De plus en plus, on voit des jeux indépendants nous proposant de vivre l’envers du décor des jeux d’aventure: l’excellent Moonlighter vous permet d’avoir un magasin d’objets, un autre vous laisse jouer un PNJ auquel un héros a volé son trésor, et même des jeux plus anciens comme Dungeon Keeper vous permettent de construire les donjons que vous parcourez en temps normal. Potionomics: Masterworks Edition se place dans cette lignée en vous laissant gérer… votre boutique de potions. C’est parti pour une expérience de gestion, d’amitié et de… gestion du stress?
Test réalisé sur une version fournie par l’éditeur
Un peu de ci, un peu ça, et beaucoup d’amour
Le début de Potionomics rappelle quelque peu celui de Stardew Valley: vous recevez une lettre d’un proche qui vous cède son installation à sa mort. Mais ici vous n’héritez pas d’une ferme dans une petite ville, mais d’une boutique de potions sur une île fort dangereuse: Rafta. Ravagée par la magie d’une puissante sorcière, cette île attire les aventuriers comme des mouches, et les aventuriers ont besoin de potions! C’est une aubaine pour Sylvia, votre personnage. Enfin, ça le serait, si la boutique dont elle a hérité n’était pas pratiquement une ruine et que son oncle ne lui avait pas également laissé une énorme dette à régler. Votre seule issue: un concours de potions étalé sur 50 jours dont le premier prix couvrira justement votre dette. Il va falloir très rapidement devenir la meilleure boutique de l’île!
Sylvia n’est pas seule, heureusement. Au fur et à mesure du jeu, vous allez rencontrer toute une galerie de personnages particuliers qui vous aideront à vous hisser en haut du panier. Le premier est Owl, un hibou parlant et plutôt sage logeant chez vous et ne cachant pas du tout un secret. Ne lui demandez pas. Quinn, votre deuxième rencontre, est un vendeur de matières premières qui vous seront indispensables, alors passez outre son côté étrange. Mint, une aventurière sympa, ira vous chercher des ingrédients contre un financement de votre part. Muktuk, un artisan musclé, vous fournira en chaudrons, etc… La liste continue et chaque personnage est aussi particulier que mémorable.
Mais Jamy, c'est quoi un Potionomics?
Mais que fait-on, dans Potionomics? Le gameplay est en fait divisé en plusieurs parties interdépendantes. La plus évidente est la vente de potions, durant laquelle vous pouvez négocier le prix de vos produits en jouant des cartes de tactique. A vous de jauger quelles cartes jouer pour faire monter l’intérêt du client tout en évitant d’accumuler trop de stress, et surtout en n’épuisant pas leur patience. En effet, chaque carte a un coût en patience et un gain en intérêt, et vous pouvez même infliger des états anormaux à vos clients comme “Amitié” afin de monter encore plus vos prix. Le stress, quant à lui, vous imposera des cartes inutiles en main alors tentez de le garder sous contrôle. Vous préparez vos options grâce à un système de deck-building, et vous acquérerez de nouvelles cartes en socialisant avec les autres personnages. Ce qui nous conduit à la partie gestion.
Lors de la partie gestion, vous guidez Sylvia en ville et achetez vos ingrédients et services à différents personnages. Quinn tient une boutique au détail, tandis que Baptiste vous propose des articles rares, mais qui arrivent le lendemain, et Mint vous rapportera des ingrédients au hasard selon la région explorée, par exemple. Mais c’est aussi là que vous pourrez investir afin d’agrandir votre boutique ou d’avoir de nouveaux outils! A vous de gérer votre budget et votre approvisionnement! Votre journée est découpée en six périodes de temps à gérer également, sachant que vendre des potions en prend deux, que vos potions mettent du temps à mijoter, et que passer du temps avec les vendeurs vous permet d’obtenir des réductions de prix, de réduire votre stress, et de vous rapprocher d’eux, ce qui vous donne de nouvelles cartes. Et qui sait, l’amour pourrait bien frapper à votre porte! Sachant que chaque personnage est plus intriguant que les autres, c’est un plaisir de fréquenter cette galerie d’hurluberlus de toute façon.
Mais qu’allons-nous faire de tous nos ingrédients? Il faut bien préparer des potions un jour! Pas d’inquiétude, ce n’est pas si compliqué. Chaque ingrédient contient des magimins, particules magiques donnant leur pouvoir aux potions. Et une recette est en fait un mélange particulier de magimins, sachant que plus le tout est concentré, plus la potion est forte. Il vous faudra gérer les doses tout en respectant les proportions indiquées afin d’obtenir des recettes de bonne qualité. Des ingrédients avec des propriétés positives (odeur douce, par exemple) augmenteront également vos prix tandis que les propriétés négatives (goût rapeux) le baisseront. Vous pourrez également réduire le temps de cuisson des potions grâce à du combustible pour gagner du temps, améliorer vos outils et votre boutique pour en produire plus, et prendre des commandes groupées à livrer en temps limité. Ouf! Et pour les concours de potions, vous devez tout préparer EN AVANCE! Vous n’aurez pas le temps de vous ennuyer!
Une vraie patte artistique
Potionomics pourrait être une simple succession de menus, ce que ne le rendrait déjà pas si mal, mais l’équipe de Voracious Games a vraiment décidé de mettre les petits plats dans les grands. Impossible passer outre l’aspect visuel du titre, qui propose des personnages expressifs animés dans une très belle 3D, le tout faisant penser à un très bon Pixar, au moins. Ces personnages font vivre l’histoire et on prend plaisir à les voir s’agiter en fonction de leurs humeurs. Chacun est accompagné d’un thème musical fort qui donne à ce petit jeu de gestion un côté extrêmement sympathique et en fait un petit bonbon pour les yeux, et pour les oreilles.
Histoire d’en rajouter, cette édition Masterworks pour Switch apporte quelques ajouts récents et bienvenus. Chaque personnage important a maintenant des dialogues doublés de bonne qualité, et le jeu propose une difficulté facile et difficile en plus du mode normal, mais aussi un mode sans fin, et permet de débloquer la limite du jeu sur les relations amoureuses histoire d’être amoureux de tout le monde en même temps et d’en tirer tous les bénéfices sans aucun inconvénient. C’est qu’ils savent à qui ils ont à faire. Il faut noter d’ailleurs que Potionomics est un petit vent frais d’inclusivité et de présentation de personnages de diverses mœurs sans qu’il en devienne désagréablement politique. En cette époque où la subtilité sur ces sujets semble être un luxe, Potionomics se permet d’être inclusif sans en faire des caisses et sans rabacher une pseudo-morale toxique. Rafraichissant!
Alors que peut-on reprocher à Potionomics? Et bien, son plus grand défaut est en fait inhérent à son genre et à son propos: c’est un jeu de gestion avant tout, et avec un temps limité, ce qui pourra repousser les personnes qui ne sont ici que pour les jolis personnages. Vous devez garder pas mal de choses en tête à tout moment, gérer votre stock, votre temps, vos relations… Même si le mode facile assouplit quelque peu les exigences du titre, il est très possible de perdre très définitivement, et naviguer des menus, même bien habillés, reste quelque chose qui repoussera les allergiques du genre. Quelques défauts liés à maniabilité à la manette sont également présents, comme la perte du curseur à certains moments, et l’interface n’est pas toujours optimisée pour celle-ci, notamment sur l’écran de préparation des potions. On regrettera également que le mode portable n’inclut pas de commandes tactiles, chose qui aurait été pourtant très bienvenue. Finalement, le jeu n’est pas en français, ce qui pourra certainement gâcher la fête pour ceux qui ont du mal avec l’anglais. Et au vu de la dose de lecture à prévoir, c’est quelque chose!