Nintendo Switch

Fractured Minds

Test Switch

Fractured Minds

Par Rubix_Man - Le 23/12/2019 à 08:00

Créé initialement en 2017 à l’occasion du BAFTA Young Game Designers, Fractured Minds propose de se mettre dans la peau d’une personne souffrant de troubles mentaux. Un thème difficile et délicat, abordé ici par une jeune développeuse (âgée de 15 ans lors de la création), Emily Mitchell. Approchée par l’association Safe in our World et éditée par Wired Productions, le jeu est maintenant disponible sur plusieurs supports, dont la Switch. L’immersion est-elle convaincante? Votre dévoué serviteur est là pour vous donner sa propre opinion.

Tu parais soucieuse, Véronica…


Afin de nous plonger dans la vie douloureuse et torturée d’une personne souffrante, Fractured Minds nous emmène à travers six chapitres, présentant des situations plus ou moins abstraites, des scènes du quotidien, des cauchemars voire des hallucinations. Le titre utilise ce que l’on a maintenant l’habitude de voir lorsqu’un jeu-vidéo souhaite se montrer angoissant et c’est là le premier point faible du jeu. En effet, pour peu qu’on soit ne serait-ce qu’un peu habitué à ces artifices, c’est du vu et revu. Tout au long de l’aventure (extrêmement courte, mais nous y reviendrons plus tard), par exemple, vous rencontrerez un personnage ressemblant fortement au fameux SlenderMan, célèbre figure des Creepypasta. Changements de décor inattendus (mais prévisible), inscriptions sur les murs, apparitions soudaines… Il est visible que Fractured Minds souhaite installer un climat angoissant, inhospitalier. Honnêtement, sur le début, c’est relativement efficace. Seulement; l’immersion est rapidement rendue difficile et nous en arrivons au deuxième défaut , à savoir le gameplay. Fractured Minds est une aventure en vue à la première personne principalement orienté sur la narration et l’implication du joueur réside dans la résolution d’énigmes très simples n’ayant malheureusement pas toujours un grand rapport avec le trouble de notre avatar (ou bien chercher à cliquer sur le dos d’inconnus dans la rue est un symbole lourd de sens m’ayant échappé). Ces dernières pourraient être particulièrement abstraites, si seulement elles étaient divertissantes, mais elles ne parviennent même pas à être intrigantes. Les capacités de notre personnage sont réduites au strict minimum: se déplacer, changer l'angle de vue, et un bouton “d’action” permettant de saisir les objets, ouvrir des tiroirs, etc. Dans ce genre de jeu, il n’est pas nécessaire d’avoir davantage de commandes, mais la caméra s'avère être lente, très lente, rigide, et nous rappelle constamment que nous jouons à un jeu vidéo, ce qui ne favorise ni l’immersion ni l’empathie envers les personnes souffrantes.

Le jeu semble également imprécis dans ses contrôles voire bugué, particulièrement lors du dernier chapitre ou par deux fois il m’a semblé avoir réussi l’énigme par le fait du hasard. Un troisième point faible vient ternir le tableau, ce sont les graphismes. Je suis très loin d’être un amateur de la course à la performance quelle qu’elle soit et un jeu aux graphismes maladroits ou laids peut, malgré tout, avoir une direction artistique qui lui sera propre. Five Nights at Freddy’s, Space Funeral, Fancy Pants ou même Minecraft sont autant de jeu qui, malgré leur apparence pouvant rebuter, parviennent à tirer leur épingle du jeu d’un point de vue strictement graphique car ils ont une identité assumée. Ici, tout semble fade et impersonnel, et peut-être dira-t-on que cet effet est intentionnel, pour ma part je le mets sur le compte du manque d’expérience d’Emily Mitchell en la matière. A cela, rajoutons que le jeu se paie des chutes de framerate particulièrement remarquable lors du dernier chapitre, ce qui nous empêche encore une fois de prendre le jeu au sérieux. Ce ne serait pas si important si le gameplay aidait à se plonger dans le scénario, mais, comme nous l’avons expliqué plus tôt, tel n’est malheureusement pas le cas et c’est bien dommage car le sujet traité pourrait trouver un intérêt tout particulier dans le jeu-vidéo. En effet, le domaine vidéoludique possède un puissant pouvoir immersif puisque par essence, il implique la participation du joueur. Malgré cela, il nous reste la narration et nous pouvons espérer que, de ce point de vue là, le résultat est au rendez-vous.

Une maladresse tant sur la forme que sur le fond

Car c’est tout de même là l’argument principal de Fractured Minds. Comme dit précédemment, le jeu est découpé en six chapitres. Comprenez que chaque chapitre constitue un seul niveau, les plus longs pouvant prendre six minutes à être terminés. Comptez d’ailleurs une demi-heure environ pour voir la fin du jeu. S”il est possible de faire passer énormément de choses en quelques minutes, voire quelques secondes, l’expérience qu’offre Fractured Minds n’a de puissance potentielle que si je pense aux circonstances de la création du jeu et à l’âge qu’avait Emily Mitchell lors du développement du jeu, et je me vois obligé d’user de la première personne car mon ressenti est forcément personnel, et dans un jeu qui touche aux émotions négatives, l’impression que l’on a a bien plus de chances de différer de celle des autres. Tout, dans cette aventure, rappelle l’adolescence et le mal-être, mais à l’insu de l’auteure. Des graphismes maladroits au faux Slenderman, aux effets prévisibles jusqu’au piano empli de tristesse, Fractured Minds m’a fait suggérer que le développeur du jeu avait 15 ans avant même que je ne me renseigne sur l’histoire de son développement. Aussi peut-on avancer que d’un certain point de vue, l’oeuvre d’Emily Mitchell remplit ses fonctions puisqu’il m’a rappelé le malaise que peut ressentir un adolescent mal dans sa peau, mais ce dont traite Fractured Minds et ce qu’il m’évoque sont deux choses différentes; les différents points énoncés plus haut montrent la difficulté à éprouver des sentiments forts tout au long du jeu et les chapitres manquent par trop de puissance dans leur développement pour susciter un véritable questionnement chez le joueur. Parler de l'anxiété sévère, de front, ne suffit pas pour créer un impact, en tout cas, pas chez moi.

Des jeux comme The Stanley Parable, Doki Doki Litterature Club, Undertale; utilisent des chemins bien plus audacieux et exploitent de manière très intéressante le média vidéoludique. Fractured Minds, par son choix de gameplay, par son développement, par sa direction artistique, par son fond, ne fait que toucher du doigt le sujet qu’il traite. Bien sur, plusieurs facteurs peuvent jouer sur notre opinion, l'âge d'Emily Mitchell au moment de la création du jeu, le fait que ce soit sa première oeuvre publiée... Mais si l'on prend le jeu pour lui-même? Si l'on ne connait pas tous ces paramètres? Un joueur lambda vaguement intéressé se retrouvera avec un jeu fini en trente minutes, sans avoir probablement ressenti autre chose qu'un vague frisson, et peut-être une certaine empathie. Mais, pour presque la même somme, je conseillerais au moins Downwell ou, si vous avez un oridnateur, Doki Doki Litterature Club, qui possède un fond particulièrement fort qui traite, à sa manière, de la folie et de la dépression. Ainsi, malgré sa bonne volonté évidente et son prix très bas (1,99€), Fractured Minds n’a pas suffisamment d’arguments pour valoir le détour.

 

3.5
Au final, tout dépend de la manière dont on considère les choses; lorsqu’une personne que vous appréciez, quelle qu’elle soit, vous montre une de ses créations, votre opinion aura de fortes chances d’être plus indulgente. Il en va de même pour Fractured Minds. Vous pouvez tenter l’expérience en gardant en mémoire que vous vous trouvez face à la première création d’une adolescente de quinze ans. Mais si vous prenez ce jeu sans ce paramètre, sans prendre en compte que la majeure partie des revenus sera reversée à une association, il y a de fortes chances pour que vous ressortiez déçu de votre demi-heure passée devant Fractured Minds, qui ne fait qu’égratigner la surface d’un sujet vaste et complexe.

  • Les deux premiers chapitres, intéressants
  • Une bonne volonté évidente
  • Le prix (1,99€)
  • Très, trop court
  • Narration pas assez développée
  • Une impression de déjà-vu
  • Jouabilité rigide
  • Performances instables
  • Direction artistique impersonnelle

Rubix_Man

https://twitter.com/moulinauxbulles
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