Nintendo Switch

Operencia : The Stolen Sun

Test Switch

Operencia : The Stolen Sun

Par Rubix_Man - Le 26/04/2020 à 09:00

Si vous êtes un habitué des jeux de flipper, peut-être le nom de Zen Studios ne vous est pas inconnu. Ce studio hongrois est le créateur de la série Pinball FX, dont la troisième itération est parvenue jusqu’à la Nintendo Switch en 2017. Délaissant la balle rebondissante pour le Dungeon Crawler, plongeons dans Operencia : The Stolen Sun, un titre au style assurément vieille école.

Attila terrassant le dragon (à la place de Saint-Michel)

?Il y a bien longtemps, Attila, célèbre chef des Huns, affronta l’armée du Monde Souterrain et mit fin à leur tentative de conquête du Monde extérieur. Cette épisode de la vie du légendaire guerrier hongrois, peu connue des historiens, fait pourtant office de prologue pour cette aventure. Inspiré des légendes et des personnages historiques de la culture hongroise, Operencia propose un univers riche, varié et, aspect remarquable du jeu, somptueux. La direction artistique offre des paysages magnifiquement modélisés qui, comme on le dit souvent dans ce genre de situation, caressent la rétine. Les différentes illustrations qui accompagnent le scénario sont, elles aussi, de très bonne facture, adoptant un style réaliste qui colle parfaitement avec l’univers développé ici. Si le portage sur la console Nintendo Switch a forcé les développeurs à revoir à la baisse la qualité des graphismes ainsi que son framerate, cette version reste tout de même assez impressionnante pour une console à moitié portable. Cette esthétique de qualité contribue à rendre l’expérience globale agréable, et paraît être le premier point marquant du jeu.

Pour en revenir au scénario, qui prend une place prépondérante dans toute l’aventure, celui-ci prend donc pour base la mythologie et l’histoire hongroise, mixe le tout et le mélange au monde de l’heroic-fantasy, faisant se rencontrer bandits légendaires et abres parlant, guerriers mythiques et araignées géantes, Attila et dragons à trois têtes. Ce gloubiboulga féérique et enchanteur n’est pas pour déplaire, agrémenté de dialogues de qualité, usant très souvent de l’ironie et du second degré. Les échanges entre les personnages sont nombreux, entièrement doublés en anglais, et “heureusement” intégralement traduits. Si des guillemets viennent faire leur apparition, ça n’est pas un hasard, ni pour faire joli; autant le dire, la traduction de Operencia: The Stolen Sun est une véritable catastrophe. User de Google Traduction ou de Reverso n’est jamais une bonne idée si l’on souhaite traduire un jeu, et c’est malheureusement l’impression qui s’en dégage lorsqu’on met la main sur Operencia.

Cette adaptation en français déplorable nuit gravement à l’expérience globale, car le titre de Zen Studio comporte beaucoup de texte, que ce soit dans l’explication des effets des attaques, ou dans les nombreux rapports collectés au fur et à mesure de votre progression, certains de ces derniers fournissant même des indices quant à la résolution des énigmes ou l’emplacement de certains trésors. Ceci dit sans compter la saveur des dialogues entre les personnages qui s’en retrouve diablement affectée, allant parfois jusqu’au non-sens total. Pire encore, la confection de potions – dont nous reparlerons plus tard – se fait par le biais de devinettes à résoudre fonctionnant sur un principe de déductions à partir d’indices donnés. Par conséquent, un mot de travers et toute l’énigme devient incompéhensible, tant et si bien vous en serez probablement réduit à devoir passer à la version sous-titrée anglaise, en espérant que votre anglais est suffisament bon. Un gros point noir donc, qui vient entâcher la qualité du titre.

Velouté d’old-school nappé de glaçage au next-gen

Operencia: The Stolen Sun se veut résolument old-school et ne s’en cache pas. Si son esthétique léchée (malgré des animations rigides, il faut bien le dire) fait plaisir aux yeux, son gameplay n’en est pas pour autant “remis au goût du jour”. Le déroulement de l’aventure et des combats est extrêmement classique et n’essaie pas de se démarquer particulièrement. Les combattants attaquent chacun leur tour, et le jeu propose une multitude d’options d’attaques, de défenses, d’altérations de statut ou les trois à la fois. Oh, il y a bien quelques propositions, qui ne sont pas inintéressantes pour autant. Prenons par exemple l’aspect tactique des combats. Visuellement, ceux-ci se présentent un peu comme dans la série des Dragon Quest traditionnels – vous ne voyez pas les membres de votre équipe, mais les adversaires qui vous font face - , sauf que cette fois-ci, les ennemis se trouvent sur trois plans différents, leur position ayant une influence sur l’efficacité de vos attaques. Certaines d’entre elles sont adaptées au tir à distance, d’autres favorisent le combat rapproché, ou les deux à la fois.

La confection des potions, dont nous faisions mentions plus tôt, s’avèrent eux aussi bien utiles en combat, soignant votre équipe ou ayant des propriétés offensives, à lancer sur les adversaires. Ces potions doivent avoir été créées préalablement auprès des feux de camp, ces derniers étant primordiaux dans votre quête. Les feux de camp servent à peu près à tout, faisant office, de prime abord, de zone de repos pour soigner vos personnages, ils se révèlent petit à petit être l’équivalent de mini-villages condensés où vous trouverez marchands, points de sauvegarde, hôtels et tables d’alchimie. Attention toutefois, car chaque feu de camp nécessite du bois de chauffage afin d’être utiliser pour soigner les blessures de votre équipe, et ce bois peut être difficile à trouver, ce qui incite à la prudence lors des affrontements.

Qui dit old-school dit souvent difficulté, et Operencia: The Stolen Sun ne fait pas exception à la règle. Au tout début de l’aventure, il est proposé au joueur plusieurs choix binaires altérant l’expérience de jeu, ces décisions façonnant votre parcours (ces choix peuvent être redéfinis en cours de route, ce qui est assez rare dans les RPG). Ainsi la difficulté se trouve être ajustable; vous pouvez choisir, par exemple, de faire en sorte que tout membre de votre équipe dont les points de vie tomberaient à zéro serait définitivement considéré comme mort, et ne saurait donc en toute logique être ramené à la vie, sans pour autant que ce choix implique une difficulté accrue par des ennemis bien plus coriaces. Cela ne veux pas dire pour autant qu’en ayant pris toutes les options les plus facile, Operencia devient une promenade de santé. Les affrontements sont parfois de vrais murs difficiles à surmonter, à cause, entre autres, du côté aléatoire des attaques, car les statistiques sont nombreuses, et la quantité de dommages infligés est souvent comprise entre deux valeurs ayant un écart assez prononcé. Ajoutez à cela la probabilité que votre personnage rate son coup ou que la cible évite l’attaque, et vous obtenez des combats un peu trop imprévisibles.

Une aventure en dent de scie

Habituellement, dans un RPG, lorsqu’un joueur fait face à des adversaires trop puissants pour lui, la solution qui s’offre à lui est ce que l’on appelle communément dans le jargon vidéoludique “farming”, activité fascinante qui consiste à éliminer de nombreux ennemis à la puissance inférieure afin d’accumuler de l’expérience et de renforcer son équipe. C’est là qu’Operencia fait un choix de game design plutôt curieux; en effet, le nombre d’adversaires sur une carte est prédéfini et limité, ce faisant, ces derniers, une fois vaincus, ne reviennent pas, mais alors pas du tout. Il est donc rudement conseillé de scruter chaque recoin de chaque monde afin d’améliorer le plus possible ses compétences, compétences qui sont d’ailleurs à modeler à votre guise à chaque montée de niveau. Ce parti-pris serait sans conséquence si, au cours de l’aventure, il n’était pas possible de se retrouver dans des situations où l’on passe d’adversaires considérés comme mineurs avec 30 points de vie, infligeant des dégâts minimes et ciblés, à de gros mastodontes, eux aussi considérés comme ennemis de moindre importance, mais avec 100 points de vie et infligeant de lourds dégâts à tous les membres de votre bande en un coup.

Pour avancer dans l’histoire et vous divertir entre deux combats, Operencia propose diverses phases d’exploration moyennement intéressantes, agrémentées d’énigmes parfois difficles à résoudre non tant par leur complexité, mais plutôt par leur étrange façon d’être abordée par les développeurs. Passer dans des murs invisibles dont il n’est fait aucunement mention dans le jeu, possédant des éléments nécessaires à votre progression passe volontiers pour une erreur de game design qu’il faut malheureusement pointer du doigt. Conçu initialement pour être joué au clavier et à la souris, certaines énigmes nécessite de la précision et il est dommage de constater que la “deadzone” de la manette ne permet pas d’être aussi précis qu’il le faudrait, rendant la résolution de ces énigmes plus fastidieuses encore.

Après les vingt-cinq à trente heures en moyennes nécessaires pour arriver aux credits de fin d’Operencia, il ressort de cette aventure une légère frustration. Le titre de Zen Studios n’est pas dénué de qualité, loin de là, son univers accrocheur, ses graphismes de qualité, ses dialogues facilitent l’immersion dans ce monde , mais les phases d’explorations sont laborieuses et peu amusantes. L’aspect très aléatoire des affrontements, sans doute inspiré des JDR, peut susciter une frustration certaine et il est indéniable qu’Operencia s’adresse à un public d’avertis, n’essayant pas de se rendre plus accessible aux néophytes. Encore une fois, c’est un jeu au fond résolument “à l’ancienne”, qui n’est donc pas à remettre entre toutes les mains mais qui, si l’on prend la peine de s’y intéresser, offre une aventure tout à fait appréciable malgré son aspect un peu baroque.

 

7
Operencia: The Stolen Sun ne prétend pas être autre chose que ce qu’il est. C’est un RPG old-school et de ce fait, il est difficile, rigide et demande un léger effort pour être pleinement apprécié. Son esthétique et son univers de qualité font du titre de Zen Studios une aventure qui saura plaire à ceux qui sont à la recherche d'un jeu bien à l'ancienne, agrémenté de graphismes à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un jeu sorti en 2020 (du moins sur Nintendo Switch). Si la traduction française aux fraises ne vous effraie pas, vous pouvez tout de même tenter plonger dans cet enfant de la culture hongroise et du monde de Donjons & Dragons, une aventure de très bonne facture, quand on sait à quoi s'attendre.

  • Direction artistique somptueuse
  • Des donjons aux décors variés
  • Le système des de combat, bien pensé...
  • Beaucoup de contenu secret
  • Des personnages et des dialogues bien développés
  • Traduction française épouvantable
  • Des énigmes peu passionnantes
  • ...bien qu'un peu trop aléatoires

Rubix_Man

https://twitter.com/moulinauxbulles
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