Ah ça, ils sont sympas chez Nintendo, ils ont pensé à toi, sympathique lecteur, qui compte acheter Pikmin 3 mais qui va passer le mois d'août à la plage. Et ouais : entre deux roupillons au milieu d'un troupeau de Parisiens tout blancs, tu pourras reroupilloner avec ta 3DS et Mario & Luigi : Dream Team Bros.. La sieste est le ressort scénaristique de ce jeu, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise. Alors, ce jeu de rêves est-il un jeu de rêve? Réponses.
Rêve récurrent
Mario & Luigi : Dream Team Bros. est le quatrième épisode de la série des Mario & Luigi, et première constatation : la recette n'a pas changé des masses depuis Mario & Super : Superstar Saga sur GBA, et alors vraiment pas des masses depuis Voyage au Centre de Bowser, sorti en 2009 sur DS. Comme dans ce dernier, les deux frères évoluent dans un univers RPG qui alterne les phases d'exploration en 2D isométrique et des phases de plate-formes en 2D. L'alternance entre ces deux phases de jeu est justifiée par un twist scénaritique absurde : dans Voyage au Centre de Bowser, vous pouviez vous déplacer à l'intérieur de Bowser pour provoquer des interactions entre ses entrailles et le l'extérieur ; et dans Mario & Luigi : Dream Team Bros., les phases en 2D se passent dans les rêves de Luigi.
A gauche, Mario & Luigi : Dream Team Bros., à droite, Voyage au Centre de Bowser
Tant qu'on est dans les différences avec le reste de la série, le chara-design des frères, très cartoon dans les opus précédents, a subi un lifting assez malvenu vers leurs représentations dans les New Super Mario Bros. Eh oui, fini, le petit tortillement de fesses rigolo de Luigi. Ca ne serait pas si grave si cet upgrade visuel n'avait pas en plus un impact assez négatif sur l’ensemble du jeu : certes les animations et le design des sprites sont plus détaillés, mais ce que le jeu gagne en fluidité, il le perd en dynamisme. Accessoirement, on déplore aussi que les dégradés soient assez dégueus, comme sur les casquettes des frères. Et comme je le disais à propos des fesses de Luigi, les gags sont restés dans l'esprit cartoon alors que visuellement on a glissé vers plus de réalisme : du coup le décalage plombe un peu l'humour du titre et les blagues tombent souvent à plat (alors que les précédents opus étaient parfois franchement drôles). Allez, on sourit parfois de bon coeur (un passage WTF où Mario et Luigi boivent l'eau d'une fontaine magique - t'en as trop pris gros !), mais souvent c'est plutôt embarassant (il faut sauver des oreillers appelés "Koussinos"...?). Regardez plutôt le titre de la prochaine partie, ça c'est de la super bonne blague :
Pas de grosse rêv-olution
Un petit mot pour expliquer le principe du jeu aux néophytes : c'est un RPG - un jeu de rôle, avec tout ce qui l'accompagne : alternance phases d'aventure/exploration et de combats donc, mais aussi collecte d'items, quêtes annexes, énigmes... Cependant, si on ne considère Dream Team Bros. que comme un RPG, on s'expose à bien des déceptions. L'histoire déjà est très anecdotique (je ne spoile pas grand chose en disant qu'à un moment, Bowser enlève Peach), les péripéties sont étalées au maximum et le background de l'univers n'est pas très profond. Le début, malgré tous les efforts des développeurs pour attirer l'attention (cinématiques, dialogues rigolos, possibilité de passer les didactiels...), est très long, et il vous faudra presque deux heures avant de faire un premier combat un minimum intéressant. A l'échelle d'un vrai RPG à la durée de vie de, disons, cent heures, c'est tolérable, mais dans le cas de Dream Team Bros. qui plafonne à une vingtaine d'heures, c'est assez lourd. Cela s'explique principalement par la volonté certes louable de ne pas surcharger le joueur d'informations au début (le public visé étant clairement plus jeune que celui des RPG PC), mais qui implique que, pendant beaucoup trop longtemps, on n'a que deux attaques à disposition : le saut et le marteau. De toute façon, les attaques spéciales que l'on débloque plus tard ne sont vraiment utiles que dans les combats contre les boss, qui sont sans aucun doute les meilleurs moments du jeu.
La relative répétitivité des combats contre les ennemis normaux est regrettable car le système de combats est ce qui fait principale force et le charme de la série. Sous l'apparence d'un "tour par tour" assez classique (vous attaquez, puis l'ennemi attaque, puis vous attaquez,...), tout est fait pour dynamiser au maximum l'action en faisant appel sans interruption à nos réflexes et notre sens du timing. En premier lieu par la possibilité d'augmenter les dégâts infligés aux ennemis en appuyant sur A ou B au bon moment pendant une attaque, ou en contre-attaquant. Il est également possible d'utiliser une attaque spéciale avec les deux frères, faisant appel de manière plus ou moins "gadget" aux possibilités de la 3DS : écran tactile, gyroscopie, 3D... Au final, ces trois phases (attaque normale, contre-attaque, attaque spéciale) sont assez limitées, mais la variété des ennemis et de leurs attaques, ainsi que la petite part d'imprévu et la tension permanente assurent le fun. Et puis, des petits ajouts sympas depuis Voyage au Centre de Bowser viennent pimenter encore davantage le tout. Est apparu un nouveau système de "défis experts", qui marchent comme les "succès" sur Xbox : il faut par exemple réussir un certain nombre de combats sans prendre de dommages pour débloquer un item. Aussi, parfois, un ennemi spécial viendra apparaître dans l'arrière-plan et vous pourrez le combattre en utilisant une "boule provocatrice". D'autres ajouts sont par contre en trop et simplifient encore davantage le jeu, comme la possibilité de sauvegarder n'importe quand (qu'ils ont dû ajouter assez tard dans le développement du jeu puisqu'étrangement les blocs de sauvegarde normaux sont toujours présents), de réessayer un combat en "mode facile" après un Game Over ou encore d'utiliser jusqu'à trois pouvoirs de badges (en réussissant plusieurs attaques, on remplit une barre qui permet par exemple de se soigner ou d'augmenter son attaque) à la suite en se débrouillant bien, contre un seul auparavant. On veut un peu de challenge quand même, que diable !
Rêve parti ?
Il faut bien dire les choses comme elles sont : la force du jeu, sa diversité, est aussi sa faiblesse. Je reprends mon argument de tout à l'heure : si on considère chaque aspect du gameplay séparément, force est de constater qu'on est souvent en-dessous de la moyenne. Les quêtes annexes sont pas passionantes, les différents items pas très intéressants, le peu d'énigmes est gâché par les indications de la sous-Navi qui vous suit partout, les combats assez répétitifs... Et le jeu est en général très simple, sauf vers la fin. Evidemment, présenté comme ça, ça ne fait pas très envie... Mais assez paradoxalement, un certain équilibre se dessine, qui nous permet d'excuser les faiblesses des différentes phases de jeu, car une fois l'aventure lancée, on ne s'ennuie pas un instant. L'univers est pêchu et coloré, la bande-son soignée, et les différents décors, bien que vus et revus (la forêt, le désert, la plage...) sont bien pensés et on ne boude pas notre plaisir d'en parcourir les moindres recoins. On constate même pour cet opus un effort des développeurs pour "RPG-iser" le jeu, avec quelques clins d'oeil aux classiques du genre : possibilité de dormir à l’hotel pour se soigner, ou encore quête consistant à apporter un objet à un PNJ, qui va vous donner un autre objet à apporter à un autre PNJ et ainsi de suite... C'est sympa, mais bon.
Il est temps de parler de la vraie nouveauté du jeu : le monde onirique. En effet, Mario et Luigi doivent sauver les Koussinos (les bonshommes en forme de coussins donc) qui ont été transformés en pierre. Pour se faire, Luigi s'endort dessus et Mario peut plonger dans le rêve de son frère. Ca se traduit souvent par des petits niveaux de plates-formes en 2D assez nuls dans lesquels il faut retrouver des morceaux de rêves. Mais là encore, la variété sauve la mise : comme on est dans un rêve tout devient possible ! Ainsi, on peut intéragir avec Luigi, qui dort sur l'écran tactile, pour le faire changer de forme dans le rêve, et permettre à Mario d'avancer (ça s'appelle les mécanismes "Luigimagik"). Les possibilités sont assez nombreuses, pas vraiment exploitées au maximum, mais c'est rigolo. Luigi est aussi présent dans ses propres rêves sous la forme d'Oniluigi, qui vient prêter main-forte à Mario pendant les combats en se démultipliant - les ennemis étant beaucoup plus nombreux dans le monde des rêves. Les attaques spéciales sont aussi différentes de celles du monde réel, ce qui apporte un peu de fraîcheur aux combats. Et puis, il y a aussi les combats de géants, comme dans Voyage au Centre de Bowser, pour lesquels il faut tenir sa 3DS à la verticale et jouer au stylet. Au risque de me répéter, c'est bien sympa, ça change, mais ça casse pas trois pattes à un canard et les possibilités sont assez limitées.
Enfin, c'est assez rare pour le noter : le monde des rêves offre aussi au frère vert une des scènes les plus touchantes de sa carrière vidéoludique. En effet, quand Mario s'aventure tout au fond du subconscient de Luigi, on peut voir des fantômes de ce dernier voleter autour de Mario en disant "grand frère, je ne suis pas un pataud !" ou "je peux t'aider !"... Snif.