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[Complet] Interview du Game Designer de Red Steel 2

Par kraydepor - Le 26/06/2009 à 15:10
Aujourd'hui, et durant toute la semaine, nous vous proposons de vous faire découvrir notre interview de Roman Campos Oriola, Lead Game Designer de Red Steel 2 ! Lors de notre passage chez Ubisoft en mai dernier, pour jouer à ce second opus, nous avons pu discuter avec lui et récolter des informations. Nous vous conseillons de redécouvrir notre reportage et nos impressions sur le peu de temps que nous y avons joué.

Interview réalisée conjointement avec Puissance Nintendo !

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[1ère Partie]


Nintendo Master : Quel est votre rôle au sein du développement de Red Steel 2 ?

R. Campos Oriola : Je suis Game Designer, c'est à dire que j'ai en charge tout ce qui est gameplay donc contrôle du joueur, caméra, action du joueur, IA, combo etc tout ce qui est lié au gameplay et beaucoup moins ce qui est scénario, cinématiques...

Nintendo Master : Vous êtes en quelque sorte le Monsieur Wii Motion Plus dans le développement du jeu ?

R. Campos Oriola : Je suis pas ingé, mais d'un point de vue design, exactement.

Nintendo Master : Comment s'est passé l'intégration du Wii Motion Plus ? Est ce que c'était une idée de départ ?

R. Campos Oriola : Alors en faite, ce qu'il faut savoir, pour Red Steel 2 on a commencé la conception un peu après la sortie de Red Steel 1 mais pas d'une façon "hé, on va faire un 2". On a fait pas mal de prototypes et on a vraiment cherché à trouver quelque chose qui justifie vraiment de faire un vrai 2 et pas juste une version 1.5 où on améliore seulement les contrôles et on rajoute des niveaux. Donc on a passé un an et demi à itérer, à faire des prototypes, à améliorer les contrôles, à chercher des idées pour un gameplay différent. Finalement, quand Nintendo, il y a 6 mois, a annoncé le Wii Motion Plus, on a commencé à regarder ça et on s'est dit OK, il y a moyen de faire un vrai 2 et pas juste une amélioration du premier. Ce qui nous a vraiment intéressé dans le Wii Motion Plus et qui nous a poussé à rendre le jeu exclusif avec l'accessoire, c'est la notion de détecter la puissance du joueur. C'est terminé le "je fais des grands mouvements parce que ça fait jolie de le faire". Non, maintenant on le fait car le jeu demande de le faire. Également, on a pu simplifier et améliorer le passage de l'épée et de l'arme (la visée) grâce au Wii Motion Plus. Une amélioration nette des contrôles hors écran. C'est ces 2 points là qui nous ont convaincu et nous avons pu amener plein de petites choses à coté.

Nintendo Master : Pourquoi avoir déterminé ce style graphique si particulier ?

R. Campos Oriola : Je peux vous faire une première réponse, mais Jason (cf. voir image en fin de news) devrait en parler bien mieux que moi, mais en gros, l'idée c'est qu'on a cherché quelque chose pour se démarquer de l'aspect "next gen". Car le problème de Red Steel 1, c'est qu'on a essayé d'aller dans un aspect shooter réaliste d'un point de vue graphique. Le problème c'est qu'on avait pas les spécificités de la Wii à l'époque et on a vite été comparé à de la PS3 et 360. Donc l'idée, c'est d'aller vers un style joli et intéressant sans être contraint d'essayer de faire quelque chose de réaliste. Aussi, on voulait un setting qui complète vraiment le jeu et complète le perso principal. Quelque chose qui soit vraiment cool.

[2è partie]


Nintendo Master : Reste-t-il un point commun entre le premier opus et ce second volet ?

R. Campos Oriola : Le point commun entre les deux est véritablement le mélange épée/flingue.

Nintendo Master : Avec Red Steel 2 vous semblez avoir trouvé un bon compromis. Si Red Steel 3 il y a, est-ce que l'environnement restera le même ou est-ce que cela importe peu ?

R. Campos Oriola : L'avenir nous le dira (rires). Les piliers de la "marque" Red Steel sont le principe du jeu de combat en première personne avec cette notion de physicalité. C'est avant-tout ça qu'il retranscrirait. Après les settings, les personnages, il peut y avoir un lien ou pas...

Nintendo Master : Cela peut-être un pistolet laser et un sabre laser (rires).

R. Campos Oriola : Et pourquoi pas un pistolet à poudre noire et un sabre bateau ? (rires).

Nintendo Master : Avez vous eu des contraintes techniques pour inclure le Wii MotionPlus ? Est-ce que Nintendo vous a aidé ?

R. Campos Oriola : Oui, sur l'intégration du Wii Motion Plus Nintendo a été assez présent et nous avons beaucoup communiqué avec eux. C'était très appréciable. Très tôt nous avons eu un hardware assez avancé avec surtout une documentation et des outils de développement complets. De ce point de vue là, Nintendo a vraiment été un bon support et nous a permis d'avancer rapidement.

Nintendo Master : Vous avez eu des équipes chez Nintendo ? Vous avez fait des échanges ?

R. Campos Oriola : On a eu des contacts assez soutenus avec Nintendo, mais je n'ai pas trop le droit d'en parler ! (rires)

Nintendo Master : Aviez-vous commencé à travailler sur le Wii Motion Plus avant son annonce ?


R. Campos Oriola : Non, nous avons commencé à travailler dessus à partir de ce moment-là.

Nintendo Master : Pouvez-vous revenir sur le fonctionnement du jeu ? Comment le joueur peut avancer dans le jeu ?


R. Campos Oriola : L'idée est que le jeu est à séparer en deux au niveau de la navigation : des moments plus linéaires comme l'introduction où l'on va guider le joueur avec un objectif principal et des zones un peu plus ouvertes où le joueur va avoir des bases à visiter. De ces bases le joueur pourra prendre des missions et aller explorer les alentours et revenir à chaque fois à ces bases. Avec cette idée que le joueur peut toujours revenir à ses bases et utiliser l'argent récolté pour acheter de nouvelles capacités différentes, des armes...

Nintendo Master : Comment marche ces magasins, ils ne sont situés que dans les bases ?

R. Campos Oriola : On verra plus tard, on ne va pas tout dévoiler tout de suite ! (rires)

[3è Partie]


Nintendo Master : Pourquoi ne pas avoir ajouté un mode multi-joueurs ?

R. Campos Oriola : C’est un choix que l’on a fait assez tôt dans le projet. Ce n’est pas du tout que l’on pense que le multi-joueurs n’est pas cool, au contraire, je serai preneur ! La problématique a été de se demander ce qui, pour nous dans ce jeu là, était la partie la plus importante et à laquelle nous devions nous consacrer complètement. En fait, très tôt, ce qui nous a paru important est le personnage et ce qu’il est capable de faire et derrière l’aventure qu’il allait vivre et la qualité des interactions qu’il allait pouvoir faire. L’aventure solo en somme. Nous avons donc de suite fait le choix de nous concentrer sur cette aventure solo, en mettant toutes les ressources du projet là dessus plutôt que d’avoir un multi moyen et une aventure moins bonne.

Nintendo Master : Vous avez déjà une idée de la durée de vie du jeu ?

R. Campos Oriola : C’est assez difficile de donner un ordre de grandeur. Ce qu’on met avant tout en place est le principe des différents niveaux de difficulté, pas simplement avec des ennemis qui tapent plus fort et le joueur qui a moins de points de vie. Ces niveaux sont vraiment basés sur l’ajout ou la suppression de la nécessité d’action du joueur. Par exemple certains ennemis demandent de faire des parades spécifiques. En "easy", cette nécessité est supprimée. Avec le système de missions, l’idée est aussi d’offrir du contenu additionnel qui ne soit pas sur le chemin critique (passage obligatoire) du joueur pour avoir de la rejouabilité. Tant que nous n’avons pas fini de développer ces aspects, il est difficile d’estimer la durée moyenne du jeu.

Nintendo Master : Nous avons aperçu un élément de gameplay : les "pouvoirs". Pouvez-vous nous en dire davantage ?

R. Campos Oriola : Il faut faire la distinction entre deux choses : il va y avoir de vrais "super-pouvoirs", à la limite du fantastique, que le joueur va être amené à débloquer en fonction du scénario et de sa progression, et il va y avoir toute une série de combos dont le "finish kill" qui est un avant-goût, qui seront eux beaucoup plus nombreux que les pouvoirs du joueur. Ils sont basés sur des petits inputs (par exemple je lâche le bouton et je vais dans une certaine direction, des sortes de petits combos de touches ou de mouvements). Le joueur pourra les combiner un peu comme il veut et pourra les débloquer au fur et à mesure de ses missions et va pouvoir en acheter de façon optionnelle dans les magasins.

Nintendo Master : Avec les combos, le jeu semble assez technique. S’adresse-t-il à un public large ou vraiment au hardcore-gamers ?

R. Campos Oriola : Avant-tout, il faut savoir que la démo présente les différents éléments de manière condensée alors que dans le jeu final, ces éléments seront étalés sur une demi-heure ou une heure de jeu. La démo permet de montrer ce que le jeu permet de faire. Dans le jeu final, cela sera plus délayé pour laisser au joueur le temps de prendre ces choses-là en main. Nous avons fait un choix sur la complexité des contrôles, de proposer par défaut le "lock" des ennemis. Par défaut dans un mode de difficulté assez faible, je n’ai finalement même pas à me soucier de ma main gauche. De ce point de vue là, on met en place un jeu qui est progressif au niveau de la difficulté. Si je veux m’investir plus dans ce que je fais, j’y trouve mon compte. Si je veux juste voir des jolies cinématiques et qu’on me raconte une histoire et envoyer des mecs en l’air, je peux aussi m’y trouver mon compte.

Nintendo Master : Comment réagissez-vous aux ventes en demi-teinte de MadWorld et d’autres jeux "gamers" ? Avez-vous peur pour Red Steel 2 ?

R. Campos Oriola : Je ne dirai pas que cela nous fait peur. On est plutôt déçu qu’il n’ait pas trouvé un public à la hauteur de sa qualité car MadWorld est un super jeu. Ce qu’on remarque pour Red Steel 1, malgré les défauts du titre, est que nous avons eu un bon taux de pénétration car le jeu a une promesse qui appelle le hardcore-gamer qui sommeille en nous et que le jeu parle aussi à un plus grand nombre. Cette notion de Katana, ce côté un peu western avec des flingues, fait davantage "rêver" que du gore. C’est aussi pour ça que nous n’allons pas dans le gore ou le démembrement parce que, effectivement cela fait rêver le hardcore, mais cela fait moins rêver le plus grand nombre.

Nintendo Master : Le problème de MadWorld est qu’il s’adressait à un public trop restreint ?

R. Campos Oriola : On essaie d’aller dans un aspect un peu plus grand public. L’avenir nous dira si c’est perçu comme cela mais personnellement j’ai l’impression qu’un jeu basé sur l’univers western et sur les films asiatiques n’est pas spécialement grand public, enfin davantage grand public mais pas dans le sens péjoratif habituel. Dans le cinéma cette connotation n’existe pas. L’exemple de Kill Bill est frappant : il s’agit d’un film de nerd avec du sang, mais il a été finalement très grand public parce que le film asiatique de sabre est quelque chose qui est rentré dans les moeurs. Avec notre setting, l’idée est de faire appel à ces trucs cool de western et en même temps d’apporter des éléments qui ramènent à la réalité. Ce n’est pas dans le futur mais maintenant, un maintenant un peu changé mais cela reste maintenant (il y a des distributeurs de canettes par exemple). On essaie d’en donner un peu pour rêver tout en gardant quelque chose qui permet de te dire que je sais où je suis. C’est une approche différente de MadWorld.

[Dernière Partie]


Nintendo Master : Le personnage est amené à explorer. Est-ce qu'il aura des moyens de se déplacer plus vite, avec des véhicules par exemple ?

R. Campos Oriola : (rires) Pour l'instant je ne peux pas faire de commentaire là-dessus. Ce qu'on a présenté concerne les 10 premières minutes de jeu. Ce que je peux vous dire de sûr c'est que nous n'allons pas faire n heures de jeux avec "juste" ça. Je ne peux pas griller toutes mes cartouches de suite !

Nintendo Master : Nous avons vu que la jauge de vie se recharge toute seule après chaque combat. Est-ce qu'il y a une évolution au niveau de cette barre ?

R. Campos Oriola : Pour revenir sur la mécanique des magasins, le joueur ne va pas simplement être capable d'acheter de nouvelles armes, de les upgrader mais il sera aussi capable d'améliorer son joueur en tant que tel, c'est-à-dire du classique j'augmente ma barre de vie ou je rajoute de l'armure et d'autres choses à découvrir plus tard.

Nintendo Master : Revenons au style graphique. Cela ressemble fort à du cel-shading ?

R. Campos Oriola : En fait le cel-shading est devenu un mot qui veut dire tout et n'importe quoi. A la base, il s'agit d'une technique d'éclairage, avec des aplats de couleur. On ne fait pas de cel-shading. On a des textures dessinées, pas basées sur des photos, qui donnent ce rendu plutôt cartoon/comics. Le cel-shading sont des faces en aplats de couleur, avec du détourage. Nous n'avons pas été dans ce sens là mais notre objectif était d'aller vers du comics, vers les BD américaines.

Nintendo Master : Dans Red Steel 1, on se souvient de phases très belles. Pour le 2, les graphismes semblent avoir été beaucoup travaillés. Est-ce que vous pensez être arrivé maintenant au plafond de la Wii ?


R. Campos Oriola : C'est difficile de dire car ce qu'on voit dans la vie d'une console est que le plafond de la machine augmente tous les 6 mois. Maintenant, pour la connaissance qu'on a de la console, on pense être allé assez loin. L'évolution que j'ai vue entre le moteur de Red Steel 1 et 2 est que l'on en voit beaucoup plus, déjà, au niveau de la qualité des textures. Par contre on ne peut pas affirmer avoir atteint les limites de la machine. Ce qu'on a essayé de faire avec Red Steel 2 est de mettre le plus de ressources possibles sur les ennemis, sans trop dégrader les décors, c'est pour cela d'ailleurs que les scènes de combat sont moins détaillées qu'une phase d'exploration. Je suis très fier, d'un point de vue technique, d'être à 60 frames par seconde alors que Red Steel 1 plafonnait à 30. C'est un aspect extrêmement important pour ce qui est déplacement du pointeur. De ce point de vue là, on a beaucoup évolué. Il faut savoir que plusieurs ennemis peuvent vous attaquer en simultané, 2 en visuel et 1 par derrière. Dans la même zone il peut bien sûr y avoir davantage d'ennemis qui s'échangent "le droit" d'attaque pour dynamiser les combats.

Nintendo Master : Merci d'avoir répondu à nos questions !

R. Campos Oriola : Merci à vous !