Divers

[Interview] S. Miyamoto : "Accueillir de nouveaux jeux et personnages"

Par kraydepor - Le 19/07/2011 à 16:17

Terminons ce petit entretien en écoutant les réponses du créateur de Mario et autres, suite aux questions sur l'industrie du jeu vidéo. Un grand merci à Libération pour avoir donné une place importante à un homme qui le mérite amplement. En effet, la rédaction a eu la chance d'interviewer Shigeru Miyamoto dans les allées de l'E3 et ça, ce n'est pas commun !


Libération : Nintendo est une compagnie nippone prospère mais la situation est moins rose alentour. Quelle est votre opinion sur la situation de l’industrie du jeu au Japon ?

Miyamoto : Je pense que notre industrie est trop focalisée sur le marché nippon, et trop dépendante de niches spécifiques à celui-ci. Les développeurs actuels manquent de l’expérience du public mondial, comme si notre énergie et notre talent, dont nous ne manquons pourtant pas, étaient trop concentrés sur nous mêmes. Il est difficile de faire du profit dans ces conditions. Chez Nintendo, en tant que membre de cette communauté, nous réfléchissons actuellement aux moyens d’aider certains de nos partenaires dans l’industrie japonaise, à faire mûrir leurs idées et à les emmener vers des publics plus larges.

Comparée au Japon, un des points forts de l’industrie américaine n’est-il pas l’agressivité de son marketing ?

C’est sans doute un facteur. Mais créer quelque chose pour le marché global est aussi une difficulté culturelle pour nous. En fait, je n’aime pas beaucoup moi-même utiliser le terme global. Mais les développeurs japonais ont une trop forte tendance à créer des jeux liés à la culture locale et ponctuelle. Ils regardent ce qui marche autour d’eux et s’y arriment, en créant des jeux dérivés de comics ou d’animés typiquement nippons. Ou encore des jeux spécifiquement liés à des niches du marché local. Moi, je dis qu’il ne s’agit pas de perdre notre originalité, bien sûr, mais que notre caractère unique ne nous empêche pas de développer une créativité pour tous. C’est vraiment ce message qui est le plus important pour moi dans cette affaire.

L’Amérique n’a-t-elle pas un avantage compétitif dès qu’on parle « global » grâce à Hollywood, ses films, sa télé, sa pop culture ?

Je ne crois pas que ça rende les jeux mieux acceptés globalement. D’ailleurs leurs jeux les plus populaires ne marchent pas très bien… au Japon. C’est le plus difficile : fabriquer des jeux qui parlent au sens commun de tous.

 

L’avantage de Nintendo c’est vous. Ni Sony ni Microsoft ne peuvent prétendre à une incarnation pareille de leur marque, cette identification entre un homme, presque une star, et une enseigne de jeux. C’est un cas unique.

Se prenant littéralement la tête (entre ses mains), Shigeru Miyamoto réfléchit, se masse les cuisses, se gratte le menton, prends deux minutes avant de répondre…
Oh la-la. Il faut que je réfléchisse ! C’est beaucoup de responsabilité ce que vous dites là !
Au fond, ce qui me surprend toujours, c’est que je vis avec l’idée que les Etats Unis respectent davantage les développeurs que le Japon. Ici, les noms de Wright, Meier, Molyneux sont plus universels. Au risque de surprendre, je trouve qu’il y a quelque chose de plus anonyme au Japon. Cela dit, on ne sait pas vraiment qui, quel créateur, a inventé Halo…
Notre vrai avantage chez Nintendo, c’est que le jeu est notre cœur de métier. Nous fabriquons des jeux et des consoles et rien que ça. Je ne veux pas minimiser mon rôle ou mon influence ou ma responsabilité dans la réussite de certaines choses… Mais en tout cas je ne peux pas tout revendiquer.

Vos deux plus grandes créations ont grandi. Mario a désormais 25 ans, Link, le héros de Zelda, aussi. Ne pensez-vous pas qu’il est temps pour eux de se marier et d’avoir des enfants ? Chacun de son côté, je précise…

Hi-hi ! Mickey est encore plus âgé que ça. Et il n’est toujours pas papa.

Laissez-moi vous poser la même question plus directement : n’avez-vous pas envie de créer un ou des nouveaux personnages, des héros entièrement neufs ?

C’était mon but avec les Pikmin, que j’ai commencé à développer pour le GameCube et il y aura d’ailleurs un Pikmin Wii U sur lequel je travaille aussi. Mais je suis d’accord : il ne faut pas toujours refaire. Et de ce point de vue, la Wii U se présente bien : c’est le système idéal pour accueillir de nouvelles catégories de jeux et de nouveaux personnages.