Avec Operation Night Strikers, Taito Corporation remet en lumière quatre rail shooters issus de son prestigieux catalogue arcade. Éditée par Clear River Games et disponible depuis le 6 août 2025 sur Nintendo Switch, cette compilation, qui regroupe Operation Wolf (1987), Operation Thunderbolt (1989), Night Striker (1989) et Space Gun (1990) a pour ambition de raviver la nostalgie des joueurs des années 80-90 tout en séduisant une nouvelle génération curieuse de découvrir une époque où la précision et les réflexes régnaient en maître. Mais la question se pose alors : ce voyage rétro est-il aussi plaisant qu’il en a l’air en 2025 ?
Les quatre jeux de la compilation
Le premier titre, Operation Wolf, fut un succès retentissant en 1987 grâce à son pistolet optique et son gameplay nerveux. Le joueur y incarne un soldat solitaire chargé de libérer des otages en tirant sur une multitude d’ennemis qui apparaissent à l’écran. Le concept est simple, mais terriblement addictif : viser vite, tirer juste et éviter de toucher les civils, sous peine de perdre des points. Le jeu, typique de son époque, montre cependant aujourd’hui quelques limites, avec une représentation à la Rambo, donc très basique, des conflits et une mécanique un peu datée. Malgré cela, il conserve une valeur historique indéniable. Sa suite, Operation Thunderbolt (1989), améliore la formule en introduisant le jeu à deux joueurs et une technique améliorée. Les graphismes plus détaillés et l’utilisation du scaling pour simuler la profondeur ajoutent clairement du dynamisme. La possibilité de reprendre exactement à l’endroit où l’on est tombé contre un crédit supplémentaire constituait une vraie innovation pour l’époque, rendant l’expérience plus fluide et moins punitive. Ce second opus est souvent considéré comme l’un des sommets du genre, et il reste agréable à parcourir aujourd’hui grâce à sa nervosité et sa coopération.
Le troisième jeu, Night Striker, tranche radicalement avec les deux premiers. Sorti en 1989, il propose une expérience hybride qui combine des éléments de Space Harrier et d’Out Run. Ici, le joueur pilote un véhicule volant futuriste à travers des environnements urbains et futuriste, avec un système d’embranchements qui permet de choisir différents chemins à la fin de chaque niveau. Cette structure donne au jeu une rejouabilité importante et une identité unique. Cependant, ses contrôles sont très sensibles et l’absence de réticule de visée rendent la prise en main compliquée, ce qui risque de décourager rapidement les plus jeunes d'entre nous.
Enfin, Space Gun (1990) clôt la sélection avec une ambiance radicalement différente, puisant largement son inspiration dans l’univers d’Alien. Ici, il s’agit d’affronter des hordes de créatures extraterrestres dans des vaisseaux et stations spatiales plongés dans une atmosphère oppressante. L’arsenal est plus varié et la possibilité de revenir en arrière ajoute un brin de stratégie. Toutefois, la difficulté est particulièrement relevée : les ennemis encaissent énormément de tirs, ce qui peut rendre le tout bien frustrant. Malgré cela, ce titre se distingue par son atmosphère unique et demeure une curiosité appréciable dans la collection.
Technique, jouabilité et accessibilité
Visuellement, les quatre jeux ont été portés dans leur jus d’origine, sans retouche majeure. Les graphismes en pixel art, typiques de la fin des années 80, restent lisibles et agréables sur nos bonnes vieilles Switch. La technique repose sur des arrière-plans défilants et des effets de parallaxe, une solution ingénieuse à l’époque pour simuler la profondeur et donner du dynamisme à l’action. Chaque titre a sa propre identité visuelle, allant de la jungle militaire de Operation Wolf au futurisme urbain de Night Striker, en passant par l’horreur spatiale de Space Gun. L’ensemble témoigne de la diversité créative des développeurs de l'époque, il faut dire qu'à l'époque il fallait savoir innover un maximum entre deux jeux sous peine de faire un bide. La bande-son mérite aussi d’être saluée. Les musiques électroniques et nerveuses collent parfaitement à l’ambiance des jeux et participent clairement à l’immersion. Les effets sonores, avec leurs tirs secs et explosions métalliques, sont typiques de l’arcade de l'époque et gardent un charme rétro particulier. Même les voix digitalisées d'un autre temps renforcent le côté rétro de la compilation. On sent que les développeurs de M2 ont veillé à restituer fidèlement les sensations originales, sans chercher à les moderniser.
Sur le plan de la jouabilité, les rails shooters classiques comme Operation Wolf ou Thunderbolt conservent une prise en main intuitive et plaisante. La visée via le Joy-Con fonctionne bien et la précision est correcte, même si une dérive occasionnelle peut survenir. Un bouton permet de recalibrer rapidement le réticule, ce qui évite la frustration. Le plaisir de jeu reste donc intact et permet de retrouver les sensations des salles d’arcade, tout en profitant du confort moderne d'une bonne vieille banquette et d'une télé. À l’inverse, Night Striker pose problème. Les commandes du véhicule sont trop sensibles, et l’absence de réticule rend la visée approximative. Les déplacements rapides du vaisseau, combinés à la nécessité d’éviter les obstacles, transforment parfois l’expérience en corvée plus qu’en divertissement. De plus, la tenue du Joy-Con à la verticale pour ce jeu n’est pas la plus ergonomique et peut fatiguer à la longue. C’est clairement le maillon faible de la compilation en termes de jouabilité, et donc de fun même si son système d’embranchements reste original et rafraîchissant. Chaque jeu propose plusieurs versions (japonaises et anglaises), ainsi que des options de difficulté pour tous les niveaux, mais même en facile, les jeux demeurent très durs... Heureusement, les crédits virtuels illimités permettent d’aller au bout des jeux malgré tout, ce qui les rend accessibles même aux joueurs les moins aguerris. On apprécie également la possibilité de jouer en coopération locale dans Operation Thunderbolt et Space Gun, un vrai plus pour retrouver l’esprit convivial des bornes d’arcade à deux.
Contenu et rapport qualité-prix
Sur le plan du contenu, la compilation de base inclut les quatre jeux d’arcade dans leurs versions les plus emblématiques. C’est déjà un joli cadeau pour les amateurs de rétro, surtout que les portages sont techniquement impeccables. Néanmoins, la politique de Taito concernant les versions consoles de salon (NES, Master System, Mega-CD, etc.) fera grincer quelques dents : celles-ci sont verrouillées derrière un DLC facturé 14,99 €. Il aurait été clairement plus judicieux de les inclure de base dans cette compile, ou mieux, comme jeux à débloquer grâce à nos talents. Des collections comme Contra Anniversary Collection ou Wonder Boy Anniversary Collection proposaient leurs variantes régionales sans surcoût, alors qu'ici c'est tout l'inverse. L'éditeur apparaît beaucoup moins généreu que d'autres, voire même trop gourmand. Le joueur qui voudra l’expérience « complète » devra donc payer plus de 35 € au total, ce qui, pour des jeux aussi anciens, nous semble quelque peu abusif.
Malgré cela, le rapport qualité-prix de la version de base reste globalement positif. Pour un peu plus de 20 €, le joueur obtient quatre titres d’arcade marquants, parfaitement jouables sur Switch et fidèlement retranscrits. La possibilité d’y jouer en mode portable comme sur grand écran est un atout indéniable, tout comme la sauvegarde instantanée et la possibilité de charger une sauvegarde rapide. Ces petits conforts modernes suffisent à rendre la compilation agréable et accessible, sans dénaturer l’expérience originale. Mais bon, même si il faudra raquer pour avoir droit à l'ensemble de l'expérience d'origine, Operation Night Strikers se laissera tout de même amplement savouré tel qu'il est. Au moins, ces jeux pourront toujours être joué de façon legit grâce à cette compilation, et on commence à le savoir depuis peu mais il est important de préserver toute -bonne- trace du patrimoine vidéoludique. Ces 4 jeux n’ont peut-être pas la même aura, Night Striker restant un titre de niche, là où Operation Wolf est culte, mais les réunir dans une même compile permet de montrer la richesse du catalogue de Taito et de comprendre l’évolution du rail shooter sur plusieurs années. Un incontournable d'un point de vue purement historique !

