
Miyamoto nous raconte ses débuts aux côtés de Hiroshi Yamauchi

Shigeru Miyamoto a dernièrement accordé une interview au magazine EDGE. On lui a demandé de revenir dans le temps pour nous expliquer comment il exposait ses nouvelles idées à son ancien patron.
Traduction Nintendo-Master
Revenons au tout début, lorsque vous travailliez pour Hiroshi Yamauchi (ancien président de Nintendo). Son processus de sélection des jeux est une chose légendaire. Avez-vous eu des idées qui ont été rejetées ?
Je n’ai pas le moindre souvenir qu’une quelconque de mes propositions ait été rejetée par M. Yamauchi. Et je pense qu'une grande autonomie m’était permise quand il s’agissait des nouveaux jeux que nous allions faire. Sauf que parfois, M. Yamauchi s’approchait de moi et me disait : « N’est-ce pas le moment où nous avons besoin d’avoir le prochain jeu Mario ? ». [Rires] La façon dont il sélectionnait les jeux se passait ainsi : nous avions quelques nouvelles idées, j’allais le voir, je les partageais avec lui et je disais « Je pense que les gens peuvent se divertir d'une nouvelle façon. ». Et lorsque M. Yamauchi pouvait vraiment se concilier à ceci, immédiatement, cela devenait un projet commun dans la société. Ainsi, nous pouvions immédiatement commencer le développement. Parfois, il ne pouvait pas me donner un « oui » immédiat. Dans de telles situations, j’avançais secrètement dans un projet et au moment où cela devenait quelque chose de plus concret, je tentais de nouveau d’approcher M. Yamauchi, en lui donnant la possibilité de passer à travers tout. [Rires] Eh bien, après tout, M. Yamauchi a le même âge que mes parents, donc je pense qu'il me regardait peut-être comme un fils ou un petit-fils qui faisait quelque chose pour lui. Je pense qu'il avait un peu ce genre d'approche. Mais cela étant dit, bien sûr le résultat final était parfois très pénible parce qu'il y a également des réalités du business. Mon jeu pourrait se vendre moins que ce qu’attendaient Nintendo ou M. Yamauchi. Ensuite [dans ce cas], il devenait très, très agité. Furieux, en fait.
Je vais vous donner quelques exemples. Avec Donkey Kong, j'ai démontré comment le jeu fonctionnerait fondamentalement, ça lui a plu, et il a immédiatement exigé que je devais arrêter les autres travaux du moment, afin de me concentrer sur la finition de ce projet particulier. Lors de son temps en tant que président, il avait une grande intuition sur quelle genre d'initiative pourrait fonctionner, et le genre qui ne se vendrait pas. Si M. Yamauchi déclarait « Cela pourrait bien tourner. », pensant qu'il s'agissait d'un prototype alors qu'en réalité ceci était presque terminé, il disait par la suite : « OK, ça va être un bon titre sur le marché. ». Ceci n’est pas commun. Il y a souvent des moments où d'autres managers de l'industrie ne pouvaient pas avoir ce genre de prévision précise. Même au sein de Nintendo, d'autres managers avaient souvent tendance à être en désaccord au sujet de mes perspectives à chaque fois que je leur montrais le même morceau de logiciel. Mais, en dehors de tout le monde, M. Yamauchi avait tendance à avoir les prévisions les plus précises quant à combien pourrait se vendre un certain jeu. Quand je lui ai montré la démo de Super Mario Bros., il avait vraiment, vraiment aimé. Je me rappel encore de lui disant : « C'est génial, on peut voyager sur terre ou dans le ciel, et même dans l'eau. Cela va être incroyable. ».
Cela peut vous surprendre, mais je n'ai jamais fourni une présentation sur papier à M. Yamauchi. Souvent, à la première étape je lui donnais seulement quelques courtes notes, une image montrant comment l'idée du jeu serait construite, ou une présentation. Et puis, une fois que M. Yamauchi comprenait l'image principale, j’essayais de l'élargir et de lui expliquer l'idée plus en détail. Et c’était le moment où il pouvait utiliser ses propres instincts afin de dire si cela allait être génial.
Hiroshi Yamauchi, alias Mother Brain, troisième président de Nintendo et dernier de la famille fondatrice Yamauchi.
C'est actuellement l'une des personnes les plus riches au Japon et surtout c'est le principal actionnaire de Big N.