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La Rédac' se Lâche - La Wii U, 6 ans de retard ?

Par everred - Le 23/07/2012 à 10:17

La Rédac' se Lâche, c'est l'occasion pour un membre de l'équipe de Nintendo-Master de faire part de ses impressions sur l'actualité de la semaine, d'une anecdote ou bien tout simplement d'un sujet lui tenant à coeur. Nous vous donnons donc rendez-vous chaque lundi pour retrouver les pensées de la rédaction !



Après avoir longtemps hésité sur le sujet à traiter pour mon premier article de cette rubrique et passé au scanner tous les thèmes envisageable, j'ai fini par me décider à parler de quelque chose pile sur l'actu : la Wii U. Car derrière ce titre volontairement provocateur se cache non pas une critique éhontée bien virulente et désagréable mais simplement les interrogations inquiètes d'un fan-boy dans l'angoisse. Et comme tout le monde semble penser qu'il est absolument nécessaire de ne pas garder ce genre de sentiments pour soi, c'est avec un plaisir un peu malsain que je vais vous les faire partager de façon aussi succincte que possible.

Inutile de le masquer, la console m'attire. Seulement, ce n'est pas dans le sens où je me retrouverai à courir dans tous les magasins de Paris pour la trouver, comme je l'avais fait pour la Wii le jour de sa sortie. En réalité, je suis d'une part intrigué de voir quelle tournure exclusive va prendre l'actualité vidéo-ludique pour les quelques années qui succéderont sa sortie et d'autre part conscient que si j'ai envie de retoucher à un Mario ou à un Zelda dans ma vie, je n'aurai tôt ou tard pas d'autres choix que d'investir dans la Wii U.

¡ Nunca más !

Finalement, j'ai surtout deux sources d'inquiétudes principales. La première est d'ordre strictement personnel, même si je me doute bien que d'autres joueurs ont du se retrouver dans cette situation : la Wii a constitué pour moi une très mauvaise expérience. Évidemment, je ne parle pas des chiffres de vente de la console qui ont dû permettre à Iwata de sabrer le champagne tous les soirs ; console d'ailleurs qui constituait un pari excessivement risqué et qu'on ne peut que féliciter vu les maigres qualités du hardware. Bien sûr, je ne nierai pas que j'ai pris beaucoup de plaisir sur certains jeux, par exemple Super Mario Galaxy et Xenoblade qui resteront, de mon point de vue, des poncifs de ce que Nintendo a su faire de mieux dans leur genre respectif. Et pourtant je me suis aussi royalement ennuyé (pour rester poli) sur ce support du diable. Pourquoi ? Parce que les choix technologiques lacunaires de la Wii l'ont condamnée, même après le retour des éditeurs tiers, à nous fournir une expérience de jeu excessivement sommaire là où ma Gamecube me permettait de toucher à l'ensemble du catalogue de sa génération (la PS2 avait bien sûr plus de jeux, mais globalement sur l'ère 128 bits on n'était pas trop mal servis quel que soit le constructeur choisi). Or si du côté de chez Sony et Microsoft, lors de l'arrivée des Xbox360 et PS3, les différences entre leurs catalogues sont progressivement devenues de plus en plus ténues, jamais je n'ai eu à ce point le sentiment de rater autant de bons jeux du côté de chez Nintendo. Dans une sorte d'aveu un peu dramatique, ces derniers se faisant de plus en plus rares, on a même eu droit à des remakes « nouvelle façon de jouer » paresseux là où tout le monde attendait des suites ; remakes que je me plais à croire non pas publiés pour se faire de l'argent facile mais à cause d'un mouvement de panique général dans les locaux de Big N, instauré par la peur de faire mourir ses consommateurs d'apoplexie. Dans le même ordre d'idées, on peut dire que la Wiimote qui était le justificatif au gain quasiment nul de puissance par la console ne nous a finalement pas apporté grand chose, une feature sympa dans Zelda et chiante dans les autres jeux, mais c'est tout. La fin de vie de ce support approchant à très grands pas, le bilan est assez évident : force est de constater que la plupart des bons jeux Wii auraient d'avantage bénéficié d'un lifting graphique que de l'utilisation ridicule de la Wiimote. On peut accepter que les jeux développés par Nintendo soient limités par la faiblesse du hardware de leur machine. C'est dommage mais c'est comme ça. Ce qui est moins acceptable, c'est que cela ait aussi contribué à bloquer toutes possibilités d'accès aux jeux multisupports et que du coup Nintendo se soit retrouvé seul développeur à faire vivre la Wii pendant 6 ans, ce qui est tout de même remarquable. En somme, un super coup de poker remporté avec une paire de 2.

Mais je ne suis pas rancunier, je suis toujours prêt à faire table rase du passé. Oublier tout ça, et repartir du bon pied. Et là, c'est l'horreur : Nintendo affirme que leur console ne sera pas chère, afin que tout le monde puisse toucher aux jeux vidéo. Avec un peu de recul, j'ai envie de dire et alors ? En réalité, je préfère encore payer une Wii U puissante à 500 euros que d'avoir une technologie obsolète dès sa sortie pour « seulement » 200 euros (ce dont je doute fort) puis devoir 2 ans plus tard m'acheter une PS4 à 600 pour ne pas crever de faim. Cette stratégie a su se montrer avantageuse pour toucher les joueurs occasionnels, seulement elle force les hardcore gamers à aller voir du côté de la concurrence ! Mais passons : on nous jure que le fossé technologique qui séparera les constructeurs de cette génération serait moins important que par le passé, et que les nouveaux moteurs graphiques arriveraient à être compatibles avec une grande marge de hardware. Soit. Les jeux arriveront certainement plus tard, même si les annonces sont aujourd'hui quand même légères.

De toute façon, il semblerait qu'à l'heure actuelle tout le monde soit tombé plus ou moins d'accord sur le fait qu'il faut acheter les consoles Nintendo juste pour les licences Nintendo et non pas le reste. Or, récapitulons les trois grosses annonces software de l'entreprise à l'E3 dernier : Pikmin 3, New Super Mario Bros. U, et Nintendo Land. Oui, c'est peu. Et donc le boss de Nintendo, avec un planning pareil, ose nous dire que sa firme veut se revendiquer différente des autres et miser sur l'innovation avant tout ? Un hardware qui aurait dû sortir il y a 6 ans et des jeux qui n'ont pas évolué depuis à peu près la même époque seraient censés être de l'innovation apparemment. A moins que quelques personnes hautes placées n'estiment que l'ersatz d'iPad incrusté dans la manette ne puisse encore une fois tout justifier. Encore faudrait-il qu'on nous le prouve et qu'on ne se retrouve pas dans 6 ans à faire la même conclusion que pour la Wii. Mais revenons-en à l'essentiel. Le jeu le plus sympathique reste pour moi Pikmin 3, qui a simplement l'air d'être un Pikmin 2 en HD (quand même, après 2 générations, on était en droit d'espérer plus créatif) c'est à dire du sympa sans être dantesque. Le Mario 2D s'annonce absolument outrageant pour les fans qui commencent à se rendre compte que depuis la DS, ben le jeu n'a pas évolué d'un iota. J'ai juste envie de crier « eh les gars si vous trouvez votre gameplay (devenu un peu poussif avec le temps) parfait, faites au moins un petit effort sur les graphismes ! Les décors qui défilent en arrière-plan, c'était révolutionnaire sur SNES mais depuis y a quand même eu ne serait-ce que Trine 2 et Rayman Origins ». On peut avoir ses propres repères esthétiques sans pour autant sombrer dans la banalité absolue. Quant à Nintendo Land, c'est carrément avec indignation que je l'accueille. Des mini-jeux sur l'univers Nintendo, c'est mignon. Quand on se rend compte que ça a pris à l'E3 la moitié de la conférence de son développeur, c'est par contre très inquiétant. Le soft prend en plus la forme d'un pied-de-nez gargantuesque aux fans de la marque : vous voulez des gros jeux ? Vous n'en aurez pas mais vous aurez des mini-jeux qui s'en inspirent. Et après les années entières de service de Sakurai à développer des Smash Bros. toujours plus complets, qu'Iwata nous dise que le développeur de Wii Sports est le plus à même de développer un crossover inspiré de tous les univers de la firme de Kyoto, j'ai du mal à le digérer.

 

Le jeu des 7 différences... Eh ! J'ai compris pourquoi Nintendo n'inclut jamais d'éditeur de niveaux !

De la même façon, je n'arrive pas à me réconforter en regardant du côté des éditeurs tiers. Batman Arkham City présenté en fanfare ? Ca va faire depuis novembre 2011 que je l'ai fini dans tous les sens. Mass Effect 3 ? En plus d'être l'épisode le moins abouti de la saga, ils se permettent de nous le sortir avec zéro ajout - sans aucun doute au prix fort par ailleurs - un an après sa sortie sur tous les autres supports, avec en prime la réjouissance de ne pas pouvoir importer son personnage (et donc modifier l'histoire). La moindre des choses, vu le principe même du développement du scénario, aurait été d'inclure ce jeu dans une version trilogie mais évidemment ce n'est pas au programme. Et qui va ensuite se plaindre si ça ne se vend pas ? Donc non, je ne trouve pas ça du tout réjouissant qu'on nous présente comme si c'était extraordinaire des hits, sortis il y a déjà un an partout ailleurs, sur Wii U. D'autant plus que lorsqu'on interroge les studios par rapport à l'avenir, on obtient d'abord des réponses du type : « oh oui, la Wii U a l'air d'être une excellente plateforme, elle a un énorme potentiel ! » mais lorsqu'on creuse un peu, on a plutôt des réponses de ce type : « oh non, non, Lords of Shadow 2 n'est pas prévu sur Wii U pour l'instant » ou bien encore « Ubisoft est à fond derrière la Wii U, Watch Dogs pourrait éventuellement voir le jour dessus mais on n'est pas encore décidé » et le must :« alors oui vous aurez Aliens Colonial Marines sur Wii U, mais euuuh... Borderlands 2, on verra peut-être plus tard comment les choses se passent ». Ah ? Et ils osent ensuite prétendre avoir peur que les seuls à se faire de l'argent sur Wii U soient les équipes de Nintendo ? On croit rêver : sortez nous les jeux dès le lancement de la console si vous ne voulez pas que les joueurs se les prennent sur un autre support ! Sinon, c'est évident qu'à part Nintendo personne ne se fera de thunes. Un véritable cercle vicieux autant qu'absurde.

Quel avenir pour la console alors ? Il semblerait que beaucoup de joueurs occasionnels se soient désormais convertis au jeu sur mobile. De l'autre côté, une partie non négligeable des hardcore gamers s'est sans doute tournée vers la concurrence et ne sautera peut-être pas sur la nouvelle dame blanche day one, ce qui découragerait les éditeurs frileux. Le climat dans lequel va donc sortir la Wii U n'est plus du tout le même que celui d'il y a quelques années. Cela dit, c'est un cas de figure assez extrême, je pense Nintendo assez intelligent pour promouvoir correctement sa console. Il n'en reste pas moins qu'on peut se demander : et dans deux ans, quand les concurrentes sortiront, ne risque-t-on pas d'assister à un désintérêt massif des développeurs pour la plateforme de la firme, qui se contenteraient alors de portages faits à l'arrache ou même qui laisseraient tomber le support ? Espérons que non. Deux petits mots pour conclure, le premier adressé directement à Nintendo : c'est bien beau de nous promettre un hardware « révolutionnaire » mais si les jeux sont archi-classiques, ça me fait une belle jambe, je préférerais encore l'inverse. Le second, adressé à Ubisoft : montrez à Nintendo comment se servir de leurs propres technologies, faites un ZombiU qui dépote et un Rayman à se damner !

Everred