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Pause Lecture : L'oeuvre de Suda51 d'Antony Fournier chez Third Éditions

Par babidu - Le 01/04 à 10:00

Derrière chaque jeu culte se cache un créateur à l’univers unique, parfois excentrique, souvent visionnaire. Parmi eux, Gōichi Suda, alias Suda51, occupe une place à part dans le paysage vidéoludique. Si on peut facilement l'oublier au rythme effréné des sorties chaque années, il est clairement plus compliqué d'oublier l'une de ses oeuvres ! Son approche punk du game design, son goût pour la transgression et son obsession pour le cinéma ont marqué toute une génération de joueurs, notamment sur consoles Nintendo avec les jeux No More Heroes.. Avec L’Œuvre de Suda51, Third Éditions et Antony Fournier consacrent un ouvrage entier à cet artiste atypique et à son studio Grasshopper Manufacture, offrant une plongée passionnante dans son esprit créatif. Pour en parler plus longuement Third Éditions m'ont gentiment envoyé l'ouvrage pour que je vous en parle en détail. 

Dès la première page, ce livre se révèle être bien plus qu’une simple biographie du Tarantino du jeu vidéo. C'est un vibrant hommage à un créateur haut en couleur dont l’approche punk et décalée entend redéfinir les codes du milieu vidéoludique à chacune de ses sorties. Pour les amateurs de No More Heroes et Lollipop Chainsaw, l’ouvrage offre un éclairage nouveau et inédit sur l’homme derrière ces œuvres cultes, dévoilant une facette insoupçonnée de Suda51, résolument rebelle et subversif, notamment dans la manière de communiquer de son studio Grasshopper Manufacture. Cet ouvrage traite d'ailleurs quasiment autant du créateur que de son studio, puisque d'éminents et notables membres de celui-ci se sont prêtés au jeu des interviews de l'auteur. C'est un plus extrêmement notable dans un ouvrage qui entend livrer une vérité (si ce n'est la vérité) sur la ludographie de Gōichi Suda. Qui pour parler mieux de lui que ses proches ?

Ce qui m’a particulièrement marqué, en plus de la mise en page assez différente de ce à quoi un lecteur assidu de Third Editions peut être habitué, mais nous y reviendrons, c’est la manière dont le livre dresse une rétrospective complète de sa ludographie. Même si, comme moi, vous ne connaissez initialement que No More Heroes et Lollipop Chainsaw, la richesse de cette rétrospective m’a donné envie de redécouvrir toute sa carrière. Des jeux méconnus comme Sine Mora, auquel je n’avais jamais associé Suda51, que j'avais fait il y a des années de cela sans même savoir que je m'attaquais à un jeu signé par le Tarantino du jeu vidéo lui-même jusqu'aux très intrigants Killer is Dead et Killer 7, chaque page m’a offert une porte ouverte vers de nouvelles expériences vidéoludiques. Il est cependant difficile encore aujourd'hui de pouvoir tenter un marathon vidéoludique de l'œuvre de Suda51 et j'espère que la sortie de ce livre auxquel le créateur lui-même a participé pourra débloquer certaines perspectives de remakes ou de simples remasters pour sa ludographie.

La mise en page, quant à elle, est une véritable œuvre d’art à chaque nouvelle double-page qui vient apporter une touche d'originalité à la lecture. Soigneusement pensée et remarquablement exécutée, elle vient renforcer le plaisir de lecture en plaçant parfois le texte dans une mise en page spéciale qui vient relancer le plaisir de la lecture en mêlant originalité et variété au service du propos de l'auteur. Ces changements de mises en page ont une allure d'ouvrage transmédia que n'aurait pas renié la saga NieR. C'est à la fois bienvenu et bien fait. La lecture de cet ouvrage m’a donné l’envie d’écouter de la musique, d’autant plus que certains titres de chapitres rendent clairement hommage aux univers punk et grunge qui l’inspirent. Ce détail contribue à instaurer une ambiance qui, bien que discrète, rappelle l’esprit anticonformiste de Suda51.

Ce qui fait toute la force de L'œuvre de Suda51, c’est aussi cette capacité à révéler l’homme derrière le mythe. Découvrir sa vie et son parcours, c’est comprendre comment un créateur, souvent comparé à une figure de Tarantino dans le monde vidéoludique, a su imposer son style unique en osant briser les conventions. Quasiment tout le monde connaît Suda51 au travers de l'un de ses titres phares. Que ce soit No More Heroes pour nous les fans de Nintendo ou bien Lollipop Chainsaw pour les joueurs qui ont eu le plaisir de découvrir un mix entre les univers de Suda51 et ceux du désormais bien plus connu James Gunn. C'est d'ailleurs son travail de scénariste sur ce titre qui lui aura inspiré plus tard certains pans du personnage de Harley Quinn. C'est un détail que j'ai appris en creusant sur la question. J'ignorais totalement que le scénario de Lollipop Chainsaw était signé par celui qui aujourd'hui est chargé de faire renaître l'univers cinématographique de DC. Mais passons, cet ouvrage ne se contente pas de narrer des faits, mais il transmet la passion, la rébellion et cette insatiable envie de bousculer l’ordre établi inhérent à Suda51 et à Grasshopper Manufacture. En lisant les quelque 290 pages écrites par Antony Fournier j'ai eu envie de me pencher sur la ludographie entière du studio alors même que les jeux No More Heroes ne font pas partie de mon panthéon des jeux disponibles sur Nintendo Switch !

C'est aussi un ouvrage qui décortique un échec dans la carrière de Suda51, l'échec du développement et de la sortie de Shadow of the Damned. Un projet qui sentait pourtant si bon lors de sa conception ! Fruit de la collaboration entre Suda51 et Shinji Mikami (rien de moins que le papa de Resident Evil), inspiré par leur amour partagé du travail de l'écrivain maître de l'absurde Franz Kafka. Finalement, sous la houlette de l'Electronic Arts en plein dans sa période propisce aux boucheries vidéoludiques et aux scandales, le titre sort finalement bien éloigné de la vision des deux hommes qui iront se consoler respectivement du côté du manga avec Kurayami Dance: Dance in the Dark qui vient raconter la véritable histoire du titre et avec le développement de The Evil Within pour Shinji Mikami qui va remettre certains éléments de Shadow of the Damned dans son DLC.

Une seule ombre au tableau : en parcourant ce livre, je n'ai pas pu m'empêcher de me sentir vieillir. Me rappeler les cheveux blancs de Johnny Knoxville et des grandes années passées devant MTV ne m'a pas fait du bien lors des chapitres sur Travis Strike Again et No Mores Heroes 3. Mais après tout, comme Suda51, moi aussi, je grandis.

En somme, cet ouvrage se distingue dans la ludothèque de Third Éditions, tout comme Suda51 se démarque dans l’univers des jeux vidéo. Il s’adresse tant aux fans de longue date qu’aux néophytes désireux de découvrir une nouvelle dimension de ces titres iconiques. Une lecture indispensable pour tous ceux qui souhaitent explorer la profondeur d’un créateur hors normes et, pourquoi pas, se lancer dans l’aventure de découvrir ses autres œuvres.

Pour commander L'œuvre de Suda51, rendez-vous sur le site de Third Éditions et laissez-vous emporter par ce torrent de révolte créative et d’inspiration musicale.