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Charade Maniacs

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Charade Maniacs

Par Miki-Daisuki - Le 28/06/2023 à 08:00

Sorti en 2018 sur PS Vita exclusivement au Japon, l’otome game développé par Idea Factory via sa branche consacrée au genre, otomate, s’offre une sortie sur Nintendo Switch et une traduction anglaise pour ce mois de juin 2023.  Au sein de ce visual novel aux accents futuristes, aidez une jeune femme et ses neuf camarades d’infortune à échapper au mystérieux monde d’Arcadia régi par un mystérieux individu.

Bienvenue à Arcadia

Terre. 2148. A l’heure où l’on évoque déjà ses vacances d’été, Hiyori Sena est une jeune femme occupée. Sœur ainée d’une fratrie marquée par des parents absents, sa vie est rythmée par la sonnerie du lycée et les diverses tâches que son rôle de mère de substitution demande. Un beau jour, la voilà soudainement enlevée et propulsée avec son ami d’enfance dans une ville inconnue avec huit autres personnes aussi désarçonnées qu’eux. L’instigateur de tout ceci : un mystérieux personnage se faisant appeler « le directeur », qui leur apprend qu’ils se trouvent dans un autre monde : Arcadia. S’ils veulent rentrer chez eux, les participants devront endosser les divers rôles prévus par la production afin de jouer des scènes de séries télévisées visibles via un canal cible de toutes les rumeurs, « le stream de l’autre monde ». Au sommet de la pyramide des décisions : un certain « producteur », chapeautant tout le projet. Soudés par un objectif commun, les dix participants verrons leur cohésion bientôt mise à mal par une révélation inattendue : le producteur est parmi eux.

À la lecture de ce synopsis, l’on peut voir que deux éléments tiendront une place particulièrement importante dans le scénario : la recherche du traître, présent dans le groupe ; et les saynètes, ces petites représentations filmées et diffusées en direct où quelques participants choisis a priori au hasard devront jouer la comédie en suivant le script laissé par la production. Dès le départ, le jeu insiste lourdement sur leur importance : ne pas suivre le script, refusé de jouer, ou mal le faire, sont autant de comportements qui peuvent influer sur le nombre de points recueillis par les acteurs à la fin de la scène. Ces points, accordés par les « viewers », et plus ou moins élevés selon leur degré de satisfaction, sont directement liés au sort des participants. En avoir permet de réaliser tous ces souhaits, y compris celui de rentrer chez soi. En perdre ou ne plus en avoir peut mener au mieux, à recevoir une punition, au pire, à la « dead end », la mort. 

Si la recherche du producteur est intéressante à suivre et que le suspens quant à son identité reste palpable jusqu’à la fin, on ne peut pas en dire la même chose de cette histoire de série TV. En effet, si leur existence est indispensable au scénario, son intérêt pour nous est beaucoup plus discutable. D’abord, parce que les développeurs ont, à l’instar de tout le reste du jeu, totalement écarté le joueur de ces phases. Vous espériez avoir un minimum d’impact sur le nombre de points accumulés en fonction de vos choix de dialogues ? Raté. L’on devra ici se contenter de passer mollement les textes, là où il y avait pourtant matière à nous inclure, même un peu, dans le processus. Ensuite, parce que leur contenu frise le néant. Aussi inintéressants par leurs dialogues d’une pauvreté affligeante, qu'oubliables par leur trop grande brièveté, l’on se demande sérieusement pourquoi le titre en a autant fait avec ces événements qui, au terme de plusieurs dizaines d’heures de jeu, ne représentent finalement que quelques minutes en plus de presque totalement s’effacer au fur et à mesure du temps.

Ce qui nous fait constater que, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, Charade maniacs est un visual novel dans le sens le plus brut de sa définition : un roman vidéoludique, dont le but est de passer des quantités de lignes de texte avec parfois des choix censés nous mener à différentes branches scénaristiques. Pour toutes les découvrir, il faut généralement recommencer des pans entiers du jeu, particularité du genre palliée ici par le système de « Flow chart », qui  permet de visualiser en amont les différents segments de scénario possible, et ainsi revenir sur un embranchement précis quand on le souhaite. Une bonne idée en soi qui a surtout le don de démontrer visuellement à ceux qui en doutaient encore que le titre s’est bel et bien contenté du minimum syndical. Chaque petit choix effectué ne nous fournira ainsi au mieux que quelques informations supplémentaires avant de rejoindre très rapidement le segment principal du scénario, lequel aurait donc finalement très bien pu se passer de notre intervention. Au final, un seul choix aura un impact sur le déroulé de l’histoire, ce qui fait quand même très peu pour un genre dont l’intérêt principal réside justement dans ce genre d’options.  

Cette succession de désillusions est d’autant plus frustrante que le scénario principal, prit indépendamment de tout le reste, est très plaisant à suivre. En effet, quitte à être passif et accepter de le rester jusqu’à la fin, le joueur pourra compter sur ces pavés de textes pour le faire entrer dans un univers suffisamment riche et travaillé pour lui donner envie d’en connaitre le fin mot. Il y a bien sûr quelques longueurs, mais le jeu distille relativement bien les révélations tout au long du récit pour conserver notre curiosité et au final nous livrer une intrigue intéressante qui allie scènes banales du quotidien et enquête sur fond d’action/SF qui fonctionne plutôt bien. Les personnages, bien que manquant de profondeur en raison de leur nombre important, restent suffisamment attachants pour que l’on souhaite en apprendre davantage sur eux, surtout que certains semblent avoir beaucoup de choses à cacher. Leur doublage y est aussi pour beaucoup dans ce constat de sympathie, ce qui rend peut-être d’autant plus flagrant le manque de présence de l’héroïne qui n’a pas eu droit au même traitement de faveur, en plus d’avoir une personnalité tellement banale qu’elle s’efface totalement au profit du casting masculin. Et ce n’est pas la seconde partie du jeu, consacrée aux segments amoureux, qui va arranger les choses.



La villa des cœurs brisés

Et l’amour dans tout ça ? Etant dans un jeu estampillé « otome », l’on est droit de se poser la question. Et l’on va se la poser longtemps. En effet, avant de se diriger vers la « route » de l’élu de notre cœur, il faudra passer par la traditionnelle « route commune », censée le plus souvent nous aider à développer un début de relation avec un personnage que l’on étoffera par la suite. Sauf que dans Charade Maniacs, aucune « barre d’affection » et autre mécanique servant à nous renseigner sur l’état de nos sentiments, n’existe. On se contentera donc de cliquer sur le garçon désiré pour déclencher sa route, et ce, alors qu’Hiyori n’aura jamais manifesté le moindre intérêt pour ce personnage particulier et vice-versa. L’efficacité est garantie, la crédibilité, un peu moins.

Autre point qui nous fait déchanter : le fait qu’il soit tout bonnement impossible de connaitre la « vraie fin » de l’histoire sans avoir emprunté toutes les routes. Fidèle à sa logique d’éparpillement des informations, le titre va donc nous obliger à tester tout le casting masculin, servant, en plus d’une vision discutable du rôle d’Hiyori, des amourettes très inégales, qui va du « mignon » au « totalement forcé » avec une héroïne tombant en pâmoison par l’opération du saint esprit. Une vision bien spéciale du genre qui nous fait dire qu’il aurait peut-être mieux valu pour le titre soit de se contenter d’être un visual novel classique qui ne chercherait pas à ajouter maladroitement une couche de romance là où l’histoire n’en avait pas besoin ; soit assumer pleinement son genre et mieux répartir son temps entre la route commune et celles des personnages, lesquelles se révèlent bien trop courtes pour être pleinement satisfaisantes. Comptez ainsi aux alentours de trois heures par personnage, là où la route principale en aura compté plus de dix.

Simple. Basique. Sauf la musique

Variés et plutôt jolis, les décors offrent une belle vision de l’univers futuriste du titre, même si l'on aurait aimé voir davantage ces technologies du futur. S’agissant du chara design, l’on obtient ici aussi ce qui se fait habituellement dans le genre, comprenez une galerie de beaux gosses représentant à peu près tous les goûts en termes de personnalités. Dans cet ensemble où le classique règne en maître, une chose attirera sans aucun doute par sa qualité irréprochable : la musique. Qu’il s’agisse de son ambiance mélancolique, nerveuse ou inquiétante, le titre brille par une composition musicale extrêmement bien exécutée, et qui compte pour beaucoup dans le côté très immersif de ce titre qui surprendra parfois par ses tournants fantastiques, et même humoristiques. 

5
Suivant scrupuleusement la définition du visual novel, Charade Maniacs est semblable à un roman dont on se contentera de tourner frénétiquement les pages en attendant la suite des évènements. Si ce parti pris a l’avantage de servir une intrigue finalement bien exécutée, efficace et parfois surprenante, il exclut le joueur de la maitrise d’un scénario qui fonctionnerait tout aussi bien sans lui. Côté histoires d’amour, ce n’est guère mieux, celles-ci étant reléguées au second plan en plus d’être pour la plupart complètement tirées par les cheveux. Le titre pourra cependant remercier le capital sympathie de ses personnages et la qualité remarquable de ses musiques, qui lui évite de justesse la catégorie « à fuir ».

  • De très bonnes musiques
  • Une histoire intrigante
  • Possibilité de rejouer des scènes précises
  • Aucune autre interaction que le passage de textes
  • Des choix inutiles sur le déroulé du scénario
  • Des histoires d'amour trop courtes et peu crédibles
  • Une héroïne clichée
  • Les passages de série TV qui coupent plus le récit qu'il ne le sert
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