LD Mario - Chap. 3 : Création de la difficulté

CHAPITRE 3 : CRÉATION DE LA DIFFICULTÉ

Passons désormais à un point important dans le Level Design d’un jeu : la difficulté. En fait, je préfère personnellement parler de « rythme » pour parler de la difficulté. Car un jeu avec un Level Design réussi est un jeu avec un bon rythme.

Courbe de difficulté

Ainsi, il vous paraîtrait logique que dans un jeu, la difficulté soit croissante. On commence avec un premier niveau simple, puis on finit avec un dernier niveau plus dur que les précédents. Avec une courbe tout à fait croissante. Certains jeux exploitent effectivement ce principe, mais les plus réussis fonctionnent plutôt par palliers.

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Prenons un exemple très simple pour commencer : les Game & Watch. Ces petits jeux pour les amateurs de scores s’appuient sur un principe assez constant. Dans Octopus par exemple, le joueur doit aller chercher des trésors et les remonter à son bateau, tout en évitant les tentacules de la pieuvre géante. Au départ, sur les 4 tentacules, il n’y en a que deux d’actives. Elles ont des mouvements plutôt lents. Il s’agit de la difficulté initiale. Plus le joueur s’approche des 100 points, plus les tentacules sont rapides, et plus il y en a d’actives. Lorsque le joueur atteint 100 points, la difficulté baisse d’un coup. Elle se retrouve alors à un niveau supérieur à la difficulté initiale, mais bien inférieur à la difficulté des 90 points. Cela permet au joueur de se reposer, et de savourer sa victoire. Bien sûr, par la suite, la difficulté augmente encore plus vite, et arrivé à 190 points, le jeu est bien plus difficile qu’aux 90 points. Et ainsi de suite.
Il y a deux choses à tirer de ce paragraphe : en premier lieu, l’évolution de la difficulté doit être croissante, mais aussi fonctionner par palliers. Pour rapporter cela à un Super Mario Bros., le niveau 3-1 doit toujours être plus simple que le dernier niveau du monde 2. Mais le dernier niveau du monde 3 doit être plus dur que le dernier niveau du monde 2. Donc cette règle s’applique à la globalité des mondes des Super Mario Bros., mais cela s’applique aussi à une échelle plus rapprochée : le début du niveau 1-2 doit être plus facile que la fin du niveau 1-1. Il peut être intéressant de passer outre cette règle, et de surprendre le joueur en faisant un niveau tout de suite difficile, mais il ne faut surtout pas abuser de ce procédé car cela doit rester un cas rare : le rythme du jeu ne peut pas être soutenu trop longtemps sans phase de repos.

Les paramètres

Il y a une autre chose à tirer du paragraphe ci-dessus : un jeu comme Octopus fonctionne sur 2 paramètres : le nombre de tentacules actives, et la vitesse de déplacement des tentacules. Ces deux paramètres sont logiques et le joueur les comprend tout de suite. Des joueurs ont passé des heures et des heures sur ce jeu avec ces règles pourtant très simple. Comme quoi, dans un bon Level Design, il vaut mieux jouer sur très peu de paramètres. Par exemple, dans le niveau 5-5 de New Super Mario Bros. 2, il n’y a que des Bill Balle et des Bill Bourin, ainsi que des plateformes de blocs verts qui se déplacent en serpent. Le niveau arrive à proposer des passages assez difficiles, sans jamais intégrer d’autres ennemis. La richesse du Level Design de ce niveau, c’est d’utiliser peu de paramètres différents et de ne joueur que sur quelques paramètres, en réglant leur nombre et leur fréquence, pour que le joueur puisse être en difficulté sans perdre de lisibilité. Car gardez ça bien en tête : il est totalement interdit de faire perdre une vie au joueur à cause d’un manque de lisibilité de l’écran. Le joueur doit perdre uniquement car il n’a pas su appréhender correctement la situation, et non pas car il n’a rien compris. Cela amène le joueur à des moments de frustration énorme.

La superposition d’idées fortes

Je vous ai dit à la fin du Chapitre 1 qu’il était possible d’utiliser plusieurs idées fortes dans un Level Design. Cela peut être amené de plusieurs façons : par exemple, quelques idées que vous avez eu ne sont pas suffisantes pour faire un niveau complet autour d’elles, ou bien certaines idées étaient au contraire tellement funs qu’il serait sympa de les réutiliser, mais pas seules (en effet, faire 2 niveaux autour de la même idée forte, ce n’est pas très utile...).

Concrètement, dans les Super Mario Bros., cette technique arrive surtout dans les derniers niveaux. Car dans un autre ordre de grandeur, les paramètres et les idées fortes peuvent se confondre. Dans New Super Mario Bros. 2, niveau 6-1, l’idée forte est certainement les boules de magma qui tombent du ciel. Cela implique donc plusieurs paramètres sur lesquels jouer : position de chute des boules, taille des boules, vitesse de chute... Cependant, nous sommes dans un des derniers niveaux du jeu, les designers se sont donc autorisés à insérer une seconde idée forte : les Blocs Pow Rouges, qui permettent de faire des explosions en chaîne. Même si les boules de magma apparaissent pour la première fois du jeu, les Blocs Pow Rouges ont déjà été utilisés plusieurs fois : le joueur n’est donc pas dépaysé et n’a qu’une seule nouvelle idée forte (et ses paramètres) à gêrer. Si il perd, il ne sera pas dégoûté d’avoir eu trop d’éléments nouveaux à l’écran et de n’avoir rien compris.
Il est donc parfois judicieux de mélanger les idées fortes pour influer sur la difficulté. Mais il faut faire attention, car la difficulté n’est pas ce qu’il y a de plus important dans un jeu... Le plus important reste le fun, et ce dernier point passe forcément par les réglages...