Les petits artisans de chez Capcom, toujours prêts à donner leur avis sur les pratiques faciles et lucratives de leurs concurrents, sont encore fiers de scander en cœur à qui veut l'entendre « la Wii U mérite des jeux originaux et pas des portages faits à l'arrache ». On comprend leur frustration : non contents de payer des sommes mirobolantes en recherche et développement, il faut en plus qu'ils soient les seuls à le faire. Et entre l'annonce de Resident Evil Revelations sur Wii U et le double remake de Monster Hunter 3, on peut dire qu'ils ont de quoi être exigeants envers les autres. Capcom, délivre-nous du mal.
Si l'intention est louable, elle part néanmoins d'un postulat de base biaisé. Le mal dont pâtit la Wii U, ce n'est pas tant les remakes / portages que leur remarquable absence, au même titre d'ailleurs que celle des jeux originaux, qu'après maintes promesses des éditeurs on attend toujours. Que les plus empathiques se rassurent, les charts ont confirmé que ceux à en souffrir sont peu nombreux. Pour autant, ce n'est pas pour ça qu'il faut les abandonner. Et malgré toute l'ironie dont on peut faire part et le statut particulier de cette version extra extra complète de Monster Hunter 3, sa sortie et celle de LEGO CITY : Undercover sur Wii U en mars paraissent providentielles. Si sur 3DS, on peut encore réfléchir quant à son achat, Luigi's Mansion 2 et Castlevania sortant dans le même laps de temps, sur console de salon, celui-ci paraît donc pratiquement obligatoire pour les connaisseurs, la valeur étant sûre à défaut d'être originale.
Là, maintenant, vous incarnez un chasseur, engagé pour stopper les graves séismes de l'île sur laquelle on vous a extradé en abattant le Lagiacrus, un monstre terrifiant. Par quels moyens quasi-religieux la licence parvient-elle à brasser à chaque fois un public aussi large, avec un pitch aussi naze ? Le mystère reste entier mais on imagine que son système de combat absolument dantesque n'y est pas innocent. Et on aura beau dire, c'est finalement le plus important dans ce jeu. Aussi curieux que cela puisse paraître aux non-initiés, Monster Hunter n'est pas un vulgaire jeu d'action où l'on massacre du démon, comme on respire. C'est en quelque sorte une simulation de chasse au mastodonte dans laquelle chaque coup doit être médité et réfléchi ; les contre-attaques de nos ennemis punissent amèrement tout excès de confiance en soi. Les personnages sont (très) rigides et (très) lourds, et tous les monstres un peu costauds pourront mettre une bonne trentaine de minutes avant d'être terrassés pour la première fois. Pourtant, derrière son aspect guindé et sa gestion de la caméra inexistante, sinon, catastrophique, le gameplay n'a bizarrement plus besoin de faire ses preuves : il est formidable.
Pour faire tomber les wyverns et compagnies, tout un arsenal est mis à votre disposition... à condition que vous ayez les moyens de vous le fabriquer. Une quinzaine de type d'armes répond maintenant à l'appel, soit bien plus que dans le précédent épisode paru sur Wii. Comme à l'accoutumée avec les jeux nippons, on passe du très conventionnel à du beaucoup plus excentrique. Les débutants pourront se faire la main avec l'épée et le bouclier, un combo idéal pour débuter, qui laisse une bonne liberté de mouvement et la possibilité de se protéger mais les plus aguerris se tourneront immanquablement vers un armement plus original. On pensera évidemment à la morpho-hache capable de se transformer en épée pour plus de puissance, ou encore à la lanceflingue, qu'on ne vous fera pas l'injure d'expliquer. Il y a autant d'armes que de façon de jouer et d'appréhender les ennemis. Sniper à distance, c'est possible : l'arc et les nombreux modèles de fusarb' vous y autorisent. Vous cherchez à soutenir votre équipe ? La corne de chasse, non contente de se parer d'un physique surréaliste, trouve tout son sens grâce aux buffs puissants qu'elle peut dispenser à vos alliés. Tout le monde y trouvera son compte, il y a autant d'armes que de manière de vaincre les monstres, et autant de monstres qu'il y a de façons de jouer... ou de mourir.
Cela étant dit, mettre au tapis un léviathan dix fois plus gros que son personnage n'a rien d'une sinécure et vous aurez grand besoin de tous les objets secondaires possibles pour vous aider. A moins d'être habité par le Dieu vengeur du jeu vidéo, il sera difficile de se passer des kits de premiers soins et des méga-potions. Vous allez rencontrer des dragons cracheurs de feu, des sangsues géantes capables de vous empoisonner à chaque attaque, des créatures monolithiques qui peuvent vous engluer dans des boules de boue pour vous rendre inapte au combat... Et que seraient ces features si leurs attaques ne faisaient pas en plus effroyablement mal ? Chaque monstre est unique et même les sous-espèces ont des mouvements assez différents des originaux pour qu'on soit parfois obligé de revoir sa stratégie. Faites abstraction de votre orgueil mal placé et n'hésitez pas à fuir pour éparpiller sur le terrain de la viande empoisonnée ou des fosses piégées. Bénéficier de précieuses secondes durant lesquelles vous pourrez vous adonner sans risque à l'écrasement de faciès avec votre marteau, ça vaut bien le sacrifice de sa fierté. Les monstres du reste, sont honorablement modélisés, et leurs animations très réalistes (pour peu qu'on puisse parler de réalisme face à un dragon-sardine ou à une loutre-éponge géante) sont le seul indicateur de leur état physique. Furax, ils soufflent. Fatigués, ils bavent. Mourants, ils boitent et chercheront à se reposer. Sachez d'ailleurs que s'acharner sur une partie spécifique du corps d'un animal est amplement récompensé : taper dans ses jambes finira par le faire tomber, les coups à la tête le sonneront et on peut même lui couper la queue avec un peu de bonne volonté. Pour le coup, la localisation des dégâts est exemplaire.
Bien entendu, tout n'est pas parfait et si le jeu paraît hermétique au grand public, c'est sans doute parce que les développeurs tiennent décidément toujours, à garder certaines habitudes pourries. On pensera évidemment au découpage de chaque map en petites zones entrecoupées d'un chargement, heureusement fort court. Si c'est pratique pour se repérer, on a trouvé largement plus immersif depuis pour envoyer du rêve et simuler de grandes plaines. Et comment ne pas crier sa frustration quand un monstre refuse de bouger de la frontière qui fait passer d'une zone à une autre, nous empêchant purement et simplement de l'atteindre ? Le pire se situe peut-être au niveau des explications sur le fonctionnement du jeu, qui sont dispensées à l'arrache par des pnj insignifiants. Les mécanismes ne sont pas forcément compliqués mais ils sont invariablement mal expliqués. Au demeurant, le joueur n'est pas aidé par les bonnes vieilles traductions foireuses made by Capcom : quoi de plus logique que de mettre un item dans son inventaire en sélectionnant l'option "supprimer objet" sur son coffre après tout ? Et mention spéciale à la validation de mission qui se conclue par un magnifique tampon estampillé d'un "Quête Succès" rudimentaire et primitif. Ai-je oublié de préciser qu'en sus, la police d'écriture est infâme ?
Pour autant, le titre suit un déroulement logique qu'il est prêt à rabâcher durant des centaines d'heures sans se sentir le besoin d'en modifier la formule. On commence par aller chercher une quête au village, on tue le gros monstre, on récupère quelques ressources sur lui, qui nous permettront de craft' notre nouvelle arme, et on recommence. Rien qui n'effrayera les amateurs de MMORPG mais mieux vaut être prévenu. Si vous êtes allergiques au farm, vous feriez mieux de vous abstenir : le principe de base de Monster Hunter est par nature passablement répétitif... Mais l'appel du stuff est plus fort, beaucoup plus fort. Heureusement, les environnements explorés sont variés, faute d'être très nombreux. Évidemment, les cartes suivent à chaque fois un grand thème schématique : une montagne très froide sur laquelle votre endurance est mise à mal, un volcan capable de faire chuter votre vie à vue d'oeil... Les ennemis rencontrés changent bien sûr selon les décors et ont même généralement leurs zones de prédilection, dans laquelle ils iront se nourrir en cas de coup dur. Malgré un petit manque de folie, la direction artistique fait tout de même bien souvent mouche ; on finira par la trouver plutôt classe, notre île, avec toutes ses anciennes ruines éparpillées aux quatre vents. Et nouveauté issue de la Wii : les maps affichent maintenant des zones sous-marines à visiter dans lesquelles la maniabilité et la caméra se font encore plus strictes qu'à la surface. Quant aux monstres amphibies, une fois humectés, ils gagneront une fois de plus en vélocité. Comment un développeur sain d'esprit a t-il pu choisir d'infliger ça volontairement à ses clients ? Je n'en ai aucune idée, mais inexplicablement, je me suis surpris à commencer à apprécier – enfin tolérer - ces passages qui m'étaient insupportables sur le jeu d'origine. Syndrome de Stockholm sans doute.
Côté technique, Nintendo pourra brandir MH3U avec arrogance pour faire taire les mauvaises langues. Oui, la Wii U peut faire tourner le 1080p ailleurs que dans son menu : c'est également possible sur les remakes de jeux Wii, à condition de caper les fps à 35. On imagine la console poussée dans ses derniers retranchements, à cause d'une optimisation faite à la truelle, comme en témoignent ces quelques chutes de framerate lors de combats mettant en scène un trop grand nombre d'ennemis. Le détail reste plus frustrant et scandaleux dans le principe que réellement gênant dans la pratique, mais voir un jeu techniquement aussi médiocre ramer comme ça, ça la fout mal. Heureusement, la haute définition sied plutôt bien à l'univers des chasseurs aux armes démesurées. Les environnements, les monstres et les divers équipements sont tous assez réussis, l'aliasing est assez peu prononcé et l'image a très nettement gagné en finesse comme en couleurs. Quant aux plus grincheux, ils ne pourront s'empêcher de pester contre la hideur des textures lorsqu'elles sont vues de près, on pensera en particulier à celle de la flotte qui a tout d'un mauvais gif animé ou de certaines armes vues en très gros plan. Mais honnêtement, dans la grande majorité des cas, et si on est capable de passer le cap du bidon low résolution de notre chasseur sur l'écran de création de personnages, ça tient de l'anecdote. Sur 3DS, on est moins exigeants alors le titre s'en tire logiquement un peu mieux et est même deux fois plus fluide (?!) que sur console de salon. On notera par contre qu'une sorte de filtre blanchâtre semble affadir légèrement les couleurs.
De toutes façon, comme diraient nos confrères de l'autre côté du monde, l'intérêt du jeu est ailleurs. Le plaisir qu'on prend à terasser un monstre qui nous a fait suer à gouttes pendant une demi-heure est quasiment palpable, et ça, c'est devenu assez rare pour être signalé et honoré. Sur Wii U, MH3U fait étalage d'un mode multijoueur très complet permettant de faire des quêtes avec quatre joueurs et ce, sans que nous n'ayons pu éprouver le moindre lag. Une mise à jour se charge même de rajouter le support du micro du GamePad (bien qu'il ne soit pas de première qualité) pour que l'on puisse discuter tranquillement sans avoir besoin d'outil supplémentaires. Rien à dire, le online est irréprochable. Il est d'ailleurs recommandé de s'atteler au jeu en coopération après avoir complété la quête principale, déjà assez conséquente, car les monstres qu'on y affronte deviennent rapidement très balaises et quatre chasseurs ne seront pas de trop pour les affronter. Par contre, dommage que les missions ne se concluent pas par un écran résumant les stats des joueurs durant la session. Rien de mieux pour pimenter une partie que de savoir à la fin qui aurait infligé le plus de dégâts, le mieux soigné son équipe, ou posé le plus de pièges. D'une manière générale, on regrette que Monster Hunter, n'aime pas beaucoup afficher de chiffres clairs : il faudra impérativement vous balader sur une wiki pour connaître les dégâts réels de votre arme et les formules de calculs obscures les justifiant. Non, une grande épée avec 560 d'attaque, n'inflige pas 560 points de dégâts à chaque coup.
Mais bon, on pardonne parce qu'en passant à l'Ultimate, Monster Hunter s'est doté d'une nouveauté concrète extrêmement rafraîchissante : la possibilité de recentrer la vue sur les monstres d'une simple pression de gâchette. Une fonction plus que bienvenue, qui permet de pallier en partie aux problèmes de caméra, et qui est plus que salutaire sur 3DS, en l'absence de second stick par défaut. Enfin, outre son contenu revu à la hausse, avec l'arrivée de la superbe zone des pics brumeux et ses innombrables dragons issus des anciennes générations, le jeu bénéficie aujourd'hui d'un mode multijoueur local, en connectant à la Wii U, autant de 3DS que de joueurs supplémentaires. Cependant, ceux qui voudront s'y adonner seront amenés à découvrir que le mode est loin d'être une réussite intégrale, puisque seuls les "boss" seront identiques entre les écrans, l'emplacement des petits mobs étant apparemment géré différemment par les deux systèmes. Malin. Comme d'hab', rien qui n'empêche de jouer, puisqu'on se soucie rarement du menu-fretin contre deux Rathalos, mais voir ses potes taper dans le vide pendant que les herbivores de l'autre bout de la map clamsent, c'est franchement pas terrible.