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[Interview] Notre entretien avec Florent Gorges !

Par pomchips - Le 18/09/2009 à 17:58

A l’occasion de l’ouverture du Festival du Jeu Vidéo, nous avons eu l’immense plaisir de pouvoir nous entretenir longuement avec le Monsieur Nintendo français que bon nombre de joueurs étrangers nous envient, Florent Gorges. Pour ceux à qui ce nom n’évoque pas grand-chose, il s’agit tout simplement de l’auteur du célèbre livre L’histoire de Nintendo.

Dans cette interview, Florent nous en dit un peu plus sur le Tome 2 de cette encyclopédie qui, après avoir nous avoir appris énormément de choses sur la genèse de la firme de Kyoto dans son premier opus, se focalise cette fois sur la grande époque de Game & Watch. Mais ce n’est pas tout, Florent nous fait partager ses connaissances et sa vision du jeu vidéo tel qu’il est de nos jours. Vous pourrez d’ailleurs vous procurer en exclusivité le volume 2 de L’histoire de Nintendo au stand Pix’n Love, présent au Festival du Jeu Vidéo (n’hésitez pas à leur dire que vous venez de la part de Nintendo Master). Pour ceux qui ne pourraient malheureusement pas s’y rendre, le livre est maintenant disponible en précommande sur le site des éditions Pix’n Love et devrait sortir officiellement le 24 septembre prochain. Un grand merci à la maison d’édition Pix’n Love et tout particulièrement à Florent, pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Merci également à ma moitié pour son aide précieuse sur cette interview et bonne lecture !

Pour les lecteurs qui ne te connaitraient pas encore, peux-tu nous faire une présentation de ton parcours ?

« Je suis Florent Gorges, j'ai 30 ans et je suis né à Dijon en Bourgogne. J'ai passé six ans de ma vie au Japon durant lesquelles, en tant que traducteur interprète, j'ai fais des recherches sur l'histoire des jeux vidéo et notamment au sujet de Yokoi Gunpei. Je m'intéressais à sa vie et de fil en aiguille, j'ai rencontré différentes personnes qui m’ont fourni des documents et rapporté un tas d’histoires. A force d'accumuler tout cela, je me suis dit que j'allais en faire un livre. Au début ça ne devait être qu’une biographie sur Yokoi Gunpei mais j’ai opté finalement pour un historique général de Nintendo. J'ai fais six ans de recherches au Japon pour compiler ce qui sort maintenant petit à petit. »

Comment t’es venue l’idée de créer ta propre maison d’édition ?

« Au Japon, j'ai été correspondant pour plusieurs magazines tels qu’Ovni, Japan Vibes ou encore Total Cube, des magazines de jeux vidéo et de jap’anime. Une fois rentré en France, je suis devenu traducteur de manga, j'ai d’ailleurs traduit dernièrement le manga Zelda, tout en travaillant pour le gouvernement japonais. En 2007, je décide de tout arrêter, sauf le manga, afin de créer ma propre société avec deux amis qui deviendra donc Pix'n Love. Je voulais publier mes propres bouquins mais les éditeurs semblaient un peu frileux. Le travail d’un éditeur est de guider l’auteur dans sa ligne éditoriale et ne connaissant pas grand-chose aux jeux vidéo, ils me disaient que c’était un bon projet mais que ca ne servait à rien d’évoquer cette période. Je savais que mon produit était de qualité et surtout qu'il avait un fort potentiel. J'ai donc décidé de le publier moi-même mais il fallait créer une petite maison d'édition. Ca a bien pris, des gens nous ont contactés et maintenant nous avons une vraie maison d'édition avec une quinzaine de livres parus à ce jour. »

En trois ans, Pix’n Love est devenue la plus grosse vitrine française pour les fans de Retrogaming. Comment un tel projet voit-il le jour ?

« Ayant été rédacteur en chef d'un autre magazine qui s'appelait Retrogame (il y a eu seulement quatre numéros pour différentes raisons), je connaissais notre public et grâce à mon poste, j’avais une vision sur les ventes ainsi que sur les lecteurs du magazine. Ca marchait bien, ça plaisait beaucoup et donc en montant une société publiant des livres sur les jeux vidéo, on ne se lançait pas vraiment dans l'inconnu. On savait qu'il y avait un public, on savait où le trouver et c’est ainsi que nous avons commencé cette aventure. Nous ne sommes pas vraiment partis de zéro. Je travaillais dans la presse depuis déjà un certain temps, pour plein de magazines et je savais comment cela se passait. Là, nous sommes vraiment dans l'édition, pas du tout dans le magazine, c'est un autre créneau. Même si ce sont les mêmes lecteurs, la manière de vendre est complètement différente. »

Pix’n Love a aujourd’hui son propre stand au Festival du Jeu Vidéo, que pourront trouver les visiteurs sur celui-ci ?

« Sur notre stand, nous proposons tout ce que nous avons à vendre. Nos livres parus jusqu’à aujourd'hui, quelques goodies, des t-shirts, des badges, des posters… Mais ce que nous mettons en avant évidemment, ce sont nos livres. Pour ce salon, on a essayé de sortir L'histoire de Nintendo volume 2 à l'heure. Il était prévu initialement pour la Japan Expo, mais pour différentes raisons il a eu un peu de retard. Le Tome 2 de L’histoire de Nintendo est donc une exclusivité pour ce salon. Il reste également des exemplaires du Tome 1 qui reste à ce jour le best seller de notre maison d'édition. »



L’année dernière paraissait le Tome 1 de L’histoire de Nintendo. Si aujourd’hui on ne présente plus cet ouvrage, que tout bon fan de Nintendo doit avoir lu, as-tu été surpris de l’engouement qu’il a suscité ?

« Deux choses, je ne veux pas paraître prétentieux mais je ne suis pas surpris de son succès tout simplement parce que c'était quelque chose qui n'existait pas. Dans tous les historiques de Nintendo que l’on peut trouver sur le net, on retrouve plus ou moins la même chose. De simples copier / coller et personne n'avait eu véritablement le courage de se lancer dans une recherche plus poussée. C'est dur, il faut aller au Japon, rencontrer des gens, c'est clair que ce n’est pas évident, mais il fallait avoir le courage de le faire. J'ai eu personnellement la chance de pouvoir faire ce travail de recherche avec un ami, Isao Yamazaki, et ce qu'on a réussi à retrouver est véritablement inédit. Ce que la plupart des sites internet tentaient de nous expliquer était toujours la même chose : 1889, naissance et fondation de Nintendo, ils font des cartes à jouer - 1980 : Game and Watch. Ils ont résumé ça en trois lignes. C'est une boite qui a 120 ans et ils résument 100 ans en 3 lignes… Moi je trouvais ça assez fort quand même alors qu’à côté de ça, tu avais des historiques sur les autres consoles super complets. Ce que je voulais, c'était savoir ce qui s'était passé pendant ces 120 années et le premier ouvrage traite de ça. C'était tellement inédit que ça ne m'étonne pas que cela ait plu, du moins que ça ait surpris les gens qu'on puisse encore, en 2008, arriver à retrouver des choses qu'on ne savait pas sur Nintendo alors qu’on croyait tout connaitre. Il reste encore beaucoup de choses à découvrir, j'ai encore retrouvé des jouets hier qui ne sont même pas dans mon livre. Il reste encore des choses à développer mais même chez Nintendo, les gens qui ont mon bouquin entre les mains sont épatés de voir l'exhaustivité, certains employés avaient même oublié qu’ils avaient travaillé sur certains jouets. Ils sont donc super contents d'avoir un petit travail d'archivage car Nintendo n'a aucune archive. »

Ce succès vous a-t-il poussé à le distribuer hors de l’hexagone ?

« Je ne suis pas surpris du succès, on va dire médiatique, par contre ce qui m'ennuie un peu ce sont les quelques problèmes de distribution. Mais c'est normal, nous sommes une toute petite société et c'est très dur de convaincre les distributeurs, les revendeurs, donc je pense qu'on peut faire encore beaucoup, beaucoup mieux. On a de bons résultats, on est très contents mais on peut faire encore mieux. Et puis ensuite il y a clairement un potentiel en le traduisant en anglais, en japonais... La traduction japonaise est faite. Maintenant, pour des questions de droits nous ne pouvons pas encore la sortir en l'état. C'est très compliqué, je ne rentrerai pas dans les détails mais la version nippone est prête, tout comme la version anglaise qui est sur le point de partir. Après, c'est une question de droits car nous essayons de faire les choses correctement tout de même donc on demande des autorisations et tout ça. »

Dans moins de dix jours maintenant, le Tome 2 de L’histoire de Nintendo verra le jour. Peux-tu nous en faire une brève description ?

« L'histoire de Nintendo 2 se concentre sur les Game & Watch. C'est un bouquin un peu particulier car ce sont les Game & Watch qui ont véritablement permis à Nintendo de décoller d'un point de vue planétaire. Cantonnés jusqu’ici au marché japonais, ils ne faisaient que des jouets tout en se lançant un peu dans l'arcade. Ils avaient vaguement tenté de pénétrer sur le territoire américain mais ça n’a pas marché tout de suite. Il a fallu attendre après les Game & Watch que Donkey Kong explose, pour vraiment voir Nintendo a l'étranger. A cette époque, au tout début des années 80, Nintendo n’était pas au mieux de sa forme ayant connu des échecs successifs en arcade. Ils avaient un compte en banque qui était un gouffre monumental et avec cette invention, ils ont réussi à boucher ce fameux compte en banque. Cela a même permis de lancer le développement de la Famicom qui elle, sera l'explosion totale ! Donc c'est une période tout à fait particulière dans l'histoire de Nintendo, car c'est un petit peu ces jouets là qui l’ont sauvé. Sans les Game & Watch, il y a de fortes chances pour qu'aucun occidental n'ait jamais entendu parler de cette firme, ou alors certains geeks ayant quelques souvenirs des salles d’arcade dans les années 80. »

Selon toi, cette période Game & Watch a contribué au succès de Nintendo dans un monde vidéoludique qui venait tout juste de voir le jour ?

« En termes de consoles, il faudra plutôt qu'on se revoit pour la Famicom car Atari n'avait pas besoin de Nintendo pour cartonner. Pour créer un marché, Atari s'est très bien débrouillé sans Nintendo. Par contre, en ce qui concerne le marché du jeu vidéo portable, ce n’est certainement pas là même chose. Il faut savoir que ce sont les Game & Watch qui sont à la base du Gameboy qui n’est autre que, et j'en parlerai dans un prochain bouquin, le concept de faire tout simplement un Game & Watch avec des jeux interchangeables. Donc forcément, sans Game & Watch, pas de Gameboy. L'image du jeu vidéo portable ne serait pas la même aujourd'hui, c'est une certitude. Evidemment, si il n'y avait pas eu Nintendo, quelle image aurait le marché du jeu vidéo aujourd'hui ? Ca je n'en sais rien. Il y a eu également « l'Atari crack » en 1983. Le jeu vidéo serait-il mort à cette époque ? Aurait-il continué dans d'autres voies ? Mais il est évident que les Game & Watch ont joué un rôle considérable dans le jeu vidéo car Nintendo a survécu, a pu relancer le jeu vidéo avec notamment la Famicom et ainsi créer un nouveau marché qui était celui du jeu vidéo portable. En schématisant, on peut dire que le Game & Watch est à la base de tout. »



Le retour des grands classiques Game & Watch sur le DSiWare est un très bon moyen pour les plus jeunes de gouter aux joies des premiers jeux électroniques à écran LCD. Es-tu pour ce genre de pratiques ou comme beaucoup de nostalgiques, contre la dématérialisation des jeux vidéo d’antan ?

« Non pas du tout ! Je suis certes un retrogamer, mais je joue énormément aux jeux actuels et ne suis pas du tout rétrograde. A partir du moment où la dématérialisation est dans un sens, qui me semble positif personnellement, c'est à dire la préservation du patrimoine, moi ça m'arrange. Je trouve ça très bien, au contraire, de pouvoir rejouer aux jeux Game & Watch, que ce soit de manière matérialisée avec les Game & Watch Gallery sortis sur Gameboy à l'époque, ou sur Nintendo DSI. Franchement, ça ne me dérange pas, ni l'un ni l'autre. Je ne suis pas du tout réfractaire au téléchargement dématérialisé. »

Tu ne fais donc pas partis de ces gamers qui ont la critique facile ?

« J'ai horreur des gens qui critiquent toujours gratuitement. Quand tu ne fais rien ils critiquent et quand tu fais quelque chose ils critiquent aussi. Les DSiWare sont à 200 points, personnellement je les ai téléchargés. S’ils n’en veulent pas, il leur suffit de ne pas les acheter. Je trouve que c'est très bien, les Game & Watch font partis de l'histoire de Nintendo. Je suis content que les gens de Nintendo prennent conscience de leur patrimoine, chose qu’ils ne faisaient pas jusqu’à récemment. Il y a énormément de japonais qui trouvent ça dommage d’ailleurs mais ça commence un petit peu à bouger : ils recyclent un peu les Game & Watch et je trouve ça très bien ! C'est l'origine de tout, enfin du jeu vidéo portable en tout cas, à une époque où il n'y avait rien. Etant collectionneur, il est vrai que c'est un peu dommage de perdre le côté cartouches, c'était sympa, mais bon c'est l'évolution et si ça permet d'y jouer pour 200 points plutôt que d'acheter une cartouche à des centaines d’euros. »

Les Game & Watch sont autant prisés par les collectionneurs ?

« De nos jours, et je fais mon mea culpa car mon livre ne va pas arranger les choses, pour se procurer un Game & Watch qui marche et en bon état, il faut débourser entre 150 et 200 euros. Certains modèles se vendant même jusqu'à 4000 euros. Un Donkey Kong sur internet en « loose » ça vaut 15 euros mais il y en a certains qui valent 150 euros. Et ça c'est triste, parce que ceux qui veulent vraiment l'objet, pas seulement pour une vitrine, mais pour y jouer, pour essayer, pour se cultiver un peu, et bien ils ne peuvent pas… Donc la dématérialisation est une bonne chose ! »

Maintenant que le Tome 2 de L’histoire de Nintendo est fin prêt, que nous réserves-tu pour la suite ? As-tu déjà commencé à travailler sur les prochains Tomes ?

« Le Tome 3 se concentrera sur la Famicom. J'essaie d'avoir un rythme annuel si possible mais vu que j'ai réuni le gros des informations, il me faut maintenant arriver à les trier, compiler, et mettre tout ça en forme. Vu que toutes les informations sont là, on va dire que le plus dur est fait mais je m'occupe d'autres choses en parallèle. Notamment des piges pour Nintendo Dream ainsi que d’autres magazines japonais. J'ai un emploi du temps tellement chargé que c'est un peu compliqué et donc prend énormément de temps. Je pourrais faire ça plus rapidement mais il faudrait que je ne fasse que ça et pour le moment c'est dur. Le numéro 4 sera lui sur le Gameboy. Nous avons à la base prévu 7 Tomes mais le temps qu'ils sortent il en faudra un huitième pour la Nintendo Wii donc si tout va bien, 7-8 et puis indéfiniment tant que ça plaira. »

Avec la tonne d’informations que tu as dû réunir, tu arrives tout de même à t’y retrouver ?

« Au début, mes recherches se sont focalisées sur la vie de Yokoi Gunpei, mais à chaque fois que je rencontrais quelqu'un qui l'avait côtoyé c'était toujours un gars qui avait travaillé chez Nintendo et donc me racontait des tas de trucs intéressants sur la Famicom, comment elle avait été créée, des tas de petits anecdotes. Je me disais, c'est bête, je suis en train d'écrire des trucs, je ne vais quand même pas les jeter c'est super intéressant. J'en ai fais des articles pour la presse française, pour des magazines rétro mais je me suis dit qu’au lieu de faire un bouquin sur Yokoi Gunpei, je vais faire un truc sur l'histoire de Nintendo et en continuant mes recherches sur Yokoi Gunpei, je me suis étalé. Dès que je pouvais récupérer quelque chose, je le prenais. A chaque fois que je trouvais des documents ou des informations comme par exemple le Nintendo 64 DD, je n’allais pas me priver, c'était un plus et surtout j'allais peut-être ne plus jamais avoir l'occasion de mettre la main dessus. Donc tout le travail de recherche à était fait sur ces six années. Je ne me suis pas focalisé sur chaque tome, j'ai tout fait en même temps et maintenant le travail c'est de faire le tri dans tout ça. Mais il y a encore des choses à approfondir. Je pars au Japon la semaine prochaine afin de préparer le terrain pour le tome de la Famicom. Il faut que je cherche des jeux qui me manquent et dont il va falloir que je parle. Donc j'ai quand même encore des choses à faire, ce n’est pas totalement fini. »



Si son passé est sans conteste l’un des plus glorieux, que penses-tu de Nintendo aujourd’hui ? La nouvelle politique que semble lui donner Satoru Iwata est-elle selon toi une bonne chose ?

« Je vais toujours à contre courant des gens. Pour moi c'est très clair, Nintendo n'a clairement pas trahi les gamers. Ayant vraiment étudié l'histoire de Nintendo depuis 1889, ses débuts il y à 120 ans, j'ai un regard différent et je me rends compte au final qu’il n’y a qu’une petite période que regrette les gamers. C'est à dire la période Famicom dans une moindre mesure, et Super Nes où ils ont commencé à rentrer dans le Core Gaming. Concernant la Nintendo 64, c'était peut être la période la plus glauque pour Nintendo puis la Gamecube a tellement mal marché qu'ils se sont mis à faire du casual. C'est à cause de ça les « party game », c'est tout simplement parce que ça attire beaucoup de monde et c'était le seul moyen pour eux de s'en sortir. Donc on se rend compte que sur ces 120 ans, il y a une période de 15 ans où ils se sont focalisés sur une petite partie d'une population entière. Pourquoi je dis ça ? Parce qu'autre fois Nintendo faisait quoi ? Ils faisaient des jouets, des jeux de cartes... Et il n'y a rien de plus casual que des jeux de cartes ! Ils faisaient des jeux de société pour la famille, de 7 à 77 ans, donc ils ont toujours fait la même chose pendant 120 ans sauf pour cette petite période. Donc aujourd'hui on peut dire qu’ils sont revenus aux sources. C'est d'ailleurs pour ça que Yokoi Gunpei a quitté Nintendo, car lui ce qu'il voulait c'était faire du casual. Il en avait assez que Nintendo rentre dans cette compétition technologique contre Sony et Sega. Ce qu'il voulait, c'était faire des jouets qui plaisent à tout le monde, qui fassent rigoler les enfants et les parents. Quand Iwata a repris le flambeau après Yamauchi, il a dit qu’ils allaient revenir à leurs sources. Ils ont d’ailleurs sorti une gamme de mini classics de la NES avec pour slogan « Origins of Our Games » et pour logo un gant de Mario, qu'on a pu voir lors d’un E3. Le message était beaucoup plus fort que ça, Nintendo voulait revenir aux sources et c'était le casual !

Savoir si c'est une bonne politique ou non, je suis mal placé pour le dire car ils font ce qu'ils veulent et les chiffres leurs donnent raison. Ils n'ont pas l'air de se tromper même si ça ne plait pas à une petite tranche de joueurs. Je pense sincèrement qu'ils n'ont trahi personne, la philosophie de l'entreprise fait qu'en réalité ils se sont trahis eux mêmes pendant 15 ans et ils ont tout simplement retrouvé le chemin qu'ils avaient eu au début. J'aime ce que fait Nintendo, j'ai toujours aimé ce qu'ils faisaient, ils ont une philosophie d'entreprise qui me plait et voilà. Ce qui m'énerve un peu c'est cette proportion très française qui fait que, contrairement au Japon, quand tu n'es pas content tu le dis mais en plus tu essaies d'en dégouter les autres. Il y a d'ailleurs une expression française qui dit « si tu n'aimes pas, critique, mais n'en dégoute pas les autres ». Je préfère le style nippon où quand ils n'aiment pas un truc, ils disent que ce n'est pas pour eux mais pas que c'est mauvais. Au Japon, quand tu vas sur les forums, il n'y a jamais aucune discussion de casual ou hardcore gaming, ils jouent à tout. Et s’ils trouvent que Wii Fit est trop light pour eux, ils n'en parlent même pas, ils n'achètent pas. Ils considèrent qu'il y a tellement d'autres jeux de disponibles que tu n'as qu'à ne pas acheter ce que tu n'aimes pas mais que tu n'as pas à en dégouter les autres. Ils ont tellement de choix à coté que plutôt que de se prendre la tête à critiquer un truc ils vont directement aller chercher leur jeu, ils sont contents, ils gagnent des secondes de vie avec le stress, avec l'énervement et l'excitation et tout le monde est content. »

Pour un spécialiste du Retrogaming comme toi, comment se porte le jeu vidéo aujourd’hui ?

« J'attends de voir ce que le Vitality Sensor va donner. Concernant le projet Natal, nous n’avons eu qu’un petit aperçu, mais je trouve ça génial. C'est vraiment un truc qui me fait tripper. On m'aurait dit il y a 20 ans : l'an 2000 c'est ça ! J'aurais donné ma chemise, j'aurais signé tout de suite. Je suis assez confiant dans l'avenir du jeu vidéo. Je ne trouve pas le jeu vidéo aujourd'hui moins bien qu'avant, au contraire je le trouve vraiment mieux très honnêtement. Je suis un fan de retrogaming et de l'histoire du jeu vidéo mais je trouve que c'est mieux qu'autrefois. Comme quoi on peut être retrogamer et en phase avec son temps. Je suis assez confiant par rapport à la créativité, à la technologie, à l'immersion qu'on va pouvoir expérimenter dans les mois et les années à venir. Le seul truc qui me pose vraiment un souci, c’est le piratage. Je me revendique comme un anti-pirate. Je suis outré de voir les gens pirater à ce point. C'est un truc de fou ! Je suis allé l'autre fois dans un magasin de sport et j'ai eu du mal à y croire. Il y avait sur les pubs des enfants qui jouaient à la Nintendo DS et en regardant de plus près on pouvait voir qu’ils utilisaient une cartouche pirate ! Dans le train l'autre jour, il y avait un gamin de 12 ans qui jouait à GTA : Chinatown Wars, je regarde et il utilisait une cartouche pirate. Comment il se l'est procuré je ne sais pas, mais c'est un fléau, c'est phénoménal. J'ai beaucoup de contacts au Japon et j'ai eu l'occasion de voir les dégâts que ça pouvait provoquer dans certaines sociétés qui ont coulé. Pas forcément à cause du piratage, mais c'est lié car il y a un manque à gagner phénoménal. Alors évidemment les gamers n'achèteraient pas de toute façon les jeux qu'ils téléchargent, en tout cas pas tous, mais peut être un ou deux. C'est indéniable que pour les éditeurs et surtout pour les développeurs, qui sont la source des jeux, c'est un gros manque à gagner. Alors il y a des gens qui sont de très mauvaise foi et qui disent qu'ils n'ont qu'à pas sortir des jeux à 70 euros, c'est vrai… Mais tu achètes dans ton budget. Il y a des gammes de budget qui sont tellement variées aujourd'hui et à 25 - 30 euros tu as des jeux d'occaz. Donc c'est malhonnête de dire que les jeux sont trop chers. Il y a même des pirates sur Iphone où les jeux sont à 2 euros donc ça veut vraiment tout dire, même à 5 euros les gens n'achèteraient pas. C'est vraiment le piratage qui me fait peur, même si ça a toujours existé avec les disquettes CPC, Amiga ou Atari ST. Mais l'industrie a tellement changé par rapport à cette époque. Autrefois un jeu se faisait pour 50 000 francs, maintenant on ne les fait plus pour 50 000 euros donc ce n'est plus les mêmes enjeux, les mêmes équipes, les mêmes vies derrière. Puis même, c'est une question d'étique : pirater c'est voler ! »

Avec un planning aussi chargé que le tien, trouves-tu encore le temps de jouer ? Si oui, sur quels titres t’es tu arrêté récemment ?

« Récemment, j'ai adoré Inazuma Eleven qui n'est pas sorti en France, un RPG de foot fait par Level-5. D’ailleurs le numéro 2 sort dans 15 jours et je l'attends de pied ferme ! J'ai joué à Muramasa : The Demon Blade sur Wii récemment aussi. Je suis très bon public donc Tomb Raider j'adore, tout comme Wonder World. J'ai également beaucoup aimé Mirrors Edge, Prince of Persia… J'aime bien tout en fait ! Concernant mes envies, j'attends particulièrement Ninokuni de Level-5 aussi, Uncharted 2 ainsi que Bayoneta comme tout le monde bien sur Concernant la Wii j'attends pas mal de Metroid Other M et les prochains Zelda sur Wii et Nintendo DS. »

Avant de te remercier de nous avoir accordé un peu de ton temps, as-tu un petit mot pour la fin ?

« L'histoire de Nintendo est un bouquin qui a demandé beaucoup de temps j'espère que le résultat de ces recherches plaira aux fans de la firme de Kyoto. Je pense qu'il y un potentiel d'étonnement dans ces bouquins qui permettra à tout le monde d'y trouver son compte. Que ce soit les collectionneurs, les gens qui s'intéressent à l'histoire du jeu vidéo en tant que telle et les amateurs de Nintendo tout court. Il y a vraiment un contenu qui est inédit et très honnêtement très envié. Sur Kotaku par exemple, ils nous demandent régulièrement quand est ce qu'on le traduira en anglais. Il y a beaucoup d'anglophones qui nous envient en France et nous on n'arrête pas de critiquer. Je pense que l'histoire de Nintendo est quelque chose d’unique au monde, que même au Japon ils n'ont pas et qu'ils n'auront pas forcément (questions de droits). Je pense donc que ça vaut le coup. Il faut se laisse tenter et ça devrait plaire.

Merci aux lecteurs d'avoir lu jusqu'au bout ! »