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Entretien avec Nico Augusto : Des Saisons du Paradis jusqu'à ses quelques rumeurs en passant par sa vision de l'avenir de Nintendo

Par babidu - Le 16/11/2021 à 00:00

 

Après avoir travaillé dans un magasin de jeux vidéo à partir de 1994 à puis avoir fait un crochet par la télévision en produisant des émissions télévisées pour M6 et Canal +, Nico Augusto s'est d'abord approché du versant médiatique du jeu vidéo en intégrant régulièrement l'équipe de podcasteurs du site gameblog.fr.
Finalement la tentation de passer carrément de l'autre côté en produisant lui-même son jeu vidéo. S'entourant de toute une équipe il fonde Any Arts Productions et ambitionne de créer Seasons of Heaven. Avant cela, le studio pratique le « Work for Hire » en produisant des assets graphiques, des animations ou même encore des scénarios pour d'autres studios de jeux vidéo.
En voulant développer son idée de jeu-vidéo, il du rédiger un document pour présenter ses intentions, son univers mais aussi ses personnages. De ce document un véritable livre est né, « Les Saisons du Paradis » furent autopubliées en juillet 2016, le jeu vidéo tiré du livre s'annonça sur Nintendo Switch en décembre 2016, soit trois mois avant la sortie officielle de la console.
Entre reports, annulation et rumeurs diverses, Nico Augusto nous a accordé un entretien exclusif sur son parcours, sur le jeu et la connexion entre littérature et jeu vidéo qu'il trace et bien sûr sur sa chaîne Youtube et les nombreux leaks desquels il est à l'origine. En voici la retranscription, vous pouvez évidemment retrouvez l'intégralité de cet entretien en vidéo en cliquant ci-dessous. 

Les images d'illustrations proviennent du jeu Seasons of Heaven, de la page Facebook d'Any Arts Productions et des éditions Exergue

I°) Comment lier le jeu vidéo et la littérature ?

J'ai voulu savoir si l'ambition de lier la littérature avec Les Saisons du Paradis et le jeu vidéo avec Seasons of Heavens était née au fur et à mesure ou bien si c'était quelque chose de voulue dès le début du processus créatif. 
« C'est une réflexion qui s'est faite naturellement. J'ai toujours été fasciné par l'écriture, je n'ai pas un parcours professionnel d'écrivain ou même ce genre d'études mais j'étais surtout bon dans les langues et l'histoire à l'école. Le Français et l'histoire c'était vraiment les deux matières qui me passionnait et j'écrivais moi-même de temps en temps des petites fictions pour moi, pas pour les publier. C'est un événement personnel dans ma vie qui m'a donné envie de passer de lecteurs à reprendre la plume, j'avais un chien qui était gravement malade, on lui donnait quelques années de vie et lorsque l'on est confronté au fait qu'il ne reste pas longtemps à une personne ou à un animal, il se développe quelque chose, une extrême empathie, un lien fort. Et lorsqu'avec mon épouse, on a perdu ce chien, j'ai eu envie d'écrire une histoire en le faisant revenir à la vie.
Au tout début je voulais en faire un jeu vidéo mais je ne savais qu'écrire, un petit peu produire aussi après avoir produit pour Canal, mais je ne sais pas développer, je ne sais pas programmer, ce ne sont pas mes corps de métier. En ayant cette idée de faire un jeu, au début celui-ci n'avait absolument rien à voir avec ce qu'on a essayé de faire à la fin, et en étant seul il a fallu que j'essaie d'écrire un document pour aller chercher des gens dont je n'ai pas les compétences, des dessinateurs, des programmeurs ou encore des développeurs, il fallait donc absolument que je raconte une histoire. J'aime autant les gens à gameplay que les jeux narratifs, l'histoire est donc née à ce moment-là, lorsqu'il fallait un document à partager à d'autres corps de métier. L'un des premiers artistes avec lequel j'ai travaillé c'est Papayou (@
PapayouFR), c'est lui qui le premier à dessiner des personnages, qui a mis les premières couleurs.
L'histoire au début était toute petite mais je suis moi-même tombé amoureux de ces personnages, de Yann et d'Ani, l'histoire a pris une ampleur assez dingue, j'ai commencé à écrire des pages et des pages et finalement des chapitres... je me suis dit que tout ça ne rentrera jamais dans le jeu ! C'est devenu un énorme lore dans lequel je tente de raconter, au travers de personnages fictifs, ma vision du monde qui nous entoure. Le livre, dont le second tome sortira en avril, est assez inspiré d'auteurs qui m'ont marqué tels Murakami, Barjavel, Tolkien ou encore Hugo... Tous ces auteurs m'ont marqué et de façon très humble j'ai tenté d'écrire un premier bouquin. »

C'est donc le projet de créer un jeu vidéo qui a donné naissance au livre « Les Saisons du Paradis » et non l'inverse comme c'est souvent l'usage.

« Le livre et le jeu se nourrissent, je racontais certaines choses dans le jeu qui ne sont pas dans le livre. Je ne sais pas si un jour le jeu pourra sortir, c'est un vrai challenge, après si le jeu n'arrive jamais il y a d'autres moyens pour raconter ces choses inédites au jeu, le film d'animation par exemple. Il y avait des choses particulières dans le jeu que l'équipe du jeu et moi-même voulions laisser la liberté au joueur de découvrir. Le livre vient de mon envie de partager mon désir de créer un jeu auprès d'autres professions. »

Après avoir rappelé à Nico que son jeu Seasons of Heavens avait mis internet en émoi lors de son annonce en décembre 2016 en étant annoncé comme le premier jeu sur Nintendo Switch trois mois avant la sortie de la console (qui à ce moment n'avait pas de date). Nico m'a rappelé que non, Seasons of Heaven n'est pas officiellement le premier jeu annoncé sur Nintendo Switch, celui-ci étant officiellement Dragon Quest XI qui fut annoncé en juillet 2015 sur Nintendo NX (le nom de code de la Nintendo Switch).

II °) Ses relation avec Nintendo

Au moment de l'annonce du jeu en décembre 2016 le studio est fermé depuis quelques mois et les équipes ont quitté Los Angele depuis le 15-16 mai 2016. Si le studio continue à travailler à distance, l'activité principale sur le jeu est arrêtée. C'est parce qu'ils sont approchés par des investisseurs intéressés par le jeu qu'ils révèlent officiellement Seasons of Heaven
« Les investisseurs nous ont dit qu'ils voulaient que l'on révèle le jeu pour savoir si potentiellement les joueurs étaient intéressés. Il ne faut pas oublier que notre protagoniste principale, Yann, est un enfant autiste et que cela pose tout un ensemble de questions, à cette époque les publishers se sont souvent posé la question de savoir s'il fallait vraiment mettre un personnage handicapé en protagoniste.
Il a donc fallu que l'on demande à Nintendo l'autorisation de révéler que le jeu arrivera sur leur console (Ndlr : La Nintendo Switch venait à peine d'être révélée au monde et ne disposait pas encore de date de sortie précise) en sachant que nous n'avions pas de devkit, d'ailleurs peu de studios hors contrats avec Nintendo en possédaient à ce moment-là. Mais nous avions une très bonne relation avec Nintendo, ils étaient venus chez nous en décembre 2015 dans nos studios et en ayant eu une très bonne relation avec eux pendant plus de quatre ans, notamment avec l'un des responsables business de Nintendo of America, c'est lui d'ailleurs qui nous a permis d'avoir ce rendez-vous avec Nintendo. Il y avait des gens de Nintendo of America mais aussi d'autres personnes qui venaient de Kyôto. La seule condition de Nintendo pour que l'on puisse révéler que nous travaillions sur leurs prochaines consoles c'était que nous ne devions pas utiliser le logo Nintendo Switch dans cette bande-annonce. Je pense qu'ils se laissaient l'exclusivité d'utiliser ce logo et eux seuls.
Par contre, j'ai eu plus de soucis avec Nintendo quelques mois plus tard, avec des photos que j'avais partagées suite à une vague insistante de haine autour du jeu, nous nous étions donc dit avec mon équipe que nous allions partager quelques photos pour montrer que tout était vrai. Sur ces photos partagées sur mon compte, on voit des gens de mon équipe mais aussi des gens de chez Nintendo et ça, ça ne leur a pas plu. Ils voulaient que ce genre de réunions entre eux et nous devaient rester secret, Nintendo sont très secrets sur leurs méthodes.
Nous avons aussi eux de bonnes relations avec Sony Santa Monica qui eux aussi ont suivi le développement du jeu qui s'est déroulé de fin 2013 jusqu'à fin 2016. Comme Nintendo ils sont venus dans nos studios jouer au jeu, Nintendo n'a pas voulu y jouer car ils savaient que le jeu n'avait pas encore passé l'étape du critical path, à savoir que sans avoir pu faire le debug nous en tant que développeurs nous savions exactement où aller dans la démo pour pas que celle-ci ne se mette à bugguer. Suite à un premier rendez-vous qui s'était bien passé avec Nintendo of America ils ont organisé une réunion avec des personnes de Nintendo of Kyôto dans nos bureaux. Et avant de commencer à montrer le jeu, les personnes de chez Nintendo nous ont demandé s'ils pouvaient nous prendre en photo pour Miyamoto. Ils ont un côté très humains tout en étant extrêmement secret, nous avions pu jouer à Smash, boire du saké avec eux et aller au restaurant, c'était vraiment une journée extraordinaire avec ces personnes de chez Nintendo dont des développeurs de Majora's Mask ou encore 1080°.

III°) Pourrait-on voir le grand retour de Seasons of Heaven avec notamment l'arrivée imminente du second tome ?

Si le développement du jeu n'a pas abouti faute de financement, Nico nous a révélé que l'avenir du jeu ne dépend qu'uniquement d'un apport financier.
« Demain je pourrais avoir le feu vert d'un éditeur pour relancer le développement mais seulement si j'avais la capacité de financer moi-même la moitié du développement. Dans l'état le jeu coûterait, avec certains compromis, 2,5 millions d'euros, du coup il faudrait avancer le premier million d'euros . Où les trouver ? Chez les investisseurs ? On a déjà tout écumé, c'est très compliqué de trouver des investisseurs. Sinon un kickstarter, on ne l'a jamais fait mais, bien qu'on nous l'ait souvent demandé, c'est un sacré challenge les kickstarter.
Pour avoir produit des émissions télévisées sans l'aide du CNC, je sais à quel point c'est difficile de se faire financer sur des projets qui dépassent 300 000 euros. C'est plus facile de financer un jeu vidéo en dessous de 300 000 euros, car le risque est minimum, que le retour sur investissement sera très rapide et que le jeu touchera un parc mobile, le parc de la Nintendo Switch et du PC.
Nous par contre, avec Seasons of Heaven, nous sommes dans un autre budget, au-dessus de 300 000 euros mais en dessous des 10 millions, les fameux «under ten », qu'on appelle les AA (double A). Les AA sont les jeux les plus difficiles à financer, en raison du fait que cette catégorie de jeux dispose rarement d'une campagne médiatique importante, de plus les éditeurs n'aiment pas l'entre-deux. Le marché entre les jeux indépendants et les AAA est plutôt mort depuis la fin de la Xbox 360. Un AA, en 3 dimensions avec un esprit open-world, fait un petit peu peur aux éditeurs, même si ça fait aussi rêver les joueurs. Si demain il y a une vague de joueurs qui réclament un kickstarter, peut-être qu'on irait monter une campagne en trouvant un éditeur par la même occasion. Mais une campagne kickstarter, c'est long, c'est fastidieux et ça coûte aussi de l'argent. L'équipe originale est toujours prête à retourner sur le jeu. »

Nico a aussi tenu à revenir sur le fait que Seasons of Heaven n'est pas uniquement son jeu mais aussi le travail d'une équipe, il réfute le terme « jeu d'auteur ».
« L'équipe de développement ont tous mis un peu d'eux dans le jeu, je ne suis pas adepte de la starification. On a trop tendance à oublier que dans le développement d'un jeu, il y a une vraie synergie collective entre les membres d'une équipe. Quand tu as l'expérience du livre, tu en es encore plus conscient, un livre ça s'écrit seul, le livre il ne faut pas avoir honte de dire que c'est toi qui l'as fait. Par contre un documentaire, un film, une série télévisée ou encore un jeu c'est un développement collectif. Il y a beaucoup de choses dans le jeu qui ont été initiés par un animateur, par le directeur artistique ou encore par le producteur créatif !  Il faut aussi rappeler que dans le jeu vidéo, la moindre idée doit être prototypée et que du coup, tout de suite le prix de développement monte. »

Il est alors revenu sur le leak orchestré du jeu qui a donné lieu à cette vague de haine envers lui, reprochant au jeu de ne pas exister, ou d'être une arnaque.
« Il y a eu un leak orchestré qui a mal tourné. La personne qui a leak ne devait faire que quelques screens et finalement a filmer des choses qu'elle ne devait pas filmer. C'est pour cela que nous avons donné l'exclusivité à Gameblog pour faire les choses proprement. Nous ne les avons pas payé ou quoi que ce soit. Personne de notre équipe n'aurait pu imaginer l'ampleur que cela à prit. Nous pensions. Encore aujourd'hui nous avons notamment des journalistes qui nous demandent où est le jeu, s'ils peuvent en parler. J'évoquerais le jeu que si un jour il est financé et que nous avons le feu vert pour lancer le développement.
La sortie du second tome du livre en avril n'a pas vraiment de lien avec le développement du jeu même si effectivement il y a une forme d'accélération ces derniers mois. C'est surtout un désir de sortir la suite après 6 années d'écritures. »

IV°) Le Lounge de NicoWav et ses rumeurs

Après avoir évoqué sa nouvelle carrière de Youtubeur avec sa chaîne le Lounge de NicoWav, nous avons naturellement poursuivi sur les rumeurs et les potentielles fuites que Nico avait à nous partager en répondant aux passages aux questions de l'équipe posées par Lotario et Guyoon.
Guyoon voulait notamment savoir si le retour des anciennes licences de Nintendo à savoir Cérébrale Académie : bataille de méninges le 3 décembre prochain et ​Advance Wars 1+2: Re-Boot Camp au printemps prochain signifiait que Nintendo allait déterrer ses anciennes licences.
« Absolument, pour moi Nintendo sait qu'ils ne peuvent pas vivre que de Mario, de Pokémon et plus récemment d'Animal Crossing ou de Zelda. »
Ainsi pour lui, Nintendo va devoir utiliser ses licences plus secondaires tels Fire Emblem, Pikmin ou encore Metroid afin de continuer à mettre en avant toutes ses licences et non plus simplement les mêmes. Nico explique clairement sa théorie dans la vidéo en schématisant celle-ci aux « trois bras armés de Nintendo » avec des licences primaires qui doivent s'exporter vers d'autres formes de médias comme sont en train le faire Mario avec le film d'animation qui arrive très bientôt ou encore Pokémon avec toutes ses itérations comme Pokémon Smile ou encore tout le merchandising autour de la licence. Le second bras armé de Nintendo représenterait les licences en passe de devenir aussi populaires que celles du premier bras, tels Splatoon ou encore Metroid et qui ne manquent que d'un petit coup de pouce supplémentaire pour atteindre ce stade. Enfin le dernier bras représenterait les licences nécessitant un retour sur le devant de la scène ou une mise en avant plus poussée pour pouvoir rejoindre le rang des licences du second bras armé et ainsi demeurer pérennes, comme par exemple Advance Wars qui va faire son grand retour sous peu ou encore Warioware qui devrait connaître une mise en avant. Cette théorie est bien mieux expliquée dans la vidéo qu'ici en texte, nous vous encourageons à visionner la vidéo pour mieux comprendre la vision de Nico.

Toujours pour répondre aux questions de l'équipe de Nintendo-Master, Nico a affirmé que le second film (sur cinq d'après lui) en préparation sur une licence de Nintendo ne sera autre que... Donkey Kong. Il affirme aussi qu'un nouvel opus est bel et bien en préparation et devrait arriver être annoncé cette année, il parle ici en année fiscale, à savoir donc d'avril 2021 à avril 2022 en disant cette année.
« Nous sommes en plein milieu du cycle de vie de la Nintendo Switch, des moteurs sont développés, de grosses licences tiers vont arriver en portages, des jeux exclusifs de Capcom, de Square Enix ou encore de Konami arrivent. La Switch a démontré qu'elle était profitable pour les développeurs et qu'elle finirait sa vie à 200 millions d'exemplaires, Nintendo va donc profiter de ce rayonnement pour mettre en lumière son second et son troisième bras armés. »

Concernant le fâcheux sujet des portages des Zelda 3D portés en HD sur Nintendo Switch, à savoir l'arrivée de The Wind Waker HD, de Twilight Princess HD et de versions améliorées d'Ocarina of Time ou de Majora's Mask comme le furent les versions Nintendo 3DS, Nico a tenu à rassurer ceux qui les attendent de pied ferme.
« Je vais le redire Twilight Princess et The Wind Waker sont prêts, je l'avais dit pour Skyward Sword HD, ces deux épisodes reviendront sur Nintendo Switch avec des portages d'Ocarina of Time et de Majora's Masks en temps et en heures. C'est une évidence. Je parle de vrais remakes pour Ocarina of Time et Majora's Mask mais aussi pour d'autres jeux comme Eternal Darkness ou encore Metroid Prime.


Il pense aussi qu'il y aura de nouveaux modèles de Nintendo Switch qui arriveront dans les 4 ans et seront des améliorations du modèle traditionnel.
« Il va y avoir un modèle avec plus de RAM, de CPU. De nouveaux jeux pourront tourner sur ce nouveau modèle à la manière des Iphone, au bout d'un moment les jeux ne tournent plus sur des Iphones plus anciens.
Enfin je pense que Nintendo va ouvrir une nouvelle branche pour aller du côté de l'éducatif, il y a un vrai plaisir d'accompagner éducativement parlant et de façon ludique les gens. Je pense que c'est quelque chose qu'ils vont vraiment mettre en avant dans la décennie à venir, on le voit par exemple avec Pokémon Smile
. »

Dernièrement, il nous a aussi fait part du fait que Nintendo songerait activement à un rachat de Wayforward les développeurs du remake d'Advance Wars et de la saga Shantae et un probable rachat de MercurySteam les développeurs de Castlevania Lors of Shadows : Mirror of Fate et de Metroid II : Samus Returns sur Nintendo 3DS ou encore du dernier hit en date, Metroid Dread sur Nintendo Switch.