Site

Interview NM: JeuxVidéo Magazine

Par thesayen77 - Le 09/07/2008 à 15:25
Nos confrères de chez JeuxVidéo Magazine (JVM pour les intimes) ont eu l'amabilité de répondre aux quelques questions que nous leur avons posées.

Les sujets abordés sont divers, mais touchent, pour beaucoup, l'univers de JVM, et celui de Nintendo. Ce qui n'empêche pas quelques impressions personnelles et des questions traitant de la pertinence des notes.

Nintendo-Master : Pensez vous que la presse spécialisée européenne est désavantagée par rapport à la presse américaine ?

Julien Van de Steene - Rédacteur en Chef - JVM : Les journalistes français ont une réputation d’empêcheur de tourner en rond. Lors des présentations presse, ceux sont ceux qui posent les questions qui fâchent. Je ne connais pas parfaitement toute la presse européenne, mais je pense que les lecteurs français ou allemands sont mieux informés que les lecteurs américains, pour cette raison et parce que l’offre de magazine est bien plus importante chez nous. Je ne parle ici pas des sites Internet, où l’offre est encore à l’avantage des Etats-Unis.


NM : Pensez vous que les sites Internet pros sont un obstacle pour vous, ou un complément ?

JVM : Le très prochain canaljeuxvideo.com que l’on peut qualifier de site/canal frère de JVM, est à la fois complet et moderne. Pourtant je le vois comme un excellent complément, un service pour nos lecteurs. Je pense que cela répond à votre question. J’ajouterai que le développement d’Internet n’a pas que des méfaits sur la presse magazine. Il oblige cette dernière à gagner en qualité, et elle s’en tire plutôt bien. En 2007, les plus importants titres de presse magazine (tous secteurs confondus) ont globalement progressé en audience, Jeux Vidéo Magazine étant le deuxième mensuel porteur de cette progression.

NM : Que pensez vous du rôle des sites amateurs ?

JVM : ll faut absolument qu’ils gardent ce côté « petit club entre amis » qu’avaient les fanzines avant l’ère Internet. Là ils sont dans leur rôle. En revanche, quand ils essaient d’imiter les sites pros sans en avoir les moyens, ils ne font que brouiller l’information. Les éditeurs de jeu l’ont bien compris et exploitent à fond ce côté « passe plat » que ce sont donné involontairement ces sites : d’un site amateur à l’autre, on lit globalement la même chose, à savoir des communiqués de presse paraphrasés, quelques tests de jeu très dépendant de la qualité du testeur (variable sur un même site), etc.

NM : Quel est le parcours pour devenir rédacteur ?


JVM : Quand on se penche sur les CV des journalistes de presse spécialisée en jeu, on trouve un peu de tout. Certains sont issus d’une école de journalisme, mais pas la majorité. Ce sont des qualités indépendantes d’un cursus scolaire qui sont recherchées : sens de l’analyse, réactivité, pertinence, mais aussi, bien sûr, bonne maîtrise de la langue et bonne connaissance du sujet. Et, surtout, il faut savoir prendre du recul. Si vous pensez réunir ces qualités… vite, contactez moi ;-)

NM : Avez vous du plaisir à (re)jouer chez vous à quelques jeux, ou le travail vous sature. Je voudrais savoir par là si c’est toujours une manière d’assouvir votre passion ou si trop de jeux tue les jeux ?

JVM : Je fais bien la distinction entre travail et consommation personnelle. Par exemple, je m’achète les consoles le jour de leur sortie, même si je les connais déjà bien. Et je m’éclate sur les jeux au gré de mes envies. Des fois je lance un jeu histoire d’essayer et je reste scotché dessus tout le week-end. Ça m’est arrivé récemment sur Wii avec Boom Blox. Et ma dernière semaine a été passée sur Civilization Revolution (Xbox 360), après une nouvelle tentative infructueuse de me plonger dans MGS4. Des jeux qui m’émerveillent, comme Portal, j’en vois peu. Mais la rareté fait partie du plaisir de la découverte des jeux exceptionnels. Et le reste du temps, pourquoi bouder son plaisir ? Un Mario Galaxy est attendu comme excellent, en ce sens il ne peut pas surprendre comme un Mario 64… ça ne le rend pas moins excellent. Je plains les joueurs blasés qui passent à côté de ce genre de titres ;-)

NM : Lors de la rédaction des articles, est-il difficile de prendre en compte toutes les tendances actuelles en matière de jeu vidéo, pour ne pas "vexer" tel ou tel public, qui, pour certains, sont très (trop ?) réactifs aux critiques ?

JVM : Oui, mais notre rôle est de dire les choses, pas de les arranger pour séduire tel ou tel public.

NM : A ce propos, comment avez vous perçu les remarques approuvant ou allant à l’encontre de votre dossier « ce qu’on vous cache sur la Wii » ?


JVM : Notre dossier sur la Wii a été très apprécié. Y compris par des fidèles de la marque Nintendo, mais il a été attaqué par d’autres. Les critiques que nous avons relevées portaient sur nos supposées intentions ou sur des interprétations très libres de nos propos. Il a par exemple été dit que l’on reproche à Nintendo de gagner de l’argent, ce que nous n’avons pas écrit… et pas même pensé, c’est au contraire tout à l’honneur de la société en question. Pas toujours facile de confronter passion et raison… mais ça fait toujours plaisir de voir exister cette passion, justement.

NM : A en juger par les photos des rédacteurs (humour inside), vous avez connu les prémices des jeux vidéo. Quelle est l’époque qui vous a semblé la plus généreuse en hits ?

JVM : L’âge des journalistes de JVM s’étale de 23 à plus de 40 ans, c’est large. Je me souviens avoir eu une première console chez moi dans les années 70, j’étais alors très jeune. J’ai des souvenirs forts pour chaque époque depuis. Pour vous répondre, depuis environ un an, j’ai le sentiment d’avoir une profusion de jeux de qualité, à faire absolument. On voit peu de nouveaux concepts (hormis Portal, que je n’ai de cesse de conseiller), mais beaucoup d’excellents jeux très aboutis sont disponibles. Et je ne parle même pas des titres frais que l’on trouve sur des services sur les Xbox Live Arcade, PSN, Steam et, dans une moindre mesure pour l’instant, Wii Ware. Bref, l’époque la plus généreuse en jeu que j’ai connu, c’est… aujourd’hui !


NM : Quel est le réel impact de la nouvelle politique Nintendo pour vous ? La mode « casual » va-t-elle s’essouffler, ou Nintendo, et d’autres, vont continuer à produire ce genre de jeux simples et susceptibles d’engendrer beaucoup d’argent ?

JVM : C’est le mot casual qui est à la mode. Tous ceux qui l’utilisent ne lui donnent pas le même sens. Il faut déjà préciser si l’on parle de joueurs occasionnels ou de jeux occasionnels. Je ne suis pas ce que l’on qualifie de joueur casual, et pourtant je pratique volontiers les jeux dit casual. Et puis Picross DS, par exemple, est-ce un jeu gamer ou un jeu casual ? Bien sûr on peut imaginer d’un côté un hardcore gamer qui pratique le jeu comme une compétition, et de l’autre la grand-mère qui joue à Lettriq sur sa DS, et comprendre qu’ils n’ont pas grand-chose en commun. Mais entre ces deux caricatures, il y a une multitude de joueurs au sein de laquelle il est impossible de tracer une frontière. J’ai vu des gens, qui se revendiquaient hermétiques au jeu vidéo, acheter une Nintendo DS. Qu’ils y jouent encore ou pas dans quelques années, difficile de le dire. Mais en tout cas, pour eux, pratiquer le jeu vidéo est devenu socialement et moralement acceptable. Et ils ne freineront plus l’achat d’une console pour leurs enfants, le moment venu. La Wii et la DS ont, pour cette raison, fait beaucoup de bien au jeu vidéo, et pour longtemps. La DS plus que la Wii d’ailleurs, parce qu’elle est moins susceptible de décevoir.

NM : Considérez vous les nouvelles consoles comme Next-Gen, sommes nous en droit d’espérer encore une évolution ?

JVM : Next-gen est un terme qui a un sens temporaire, et déjà utilisé lors de la sortie de la PS2. Il est temps de l’oublier jusqu’à la prochaine génération ;-)

Lorsque j’entends que les jeux vidéo n’ont plus besoin d’évolution, je m’étonne : nous avons déjà entendu ça à la sortie de la PS2, et pourtant il s’en est vendu plus que de PS1. Une génération plus tard, il y a encore de très gros progrès à faire, de nombreux jeux sont limités par la technologie. Par évolution, on pense d’abord aux graphismes, ou même à l’interface depuis la Wii, mais cela englobe aussi les intelligences artificielles et les moteurs physiques. A ce propos, je pense qu’un Mario Galaxy, par exemple, aurait proposé des choses plus surprenantes si les développeurs avaient eut à leur disposition la puissance nécessaire pour reproduire des interactions physiques plus élaborées.


NM : Qui tranche lorsque, au sein de la rédac’, les avis divergent sur une note ? Pensez-vous que l’on puisse ramener la qualité (ou pas) d’un jeu à un simple chiffre, ou est-ce une simple formalité qui conclue un texte principal ?

JVM : Les chefs de rubrique du magazine et moi-même formons un comité au sein duquel nous discutons des cas litigieux. Les cas les plus délicats sont les jeux qui créent un engouement pour certains joueurs et un rejet pour d’autres. Super Smash Bros. Brawl en est un très bon exemple. Les notes sont des indicateurs, mais il faut lire les textes. Il m’arrive de passer un week-end sur un jeu que nous avons noté 14/20, juste parce que j’ai été séduit par le concept. Du moment que le test de Jeux Vidéo Magazine m’a donné envie de jouer à ce jeu, je pense que sa mission est réussie.

NM : Encore merci du temps que vous nous avez consacré.

JVM : Au plaisir, à bientôt dans JVM ;-)