Nintendo Switch

Call of the Sea

Test Switch

Call of the Sea

Par babidu - Le 07/10 à 17:00

Il y a des jeux qui ne cherchent pas à rivaliser avec les mastodontes de l’action, ni à se mesurer à des mondes ouverts tentaculaires remplis d’objectifs et de quêtes secondaires. Non, certains titres choisissent une autre voie : celle de l’ambiance, du mystère, et d’une progression qui privilégie la réflexion à la rapidité. Call of the Sea, premier projet du studio madrilène Out of the Blue, appartient à cette catégorie rare de jeux narratifs où chaque pas nous rapproche d’un secret enfoui, où chaque énigme résolue dévoile une facette supplémentaire d’un récit bien plus inquiétant qu’il n’y paraît au premier abord.
Sorti initialement sur PC et consoles en 2020, il débarque aujourd’hui sur Nintendo Switch dans une version qu’on pourrait qualifier "d’honnête", mais qui n’atteint pas le niveau visuel de ses aînées. Pourtant, malgré ce downgrade graphique, le cœur du jeu reste intact : une expérience qui mêle contemplation et casse-tête, et qui plonge ses racines dans l’univers du maître de l’horreur cosmique, H. P. Lovecraft. Etant moi-même grand fan de cet auteur, je n'ai pu qu'apprécier et l'effort d'adaptation et l'ambiance du titre.
Je l’avais fait à sa sortie et j’avais adoré cette atmosphère étrange et envoûtante, avec ses énigmes retorses qui m’avaient poussé à sortir un carnet pour tout noter. Revenir dessus aujourd’hui sur Nintendo Switch a ravivé ce souvenir, comme si je replongeais dans une nouvelle que j’avais déjà lue, mais dont je redécouvrais les passages oubliés.

Test réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur.

Une aventure sous le signe de l’étrangeté

L’histoire nous met dans la peau de Norah Everhart, une femme atteinte d’une maladie étrange qui laisse des marques visibles sur sa peau et l’épuise peu à peu. Dès les premières minutes, une simple séquence d’enfilage de gants illustre parfaitement son état tout en nous mettant directement dans l’ambiance. Son mari, Harry, est quant à lui parti en expédition dans l’espoir de trouver un remède… mais n’est jamais revenu. C’est donc à vous de suivre ses traces pour comprendre ce qui lui est arrivé, ainsi qu’aux membres de son expédition mystérieusement disparus. Dès ses premiers pas sur l’île, on comprend que ce lieu n’a rien d’ordinaire. Derrière les paysages tropicaux de carte postale se cachent des ruines ancestrales, des fresques étranges et des mécanismes qui témoignent d’une civilisation disparue. Les indices laissés par l’expédition de Harry ne font qu’ajouter à l'ambiance et tissent naturellement une trame narrative à suivre en plus de la trame globale. Visuellement c'est fort, dépayssant et très approprié pour l'ambiance Lovecraftienne, et ce même avec la technique moins époustouflante sur la petite console hybride.

Peu à peu, le récit se transforme en une descente vers l’inconnu, où le fantastique prend le pas sur la simple enquête. Les visions de Norah, ses rêves troublants, et les symboles aquatiques omniprésents laissent deviner que la maladie qui la ronge pourrait être liée à quelque chose de bien plus grand, de bien plus ancien. Le joueur, lui, est tiraillé entre fascination et inquiétude, exactement comme dans une nouvelle de Lovecraft. On pense évidemment au Cauchemar d’Innsmouth et à Dagon, où la mer devient le théâtre d’une révélation insoutenable avec son lot de mystères et de secrets bien amenés. Ici, nous ne sommes pas dans la simple citation mais plutôt dans la réappropriation d'un style et l'adaptation bien pensée d'une oeuvre papier dans un autre média. Comprenez moi bien, il ne s'agit pas ici d'une adaptation vidéoludique du Cauchemar d'Innsmouth mais plutôt d'une relecture, en tout cas dans son propos, malgré un changement total de lieu.

Les énigmes, un défi pour l’esprit

Mais Call of the Sea n’est pas qu’un récit, c’est aussi un jeu d’énigmes, et pas des moindres. On pourrait le voir comme un point’n’click sans écran fixe dans lequel on se déplace librement, ou comme un walking simulator blindé de puzzles si vous préférez. Attention cependant : ici, pas de solutions toutes faites, pas de tutoriel déguisé pour vous mettre sur la voie. Chaque casse-tête demande d’observer l’environnement, de prendre des notes, de relier les indices disséminés pour reconstruire une logique souvent très subtile. Certains passages marquent durablement. L’orgue marin, par exemple, où il faut jouer avec les sons des vagues pour comprendre un mécanisme ancien basé sur des tonalités, est un sommet de difficulté et d’ingéniosité. Le puzzle des constellations, lui, mettra à l’épreuve votre sens de l’observation et votre patience. Sans oublier ces séquences où l’on doit déchiffrer des glyphes ou manipuler des symboles, chaque détail visuel ou sonore pouvant faire office d’indice.

Ce n’est pas un jeu qui prend le joueur par la main, et c’est ce qui fera sa force pour les uns, sa faiblesse pour les autres. On avance en tâtonnant, parfois avec frustration, mais quand la solution se révèle, la satisfaction est immense. C’est le genre de jeu qui donne envie d’avoir un carnet à portée de main pour griffonner des schémas, reproduire des motifs, ou noter des hypothèses. Un plaisir un peu old-school, à une époque où la plupart des productions préfèrent simplifier pour ne pas perdre le joueur. Ici, au contraire, on assume une vraie exigence intellectuelle. C’est d’ailleurs ce que j’avais ressenti à la sortie : parfois bloqué, parfois agacé, mais toujours happé par l’envie de continuer, jusqu’à ce que la logique s’éclaire enfin. Et là, c’est vraiment le moment “Eurêka !”, comme dirait l’autre.

Un conte de beauté et malaise

L’un des charmes de Call of the Sea réside aussi dans sa direction artistique. L’île est splendide, avec ses plages, ses forêts luxuriantes, ses cascades et ses lagunes. Mais cette beauté se fissure progressivement pour laisser place à un tout autre jeu. La palette de couleurs s'assombrit,  l’architecture se déforme et les environnements deviennent de plus en plus inquiétants. Ce contraste entre le rêve tropical et le cauchemar lovecraftien est l’une des grandes réussites du jeu. Sur Nintendo Switch, il faut reconnaître que le rendu n’a pas la même intensité. Les textures sont simplifiées, certains effets de lumière ont disparu, et globalement l’image est moins nette. Pourtant, la direction artistique parvient à transcender ces limites. Même diminuée, l’île garde son charme, et les environnements continuent à susciter ce mélange de curiosité et d’appréhension.

L’aventure de Norah peut se boucler en six à huit heures, selon votre habileté à résoudre les énigmes. On est donc face à une expérience relativement courte, surtout comparée aux standards actuels. Mais là encore, tout est une question de perception : Call of the Sea s’apparente davantage à une nouvelle interactive qu’à un roman-fleuve. On le vit intensément, puis on en garde le souvenir.Personnellement, j’ai eu la même impression qu’à ma première partie : un voyage compact mais marquant, qu’on n’oublie pas même plusieurs années après. En revanche, le refaire s’avère évidemment moins fort. Une fois les énigmes connues et l’histoire révélée, l’effet de surprise disparaît et il n’y a plus vraiment de raison d’y revenir. Mais ce n’était pas l’ambition de Call of the Sea : le jeu veut offrir une expérience unique, intense, et marquée par son ambiance plus que par sa rejouabilité.

Le portage Nintendo Switch : entre compromis et confort

Sur Nintendo Switch, Call of the Sea se présente donc dans une version visuellement en deçà. On sent que le hardware a imposé ses limites : textures floues, détails gommés ou framerate un peu moins élevé. Pourtant, la bonne nouvelle, c’est que le jeu reste parfaitement jouable. Il tourne correctement, sans ralentissements majeurs, encore une fois à un framerate diminué par rapport à la version originale du jeu et conserve l’essentiel de son atmosphère. En mode portable, le titre prend même une saveur particulière : s’immerger dans ce récit mystérieux en jouant dans le noir, avec des écouteurs, renforce encore le côté intimiste et inquiétant de l’expérience. Oui, ce n’est pas aussi beau que sur les autres plateformes, mais il y a une forme de cohérence dans cette version “de poche” qui accompagne bien le propos du jeu. Bien sûr, on aurait aimé qu’il existe déjà une Nintendo Switch 2 pour offrir une version techniquement équivalente à celles sorties il y a quelques années. Peut-être que cela viendra dans un futur proche, et que Call of the Sea retrouvera alors toute sa splendeur. Mais en attendant, il faut se contenter de ce compromis : pas parfait, mais honnête.

7.5
Call of the Sea est un jeu qui ne plaira pas à tout le monde. Sa lenteur, sa difficulté et sa durée réduite pourront frustrer certains. Mais pour ceux qui aiment les récits mystérieux, les énigmes retorses et les atmosphères inspirées de Lovecraft, c’est une petite perle. Ce portage Nintendo Switch ne rend pas pleinement justice à son potentiel artistique, mais il conserve l’essentiel : l’immersion, l’atmosphère et le plaisir intellectuel. Une aventure atypique, imparfaite mais marquante, que j’avais adorée à sa sortie et que j’ai pris plaisir à redécouvrir.

  • Une ambiance lovecraftienne captivante, entre exotisme et horreur cosmique
  • Des énigmes exigeantes, logiques et gratifiantes une fois résolues
  • Une direction artistique marquante, même affaiblie techniquement
  • Une narration immersive qui pousse à découvrir la vérité
  • Techniquement en retrait sur Nintendo Switch
  • Une aventure assez courte, avec peu de rejouabilité
  • Quelques puzzles pourront décourager les moins patients
  • On aurait aimé une version Nintendo Switch 2 au niveau des autres plateformes
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