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[Interview] Jean Philippe Alba et le Musée du Jeu Vidéo

Par kraydepor - Le 19/04/2010 à 19:25


Jean Philippe Alba, le responsable éditorial du musée du jeu vidéo, répond à nos questions et nos interrogations sur le projet de ce musée, les idées et surtout l'avenir d'une telle initiative. On le remercie encore pour nous avoir accordé tout ce temps. Au passage, un grand merci à Chloé Francavilla pour sa patience et son accueil ! Régalez-vous...

Nintendo Master : Bonjour JP, peux-tu te présenter et décrire ton rôle dans le Musée du Jeu Vidéo ?

Jean Philippe Alba : Alba Jean Philippe, je travaille dans la presse spécialisée depuis maintenant 10 ans, j ai commencé ma « carrière » en écrivant des piges pour les magazines banzzai/supersonic au début des années 90 e j’ai sorti deux livres sur les jeux vidéo (Artbook Digital Games, site internet dont je suis le rédac chef, et l’année du jeu vidéo 2006-2007). C’est à peu près tout sinon je suis responsable du contenu éditorial du musée du jeu vidéo, j ai été mandaté par l’agence de communication alerte orange sur ce projet qui nous a pris au bas mot 6 mois à temps plein de nombreux week end et nuits blanches comprises.

NM : Pourquoi faire un musée du jeu vidéo ?

JPA : Ce n’est pas une idée nouvelle ! Mais elle fait son chemin depuis quelques années maintenant avec les médias qui s’intéressent de plus en plus au phénomène sans nécessairement parler de violence ou d’addiction (ce qui était, il faut bien avouer un de leur sujet de prédilection). Le profil des joueurs a évolué, les styles et les possibilités de jeu aussi. Il est grand temps de raconter cette histoire. Les écoles et les formations de jeux vidéo sont de plus en plus professionnelles et nombreuses en France. Le gouvernement aussi s’intéresse à cette industrie avec au moins une assise annuelle au Sénat rassemblant les différents acteurs de l’industrie (ce qui n’est pas le cas de la musique ou du cinéma). De plus, les subventions, avec l’ouverture d’un crédit d’impôt en 2007, même si on ne peut les comparer avec celles attribuées au secteur audiovisuel, commencent à faire leur bout de chemin. Le ministère de la Culture et de la Communication a reconnu ces dernières années plusieurs créateurs de jeux en tant que Chevaliers des Arts et des Lettres… Bref, les choses bougent, on sent que c’est dans l’ère du temps et que l’ouverture d’un musée ou d’expositions ou toutes initiatives en ce sens répondent à une demande forte et croissante de la part du public. Mine de rien, on est quand même plus de 25 millions de joueurs recensés en France, le jeu vidéo est le loisir préféré des français… avec le jardinage je crois !

 

NM : Depuis combien de temps le projet est en chantier ?

JPA : Une année environ. C’est la rencontre de l’agence Alerte Orange avec l’association MO5.com, qui milite depuis des années pour la sauvegarde du patrimoine qui a permis d’initier cette démarche. A l’époque, MO5 avait besoin de nouveaux locaux et d’un peu de communication, nous nous sommes rapprochés et très logiquement l’idée de monter une exposition ensemble avec les ressources et les qualités de chacun nous a permis de réaliser une première exposition en juin 2009 intitulée « Retrogaming : 30 ans de jeux vidéo ». Cette expo parisienne a très bien fonctionné et nous a conforté dans l’idée qu’un véritable musée, avec plus de machines et dans un lieux plus prestigieux, devait désormais faire son chemin si personne n’était prêt à se bouger en ce sens. Derrière cette démarche, l’idée est toujours la même : rendre hommage à un loisir (parfois malmené par les médias et les politiques) mais qui est pourtant pratiqué par des millions de joueurs… Cherchez l’erreur ! Il n’est pas question d’idéaliser ou de mettre les jeux vidéo sur un piédestal mais d’au moins leur rendre hommage (avec un tout petit peu de mauvaise foi quand on peut, ça alimente le débat !). Et cela fait maintenant 6 mois que nous travaillons de manière très active au lancement de ce musée. Il évoluera avec les semaines et mois à venir pour être une première étape vers d’autres initiatives en ce genre. Au final, le gagnant sera le joueur avec différentes expositions et musées sur la thématique du jeu vidéo.

NM : D'où viennent toutes les pièces présentées dans ce musée ? 

JPA : Il s’agit d’un musée privé au même titre que les 10000 autres en France (contre tout juste une soixantaine de musée publics soutenu par des aides gouvernementales, les pièces présentées proviennent donc de donateurs privés. Pour l’instant, il s’agit principalement d’une collection privée et de quelques dons de généreux collectionneurs fans de jeux. La collection principale appartient à Olivier Bodeur qui est le dirigeant d’Alerte Orange et qui collectionne depuis des années un nombre incalculable de produits culturels et produits dérivés. Grosso modo, c’est un grand fan de BD, de musique, de cinéma et de jeux vidéo.

 

NM : Pourquoi ne pas avoir fait équipe avec l'association MO5, reconnue pour ses pièces de collection ? 

JPA : Nous avons déjà travaillé avec MO5 sur deux expositions et cela s’est très bien passé d’ailleurs. Sur ce projet, MO5 devait être partenaire mais il y a eu des quiproquos et des malentendus dus à des problèmes de communications de part et d’autres ; de plus les choses sont allées très vite. Bref, nous sommes conscients que les fautes sont partagées, déçus de ne pas avoir réussi à monter  ce projet ensemble mais on espère se retrouver par la suite. Au final, notre volonté est la même que celle de MO5 ou d’autres associations qui militent en ce sens : monter à terme un Musée national du Jeu vidéo sur une surface plus importante qui permettent d’aborder l’ensemble des sujets susceptibles d’intéresser le public. La vision à terme est la même  les voies empruntées pour y arriver sont justes différentes. Le fait d’avancer avec des partenaires privés nous donne l’avantage d’aller plus vite que par les réseaux étatiques habituels. Nous travaillons déjà en commun avec quelques associations ; au final, c’est un véritable groupe d’intervention de journalistes, d’industriels, et membres de syndicat et d’association qui permettrait d’arriver à un tel objectif. Le musée du jeu vidéo sur la grande arche n’est qu’une première étape pour arriver à un Musée national du jeu vidéo et il n’empêche aucunement d’autres associations ou acteurs de promouvoir l’industrie du jeu vidéo à nos côtés ou seuls. Dans tous les cas de figure, toute initiative visant à promouvoir l’industrie du jeu vidéo est bonne à prendre et peut aider à faire remonter la puce à l’oreille de personnes capables d’amorcer un projet encore plus ambitieux. C’est ce qu’est en train de faire MO5, c’est super.



NM : Peux-tu nous parler du public ciblé par ce musée ?

JPA : A la fois le grand public et les gamers. Notre plus belle récompense est de voir une famille se déplacer avec les enfants qui jouent à Pacman ou Pong et les parents qui sont derrière (souvent d’anciens joueurs qui  n ont plus le temps de s’adonner à ce loisir ou jouent par procuration auprès de leurs gamins) et qui sont aux anges. Quand on voit cela, on se dit que le travail est réussi. Il y a près de 700 visiteurs par jour, qui sont vraiment contents malgré des choix éditoriaux parfois difficiles à prendre (comme ne pas parler des ordinateurs) mais les joueurs ne nous en tiennent pas encore trop rigueur et sont déjà contents de ce qui est présenté : des consoles, des créateurs, produits dérivés, des fiches pour appréhender chacun des contenus, un hologramme et un écran tactile avec des publicités game footage en tout genre, de nombreux reportages… bref il y a de quoi facilement s’amuser pendant deux heures sans voir l’intégralité de ce qui est présenté.



NM : Quels sont les projets pour l'avenir du musée du jeu vidéo ?

JPA : La volonté première de ce lieu permanent est de sensibiliser le grand public à ce loisir mais nous sommes bien conscients que la surface allouée par le toit de l’Arche, sans que cela ne leur soit reproché, n’est pas suffisante pour raconter tout ce qu’on aimerait dire à propos de l’industrie du jeu vidéo. L’idée est donc de ne pas se limiter à la seule région Ile-de-France et de proposer des expositions temporaires voir permanente pour de nombreuses collectivités locales voir à l’international. Notre collection est loin d’être épuisée et nous avons de nombreux exemplaires en double qui peuvent largement subvenir à de nombreuses expositions sur le sujet afin de ne pas contenter les seuls franciliens. Les joueurs sont partout, ce n’est pas le cas des expositions sur cette thématique mais nous serions ravis de voir se multiplier de telles initiatives avec (ou même sans !) notre participation. Des événementiels et nouvelles thématiques sont en cours d’étude pour les mois à venir, on peut facilement profiter du lieu et des infrastructures présentes (auditoriums de pointe) au sein de l’arche. Une synergie plus importante avec le Musée de l’informatique est aussi en cours pour faire le lien entre jeux vidéo et monde informatique.



NM : Merci pour ce petit temps accordé à Nintendo Master

JPA : Merci à vous et à vos lecteurs qui seront intéressés par le sujet