Nintendo Switch

The Dead Tree of Ranchiuna

Test Switch

The Dead Tree of Ranchiuna

Par C-Ptique - Le 12/02/2022 à 13:00

Développé par le productif Tonguç Bodur, un développeur bulgare, The Dead Tree of Ranchiuna n’est pas le premier jeu du créateur sorti sur Switch, on peut citer notamment Lucid Cycle ou Drizzlepath : Deja Vu. Il s’agit la plupart du temps d’expériences courtes se concentrant sur des ambiances atmosphériques et des histoires émotionnelles, du moins c’est ce que revendique Bodur. Voyons donc ce que cela vaut manettes en main.

Bienvenue au bout de votre vie

The Dead Tree of Ranchiuna démarre sans cinématique. On est directement immergé dans l’histoire en incarnant un homme quittant sa maison sur laquelle est apposée une pancarte « Ranchiuna ». Il raconte ses pensées un peu plus loin en disant qu’il est revenu dans son village natal en Bulgarie après avoir fini ses études à Sofia. C’est aussi un avertissement pour nous prévenir du pessimisme ambiant qui va régner dans le jeu, en effet, le protagoniste nous dit par exemple qu’il ne croit plus en l’adage familial « les choses ne peuvent pas être pires » ou encore, on croise un arbre à pendus sur notre chemin.

En continuant, on arrive dans le fameux village natal, l’occasion de se remémorer les souvenirs de notre personnage, les humains y ont des formes fantomatiques. On apprend que le protagoniste s’appelle Andrei et qu’il s’entendait plutôt bien avec les habitants du village, notamment avec une jeune femme qu’il connait depuis son enfance et à laquelle il lui a fait une demande en mariage après son retour. Sauf que plus tard, il a fait une gaffe : elle lui a demandé s’il l’aimerait toujours en étant très moche, il a hésité à répondre, du coup elle l’a mal pris et s’est isolée (Morale de l’histoire : messieurs, si votre compagne vous pose cette question, dites immédiatement « Oui »).

Les choses se sont ensuite empirées car une petite bande de voyous, dont l’intellect est discutable, s’est mêlé à l’histoire. Leur chef fût épris d’amour pour la jeune femme et, forcément, il devint jaloux d’Andrei. Vous vous en doutez, cela ne pouvait pas bien se finir, d'autant qu'Andrei était naïf. Des frictions et des complots se sont créés pour pouvoir gagner le cœur de la jeune demoiselle. Andrei a interprété cet instant comme la fin d’une époque et le début d’une nouvelle. Dès lors, le jeu nous pousse à avancer, à parcourir des décors de montagne et des lieux humides, à passer d’une ruine à une autre pour connaître l’issue de cette histoire tragique.

L’ennui, votre principal ennemi

Si l’histoire contée dans les précédents paragraphes peut paraître sympathique sur le papier, en pratique, c’est une véritable torture. En effet, le jeu est principalement axé sur l’histoire alors que la narration et le rythme sont mal maîtrisés. L’introduction en premier lieu est extrêmement longue mais surtout, les phases de jeu sont incroyablement vides comme on en a rarement vu. D’habitude, dans ce genre de jeu qui se veut contemplatif, il y a au moins de jolis décors à admirer et des musiques transcendantes (positivement ou non) pour donner envie d’avancer mais dans The Dead Tree of Ranchiuna, les décors et les musiques qui valent le coup sont extrêmement rares. Le déplacement lent du protagoniste ne motive pas non plus à avancer.

Certes, il arrive de temps en temps qu’Andrei se mette à parler mais là-encore, ses prises de parole sont irrégulières et quand ça arrive, c’est pour nous sortir des « leçons de vie » bancales qu’en tant qu’adultes, nous connaissons tous. On nous dit par exemple que beaucoup de traumatismes sont liées à notre enfance, que nous devons avancer dans la vie en acceptant de lâcher prise, que les grandes décisions sont toujours prises par de grands chefs en étant rarement contestées, qu’avoir des fantasmes est normal tant qu’ils restent des fantasmes ou encore que la société préfère s’en prendre aux faibles plutôt qu’aux coupables. Comme le titre s’adresse clairement aux adultes, on peut se demander à qui il espère apprendre ça.

C’est d’autant plus pénible que les prises de parole sont coupées par de longues périodes de silence, peut-être laissées pour méditer sur ce qui a été dit précédemment. Il y a également des flashbacks qui apparaissent pendant notre marche sans raison et qui ne présentent aucun intérêt puisqu’ils consistent à ramasser une clé ou allumer des bougies. Un seul attire l’attention, celui où on doit tuer des sortes de démons, et encore, « tuer » est un bien grand mot puisque ces démons sont immobiles et meurent dès qu’on les touche. Difficile de savoir ce que cela signifie, sauf s’il s’agit d’un message évident comme quoi le protagoniste tue ses démons intérieurs. Même en trouvant une explication, on en revient au point précédent : pourquoi cela prend soudainement le protagoniste au milieu de nulle part sans même qu’un souvenir ne lui soit revenu précédemment ?

Un gameplay quasi-absent

Si on résume en une phrase, le jeu consiste principalement à avancer dans des décors vides, où il n’y a aucune vie en-dehors de quelques animaux peu animés. Il faut le vouloir pour avancer et continuer jusqu’au bout. Le pire, c’est que le développeur semble avoir conscience que l’on s’ennuie dans son jeu, pour preuve, en appuyant une fois sur Y, le personnage avance automatiquement, il ne reste plus alors qu’à orienter la direction avec la caméra. Dans un autre contexte, ce serait une trouvaille sympathique mais au vu du faible contenu, cela donne l’impression que le jeu joue quasiment sans nous.

Il y a bien sûr quelques éléments de gameplay mais ils sont rachitiques. Il y a en tout et pour tout 6 passages qui rappellent que nous sommes dans un jeu vidéo, ce qui est très léger pour 2 heures de jeu, même pour un jeu narratif : 3 consistent à actionner des interrupteurs, 2 à rester au milieu de poutres au-dessus de la vase et 1 à trouver son chemin dans un labyrinthe de passerelles. Et encore, les énigmes d’interrupteurs ne laissent aucun indice pour trouver la bonne combinaison, du coup, le seul moyen pour ouvrir les portes est d’essayer toutes les combinaisons possibles, ce qui est tout sauf amusant.

Ce qui est également très frustrant, c’est que l’on croise parfois des maisons fermées à clé, traduisant un manque flagrant de maîtrise du gameplay. Au début, en tant que joueur, on se dit que la clé d’une porte fermée doit se trouver à proximité, pourtant fouiller ne sert à rien. On se dit alors qu'il faut poursuivre le chemin et qu'on la trouvera plus tard. En fait, il faut attendre la fin de la partie pour trouver un kit afin de forcer les serrures comme dans Skyrim, ce qui veut dire que le jeu nous invite à refaire tout ce qu’on a parcouru la première fois pour ouvrir les portes que l’on a croisé. Il y a bien des panneaux de téléportation qui se débloquent mais ils nous amènent loin des dites portes à déverrouiller, du coup ça donne encore moins envie d’aller percer ces secrets.

Un jeu techniquement à la ramasse

Le jeu n’est guère reluisant par son contenu, il ne l’est pas non plus par son aspect technique. Il y a régulièrement des bugs de texture, tantôt le protagoniste passe à-travers des rochers ou les herbes passent à-travers les planchers et tantôt, le protagoniste est bloqué par une simple branche au sol. Les mouvements des animaux manquent de naturel, cela va encore quand ils avancent en ligne droite mais dès qu’il s’agit de tourner, ils pivotent sur eux-mêmes comme une grue de chantier. L’effet de pluie est invisible alors qu’elle est bien présente à certains moments, on l’entend mais on ne la voit pas, aussi bien dans l’air qu’au sol. Mais le plus gros souci reste le clipping, de nombreux éléments du décor apparaissent devant nous ou dans notre champ de vision pendant qu’on marche et ce à chaque fois que la distance d'affichage est grande, ce qui est vraiment moche en plus de briser l’immersion. Andrei s’avère être le seul personnage modélisé un tant soit peu animé. Tous les autres intervenants ne sont présents que sous forme de fantômes, et encore, il s’agit de simples silhouettes se contentant d’avancer sans autre forme d’animation. L’effet est sauvé il est vrai mais c’est triste à voir quand on constate la pauvreté technique du jeu.

Il est possible d’interagir avec quelques objets de temps à autre mais là-encore, la technique fait pitié. Les objets en question ont de la peine à se distinguer du décor ambiant, du coup on peut passer devant sans s’en rendre compte alors qu’ils sont indispensables. À un moment, on emprunte un couloir en forme de boucle qui nous fait faire demi-tour, il faut avoir compris que l'on doit interagir avec un arbuste mort pour le renverser et ainsi grimper sur un talus pour poursuivre le chemin. C’est d’autant plus problématique que la visée manque de précision.

Enfin, un autre gros souci du jeu, c’est qu’il nous fait perdre l’orientation. Qu’il nous laisse avancer sans carte est un parti pris que nous respectons mais dans ce cas, il faut concevoir le décor de sorte à lui donner une identité, à mettre des éléments uniques et mémorables qui nous rappellent que nous sommes à tel endroit précis. Ou alors, il faut au moins ne mettre que des couloirs sans aspect labyrinthique. Or, comme dit plus haut, les décors remarquables sont rares, il est donc très facile de se perdre, c’est encore pire aux endroits où les chemins se séparent.

On trouve même des choses à redire concernant les sous-titres. Il n’y a aucun problème quand il s’agit des dialogues des fantômes mais dès que c’est Andrei qui intervient, on a droit à 5 ou 6 lignes affichées simultanément, voire davantage. Comme il n’y a pas de possibilité de régler la taille des textes dans les options, c’est un véritable exercice oculaire pour lire ce qui est affiché, surtout en mode portable.

3
Pour un jeu de 2022, The Dead Tree of Ranchiuna est clairement daté. Voulant partir d’une histoire modeste qui aurait pu faire mouche, le jeu se montre maladroit dans sa narration, a de la peine à susciter d’autres émotions que l’ennui, a un gameplay peu développé et comporte de nombreux bugs graphiques. On se serait montré indulgent s’il s’agissait d’un premier jeu d’un développeur ou d’un studio mais Tonguç Bodur n’en est pas à son coup d’essai. On peut aussi comprendre qu’il n’est pas aisé de maîtriser tous les aspects d’un jeu, notamment graphiques, mais dans ce cas, il faut savoir se montrer malin et employer par exemple des graphismes moins réalistes et plus oniriques. Il nous est difficile de recommander ce titre, même pour les 8€ auxquels il est vendu.

  • Quelques moments touchants.
  • Le sentiment de solitude et de regrets bien retranscrit.
  • Beaucoup de moments où on avance sans qu’il ne se passe rien.
  • La difficulté à trouver son chemin.
  • Nombreux clippings et bugs de textures.
  • Éléments interactifs pas toujours évidents à repérer.
  • Peu de contemplation alors que c’est ce que cherche le jeu.
  • Sous-titres souvent surchargés.
  • Le volet exploration brouillon.
  • Animations manquant de naturel.

C-Ptique

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