débutants et ne devrait pas poser de problèmes particuliers tant son gameplay a été calibré pour convenir à tous types de joueurs.  Le stick gauche pour se déplacer, un bouton pour le saut, un autre pour le marteau, un autre encore pour le marteau Splash et un quatrième réservé à certaines énigmes, tout est simple et logique en tout cas en ce qui concerne la partie aventure.

Paper Mario : Color Splash est un jeu qui se joue principalement sur un seul écran, que ce soit en Off-TV ou de préférence sur celui de la télé en HD pour en apprécier la finesse et les détails des graphismes, mais le double écran et l'écran tactile sont utilisés à deux occasions : pour les combats à base de cartes (voir ci-dessous) mais aussi lors de la résolution de certaines énigmes demandant d'utiliser un item ou de découper l'image afin de passer derrière. L'idée est poétique et amusante (on découpe un morceau du décor au stylet sur le GamePad), et pour le coup revient à l'idée de décalage des premiers jeux mais on se demande quand même ce que cela vient faire là, surtout que rien dans l'histoire ne justifie un tel pouvoir. Peut-être est-ce un vestige de l'ère pro-GamePad avant que Nintendo ne switche d'avis ?

 

R.I.P. RPG

Malgré toutes ses qualités, Paper Mario : Color Splash a quelques défauts notamment quelques longueurs et des baisses de rythme. Il est vrai aussi que certains niveaux sont tellement réussis que d'autres, en comparaison paraissent fades. Sinon un peu comme le titre précédent mais a un degré bien moindre, il arrive encore que certaines énigmes soient difficiles à résoudre sans avoir de la chance (ou une connexion internet pour consulter Super Soluce.) avec le risque d'aller-retours inutiles ce qui n'est jamais très agréable.Il y a aussi parfois (heureusement rarement) des morts subites assez injustes et énervantes- surtout si on a pas sauvegardé juste avant, notamment face à certains boss mais pas seulement (genre "un piano" qui vous tombe tout d'un coup sur la tête et que vous n'arrivez pas à éviter !). Mais le vrai point noir du jeu, c'est son système de combat a base de cartes à classer et à choisir sur le GamePad. 

Le système de combat, c'est tout ce qui reste de l'aspect RPG des jeux originaux, seulement le système a tellement été simplifié à outrance, qu'il est tout sauf passionnant. C'est en fait, à quelques corrections près, le même système que dans Paper Mario : Sticker Star sauf qu'au lieu d'autocollants, ce sont des cartes mais sinon c'est kif-kif. On se contente de choisir des cartes à jouer pour balancer des coups plus ou moins forts en fonction des ennemis que l'on a en face de soi.

On retrouve les sempiternels mêmes items (le saut, le marteau, le double saut, le double marteau...) plus quelques-un un peu plus originaux mais qu'on n'utilise rarement. C'est un peu le problème : les ennemis étant toujours les mêmes ou presque, avec seulement trois ou quatre schémas différents (les basiques, ceux qui volent, ceux qui ont une protection, les énormes...) que l'on a tendance à jouer la sécurité avec des items basiques dont on est certain du résultat. Le but étant, de toute façon souvent d'éviter ou d'expédier le plus rapidement possible les combats.

Dans les RPG classiques, il n'est pas rare que l'on cherche à éviter le contact avec les ennemis afin de se soustraire à des combats inutiles ou trop longs, mais au fur et à mesure de sa progression, on évolue et on devient plus fort, rendant certains combats plus abordables et permettant d'en envisager d'autres plus difficiles ou encore d'élaborer des stratégies Dans Paper Mario : Color Splash on cherche assez vite à éviter les combats car ce sont toujours les mêmes, qu'ils sont rébarbatifs et que l'on a rien à y gagner, ou presque. La seule évolution possible concerne la jauge de peinture du marteau Splash. Un marteau qui n'est pas utilisé directement durant les combats mais dont la peinture sert à colorier les cartes qui ne le sont pas et qui sinon ne sont pas très puissantes. C'est la seule subtilité du système mais franchement, vu l'orientation du jeu et l'importance du marteau Splash, les développeurs auraient sans doute été mieux inspirés d'opter pour des combats en temps réel comme pour Super Paper Mario sur Wii. D'ailleurs, au bout d'un moment, les petits ennemis peuvent être assommés d'un coup de marteau sans passer par la case combat, et c'est tellement plus agréable.

Cartes sur GamePad.

Mais ce qui finit par achever les combats (et le joueur), c'est l'utilisation "obligatoire" du GamePad. En effet, si la majorité du jeu se joue sur l'écran de télé, lors des combats au tour par tour, tout d'un coup, l'écran du GamePad, s'allume et toutes les cartes en possession du joueur y apparaissent en ligne. Il faut alors les faire défiler une par une, ce qui n'est pas simple lorsque l'on en a une centaine, sélectionner les bonnes (entre une et trois cartes selon sa progression) et en prenant en compte les différents ennemis à attaquer,  colorier les cartes qui doivent être coloriées (en laissant son doigt appuyer dessus) puis enfin valider la sélection et "envoyer" les cartes, en traçant un trait sur l'écran tactile en direction de la télé..Autant dire que c'est très laborieux surtout qu'à chaque fois, ce n'est pas un ennemi qu'il faut abattre mais plusieurs à la suite.

Il y a tout de même une chose à sauver de ce système : les cartes Trucs, des "super items"qui reprennent des objets photo-réalistes que l'on trouve dans les niveaux et qui lorsqu'elles sont utilisées donnent des petites séquences spectaculaires et toujours très amusantes. Il y en avait déjà dans Paper Mario : Sticker Star sauf que c'était la galère pour les transporter (les stickers Trucs étaient plus gros que les autres) et chaque objet n'existait qu'en un seul sticker- ce qui n'est plus le cas avec les cartes. Il y en a un bon paquet (près d'une trentaine) et toutes les trouver est sans doute la meilleure des motivations pour farfouiller dans tous les coins et recoins du jeu.

 

8
Pour sa dernière exclusivité Nintendo (connue à ce jour) la Wii U offre aux joueurs un jeu d'action-aventure visuellement magnifique, bourré d'idées rafraîchissantes et d'humour. Certes, ce n'est plus le Paper Mario des débuts et l'aspect RPG du jeu, confiné aux combats, a tellement été simplifié qu'il en devient insipide et inutile. Mais si le jeu a quelques défauts dont l'utilisation du GamePad, lourde et répétitive, des baisses de rythme et des morts subites très agaçantes, il développe à côté tellement de qualités et d'invention, qu'il serait dommage de bouder son plaisir. C'est bien simple, Paper Mario : Color Splash, c'est un carton peint !

  • Visuellement magnifique
  • Réalisation de haute volée
  • Très agréable à jouer
  • Une longue aventure
  • De l'humour et des parodies
  • Certains niveaux incroyables
  • Les cartes Trucs
  • Le système de combat
  • Classer ses cartes sur le GamePad
  • Quelques allers-retours inutiles
  • De légères baisses de rythme
  • Des morts subites énervantes