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La Rédac se Lâche - Nintendo en difficulté avec la Wii U ?

Par blackoo - Le 05/02/2013 à 10:45

La Rédac' se Lâche, c'est l'occasion pour un membre de l'équipe de Nintendo-Master de faire part de ses impressions sur l'actualité de la semaine, d'une anecdote ou bien tout simplement d'un sujet lui tenant à coeur. Nous vous donnons donc rendez-vous chaque semaine pour retrouver les pensées de la rédaction !


En ce début d'année 2013, Nintendo débute par des nouvelles relativement mauvaises en termes de chiffres et d'objectifs de ventes. La réunion d'investisseurs qui a eu lieu la semaine dernière était l'occasion pour le constructeur de faire un premier bilan du lancement de la Wii U et de son line-up et de constater que malgré les efforts de la firme pour attirer un public plus "gamer", malgré le souci de communication via les Nintendo Direct et des annonces intéressantes, les objectifs sont revus à la baisse. Alors que Satoru Iwata avait annoncé des objectifs de 5,5 millions de Wii U vendues d'ici à fin mars 2013, ce chiffre à été ramené à 4 millions et pire, pour l'année 2013 après des objectifs de 24 millions de machines écoulées, Nintendo pense maintenant n'en écouler que 16 millions. Coté software le constat est tout aussi pessimiste avec une réduction de 30% des objectifs de vente et des jeux Wii U qui peinent à percer dans les tops des ventes (on prendra pour exemple le Royaume-Uni). Alors que penser de cette situation ? Si évidement ces chiffres, sans être mauvais, ne rassurent pas les financiers et autres actionnaires, pour nous joueurs, ils sont assez peu parlants. Pour être clair, la Wii U connait un démarrage légèrement moins bon que son ainée la Wii coté hardware mais les écarts coté software sont en revanche assez énormes.

Si la Wii avait su séduire le public avec son motion gaming et la fraîcheur des jeux proposés, la Wii U peine à convaincre avec son gameplay asymétrique difficile à expliquer et à promouvoir, comme la 3D de la 3DS en son temps. Comment expliquer ce démarrage en demi-teinte ? Les raisons sont nombreuses et je ne prétends pas pouvoir répondre à la question mais je vais essayer d'apporter quelques éléments. Commençons d'abord par la vision du public concernant la Wii U. Si Nintendo se veut beaucoup plus proche des joueurs de par sa communication depuis quelques temps, on peut se demander si la firme n'a toutefois pas commis quelques erreurs de stratégie, à commencer par le nom de la console. Si la Wii reste un succès commercial indéniable, elle restera dans la tête d'un large public comme une console "casual", destinée à la famille avec des jeux accessibles à tous et pas forcément conçus pour le public habituel du marché du jeu vidéo. En nommant sa nouvelle console Wii U, Nintendo a sûrement voulu garder cet esprit de machine conviviale et accessible à tous mais aura surtout réussi à créer la confusion dans la tête des gens d'autant que les manettes de la machine précédente fonctionnent sur la nouvelle. On peut donc penser que les gens sont un peu perdus et font l'amalgame entre Wii et Wii U sans forcément en saisir les différences. De plus, si Nintendo vise clairement un public gamer avec un line-up tiers plus à même d'attirer le joueur expérimenté, là encore des erreurs ont été commises. Vouloir regagner le coeur d'un public qui a déserté pendant la période Wii est louable mais encore faudrait-il s'en donner les moyens car proposer des jeux dont la grande majorité est déjà disponible depuis plusieurs mois sur les supports concurrents n'est peut-être pas la meilleure des stratégies, d'autant que si certains développeurs ont joué le jeu d'utiliser un minimum le GamePad de manière originale, la plupart se sont contentés de portages faciles. Attirer les joueurs perdus de cette manière ne me paraît pas être judicieux car même si Nintendo affiche la couleur avec l'annonce des titres résolument orientés gamer comme Bayonetta 2, il en faudra résolument plus d'autant que d'ici quelques mois (voire jours) la concurrence va également dégainer ses nouvelles machines.

Car oui, nous le savons tous (et certains d'entre vous sont certainement très impatients), Sony et Microsoft vont annoncer les consoles qui viendront remplacer Xbox 360 et PS3 cette année. Misant toutes les deux sur une puissance graphique avant toute autre chose, les deux sociétés auront sûrement plus d'arguments que Nintendo pour séduire le gamer mais ont certainement prévu des technologies et accessoires à même de venir empiéter sur le territoire du constructeur Nippon, le casual. Si les tentatives passées (PS Move et Kinect) se seront soldées par des échecs, on voit mal Sony et Microsoft commettre les mêmes erreurs, ce qui pourrait faire très mal à Nintendo. De plus, si Nintendo a choisi de dégainer en premier sur l'apport de nouveau hardware sur le marché, on peut aisément penser que le public étant relativement au courant des intentions des autres constructeurs, soit freiné dans sa décision d'achat d'une Wii U en préférant attendre de voir ce qui sera proposé en face d'ici quelques mois.

Alors non, tout n'est pas noir pour Nintendo et si le constat d'une baisse de régime inquiète quelque peu, il y a cependant beaucoup d'éléments positifs pour l'avenir de notre constructeur préféré. D'une part, Iwata et sa bande semble avoir bien compris l'importance de développer des jeux en collaboration avec les tiers mais aussi la nécessité de proposer un catalogue vite fourni et sans grosses périodes de creux. Miyamoto l'a réaffirmé pendant la réunion de la semaine dernière et a indiqué sa volonté de recruter en masse pour raccourcir le temps de développement des jeux. De plus, après un Nintendo Direct de début d'année encourageant avec l'annonce de gros titres et du teasing pour l'E3 prochain, on se doute que la firme a encore des cartes dans sa manche afin de contrer l'arrivée des consoles concurrentes avec notamment des jeux pas encore dévoilés. Car si l'E3 vaut ce qu'il vaut et a perdu de sa superbe depuis quelques années, il reste un rendez-vous qu'il ne faut pas rater et où il faut savoir envoyer du lourd. On pourra également se demander si avec l'arrivée de la concurrence qui sera sûrement bodybuildée au possible, les studios de développement pourront tous suivre et prendre le risque d'investir de gigantesques sommes dans des jeux AAA dédiées à ces machines. Les fermetures en pagaille de l'année 2012 sont la pour nous le rappeler, être développeur ou même éditeur de jeux vidéo est un secteur qui n'échappe pas à la crise et il paraît même moins risqué aujourd'hui d'être un indépendant qui passera par exemple par Kickstarter pour financer son projet, plutôt qu'un gros studio dépendant d'éditeurs fortunés qui sera fermé manu militari si les ventes ne sont pas satisfaisantes (Junction Point en a récemment fait les frais). Nintendo étant visiblement bien vu de la part des indépendants et faisant tout pour les attirer cela pourrait s'avérer être un choix gagnant.

Pour finir, non je ne suis pas pessimiste quant à l'avenir de mon constructeur préféré et oui je crois en l'avenir de la Wii U. Je pense simplement que si Nintendo a su apprendre de ses erreurs passées, il lui reste quand même fort à faire pour s'imposer dans un secteur en pleine restructuration et qui n'est plus dominé par quelques constructeurs et leurs machines du fait notamment de l'essor des tablettes et autres smartphones. Le soutien des tiers me paraît crucial car si la Wii avait survécu en grande partie grâce aux jeux first party et que je pense que la Wii U se vendra également très bien grâce à Mario, Zelda et compagnie, il me semble en revanche que pour reconquérir un public perdu et pour anticiper sur son avenir (j'entends par-là l'après Wii U), Nintendo doit s'efforcer de travailler avec les tiers et collaborer directement comme ils le font avec Platinum Games par exemple. Rappelons enfin, que si le marché évolue, le géant nippon semble vouloir suivre le mouvement et s'attache de plus en plus à réorganiser en interne ses services afin de ne pas être largué, ce qui encore une fois me rassure sur le futur d'autant que Satoru Iwata a annoncé en bon japonais son intention de céder sa place si les objectifs n'étaient pas atteints pour l'année fiscale 2013, ce qui me laisse penser qu'il va tout faire pour inverser la tendance.