Nintendo Switch

Time on Frog Island

Test Switch

Time on Frog Island

Par Miki-Daisuki - Le 23/05/2022 à 12:50

Petit studio indépendant à huit mains basé à Copenhague, Half Past Yellow nous proposera dès cet été 2022 leur première production. Déjà annoncé en version physique en France, le titre avait déjà pu se dévoiler il y a quelques mois par le biais d’un prologue intrigant. La version finale va-t-elle tenir ses promesses ?

L’île aux grenouilles

Coincé sur une île après le naufrage de son navire, son capitaine, perdu et esseulé, aura tout intérêt à se mêler à la population locale, sorte des batraciens anthropomorphes, pour survivre et repartir d’où il vient. Comme tout bon sandbox qui se respecte, le scénario n’est pas au centre du jeu, même si l’objectif final reste bien de réparer un bateau qui a bien souffert après la tempête qui vous a mené sur ces terres. Le personnage principal que vous incarnez, cependant, a tout de même bénéficié d’un soin particulier puisque vous pourrez, chaque soir en vous endormant au coin du feu, découvrir une partie de son passé par une image illustrée. Une parenthèse émouvante et joliment introduite qui ajoute un relief intéressant.  

A votre service !

Afin de réparer votre bateau, l’apport d’aide à la population locale sera un passage obligé. Mais même sur l’île la plus paumée des sept mers, les bases du commerce sont bien acquises. Vous devrez donc répondre aux demandes des habitants en leur demandant ce qu’ils désirent, afin qu’ils vous rendent la pareille. Faute de maîtriser le dialecte local, c’est à coup d’onomatopées et de petites illustrations tenant dans une bulle de dialogue que les batraciens vous exposeront leurs requêtes. Il faudra alors arpenter l’île à la recherche desdits objets, afin de les troquer contre d’autres et ainsi de suite. Fourmillant de petites surprises, la péninsule sait titiller l’intérêt du joueur adepte d’exploration et de plateforme puisque le personnage peut sauter, attraper des objets et s’en servir pour activer des mécanismes ou encore flotter dans les airs, mettant l’accent sur les plaisantes découvertes de toutes les possibilités offertes par les éléments de décor.  Les petits bruitages ajoutent un peu plus à la crédibilité du modeste univers servi sur nos écrans, où la liberté que nous promettent les développeurs est effectivement totale, au prix peut-être de tout le reste.

Car malgré ses bonnes intentions, le jeu pâti d’un rythme global aux antipodes du tempo soutenu des trailers. La faute, en grande partie, à une interprétation quelque peu simpliste du sandbox, genre libertaire qui, toutefois, obéit à des codes que l’on ne retrouve ici qu’en surface. Balancé dans un environnement inconnu, le joueur devra survivre dans un monde où il n’a, étonnement, aucun rôle à jouer. Or, en reléguant au second plan un personnage principal censé occuper le devant de la scène dans ce genre de jeu, les développeurs en ont accentué son principal défaut. En effet, passé les premières heures de découverte où les tours du cadran s’égrènent sans que l’on ne s’en rende compte, la lassitude finit par mettre à mal l’investissement pourtant sincère dont le joueur aura fait preuve jusqu’alors. Ce constat est particulièrement visible dans ce qui constitue 99 % du jeu : les quêtes d’objets. Pour les trouver, il faudra soit fouiller le moindre recoin, soit résoudre des énigmes qui pourront vous donner accès à d’autres sections des terres. Si sur le papier, la formule fonctionne bien, en réalité, vous passerez la plupart de votre temps à faire des allers-retours incessants d’un bout à l’autre de l’île. Un écueil qui aurait largement pu être évité par la présence d’une carte, même sommaire, ou tout simplement par celle d’un inventaire qui se serait révélé fort pratique dans les moments où, après quelques kilomètres, l’on se retrouve à devoir choisir avec regret quel unique objet l’on souhaite prendre avec soi. D’autant plus que, en accord avec la liberté qu’on nous a promise et en absence d’indications, l’on a tendance à effectuer les quêtes dans un ordre complètement aléatoire alors même que certaines sont liées entre elles et s’offrent mutuellement des indices.

Et après ? 

De plus, dans l’optique de casser la chaîne de lassitude intrinsèque au genre, développer des activités annexes est quasiment indispensable. Or, sur ce point, le côté « énigme » et « aventure » vendu par le jeu a, semble-t-il, justifié à lui seul que rien ne soit spécialement fait pour proposer d’autres choses à faire en dehors de votre travail de postier de l’extrême. Il y a bien la pêche ou la fabrication de potions par exemple, qui apporteront pour leur part quelques améliorations à votre palette d’action, mais c’est bien insuffisant pour maintenir l’intérêt sur la durée. Les « énigmes » présentes n’y changeront rien, celles-ci ne se démarquant guère des quêtes d’objets puisqu’il s’agira de dénicher un ou plusieurs éléments dans les décors pour débloquer des mécanismes à l’autre bout de l’île. En soi, tous ces choix faits par les développeurs ne seraient pas particulièrement un problème si, mis bout à bout, l’ensemble ne finissait pas par devenir un véritable boulet au pied du joueur, donnant l’impression que le jeu fait tout pour nous faire perdre du temps et nous maintenir artificiellement sur le lopin de terre le plus longtemps possible. Mais avec une quête principale qui devrait vous prendre un peu plus de cinq heures mais moins de dix heures, on trouverait là l’explication presque parfaite à ces nombreux « oublis ».

Néanmoins, il serait injuste de passer sous silence les idées intéressantes du titre. A commencer par celle de rendre accessible certaines quêtes uniquement de nuit ou de jour ; sous le soleil ou sous la pluie, accroissant la crédibilité d’un univers qui a bénéficié d’un soin que l’on ne peut que saluer à l'instar des grenouilles peuplant l’île par exemple, qui possèdent toutes une personnalité bien à elle, permettant des interactions qui se passent très facilement de mots. Enfin, l’ajout de « succès » in game peut constituer une bonne source d’inspiration pour les amateurs de défis, tout en jouant le rôle d'incitateur à tirer parti des éléments du décor pour diversifier ses déplacements. 

L’île mystérieuse

Côté graphisme, les développeurs ont pu exprimer toute leur créativité et c’est avec enthousiasme que l’on peut apprécier comme il se doit le soin apporté aux changements de ton et de couleurs alors que s’annonce le crépuscule, ou que la pluie s’abat sur nous. Des forêts verdoyantes aux montagnes enneigées ; du petit bout du monde où vous installez votre campement jusqu’au village des autochtones, chaque parcelle de l’île possède une identité telle que l’on peut se demander parfois si l’on est toujours au même endroit. Le rôle majeur attribué à la météo et plus globalement au passage du temps est d’ailleurs un bon moyen d’accentuer ce côté Robinson Crusoé. Les musiques, sans être particulièrement mémorables, changent en fonction de l’endroit où vous vous trouvez et en fonction des éléments météorologiques, personnifiant encore un peu plus cette terre fondamentalement vivante, où se côtoient sympathiques batraciens, créatures affectueuses et atmosphère atypique. 

6.5
Davantage une invitation à la découverte qu’à l’action, Time on frog island se veut divertissant et sympathique dans ses premières heures, mais n’arrive malheureusement pas à tenir la cadence sur la durée. Ses bonnes idées ainsi que son univers coloré et chatoyant prennent le risque de passer à la trappe face à une lenteur pesante et une simplification à outrance du genre bac-à-sable qui transforme le joueur en simple spectateur, ne l’invitant pas à s’attarder plus que de raison sur l’île aux grenouilles, qui, malgré son attractivité emplie de sincérité, n’offre finalement à ses touristes qu’une succession de quêtes à effectuer pour le compte de ses insulaires.

  • Une DA colorée et soignée
  • Des insulaires attachants et originaux
  • De belles surprises à découvrir par l’observation
  • Rythme global trop lent
  • Un joueur qui n’a presque aucun impact sur l’univers
  • Des quêtes essentiellement constituées d’allers/retours
  • Absence d’activités extra-quêtes